Interview de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, à LCI le 19 juin 2002, sur la stratégie de l'UMP et le calendrier des réformes gouvernementales, notamment les mesures pour faciliter l'emploi des jeunes.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

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A. Hausser - On va parler de l'Union pour la majorité présidentielle dans un instant. Mais je voudrais que vous nous disiez d'abord votre sentiment sur la réaction de Bruxelles, qui décrète qu'il n'est pas possible de baisser la TVA de la restauration, de la ramener de 19,6 à 5,5 % avant 2004. Autrement dit, une promesse électorale ne pourrait pas être appliquée ?
- "Nous nous sommes engagés à baisser la TVA sur la restauration et donc, nous allons le faire. Nous savions aussi que ce serait compliqué, qu'il y a une longue procédure européenne : il faut convaincre la Commission, les quatorze Etats membres. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous n'avons pas attendu les élections législatives pour lancer cette procédure. Aujourd'hui, qu'un commissaire européen dise que ce sera difficilement tenable - c'est sa phrase exacte - pour le 1er janvier 2003, c'est un élément que nous n'ignorons pas. Cela ne nous empêche pas de nous battre pour essayer d'y arriver pour le 1er janvier 2003. Et si on n'y arrive pas pour le 1er janvier 2003, ce sera pour le 1er janvier 2004. Il y a déjà des Etats européens qui ont obtenu satisfaction sur cette demande, donc il n'y a aucune raison pour que la France n'y parvienne pas."
Vous imaginez l'impatience des restaurateurs ?
- "Bien sûr, mais tout le monde est impatient. Ceci étant, tout le monde sait, les restaurateurs comme nous-mêmes, que cela ne se décide pas simplement à Paris et qu'il y a des contraintes européennes liées à l'harmonisation. Mais, encore une fois, la décision n'est pas prise et nous avons bien l'intention d'obtenir une décision positive."
Est-ce qu'il en va de même pour l'équilibre des finances ? Là aussi, l'objectif de 2004 va sans doute être difficile à atteindre avec le financement des mesures promises pendant cette campagne. On va passer outre ?
- "Le président de la République a dit que les engagements seraient tenus ; les engagements de la France seront tenus."
C'est tout ?
-"C'est une décision qui sera prise entre les représentants des Etats européens. Les discussions vont s'engager dans quelques jours. Nous, nous avons notre position et nous tiendrons nos engagements."
On va parler de l'Union pour la majorité présidentielle. La direction provisoire s'est mise en place hier, présidée par A. Juppé. Tout ceci est un peu à marche forcée ; on a l'impression qu'on veut éluder le débat démocratique qui avait pourtant était promis...
- "D'abord, ça ne se fait pas à marche forcée. Cela fait des mois qu'on essaye de construire cette Union. Elle a été, au début, assez conflictuelle : il y avait beaucoup d'opposants à cette idée. On était finalement très peu nombreux à vouloir construire un grand parti moderne de la droite et du centre. Progressivement, on a été rejoints par presque la totalité des représentants de la droite aujourd'hui. Le résultat de l'élection législative a montré que nous étions dans la bonne voie, que c'était au fond un bon projet. Maintenant, il faut le mettre en oeuvre."
Mais la droite est généralement unie pour les élections législatives.
- "On ne l'a jamais été autant. C'est la première fois qu'on va avoir un groupe unique à l'Assemblée nationale parce qu'on va siéger dans le même groupe. On met en place une direction provisoire parce qu'on ne peut pas, en quelques jours, organiser un nouveau parti, des nouveaux statuts, une consultation démocratique des militants. Mais à l'automne se tiendra une convention, qui sera démocratiquement désignée pour élire un président, pour élire une structure."
Un président qui est déjà désigné !
- "Non, il y a un président provisoire. Il faut bien qu'il y ait quelqu'un qui conduise la maison d'aujourd'hui jusqu'au mois d'octobre. Personne ne sait comment faire autrement pour construire une nouvelle formation politique. Il faut adopter des statuts - il y a encore un débat sur les statuts : quelle sera la place des courants dans ces statuts ? Tous ces débats-là, nous allons les avoir pendant l'été et moi, je me réjouis qu'A. Juppé ait accepté une tâche difficile, ingrate, qui est de conduire cette construction d'une nouvelle formation politique destinée à donner à notre pays une stabilité qu'il n'a pas depuis très longtemps. Au fond, tous les autres grands pays européens ont deux grands partis politiques qui alternent au pouvoir. C'est ce qui fait la démocratie apaisée."
Et ce ne sera pas seulement une écurie présidentielle ?
- "Non, ça ne sera pas seulement une écurie présidentielle. D'ailleurs, comment voulez-vous que ce soit une écurie présidentielle avec autant de personnalités qui sont réunies à l'intérieur d'une même formation politique ?!"
L'UMP doit désigner son président de groupe aujourd'hui. Là, il n'y a pas de problème puisqu'apparemment il n'y a qu'un candidat. En revanche, elle est maître du jeu pour la présidence de l'Assemblée nationale. Il y a deux candidats : J.-L. Debré et E. Balladur. Est-ce qu'on peut vous demander qui a votre faveur ?
- "Vous imaginez bien que le Gouvernement ne va pas prendre position dans un débat qui est un débat interne à l'Assemblée nationale."
Vous étiez député il n'y a pas si longtemps.
- "Mais je ne le suis plus. Ce que je sais simplement, c'est que quel que soit le choix de la majorité, nous aurons un excellent président de l'Assemblée nationale."
Votre secteur est un secteur très délicat : vous êtes le ministre des Affaires sociales et aussi de la cohésion sociale. Or vous allez passer des moments difficiles ; tout le monde vous les prédit. Vous terminez aujourd'hui votre concertation avec les représentations syndicales ; aujourd'hui, c'est le Medef, qu'est-ce que vous allez dire aux patrons ?
- "Je la termine demain, en réalité. Je reçois le Medef aujourd'hui. Je vais leur dire exactement la même chose que ce que j'ai dit aux autres organisations syndicales. C'est-à-dire que je vais leur proposer l'agenda social du Gouvernement, c'est-à-dire une méthode de travail et un calendrier des réformes. Ce calendrier des réformes est arrêté. C'est-à-dire que nous voulons, cet été, mettre en place les mesures pour faciliter l'embauche des jeunes dans les entreprises."
Ce sont des emplois-jeunes transformés ?
- "Ce ne sont pas des emplois-jeunes. D'abord, c'est dans le secteur privé. C'est la grande différence avec les emplois-jeunes de M. Aubry. Et puis, il s'agit de contrats à durée indéterminée et non pas de contrats de cinq ans, comme c'était le cas avec les emplois de M. Aubry. Ensuite, nous voulons entrer dans la négociation sur l'assouplissement des 35 heures, sur la mise en place de l'assurance-emploi, c'est-à-dire d'un compte individuel de formation professionnelle tout au long de la vie. Nous voulons, au début de l'année 2003, mettre en place la modernisation de la démocratie sociale et enfin, aborder la réforme des retraites."
Donc, c'est pour l'année prochaine ou dans deux ans ?
- "Non, ce n'est pas dans deux ans. Pour l'instant, le calendrier que je propose , c'est jusqu'à la fin du premier semestre 2003."
Le Smic : vous attendez d'une part les conclusions du Conseil économique et social sur l'harmonisation des Smic - puisqu'il y en a quatre je crois. Est-ce que vous attendez aussi les résultats de l'audit pour savoir s'il faut donner un coup de pouce ou est-ce que le coup de pouce est exclu et on augmente les salaires - puisque c'est de cela qu'il s'agit - par d'autres moyens ?
- "C'est lundi prochain que la commission de la négociation collective prendra une décision sur ce sujet. Après, le Gouvernement prendra une décision après avoir entendu les partenaires sociaux. Ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est que le Smic augmentera au moins de 2,4%, ce qui est le plancher. Pour le reste, le plus important pour nous aujourd'hui, c'est d'organiser la convergence des Smic, c'est-à-dire de sortir de cette situation invraisemblable créée par les lois Aubry, dans lesquelles il y a des salariés qui sont moins payés que d'autres en faisant le même travail, parce que leur entreprise est rentrée plus tard dans le dispositif. Pour organiser cette convergence, j'ai effectivement demandé au Conseil économique et social une consultation. Mais vous voyez bien que toute décision qui accroîtrait l'écart entre les Smic rendrait les choses plus difficiles. C'est dans cet état d'esprit que j'aborde la négociation avec les organisations syndicales."
Concrètement, décision quand ?
- "Lundi."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 juin 2002)