Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis, Cher-e-s Camarades,
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui, à l'occasion de ce grand et beau rendez-vous annuel de la fête de l'Humanité. Et très heureux de vous retrouver ici, au stand du Conseil national du parti communiste, avec Marie-George Buffet, notre secrétaire nationale.
Et puis je veux aussi rassurer celles et ceux qui se sont " inquiétés " - avec plus ou moins de bienveillance - de mon silence ces dernières semaines. Je vais vous faire une confidence : j'étais en vacances, en famille. Des vacances dont j'ai consacré une large part à réfléchir sur les résultats des scrutins d'avant l'été et particulièrement les résultats du parti communiste. Il m'a semblé que ce temps de la réflexion était indispensable, plutôt que de repartir " la fleur au fusil ", comme si rien ne s'était passé, comme d'autres - c'est leur choix - ont décidé de faire.
Mais, évidemment, je suis communiste et comme tous les communistes je veux, en même temps, poursuivre ce travail d'analyse et me battre contre la politique de revanche sociale que la droite et le MEDEF ont engagée. Et, dans l'urgence aujourd'hui, tout faire pour conjurer une guerre annoncée aux conséquences les plus lourdes. Une très large partie de mon propos sera consacrée à cette question internationale majeure.
C'est par des actes d'une violence extrême, une vision de chaos que s'est ouvert le 21ème siècle.
Et nous voilà confrontés, aujourd'hui même, à la menace d'une nouvelle guerre, d'une expédition militaire de grande envergure des Etats-Unis contre l'Irak. Ainsi, de la légitime nécessité pour la communauté internationale d'agir contre les organisations terroristes, leurs réseaux, leurs financements, leurs inspirateurs, on est passé, en ce lendemain du 11 septembre 2001, à un discours sur la guerre globale, la guerre "contre le Mal". Une guerre, par définition, sans fin et sans limite.
Nous avons exprimé, en son temps, notre compassion à l'égard des victimes des épouvantables attaques terroristes perpétrées à New York et Washington, et notre solidarité avec le peuple américain. Nous avons dit notre révolte contre l'ignominie de ces actes barbares, notre refus de céder aux idéologies qui les inspirent, et notre détermination à relever le défi que représente leur influence pour les forces démocratiques, progressistes, révolutionnaires dans le monde.
Et nous avons dit, aussi, que ce défi ne pouvait être relevé de façon strictement militaire, et qu'il fallait résolument s'attaquer à tout ce qui alimente les dominations subies et les frustrations éprouvées par les peuples dont les aspirations à la souveraineté et à la démocratie, au progrès social, au respect de leur culture et de leur environnement, continuent d'être ignorées et le plus souvent, même, méprisées. C'est sur ce terreau, fait de désespoir et d'impuissance, que certains prétendent légitimer le recours à la violence aveugle.
C'est pourquoi, à la différence de ceux qui s'exclamaient "nous sommes tous américains", j'en appelais l'an dernier, ici même, à tirer comme leçon des tragiques événements que nous venions de vivre : "nous sommes tous des citoyens du monde", pour le meilleur et en l'occurrence, pour le pire.
Alors que se multiplient les déclarations va-t-en-guerre, la question n'est pas de savoir si l'on est " pro " ou " anti-américain "!
Le formidable déploiement militaire, l'explosion du budget du Pentagone, la doctrine de "stratégie préventive", l'usage systématique de la force ne sont absolument pas de nature à contribuer à la solution des tensions, des fractures, des violences du monde.
Nous avons alerté sur les risques majeurs dont est porteur l'avertissement américain selon lequel "qui n'est pas avec nous est contre nous". Une telle posture est inacceptable dans son principe. Plus encore : si elle suscite tant de réactions, si elle est "insupportable", c'est qu'elle est en contradiction de plus en plus aiguë avec l'impérieuse nécessité de mise en commun, de partage, de démocratie, telle que la ressentent de plus en plus d'êtres humains à travers le monde.
Pour Monsieur Bush l'aventure militaire en Irak est quasi fatale. Elle est indissociable de sa volonté de conforter l'hégémonie américaine sur la mondialisation capitaliste, à travers le contrôle des richesses pétrolières de cette région du monde, particulièrement en Irak.
C'est pourquoi, accepter de la Maison Blanche l'usage unilatéral de la force, ce serait piétiner les règles du droit international qui limitent -à défaut de l'empêcher- l'arbitraire de la puissance, au moment où plus que jamais il faut au contraire affirmer la primauté du droit et de la politique sur le recours à la force.
C'est dans ces termes, et à partir de ces enjeux qu'est posée la question de la guerre ou de la paix au Moyen-Orient. Et, je veux le dire avec la plus extrême netteté rien, absolument rien ne justifie une intervention militaire américaine en Irak. Fut-elle, ou non, entreprise avec l'aval de l'ONU, exigé par Georges Bush pour la légitimer.
On en mesure les conséquences potentielles parmi les populations de la région. Toutes les frustrations, les exaspérations que j'évoquais précédemment ne pourraient que croître dangereusement.
De ce point de vue, les mises en garde se multiplient. De la part du secrétaire général de l'ONU, d'une majorité de pays et au sein même de l'administration américaine. Massivement, les opinions publiques y sont opposées.
En Europe, de fidèles alliés s'inquiètent jusqu'à manifester une opposition catégorique, comme en Allemagne, ainsi que l'a confirmé le chancelier Schröder après le discours de Georges Bush. En France, dans un premier temps, les prises de position du Président de la République, Jacques Chirac, s'opposant à toute initiative unilatérale, ont incontestablement pesé. Elles correspondent à ce que pensent les Français, et à l'intérêt de notre pays. Mais précisément : ce même intérêt exige de tenir ferme - y compris au Conseil de sécurité de l'ONU - afin que le dernier mot reste à l'action politique et diplomatique, pour la reprise des inspections de l'ONU en Irak.
Or, je veux y insister, le risque est grand de voir notre pays changer de posture pour s'enrôler, purement et simplement, derrière la bannière américaine.
J'ai entendu Alain Juppé et le ministre français des Affaires étrangères se féliciter du discours du Président des Etats-Unis.
Moi, ce discours m'inquiète sérieusement.
Au-delà de quelques habiletés de langage, Georges Bush appelle l'ONU à se ranger à ses raisons et à approuver ses intentions belliqueuses. Et quoiqu'il en soit des décisions des Nations Unies, les choses sont claires : l'armée américaine frappera l'Irak. J'ai aujourd'hui le sentiment que les dirigeants français sont résolus à s'aligner sur les positions américaines et qu'ils ont commencé à préparer à ce scénario une opinion publique qui y est largement hostile.
Disant cela, je ne fais pas de procès d'intention. Je fonde mon propos sur des choses lues et entendues. Et j'estime qu'il est de mon devoir de dire que si le Président de la République et la droite se mettaient au garde-à-vous devant Georges Bush, alors ce serait le pire abandon d'une certaine idée de la France dans le monde. Non, Monsieur le Président de la République, ne faisons pas jouer à la France le rôle de supplétif des Etats-Unis.
Je sais que de France, d'Europe et d'un peu partout dans le monde des voix s'élèvent pour dénoncer les risques incalculables d'une intervention militaire en Irak. Pour le peuple irakien, déjà accablé par la sanglante dictature de Sadam Hussein et par les conséquences de l'embargo, et dont nous sommes solidaires, ainsi que des populations du Kurdistan ; pour le Proche Orient et pour les peuples palestiniens et israéliens, qui verraient s'éloigner davantage la perspective d'une issue politique conforme à leurs aspirations à la souveraineté et à la paix ; pour la situation dans le monde arabe où la colère des peuples pourrait donner une vigueur nouvelle à l'activité des partisans du terrorisme. Et plus généralement pour la communauté internationale dans ses rapports à l'hyper puissance américaine.
Eh bien je pense que le moment est à organiser la convergence de ces voix, qui plaident pour que la politique et le droit l'emportent sur la force brutale.
Les communiste français s'y emploient ici même, à la fête de l'Humanité, avec la pétition qu'ils proposent depuis hier.
Et, pour ma part, je vais multiplier dès à présent les contacts, en Europe, avec des personnalités de la vie publique qui expriment leur refus d'une intervention militaire américaine pour des raisons proches des nôtres.
Je voulais dire ceci, devant vous, cher(e)s ami(e)s et camarades, parce que j'ai la conviction, vous l'avez compris, qu'il est urgent d'engager de telles initiatives. Je le répète : c'est notre devoir, à nous toutes et tous qui agissons pour une Europe au service d'un nouvel ordre dans les relations internationales, fondé sur la primauté du droit et de la politique, la valorisation du multi-latéralisme, un rôle revalorisé des Nations Unies et la recherche de convergences dans le dialogue avec les pays du Sud.
Un mot, encore, à propos de la politique de la France. Alors que tant de voix appellent à la raison contre les risques graves d'une expédition militaire en Irak, on annonce une augmentation substantielle des dépenses militaires avec notamment le lancement d'un nouveau porte-avions et d'un sous marin nucléaire porteur de missiles.
Au moment où le gouvernement de droite s'emploie à réduire les dépenses sociales, alors que tant de besoins restent à satisfaire dans l'Education nationale, dans la santé, dans la recherche ou la culture, cette annonce de Monsieur Raffarin est une véritable provocation.
Qu'est-ce qui peut justifier une telle augmentation des crédits militaires ? Prétend-on lutter contre les menaces terroristes avec de nouveaux missiles ? Prétend-on régler la fracture Nord-Sud par des expéditions armées ? Est-ce la leçon que l'on tire du 11 septembre ? N'est-ce pas la responsabilité de la France et des Européens de refuser la militarisation des relations internationales, de s'opposer à une nouvelle course aux armements, ruineuse et dangereuse, que rien ne justifie ? Disons-le avec gravité : nous assistons depuis quelques jours à une inflexion inquiétante de la politique étrangère de la France.
Nous nous opposerons très fermement à cet alignement français sur le modèle américain qui ne fait qu'attiser les risques et les menaces, et nous agirons pour que l'Europe soit porteuse d'une nouvelle sécurité, pour elle-même et pour le monde.
Je veux évoquer, aussi, l'exigence d'initiatives politiques et diplomatiques, de la France en tout premier lieu, et de l'Europe, afin d'enrayer l'engrenage sanglant au Proche-Orient. Il faut hâter la reprise d'un dialogue conséquent -sur la base des propositions saoudiennes, par exemple- débouchant sur des négociations et un accord solide consacrant la création d'un Etat palestinien viable dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, accompagné des garanties de sécurité légitimes pour les deux Etats et les deux peuples.
J'insiste : c'est la construction de l'Europe qui est ici en jeu.
Une construction européenne que pour notre part, communistes français, nous voulons placer sous le signe de la transformation sociale et de l'ouverture au monde.
Car notre vision communiste, n'est pas synonyme de repli ou d'accompagnement, pour les rendre un peu moins douloureux, des dégâts du capitalisme mondialisé.
Elle est issue de l'héritage et du patrimoine des communistes français. Elle est nourrie, indissociablement, d'une dimension internationale, de la nécessité de coopérations de plus en plus étroites avec d'autres forces sociales et politiques attachées, elles aussi, en Europe et dans le monde, à la construction d'une alternative au capitalisme.
Et c'est à partir des nécessités à long terme et des urgences que nous voulons déployer nos efforts
C'est dans cet esprit que les communistes seront présents et actifs dans le débat engagé sur l'élargissement de l'Europe en 2004. Ils seront porteurs d'idées, de propositions, d'initiatives afin d'opérer des ruptures claires avec la logique de Maastricht, et pour fonder autrement l'Europe élargie.
Disant cela, je n'oppose pas, on l'aura compris, la dimension européenne au travail propre sur les réponses transformatrices à apporter à la politique en France, ni aux indispensables initiatives à prendre à une échelle plus large.
Je pense à l'attention qu'il convient de porter aux coopérations avec les forces progressistes de notre voisinage méditerranéen, sans lequel on ne peut penser l'Europe, particulièrement dans ce moment de tensions au Proche et au Moyen-Orient.
Je pense aussi à cette relation privilégiée, et renouvelée, avec l'Afrique, et les progressistes de ce continent. Eux aussi sont à la recherche d'alternatives à la mondialisation capitaliste. Je le redis ici, avec force, comme à Bamako au printemps dernier: l'Afrique est pour nous une priorité. Priorité de solidarité. Priorité dans l'effort pour construire ce mouvement susceptible de faire reculer toutes les dominations, et ouvrant une perspective à toutes celles et ceux qui ne renoncent pas à "changer le monde".
Nous étions à Johannesburg. Nous serons de tous les débats, de tous les rassemblements, avec notre apport original, qui mettent au cur de leur action le besoin de rendre la politique et le pouvoir aux citoyens.
Vous le voyez, nous ne manquons ni d'ambition, ni de détermination. Certains s'en étonnent. D'autant plus qu'ils tiennent à intervalles réguliers - c'est le cas en ce moment - la chronique de la mort annoncée du communisme français.
En vérité, c'est surtout la volonté de voir s'installer dans notre pays, à l'instar de beaucoup d'autres, un modèle politique " bipolaire ", étranger à notre démocratie, qu'ils expriment ainsi. Car pour permettre une alternance tranquille, sans enjeux véritables, entre une droite libérale et une gauche social-libérale il faut la disparition ou, à tout le moins, la marginalisation absolue du parti communiste. Seulement, il y a aussi, comme le dit le poète "les durs pépins de la réalité".
J'ai dit récemment ma conviction qu'en ce 21éme siècle débutant commençait une immense bataille dont nul ne peut prévoir l'issue.
Le capitalisme mondialisé est responsable de gâchis économiques, humains, environnementaux considérables, sans précédent.
On me dira " ce n'est pas nouveau " ; " le capitalisme c'est par définition la domination et l'exploitation ". Si, c'est nouveau ! En cela que l'accumulation des problèmes que je viens d'évoquer ne constitue pas une simple crise du système, un soubresaut douloureux mais passager, semblable à d'autres qui ont jalonné le développement du capitalisme.
Aujourd'hui, c'est de l'avenir même de la civilisation, de l'organisation de la vie en société dans toutes ses dimensions qu'il est question.
Où que l'on se trouve, quelque problème que l'on doive affronter, c'est à ce que j'ai nommé la " civilisation marchande " que l'on se heurte. Partout s'impose la loi implacable de l'argent qui fait de toute activité, de tout acte de création, de tous les êtres humains de simples marchandises dont on ne juge qu'en fonction du critère de la rentabilité financière.
Et c'est donc bien, dès lors, à un " saut de civilisation " qu'il faut travailler. C'est à cela que doit, selon moi, s'appliquer la politique.
Et c'est au service de cette conception et de cette pratique profondément renouvelée de la politique que le parti communiste veut être utile.
Permettez-moi une courte citation de ce que je disais à ce propos il y a quelques jours, dans l'Humanité :
Nous faisons " le choix de l'ouverture vers celles et ceux qui refusent de se soumettre à la mondialisation capitaliste et cherchent une autre voix pour l'avenir. Le choix de donner corps, avec elles et eux, en France, en Europe et dans le monde, à un projet transformateur qui sera pleinement le leur, et de mener ensemble des luttes sociales, économiques, politiques, électorales pour résister, mais aussi pour arracher des avancées sur lesquelles s'appuyer pour aller de l'avant et, ensemble, changer le monde ".
Je viens de parler des luttes électorales. Elles imposent souvent des alliances politiques, dont il a été beaucoup question ces temps derniers. Je fais deux remarques de ce point de vue.
D'abord les communistes français ne sont nullement disponibles pour je ne sais quelle construction nouvelle qui exigerait leur dissolution dans la social-démocratie. Et pas davantage pour la constitution d'une formation à la " gauche de la gauche ", anti-capitaliste peut-être, mais véhémente et impuissante sans doute.
D'autre part, et en termes d'alliances politiques, nous ne serons pas d'un " remake " de l'expérience que les Françaises et les Français ont sanctionné durement au printemps dernier. Faire ainsi, ce serait leur signifier que décidément, à gauche, on ne veut pas les entendre !
Un dernier mot : qu'il s'agisse de la réflexion sur l'alternative politique à la droite libérale comme de l'action contre les mesures qu'elle met en uvre avec une brutalité inouïe, le parti communiste est et sera incontournable.
Et je crois pouvoir vous l'annoncer : le discours que prononcera Marie-George Buffet demain à 16 heures, sur la scène centrale de la fête de l'Humanité, en apportera une preuve particulièrement combative.
(source http://www.pcf.fr, le 16 septembre 2002)
Chers Amis, Cher-e-s Camarades,
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui, à l'occasion de ce grand et beau rendez-vous annuel de la fête de l'Humanité. Et très heureux de vous retrouver ici, au stand du Conseil national du parti communiste, avec Marie-George Buffet, notre secrétaire nationale.
Et puis je veux aussi rassurer celles et ceux qui se sont " inquiétés " - avec plus ou moins de bienveillance - de mon silence ces dernières semaines. Je vais vous faire une confidence : j'étais en vacances, en famille. Des vacances dont j'ai consacré une large part à réfléchir sur les résultats des scrutins d'avant l'été et particulièrement les résultats du parti communiste. Il m'a semblé que ce temps de la réflexion était indispensable, plutôt que de repartir " la fleur au fusil ", comme si rien ne s'était passé, comme d'autres - c'est leur choix - ont décidé de faire.
Mais, évidemment, je suis communiste et comme tous les communistes je veux, en même temps, poursuivre ce travail d'analyse et me battre contre la politique de revanche sociale que la droite et le MEDEF ont engagée. Et, dans l'urgence aujourd'hui, tout faire pour conjurer une guerre annoncée aux conséquences les plus lourdes. Une très large partie de mon propos sera consacrée à cette question internationale majeure.
C'est par des actes d'une violence extrême, une vision de chaos que s'est ouvert le 21ème siècle.
Et nous voilà confrontés, aujourd'hui même, à la menace d'une nouvelle guerre, d'une expédition militaire de grande envergure des Etats-Unis contre l'Irak. Ainsi, de la légitime nécessité pour la communauté internationale d'agir contre les organisations terroristes, leurs réseaux, leurs financements, leurs inspirateurs, on est passé, en ce lendemain du 11 septembre 2001, à un discours sur la guerre globale, la guerre "contre le Mal". Une guerre, par définition, sans fin et sans limite.
Nous avons exprimé, en son temps, notre compassion à l'égard des victimes des épouvantables attaques terroristes perpétrées à New York et Washington, et notre solidarité avec le peuple américain. Nous avons dit notre révolte contre l'ignominie de ces actes barbares, notre refus de céder aux idéologies qui les inspirent, et notre détermination à relever le défi que représente leur influence pour les forces démocratiques, progressistes, révolutionnaires dans le monde.
Et nous avons dit, aussi, que ce défi ne pouvait être relevé de façon strictement militaire, et qu'il fallait résolument s'attaquer à tout ce qui alimente les dominations subies et les frustrations éprouvées par les peuples dont les aspirations à la souveraineté et à la démocratie, au progrès social, au respect de leur culture et de leur environnement, continuent d'être ignorées et le plus souvent, même, méprisées. C'est sur ce terreau, fait de désespoir et d'impuissance, que certains prétendent légitimer le recours à la violence aveugle.
C'est pourquoi, à la différence de ceux qui s'exclamaient "nous sommes tous américains", j'en appelais l'an dernier, ici même, à tirer comme leçon des tragiques événements que nous venions de vivre : "nous sommes tous des citoyens du monde", pour le meilleur et en l'occurrence, pour le pire.
Alors que se multiplient les déclarations va-t-en-guerre, la question n'est pas de savoir si l'on est " pro " ou " anti-américain "!
Le formidable déploiement militaire, l'explosion du budget du Pentagone, la doctrine de "stratégie préventive", l'usage systématique de la force ne sont absolument pas de nature à contribuer à la solution des tensions, des fractures, des violences du monde.
Nous avons alerté sur les risques majeurs dont est porteur l'avertissement américain selon lequel "qui n'est pas avec nous est contre nous". Une telle posture est inacceptable dans son principe. Plus encore : si elle suscite tant de réactions, si elle est "insupportable", c'est qu'elle est en contradiction de plus en plus aiguë avec l'impérieuse nécessité de mise en commun, de partage, de démocratie, telle que la ressentent de plus en plus d'êtres humains à travers le monde.
Pour Monsieur Bush l'aventure militaire en Irak est quasi fatale. Elle est indissociable de sa volonté de conforter l'hégémonie américaine sur la mondialisation capitaliste, à travers le contrôle des richesses pétrolières de cette région du monde, particulièrement en Irak.
C'est pourquoi, accepter de la Maison Blanche l'usage unilatéral de la force, ce serait piétiner les règles du droit international qui limitent -à défaut de l'empêcher- l'arbitraire de la puissance, au moment où plus que jamais il faut au contraire affirmer la primauté du droit et de la politique sur le recours à la force.
C'est dans ces termes, et à partir de ces enjeux qu'est posée la question de la guerre ou de la paix au Moyen-Orient. Et, je veux le dire avec la plus extrême netteté rien, absolument rien ne justifie une intervention militaire américaine en Irak. Fut-elle, ou non, entreprise avec l'aval de l'ONU, exigé par Georges Bush pour la légitimer.
On en mesure les conséquences potentielles parmi les populations de la région. Toutes les frustrations, les exaspérations que j'évoquais précédemment ne pourraient que croître dangereusement.
De ce point de vue, les mises en garde se multiplient. De la part du secrétaire général de l'ONU, d'une majorité de pays et au sein même de l'administration américaine. Massivement, les opinions publiques y sont opposées.
En Europe, de fidèles alliés s'inquiètent jusqu'à manifester une opposition catégorique, comme en Allemagne, ainsi que l'a confirmé le chancelier Schröder après le discours de Georges Bush. En France, dans un premier temps, les prises de position du Président de la République, Jacques Chirac, s'opposant à toute initiative unilatérale, ont incontestablement pesé. Elles correspondent à ce que pensent les Français, et à l'intérêt de notre pays. Mais précisément : ce même intérêt exige de tenir ferme - y compris au Conseil de sécurité de l'ONU - afin que le dernier mot reste à l'action politique et diplomatique, pour la reprise des inspections de l'ONU en Irak.
Or, je veux y insister, le risque est grand de voir notre pays changer de posture pour s'enrôler, purement et simplement, derrière la bannière américaine.
J'ai entendu Alain Juppé et le ministre français des Affaires étrangères se féliciter du discours du Président des Etats-Unis.
Moi, ce discours m'inquiète sérieusement.
Au-delà de quelques habiletés de langage, Georges Bush appelle l'ONU à se ranger à ses raisons et à approuver ses intentions belliqueuses. Et quoiqu'il en soit des décisions des Nations Unies, les choses sont claires : l'armée américaine frappera l'Irak. J'ai aujourd'hui le sentiment que les dirigeants français sont résolus à s'aligner sur les positions américaines et qu'ils ont commencé à préparer à ce scénario une opinion publique qui y est largement hostile.
Disant cela, je ne fais pas de procès d'intention. Je fonde mon propos sur des choses lues et entendues. Et j'estime qu'il est de mon devoir de dire que si le Président de la République et la droite se mettaient au garde-à-vous devant Georges Bush, alors ce serait le pire abandon d'une certaine idée de la France dans le monde. Non, Monsieur le Président de la République, ne faisons pas jouer à la France le rôle de supplétif des Etats-Unis.
Je sais que de France, d'Europe et d'un peu partout dans le monde des voix s'élèvent pour dénoncer les risques incalculables d'une intervention militaire en Irak. Pour le peuple irakien, déjà accablé par la sanglante dictature de Sadam Hussein et par les conséquences de l'embargo, et dont nous sommes solidaires, ainsi que des populations du Kurdistan ; pour le Proche Orient et pour les peuples palestiniens et israéliens, qui verraient s'éloigner davantage la perspective d'une issue politique conforme à leurs aspirations à la souveraineté et à la paix ; pour la situation dans le monde arabe où la colère des peuples pourrait donner une vigueur nouvelle à l'activité des partisans du terrorisme. Et plus généralement pour la communauté internationale dans ses rapports à l'hyper puissance américaine.
Eh bien je pense que le moment est à organiser la convergence de ces voix, qui plaident pour que la politique et le droit l'emportent sur la force brutale.
Les communiste français s'y emploient ici même, à la fête de l'Humanité, avec la pétition qu'ils proposent depuis hier.
Et, pour ma part, je vais multiplier dès à présent les contacts, en Europe, avec des personnalités de la vie publique qui expriment leur refus d'une intervention militaire américaine pour des raisons proches des nôtres.
Je voulais dire ceci, devant vous, cher(e)s ami(e)s et camarades, parce que j'ai la conviction, vous l'avez compris, qu'il est urgent d'engager de telles initiatives. Je le répète : c'est notre devoir, à nous toutes et tous qui agissons pour une Europe au service d'un nouvel ordre dans les relations internationales, fondé sur la primauté du droit et de la politique, la valorisation du multi-latéralisme, un rôle revalorisé des Nations Unies et la recherche de convergences dans le dialogue avec les pays du Sud.
Un mot, encore, à propos de la politique de la France. Alors que tant de voix appellent à la raison contre les risques graves d'une expédition militaire en Irak, on annonce une augmentation substantielle des dépenses militaires avec notamment le lancement d'un nouveau porte-avions et d'un sous marin nucléaire porteur de missiles.
Au moment où le gouvernement de droite s'emploie à réduire les dépenses sociales, alors que tant de besoins restent à satisfaire dans l'Education nationale, dans la santé, dans la recherche ou la culture, cette annonce de Monsieur Raffarin est une véritable provocation.
Qu'est-ce qui peut justifier une telle augmentation des crédits militaires ? Prétend-on lutter contre les menaces terroristes avec de nouveaux missiles ? Prétend-on régler la fracture Nord-Sud par des expéditions armées ? Est-ce la leçon que l'on tire du 11 septembre ? N'est-ce pas la responsabilité de la France et des Européens de refuser la militarisation des relations internationales, de s'opposer à une nouvelle course aux armements, ruineuse et dangereuse, que rien ne justifie ? Disons-le avec gravité : nous assistons depuis quelques jours à une inflexion inquiétante de la politique étrangère de la France.
Nous nous opposerons très fermement à cet alignement français sur le modèle américain qui ne fait qu'attiser les risques et les menaces, et nous agirons pour que l'Europe soit porteuse d'une nouvelle sécurité, pour elle-même et pour le monde.
Je veux évoquer, aussi, l'exigence d'initiatives politiques et diplomatiques, de la France en tout premier lieu, et de l'Europe, afin d'enrayer l'engrenage sanglant au Proche-Orient. Il faut hâter la reprise d'un dialogue conséquent -sur la base des propositions saoudiennes, par exemple- débouchant sur des négociations et un accord solide consacrant la création d'un Etat palestinien viable dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, accompagné des garanties de sécurité légitimes pour les deux Etats et les deux peuples.
J'insiste : c'est la construction de l'Europe qui est ici en jeu.
Une construction européenne que pour notre part, communistes français, nous voulons placer sous le signe de la transformation sociale et de l'ouverture au monde.
Car notre vision communiste, n'est pas synonyme de repli ou d'accompagnement, pour les rendre un peu moins douloureux, des dégâts du capitalisme mondialisé.
Elle est issue de l'héritage et du patrimoine des communistes français. Elle est nourrie, indissociablement, d'une dimension internationale, de la nécessité de coopérations de plus en plus étroites avec d'autres forces sociales et politiques attachées, elles aussi, en Europe et dans le monde, à la construction d'une alternative au capitalisme.
Et c'est à partir des nécessités à long terme et des urgences que nous voulons déployer nos efforts
C'est dans cet esprit que les communistes seront présents et actifs dans le débat engagé sur l'élargissement de l'Europe en 2004. Ils seront porteurs d'idées, de propositions, d'initiatives afin d'opérer des ruptures claires avec la logique de Maastricht, et pour fonder autrement l'Europe élargie.
Disant cela, je n'oppose pas, on l'aura compris, la dimension européenne au travail propre sur les réponses transformatrices à apporter à la politique en France, ni aux indispensables initiatives à prendre à une échelle plus large.
Je pense à l'attention qu'il convient de porter aux coopérations avec les forces progressistes de notre voisinage méditerranéen, sans lequel on ne peut penser l'Europe, particulièrement dans ce moment de tensions au Proche et au Moyen-Orient.
Je pense aussi à cette relation privilégiée, et renouvelée, avec l'Afrique, et les progressistes de ce continent. Eux aussi sont à la recherche d'alternatives à la mondialisation capitaliste. Je le redis ici, avec force, comme à Bamako au printemps dernier: l'Afrique est pour nous une priorité. Priorité de solidarité. Priorité dans l'effort pour construire ce mouvement susceptible de faire reculer toutes les dominations, et ouvrant une perspective à toutes celles et ceux qui ne renoncent pas à "changer le monde".
Nous étions à Johannesburg. Nous serons de tous les débats, de tous les rassemblements, avec notre apport original, qui mettent au cur de leur action le besoin de rendre la politique et le pouvoir aux citoyens.
Vous le voyez, nous ne manquons ni d'ambition, ni de détermination. Certains s'en étonnent. D'autant plus qu'ils tiennent à intervalles réguliers - c'est le cas en ce moment - la chronique de la mort annoncée du communisme français.
En vérité, c'est surtout la volonté de voir s'installer dans notre pays, à l'instar de beaucoup d'autres, un modèle politique " bipolaire ", étranger à notre démocratie, qu'ils expriment ainsi. Car pour permettre une alternance tranquille, sans enjeux véritables, entre une droite libérale et une gauche social-libérale il faut la disparition ou, à tout le moins, la marginalisation absolue du parti communiste. Seulement, il y a aussi, comme le dit le poète "les durs pépins de la réalité".
J'ai dit récemment ma conviction qu'en ce 21éme siècle débutant commençait une immense bataille dont nul ne peut prévoir l'issue.
Le capitalisme mondialisé est responsable de gâchis économiques, humains, environnementaux considérables, sans précédent.
On me dira " ce n'est pas nouveau " ; " le capitalisme c'est par définition la domination et l'exploitation ". Si, c'est nouveau ! En cela que l'accumulation des problèmes que je viens d'évoquer ne constitue pas une simple crise du système, un soubresaut douloureux mais passager, semblable à d'autres qui ont jalonné le développement du capitalisme.
Aujourd'hui, c'est de l'avenir même de la civilisation, de l'organisation de la vie en société dans toutes ses dimensions qu'il est question.
Où que l'on se trouve, quelque problème que l'on doive affronter, c'est à ce que j'ai nommé la " civilisation marchande " que l'on se heurte. Partout s'impose la loi implacable de l'argent qui fait de toute activité, de tout acte de création, de tous les êtres humains de simples marchandises dont on ne juge qu'en fonction du critère de la rentabilité financière.
Et c'est donc bien, dès lors, à un " saut de civilisation " qu'il faut travailler. C'est à cela que doit, selon moi, s'appliquer la politique.
Et c'est au service de cette conception et de cette pratique profondément renouvelée de la politique que le parti communiste veut être utile.
Permettez-moi une courte citation de ce que je disais à ce propos il y a quelques jours, dans l'Humanité :
Nous faisons " le choix de l'ouverture vers celles et ceux qui refusent de se soumettre à la mondialisation capitaliste et cherchent une autre voix pour l'avenir. Le choix de donner corps, avec elles et eux, en France, en Europe et dans le monde, à un projet transformateur qui sera pleinement le leur, et de mener ensemble des luttes sociales, économiques, politiques, électorales pour résister, mais aussi pour arracher des avancées sur lesquelles s'appuyer pour aller de l'avant et, ensemble, changer le monde ".
Je viens de parler des luttes électorales. Elles imposent souvent des alliances politiques, dont il a été beaucoup question ces temps derniers. Je fais deux remarques de ce point de vue.
D'abord les communistes français ne sont nullement disponibles pour je ne sais quelle construction nouvelle qui exigerait leur dissolution dans la social-démocratie. Et pas davantage pour la constitution d'une formation à la " gauche de la gauche ", anti-capitaliste peut-être, mais véhémente et impuissante sans doute.
D'autre part, et en termes d'alliances politiques, nous ne serons pas d'un " remake " de l'expérience que les Françaises et les Français ont sanctionné durement au printemps dernier. Faire ainsi, ce serait leur signifier que décidément, à gauche, on ne veut pas les entendre !
Un dernier mot : qu'il s'agisse de la réflexion sur l'alternative politique à la droite libérale comme de l'action contre les mesures qu'elle met en uvre avec une brutalité inouïe, le parti communiste est et sera incontournable.
Et je crois pouvoir vous l'annoncer : le discours que prononcera Marie-George Buffet demain à 16 heures, sur la scène centrale de la fête de l'Humanité, en apportera une preuve particulièrement combative.
(source http://www.pcf.fr, le 16 septembre 2002)