Déclaration de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la lutte contre les trafics d'armes, l'accumulation et la dissémination des armes lègères et de petit calibre, la collecte des armes dans les zones de tension et de conflit postérieurement à la résolution des crises, New York le 24 septembre 1999.

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Circonstance : 54ème session de l'Assemblée générale des Nations unies (ONU) à New York (Etats-Unis) du 21 au 25 septembre 1999-intervention de M. Josselin devant le Conseil de Sécurité de l'ONU le 24

Texte intégral

Monsieur le Président,
Je tiens tout d'abord à vous remercier vivement pour l'occasion que vous offrez aujourd'hui au Conseil de sécurité d'évoquer la délicate question des conséquences engendrées par l'accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre dans le monde.
Depuis quelque temps, le Conseil de sécurité a, dans l'exercice de ses responsabilités pour la paix et la sécurité internationales, pris la mesure de ce phénomène lié à un changement de nature des conflits qui déchirent de nombreux pays. Plus qu'à des conflits interétatiques opposant des armées régulières - lesquels existent encore mais ne constituent plus qu'une petite proportion des conflits actuels -, on assiste aujourd'hui à la multiplication des conflits internes où s'affrontent des groupes armés plus ou moins structurés et commandés, où la distinction entre combattants et civils s'estompe, où les actions de guérilla remplacent les combats frontaux. Ce type de conflits est le domaine de prédilection des armes légères et de petit calibre adaptées au terrain et aux actions menées, facilement transportables, disséminables et dissimulables. Force est de constater que, depuis plusieurs décennies, les petites armes ont, paradoxalement, surtout si on y inclut les mines antipersonnelles, fait beaucoup plus de victimes - civiles et militaires - que les armes dites de destruction massive.
Ce nouveau défi nécessite une approche à la fois pluridimensionnelle et intégrée. Il n'y a pas de solution globale et unique. Il faut agir dans de nombreux domaines - le désarmement, le maintien et la consolidation de la paix, la lutte contre les grandes organisations criminelles, la responsabilisation des Etats producteurs et des Etats utilisateurs - ; et cela à tous les niveaux : mondial, régional et national.
Je distinguerai plusieurs modes d'action, allant de la prévention à la consolidation de la paix après les conflits.
1) Le premier concerne la recherche d'un meilleur contrôle des transferts légaux des armes légères et de petit calibre, associé au développement de la coopération internationale en matière de lutte contre les trafics illicites.
- Il faut, tout d'abord, assurer un respect scrupuleux des embargos sur les armes décidés par le Conseil de sécurité pour non seulement faire pression sur les belligérants, mais aussi pour tenter d'assécher le flux d'armes qui vient entretenir les conflits.
- En second lieu, le renforcement des cadres législatifs et réglementaires nationaux en matière de transferts d'armes légères et de petit calibre doit retenir toute notre attention. La prise en considération par les Etats de leurs responsabilités et de leurs devoirs en cette matière permettra d'obtenir un meilleur contrôle de tous les transferts légaux et une application plus rigoureuse des embargos sur les armes.
- C'est ensuite l'adoption de codes de conduite régionaux ou de moratoires volontaires sur ces transferts -et je songe à celui qu'ont récemment décidé les membres de la CEDEAO- qui pourraient inciter les Etats à faire preuve d'une plus grande retenue en la matière et permettre une certaine moralisation. L'Union européenne, pour sa part, a adopté en décembre 1998 une action commune relative à sa contribution à la lutte contre l'accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre. D'autre part l'Union européenne a adopté un code de conduite sur les exportations d'armes qui permet de conditionner la délivrance d'autorisations d'exportation au respect de critères relatifs aux droits de l'homme.
- Enfin, la conclusion du protocole relatif à la fabrication et au trafic illicite des armes à feu, de leurs munitions et autres matériels connexes, additionnel à la future Convention des Nations Unies relative à la lutte contre la criminalité organisée transnationale, devrait nous permettre de disposer d'un instrument adapté à la lutte contre une forme particulièrement inquiétante de criminalité.
- Mais il faut aller plus loin. La tenue, au plus tard en 2001, sous l'égide des Nations Unies, d'une conférence internationale sur le commerce illicite des armes légères et de petit calibre, sous tous ses aspects, que la Suisse se propose d'organiser à Genève, nous en offrira l'occasion. La France souhaite apporter une contribution importante à ces travaux. Elle réfléchit dès aujourd'hui à l'élaboration d'une convention internationale, aux effets juridiquement contraignants, relative à un des aspects particuliers de la question, le marquage des armes légères et de petit calibre. Une telle disposition nous mettrait en mesure de mieux cerner la production et la circulation des petites armes, d'assurer de meilleures conditions de sécurité dans la gestion des stocks et de remonter les filières empruntées par les trafics.
2) La gestion des situations post-conflits constitue un autre volet de la lutte contre les effets de l'accumulation et de la diffusion déstabilisatrices de petites armes. Cela veut dire concrètement plusieurs choses :
- D'abord collecter les armes souvent conservées par les ex-combattants et disséminées dans la population civile, les neutraliser et, de préférence, les détruire pour éviter qu'elles ne retombent entre les mains de factions combattantes comme on l'a malheureusement vu récemment. De tels programmes doivent être systématiquement prévus dans des accords de paix mettant fin à des conflits internes et inclus dans les mandats d'opérations de maintien de la paix.
- Ces actions de collecte des armes doivent aller de pair avec la démobilisation des ex-combattants et leur réinsertion dans la vie civile.
J'ajouterai qu'il est de la responsabilité de tous d'assurer que ces opérations bénéficient des moyens humains, techniques et financiers adéquats. A cet égard, les contributions volontaires, si elles permettent d'enclencher rapidement de telles actions, ne peuvent constituer la seule source de financement . Elles sont par définition trop aléatoires. Or, dans plusieurs cas, des programmes de désarmement et de démobilisation ont été élaborés mais n'ont pu être complètement mis en oeuvre faute de ressources suffisantes.
- Dans ce domaine également, il nous faut accorder une attention particulière au sort des enfants-soldats qui sont souvent les derniers à rendre les armes et les premiers à les reprendre. Il faut redonner un sens à leur vie.
Monsieur le Président,
L'an passé le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 1209 consacrée aux mouvements illicites d'armes en Afrique. Or l'Afrique, si elle est cruellement exposée, n'est pas le seul continent concerné : dans les Balkans, en Asie du sud et sud-est, on a vu récemment encore les ravages causés par la dissémination de petites armes dans les zones de tension et de conflit. Il était donc nécessaire et opportun que le Conseil de sécurité traitât du problème dans sa dimension universelle. Tel est l'objet de la déclaration présidentielle que nous allons adopter et dont mon pays espère qu'elle constituera un nouvel élément de mobilisation et d'action de la communauté internationale pour enrayer les effets de l'accumulation et de la diffusion déstabilisatrices des petites armes.
Je vous remercie Monsieur le Président.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 1999)