Texte intégral
R. Elkrief A. Duhamel disait il y a un instant : "J.-P. Raffarin c'est l'anti-Juppé, c'est l'anti-Balladur, c'est aussi l'anti-Jospin". C'est pour ça qu'il est populaire ?
- "La chance de J.-P. Raffarin, c'est qu'il n'est pas connu. C'est un atout qui ne dure pas dans la fonction de Premier ministre. C'est ensuite que les épreuves commencent. Et si je me souviens, il y a maintenant sept ans, A. Juppé était très populaire, quand il a été nommé à Matignon, encore plus que monsieur Raffarin..."
Il était connu, lui, pourtant...
- "Pas encore. Il n'avait été que ministre du Budget, fut un temps, puis des Affaires étrangères. Et quand il est arrivé à Matignon, ce fut, là aussi, un signe de renouveau par rapport à d'autres. De la même manière, lorsque J.-P. Raffarin a été nommé plutôt que N. Sarkozy, cela a pu peut-être apparaître comme un élément de décrispation. N'empêche que la réalité ensuite, elle est là. C'est elle qui fait la discrimination entre le populaire et l'impopulaire. Or, J.-P. Raffarin est pour l'instant dans le temps des annonces. Il prépare non pas une action gouvernementale, mais une élection. Et après le temps des annonces, bien sûr, si les électeurs leur en donne mandat, il y aura les temps des décisions douloureuses. Et déjà elles pointent : on nous annonce, après la consultation à 20 euros, une augmentation des cotisations sociales. On nous dit qu'il y aura un audit et qu'il sera publié, comme par hasard, après les élections législatives, alors qu'on connaît toutes les dimensions de la gestion des Finances publiques. Et cet audit n'est là que pour préparer les diminutions de dépenses ici, les déremboursements ailleurs. C'est-à-dire une remise en cause des services publics."
Depuis quelques jours, là, parce que vous aussi vous faites campagne et vous conduisez, bien sûr, celle du PS, vous dites : le nouveau Gouvernement, c'est la régression sociale, le désordre social. Revenons tout de même aux 20 euros : apparemment, y compris la CNAM, dit aujourd'hui que cette augmentation peut être autofinancées, s'il y a des bonnes pratiques appliquées par les médecins. Sur les 35 heures apparemment, il y a un projet de loi qui se prépare - il n'y a pas de remise en cause fondamentale, il y aura quelques modifications, un assouplissement. Vous ne voulez pas nous faire peur, vous ne voulez pas agiter des épouvantails un peu, pour nous inquiéter, alors que ce n'est pas si grave ?
- "Je pense que le rôle d'une campagne électorale, c'est de dire la vérité. Or, le Gouvernement Raffarin ne dit pas la vérité, ne dit pas comment seront effectivement financées les dépenses de Sécurité sociale, 20 euros ou pas 20 euros. Car il y aura un déficit important de la Sécurité sociale, notamment de l'assurance-maladie à la fin de l'année. Le gouvernement Raffarin ne dit pas comment il va compenser la baisse de l'impôt sur le revenu pour les plus favorisés, puisqu'il s'agit de 5 % sur notamment les contributions des ménages les plus favorisés de notre pays. Le gouvernement Raffarin..."
Il affirme que cela se fera par des économies...
- "Il ne dit pas quelles sont les économies qui devront être faites. Aujourd'hui, on nous annonce plus de dépenses... Cet après-midi, il va y avoir la communication, après le Conseil des ministres, de la loi de programmation sur la sécurité et sur la justice, qu'il faut faire sans doute. Mais on nous annonce donc plus de dépenses. On nous dit "moins d'impôts" ; on nous dit "des consultations à 20 euros" ; on nous suggère peut-être même qu'il y aura des baisses de cotisations sociales ici ou là pour le patronat, en échange de je ne sais quoi... Et le lendemain de l'élection, ce que nous pouvons déjà percevoir, c'est l'augmentation des cotisations sociales. C'est un ministre du Gouvernement, et pas n'importe lequel qui l'a dit, monsieur Dutreil. Ensuite, c'est la remise en cause d'un certain nombre de mesures sur les 35 heures ; ça a été le moratoire qui a été annoncé par monsieur Mattéi dans l'hôpital public. On nous dit maintenant qu'il va y avoir un projet de loi, c'est ce dit monsieur Fillon, bien sûr, après les élections, pour remettre en cause le régime des heures supplémentaires. Donc, d'un côté, ce sont des annonces flatteuses, parce que nous sommes en campagne électorale et de l'autre, c'est la préparation de décisions douloureuses. Cela s'appelle de la schizophrénie politique."
Vous dites cela alors que, finalement, apparemment, les Français n'ont pas l'air si inquiet. Les trois sondages indiquent, aujourd'hui, que la droite pourrait bien gagner les législatives et 55 % des Français souhaitent même que la droite gagne. Après tout, vous avez perdu au premier tour de l'élection présidentielle et, aujourd'hui, la donne est changée et vous naviguez à contre courant ?
- "Nous ne sommes pas favoris de l'élection, si c'est cela que vous nous faire dire : c'est vrai, après le premier tour de la présidentielle..."
Et même peut-être que votre discours n'est pas si audible ?
- "Nous devons aussi faire des propositions, vous avez raison. Des propositions sur l'emploi, parce que cela reste une préoccupation majeure des Français. Je note que ce n'est pas du tout dans le discours gouvernemental. La formation professionnelle et la formation permanente, c'est une grande idée que nous lançons dans cette campagne. La hausse du pouvoir d'achat : là aussi, je crois, qu'il faut entendre les messages qui nous ont été adressés, notamment sur les plus bases rémunérations, les conditions du service public pour réduire les inégalités. C'est quand même aussi cela la peur qui a été exprimée dans l'élection. Il faut de la solidarité à travers des services sans doute beaucoup plus personnalisés qu'on ne l'a fait jusqu'à présent. Et enfin, le respect - on n'en parle peu aussi et c'est pour cela que nous devons le faire à gauche - de l'exigence démocratique, de l'éthique publique, parce qu'il y a là aussi, pour nous, une leçon de ce que faisait L. Jospin."
A quoi faites-vous allusion précisément ?
- "Je veux dire par là que nous revenons à des instructions individuelles en matière de justice. Ce qui avait été formellement repoussé par L. Jospin pendant cinq ans. Il y a maintenant une tolérance à l'égard des ministres mis en examen..."
Vous demandez la démission de R. Donnedieu de Vabres, qui est ministre des Affaires européennes et qui est mis en examen ?
- "Je ne demande rien. Ce n'est pas à moi de faire..."
Mais c'est votre rôle d'opposant ?
- "Ce n'est pas à moi à prendre des décisions à la place du Gouvernement. Ce que je veux simplement dire, c'est qu'il existait des pratiques, en tout cas ces dernières années : par rapport à l'intervention de la justice dans les dossiers individuelles, cela était formellement prohibé. C'est maintenant toléré. Et deuxièmement, il existait une pratique, qui était d'ailleurs empruntée avant que nous ne venions aux responsabilités..."
A E. Balladur et P. Bérégovoy...
- "Quand un ministre est mis en examen, il ne peut pas rester dans sa fonction. Nous verrons bien qu'elles seront les décisions qui seront prises par le Gouvernement. Mais je veux dire que nous, dans cette campagne, nous devons affirmer ces quatre principes : emploi - et donc le volet formation qui nous paraît essentiel -, service public, pouvoir d'achat et exigences démocratiques. C'est aussi cela une campagne électorale. Ce n'est pas simplement de faire peur, mais c'est aussi de donner des raisons de voter pour nous."
En même temps, lorsque vous regardez le sondage paru dans Le Monde, hier, et qui explique que 1 Français sur quatre est d'accord avec le FN et en son sein, 35 % d'ouvriers, est-ce que cela ne veut pas dire que malgré tous ces mots, c'est un grave échec de la gauche, après cinq ans de pouvoir, ne l'oublions pas ?
- "Le FN est né en 1997 ? J'ai cru comprendre qu'il était né en 1983, à un haut niveau et qu'il était déjà à plus de 15 % en 1995. Je pense qu'il n'y a pas, là, à imputer ceci à telle ou telle formation politique. Pourquoi ? Il y a un mal à l'aise dans notre pays par rapport à ce qu'est son identité, son avenir. Il y a une difficulté à vivre ensemble. Je crois qu'il faut en prendre toute la mesure. Nous l'avons fait à travers nos analyses du scrutin, notamment du premier tour. Il faut agir sur les causes mêmes du phénomène. Il ne s'agit pas de prohiber ici...."
Ni d'interdire le FN comme la demandé J.-L. Mélenchon ? Vous êtes contre ?
- "Il ne s'agit pas de prendre des mesures qui seraient purement législatives ou constitutionnelles. On n'interdit pas. On essaye de lutter contre les causes mêmes des phénomènes - et elles sont nombreuses. Précisément, je trouve que depuis un mois on fait comme si rien ne s'était passé, comme si rien n'avait été adressé. Il faut absolument faire en sorte que dans les quartiers, notamment populaires - vous parliez des ouvriers -, il puisse y avoir le retour à la règle mais aussi à une qualité de vie qui manque cruellement."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 mai 2002)
- "La chance de J.-P. Raffarin, c'est qu'il n'est pas connu. C'est un atout qui ne dure pas dans la fonction de Premier ministre. C'est ensuite que les épreuves commencent. Et si je me souviens, il y a maintenant sept ans, A. Juppé était très populaire, quand il a été nommé à Matignon, encore plus que monsieur Raffarin..."
Il était connu, lui, pourtant...
- "Pas encore. Il n'avait été que ministre du Budget, fut un temps, puis des Affaires étrangères. Et quand il est arrivé à Matignon, ce fut, là aussi, un signe de renouveau par rapport à d'autres. De la même manière, lorsque J.-P. Raffarin a été nommé plutôt que N. Sarkozy, cela a pu peut-être apparaître comme un élément de décrispation. N'empêche que la réalité ensuite, elle est là. C'est elle qui fait la discrimination entre le populaire et l'impopulaire. Or, J.-P. Raffarin est pour l'instant dans le temps des annonces. Il prépare non pas une action gouvernementale, mais une élection. Et après le temps des annonces, bien sûr, si les électeurs leur en donne mandat, il y aura les temps des décisions douloureuses. Et déjà elles pointent : on nous annonce, après la consultation à 20 euros, une augmentation des cotisations sociales. On nous dit qu'il y aura un audit et qu'il sera publié, comme par hasard, après les élections législatives, alors qu'on connaît toutes les dimensions de la gestion des Finances publiques. Et cet audit n'est là que pour préparer les diminutions de dépenses ici, les déremboursements ailleurs. C'est-à-dire une remise en cause des services publics."
Depuis quelques jours, là, parce que vous aussi vous faites campagne et vous conduisez, bien sûr, celle du PS, vous dites : le nouveau Gouvernement, c'est la régression sociale, le désordre social. Revenons tout de même aux 20 euros : apparemment, y compris la CNAM, dit aujourd'hui que cette augmentation peut être autofinancées, s'il y a des bonnes pratiques appliquées par les médecins. Sur les 35 heures apparemment, il y a un projet de loi qui se prépare - il n'y a pas de remise en cause fondamentale, il y aura quelques modifications, un assouplissement. Vous ne voulez pas nous faire peur, vous ne voulez pas agiter des épouvantails un peu, pour nous inquiéter, alors que ce n'est pas si grave ?
- "Je pense que le rôle d'une campagne électorale, c'est de dire la vérité. Or, le Gouvernement Raffarin ne dit pas la vérité, ne dit pas comment seront effectivement financées les dépenses de Sécurité sociale, 20 euros ou pas 20 euros. Car il y aura un déficit important de la Sécurité sociale, notamment de l'assurance-maladie à la fin de l'année. Le gouvernement Raffarin ne dit pas comment il va compenser la baisse de l'impôt sur le revenu pour les plus favorisés, puisqu'il s'agit de 5 % sur notamment les contributions des ménages les plus favorisés de notre pays. Le gouvernement Raffarin..."
Il affirme que cela se fera par des économies...
- "Il ne dit pas quelles sont les économies qui devront être faites. Aujourd'hui, on nous annonce plus de dépenses... Cet après-midi, il va y avoir la communication, après le Conseil des ministres, de la loi de programmation sur la sécurité et sur la justice, qu'il faut faire sans doute. Mais on nous annonce donc plus de dépenses. On nous dit "moins d'impôts" ; on nous dit "des consultations à 20 euros" ; on nous suggère peut-être même qu'il y aura des baisses de cotisations sociales ici ou là pour le patronat, en échange de je ne sais quoi... Et le lendemain de l'élection, ce que nous pouvons déjà percevoir, c'est l'augmentation des cotisations sociales. C'est un ministre du Gouvernement, et pas n'importe lequel qui l'a dit, monsieur Dutreil. Ensuite, c'est la remise en cause d'un certain nombre de mesures sur les 35 heures ; ça a été le moratoire qui a été annoncé par monsieur Mattéi dans l'hôpital public. On nous dit maintenant qu'il va y avoir un projet de loi, c'est ce dit monsieur Fillon, bien sûr, après les élections, pour remettre en cause le régime des heures supplémentaires. Donc, d'un côté, ce sont des annonces flatteuses, parce que nous sommes en campagne électorale et de l'autre, c'est la préparation de décisions douloureuses. Cela s'appelle de la schizophrénie politique."
Vous dites cela alors que, finalement, apparemment, les Français n'ont pas l'air si inquiet. Les trois sondages indiquent, aujourd'hui, que la droite pourrait bien gagner les législatives et 55 % des Français souhaitent même que la droite gagne. Après tout, vous avez perdu au premier tour de l'élection présidentielle et, aujourd'hui, la donne est changée et vous naviguez à contre courant ?
- "Nous ne sommes pas favoris de l'élection, si c'est cela que vous nous faire dire : c'est vrai, après le premier tour de la présidentielle..."
Et même peut-être que votre discours n'est pas si audible ?
- "Nous devons aussi faire des propositions, vous avez raison. Des propositions sur l'emploi, parce que cela reste une préoccupation majeure des Français. Je note que ce n'est pas du tout dans le discours gouvernemental. La formation professionnelle et la formation permanente, c'est une grande idée que nous lançons dans cette campagne. La hausse du pouvoir d'achat : là aussi, je crois, qu'il faut entendre les messages qui nous ont été adressés, notamment sur les plus bases rémunérations, les conditions du service public pour réduire les inégalités. C'est quand même aussi cela la peur qui a été exprimée dans l'élection. Il faut de la solidarité à travers des services sans doute beaucoup plus personnalisés qu'on ne l'a fait jusqu'à présent. Et enfin, le respect - on n'en parle peu aussi et c'est pour cela que nous devons le faire à gauche - de l'exigence démocratique, de l'éthique publique, parce qu'il y a là aussi, pour nous, une leçon de ce que faisait L. Jospin."
A quoi faites-vous allusion précisément ?
- "Je veux dire par là que nous revenons à des instructions individuelles en matière de justice. Ce qui avait été formellement repoussé par L. Jospin pendant cinq ans. Il y a maintenant une tolérance à l'égard des ministres mis en examen..."
Vous demandez la démission de R. Donnedieu de Vabres, qui est ministre des Affaires européennes et qui est mis en examen ?
- "Je ne demande rien. Ce n'est pas à moi de faire..."
Mais c'est votre rôle d'opposant ?
- "Ce n'est pas à moi à prendre des décisions à la place du Gouvernement. Ce que je veux simplement dire, c'est qu'il existait des pratiques, en tout cas ces dernières années : par rapport à l'intervention de la justice dans les dossiers individuelles, cela était formellement prohibé. C'est maintenant toléré. Et deuxièmement, il existait une pratique, qui était d'ailleurs empruntée avant que nous ne venions aux responsabilités..."
A E. Balladur et P. Bérégovoy...
- "Quand un ministre est mis en examen, il ne peut pas rester dans sa fonction. Nous verrons bien qu'elles seront les décisions qui seront prises par le Gouvernement. Mais je veux dire que nous, dans cette campagne, nous devons affirmer ces quatre principes : emploi - et donc le volet formation qui nous paraît essentiel -, service public, pouvoir d'achat et exigences démocratiques. C'est aussi cela une campagne électorale. Ce n'est pas simplement de faire peur, mais c'est aussi de donner des raisons de voter pour nous."
En même temps, lorsque vous regardez le sondage paru dans Le Monde, hier, et qui explique que 1 Français sur quatre est d'accord avec le FN et en son sein, 35 % d'ouvriers, est-ce que cela ne veut pas dire que malgré tous ces mots, c'est un grave échec de la gauche, après cinq ans de pouvoir, ne l'oublions pas ?
- "Le FN est né en 1997 ? J'ai cru comprendre qu'il était né en 1983, à un haut niveau et qu'il était déjà à plus de 15 % en 1995. Je pense qu'il n'y a pas, là, à imputer ceci à telle ou telle formation politique. Pourquoi ? Il y a un mal à l'aise dans notre pays par rapport à ce qu'est son identité, son avenir. Il y a une difficulté à vivre ensemble. Je crois qu'il faut en prendre toute la mesure. Nous l'avons fait à travers nos analyses du scrutin, notamment du premier tour. Il faut agir sur les causes mêmes du phénomène. Il ne s'agit pas de prohiber ici...."
Ni d'interdire le FN comme la demandé J.-L. Mélenchon ? Vous êtes contre ?
- "Il ne s'agit pas de prendre des mesures qui seraient purement législatives ou constitutionnelles. On n'interdit pas. On essaye de lutter contre les causes mêmes des phénomènes - et elles sont nombreuses. Précisément, je trouve que depuis un mois on fait comme si rien ne s'était passé, comme si rien n'avait été adressé. Il faut absolument faire en sorte que dans les quartiers, notamment populaires - vous parliez des ouvriers -, il puisse y avoir le retour à la règle mais aussi à une qualité de vie qui manque cruellement."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 mai 2002)