Déclaration de M. Alain Deleu, président de la CFTC, sur les valeurs de la CFTC, notamment la liberté syndicale, la justice sociale et les inégalités, Paris le 1er mai 2002.

Prononcé le 1er mai 2002

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Texte intégral

Le premier mai appartient aux travailleurs. C'est la fête des travailleurs. Le travail est une des expressions les plus essentielles de la dignité humaine. Notre métier est service, notre métier est créateur de liens. Notre métier est notre fierté. Le premier mai, c'est la défense de notre travail, de notre dignité, de notre vie. Refuser ou briser le travail de quelqu'un c'est déjà le nier lui-même.
Notre premier mai est à 100 % pour la justice sociale. Il est vraiment nécessaire pour que l'on n'oublie pas, dans le contexte actuel, les questions sociales que vous portez. Notre message est syndical, pour notre vie de travailleurs à défendre.
Il se construit autour des trois mots qui symbolisent notre Nation et que nous disons avec nos valeurs CFTC.
CFTC LIBERTE
CFTC EGALITE
CFTC FRATERNITE
CFTC LIBERTE
Cette fois encore, nous affirmons notre liberté. Nous ne sommes à la solde de personne. Nous ne sommes sous l'influence de personne. Nous sommes libres, notre parole est libre, nos actions sont libres. Le droit à la différence que nous défendons pour tous, c'est aussi notre droit à la différence.
La CFTC attache le plus grand prix à la démocratie. Elle respecte profondément la liberté de vote de chacun dans le secret de l'isoloir, qui est la base de la démocratie. Elle respecte profondément les hommes et les femmes qui se consacrent au service de la Nation. Le drame de Nanterre a mis en relief l'éminente dignité de la mission des élus au service de la Cité.
Nous sommes jaloux de notre indépendance et de notre liberté. Mais on n'est pas libre si l'on n'est pas responsable. Nous ne sommes pas libres de fermer les yeux et de nous boucher les oreilles quand les inégalités s'accroissent, quand l'argent mène le monde, et pas davantage quand le désarroi jette des millions de nos concitoyens dans les bras trompeurs des démagogues.
Notre règle permanente et précieuse de non ingérence dans les élections politiques n'est pas un absolu. Elle est l'une des applications du principe fondamental de l'égale dignité de chaque personne. Quand ce principe lui-même est menacé par un projet qui s'attaque pêle-mêle à la protection sociale, à la liberté syndicale, à l'Europe et aux droits de l'Homme, nous devons parler.
La CFTC n'a jamais transigé dans son histoire et elle ne transigera jamais sur ses valeurs qui sont incompatibles avec les discriminations, le sectarisme et le repli identitaire.
C'est pourquoi, dès le lendemain du 1er tour des élections présidentielles, nous avons pris la liberté de dire de la façon la plus nette notre refus de la politique du pire, dans la fidélité à la raison d'être, aux valeurs et à l'histoire de la CFTC et nous avons appelé à voter pour le seul candidat qui représente un projet démocratique, en l'occurrence le Président sortant.
Notre liberté est celle du syndicalisme d'inspiration chrétienne.
Le syndicalisme de la négociation d'abord.
C'est pour cela que nous prenons nos responsabilités face au patronat pour l'empêcher de trahir ses responsabilités sociales, et que nous tenons bon pour faire progresser les droits sociaux.
La liberté responsable, c'est l'engagement. Chacun doit prendre sa part, s'organiser, agir.
Notre premier mai est donc un appel solennel à nos collègues de travail pour qu'ils deviennent davantage acteurs de la justice sociale et qu'ils s'engagent dans le syndicalisme libre et constructif, pour le respect des salariés.
Nous les appelons à passer à l'action avec nous parce que mieux vivre, maintenant, ça s'impose !
Le syndicalisme est aussi une école de démocratie.
Refuser la résignation et s'engager dans l'action syndicale, c'est déjà mieux vivre !
CFTC EGALITE
Notre société est injuste. Vous, les militants, vous connaissez ce besoin de justice et de sécurité au travail, ces salariés que l'on jette, ces cris de révolte devant des pratiques indignes.
Mieux vivre ne saurait être un privilège. Mieux vivre est un droit pour tous.
Mieux vivre, c'est pouvoir regarder son avenir et celui de sa famille avec confiance.
Mieux vivre, c'est avoir un emploi stable, recevoir sa part des résultats de son entreprise et avoir son mot à dire dans la vie de son entreprise et de sa profession.
Mieux vivre, c'est ne plus souffrir de discrimination comme étranger, femme, jeune ou salarié d'une petite entreprise,
Mieux vivre, c'est moins de stress, davantage de sécurité, être reconnu dans son travail,

Mieux vivre, c'est voir ses qualités reconnues et pouvoir construire son propre projet tout au long de sa vie,
Mieux vivre, c'est avoir du temps pour sa famille, ses activités associatives, culturelles, sa vie personnelle,
La vision sociale-chrétienne permet de comprendre les frustrations et les attentes de nos concitoyens. Au contraire, les idéologies matérialistes, même lorsqu'elles sont mises au service de la recherche de la justice, n'en apportent qu'une lecture incomplète et trompeuse.
L'impact des discours protestataires montre d'ailleurs l'échec de nos dirigeants politiques qui n'ont pas réussi à comprendre ces attentes et à mobiliser sur un projet.
Nos huit propositions aux candidats à la présidence de la République sont autant d'applications des valeurs fondamentales qui guident depuis toujours l'action de la CFTC.
L'égale dignité de chaque personne fonde le droit pour tous à un emploi et à un statut du travail digne et stable, à la reconnaissance du rôle social des activités non marchandes ;
Le droit à la vie et à l'intégrité physique justifie nos exigences sur la bioéthique, le système de santé et de protection sociale ;
La justice fonde le droit à la sécurité dans son emploi et au juste salaire qui n'est pas le prix momentané du marché mais la juste rémunération permettant de vivre des fruits de son travail, y compris dans sa retraite ;
La solidarité impose que l'on fasse disparaître la misère ;
Le rôle éducatif des familles, comme cellules de base de la société les met au premier rang des préoccupations républicaines ;
Selon le principe de subsidiarité, les travailleurs sont des acteurs essentiels de l'organisation sociale. Ils sont en droit d'attendre des responsables politiques écoute et respect ;
Le nécessaire partage des biens justifie notre vision ouverte, généreuse et sociale de l'Europe ;
CFTC FRATERNITE
Notre société ne peut se construire sur le rejet mutuel.
Après un XX° siècle qui a été celui de massacres planifiés, la mondialisation de l'économie ne cesse de s'accélérer. Cette place Edmond Michelet rend hommage à un homme de foi, d'engagement dans la Résistance, dont le témoignage nous concerne aujourd'hui.
Les inégalités se creusent. Les économies, les cultures, les peuples sont brassés, les grandes questions de notre temps sont universelles. Et par réaction de défense, les recherches d'identité et les tensions ethniques s'exaspèrent.
Entre société de violence et société de fraternité, il faut choisir.
La vraie réponse à la violence de l'argent, de l'exclusion et des peurs, est celle d'une authentique fraternité, du refus de la loi du plus fort, de la reconnaissance des diversités et de l'unité de la famille humaine.
Cela demande une conversion personnelle pour libérer nos curs de nos peurs et nous ouvrir à la fraternité et à la solidarité. Cela nécessite le respect de la vérité et de la justice, souvent contredites par les manipulations et la corruption.
Cela nécessite de refuser toutes les formes de discriminations ou de replis sur soi. La fraternité est incompatible avec les options xénophobes et bien entendu totalitaires.
Le 11 décembre prochain, aux élections prud'homales, dans une mobilisation décuplée par les événements que nous vivons, nous porterons haut et loin les couleurs de la CFTC, les couleurs d'une liberté et d'une égalité qui vont au bout de la fraternité. Car mieux vivre, ce n'est pas un privilège. C'est un droit pour tous.
Mais aujourd'hui, en solidarité avec tous les démocrates qui se mobilisent dans le même but, nous disons aux futurs dirigeants de la France : ouvrez les yeux et les oreilles, cessez de lire les événements avec les lunettes de la technocratie, libérez votre esprit et votre cur pour écouter votre pays. Alors vous parviendrez à ce projet mobilisateur dont le monde du travail a besoin, pour la France, pour l'Europe et dans le monde.
(source http://www.cftc.fr, le 13 mai 2002)