Texte intégral
Mesdames et Messieurs les officiers,
Voici venus la journée, le moment, que vous attendiez et pour lequel depuis 18 mois vous avez reçu la meilleure des formations. Aujourd'hui, vous devenez des officiers de la police nationale et je suis heureux d'être parmi vous, en présence de vos familles, pour saluer votre choix et tous les efforts que vous avez accomplis dans cette école comme pendant les stages au sein des services que vous allez rejoindre.
On ne peut être policier sans vocation. Vous avez choisi d'entrer dans la police nationale pour prendre votre part de la lutte contre le crime et pour assurer une mission de commandement. Au travers de cette mission, vous aurez à répondre à la fois à l'attente de nos concitoyens, à celle des fonctionnaires que vous êtes appelés à diriger, à celle de votre hiérarchie et à celle enfin du Gouvernement qui représente, dans nos institutions républicaines, la volonté nationale.
L'attente de nos concitoyens est grande, vous le savez. Ils l'ont exprimée avec force et chaque jour encore ils la répètent clairement. L'an passé, ce sont 4 millions de victimes de crimes et délits qui ont été recensés, 4 millions de personnes dont la vie a été perturbée, gâchée, parfois anéantie. Comment ne pas comprendre cette attente ? Comment ne pas l'entendre ?
Nous devons aux Français de donner un coup d'arrêt massif et décisif à l'insécurité sous toutes ses formes. L'impunité doit disparaître. Elle habitue aux comportements inciviques, elle encourage, notamment chez les plus jeunes, l'attrait de l'argent facile. Elle décourage en revanche les efforts de ceux qui cherchent, en particulier dans les quartiers les plus difficiles, à s'intégrer à la vie sociale, culturelle et économique de la nation. Elle désespère les familles et les personnes les plus modestes, premières victimes des délinquants. Elle est à l'origine du développement de cette économie souterraine qui désagrège le tissu social et que nous devons à tout prix éradiquer. Elle peut même faire douter de leur action ceux qui ont pour rôle de combattre l'insécurité.
C'est pourquoi, et je vous le dis solennellement, j'attends de vous, que par votre dynamisme, vos initiatives et votre persévérance, vous donniez aux hommes et aux femmes que vous allez encadrer la confiance en eux-mêmes qui leur est indispensable, comme à la population que vous devez protéger, la confiance dans l'action de l'Etat que nous avons le devoir de lui rendre.
La lutte contre l'insécurité, dont j'ai la charge au sein du Gouvernement, est la première des priorités du Président de la République et du Premier Ministre. Nous devons nous en donner les moyens, structurels, humains et matériels.
Structurels, en assurant la complémentarité, de toutes les forces qui en sont chargées, au premier rang desquelles la police nationale et la gendarmerie nationale, désormais placée sous mon autorité, mais également toutes les autres administrations concernées, services fiscaux, douanes, travail, afin d'attaquer la délinquance en profondeur et sur tous les plans.
C'est le sens de la création des Groupements d'Intervention Régionaux qui associent en leur sein et sous un même commandement, les représentants de ces services. Les officiers y ont toute leur place. Organisés au niveau de la région administrative, ils constituent d'ores et déjà de véritables forces de projection capables de renforcer les services locaux sur des objectifs qu'ils ne pourraient à eux seuls atteindre.
C'est le sens de la conception nouvelle de l'emploi des forces mobiles, de la police comme de la gendarmerie qui va voir le jour, afin qu'elles puissent être utilisées en priorité au bénéfice de la sécurité quotidienne.
C'est le sens du nouveau développement que je souhaite donner aux tâches d'investigation afin de donner toute sa portée à la police de proximité et de concrétiser la finalité de l'action policière dans un Etat de droit, à savoir, identifier et interpeller les auteurs des infractions, dresser à leur encontre les procédures nécessaires et les déférer devant la Justice, afin que celle-ci prononce la sanction prévue par la loi, c'est à dire voulue par le peuple.
A cet égard, les tâches des officiers de police judiciaire nécessitent d'être simplifiées et allégées. Le Gouvernement y travaille activement.
Il veillera également à créer les emplois nouveaux indispensables pour faire face aux ambitions qui doivent être les nôtres en matière de sécurité, et à compenser les effets mécaniques de l'ARTT. Les moyens matériels nécessaires seront également dégagés.
Vous devez répondre à l'attente de nos concitoyens, et l'Etat vous en donnera donc les moyens. Vous devez aussi comme je vous l'indiquais, répondre à l'attente des femmes et hommes que vous êtes appelés à commander.
Je vous le dis sans ambages : leur exigence à l'égard de celles et de ceux qui les encadrent, est grande et vous devrez mériter leur confiance.
L'autorité ne se décrète pas, elle s'acquiert par la compétence, la disponibilité, l'esprit d'initiative et de décision, le courage dans les situations difficiles. Elle se mérite aussi par le sens de la responsabilité et la capacité d'écouter et d'aider ses collaborateurs à faire face aux problèmes humains qu'ils peuvent rencontrer, tant au sein de leur service qu'au travers d'épreuves personnelles ou familiales.
En bref, commander, c'est être capable de s'oublier soi-même au profit des autres.
Commander, c'est également, dans l'action de tous les jours, être un exemple, une référence. C'est par votre loyauté envers votre hiérarchie, votre attitude à l'égard de la population, des victimes, des délinquants eux-mêmes que vous enseignerez le mieux aux fonctionnaires, en particulier les plus jeunes, cette déontologie qui doit imprégner dans tous les instants la fonction policière et à laquelle je suis particulièrement attaché.
Mesdames et messieurs, commander c'est servir.
Votre autorité ainsi affirmée vous permettra de créer autour de vous et pour l'exécution des missions qui vous seront confiées, la motivation de vos collaborateurs. Il s'agit là d'un impératif permanent que votre hiérarchie et le Gouvernement, au nom de la population, attendent de vous. Elle conditionne la détermination et l'engagement de tous. Elle est la clé d'une réussite durable dont vous serez les premiers artisans.
Dans les fonctions que vous avez choisies il vous sera beaucoup demandé. Il faut que vous le sachiez. Ce sont des fonctions difficiles et à risques : la police et la gendarmerie nationales en paient lourdement le tribut chaque année. Et je veux saluer et rendre hommage au courage de tous ceux qui ont été tués ou gravement blessés dans l'exercice de leur fonction, comme à la douleur de leurs familles dont certaines sont ici présentes.
A ces risques, à ce dévouement sans faille au service du public qui devra être le vôtre, doit répondre le soutien entier de la population, de votre hiérarchie, de votre ministre, de l'Etat.
Je tiens à vous dire que je m'y emploierai sans relâche.
Je veillerai à ce que la police nationale soit reconnue. Je veillerai à ce que vous soyez reconnus en tant qu'officiers.
Je veux enfin, mesdames et messieurs les officiers saluer le choix du nom de votre promotion, Guy Jacob, officier mort pour le service en 1994 à l'âge de 37 ans. Policier à la compagnie motocycliste urbaine du Val de Marne, il a été mortellement blessé en s'opposant à la fuite de deux malfaiteurs en voiture. Il était marié et père de 2 enfants. Je veux honorer respectueusement avec vous tous sa mémoire et dire à sa famille présente aujourd'hui parmi nous, combien son souvenir, celui de ses qualités humaines et professionnelles unanimement appréciées reste vivace chez tous ceux qui l'ont connu et dans toute la police nationale.
Le baptême de votre promotion est un hommage légitime à Guy Jacob. Celui-ci représente l'exemple même du sacrifice consenti par un homme pour défendre les valeurs qui sont les nôtres, pour ses concitoyens, pour son pays. Il a droit à notre reconnaissance et à celle de tous les Français.
Mesdames et Messieurs les officiers, la police est le bras qui protège les institutions, les libertés et les personnes. Vous avez toute la confiance des Français. Vous avez celle du Gouvernement. Vous portez en vous toutes les espérances. A l'aube de votre vie professionnelle, je forme les voeux les plus chaleureux pour que chacune et chacun d'entre vous trouve dans le beau métier d'officier de police la satisfaction du devoir accompli et de la reconnaissance de tous ceux qui espèrent en votre action.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 28 juin 2002)