Conférence de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur les travaux du Conseil Affaires Générales consacré à la préparation du Conseil européen de Séville, notamment l'accord conclu sur les aides directes agricoles et les projets de réforme du Conseil européen, Luxembourg, le 17 juin 2002.

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Circonstance : Réunion du Conseil Affaires Générales de l'Union européenne à Luxembourg, le 17 juin 2002

Texte intégral

Comme vous le savez, nous avons discuté aujourd'hui des principaux sujets qui seront traités par les chefs d'Etat et de gouvernement au Conseil européen de Séville (21-22 juin) et au premier chef du volet agricole des négociations d'adhésion.
Comme vous le savez il y a eu un Conseil Affaires générales qui s'était réuni sur ce sujet la semaine dernière, la Présidence a transmis aujourd'hui un nouveau texte sur la question des aides directes agricoles versées aux candidats. J'ai indiqué que la France pouvait se rallier à ce compromis parce qu'il reprenait des principes auxquels nous sommes particulièrement attachés : les aides directes font partie de l'acquis communautaire ; il n'y aura bien qu'une seule Politique agricole commune, ce seront les modalités d'application de caractère transitoire et progressif qui doivent encore être définies pour les pays candidats ; la décision devra être prise sur ce sujet sans préjuger des futures discussions sur l'avenir des politiques communes.
Nous sommes parvenus à un accord. Il était nécessaire pour ne pas retarder l'élargissement. Il est conforme aux principes et aux conditions fixés par la France. J'estime que cet accord est d'abord bon pour l'Europe et bon pour l'élargissement car il adresse un signal fort aux pays candidats quant à la détermination de l'Union de respecter le calendrier et la feuille de route, et car il conforte la dynamique politique de l'élargissement. Cet accord est bon pour la France, car même si nous n'avons pas pu régler aujourd'hui les modalités pratiques selon lesquelles les pays candidats seraient éligibles aux aides directes, les principes que j'avais énoncés devant vous la semaine dernière sont respectés : reprise de l'acquis communautaire et donc des aides directes, respect du calendrier avec l'adoption d'une position commune sur le chapitre agricole, dissociation entre les négociations d'adhésion et les discussions internes sur l'avenir de la PAC. Enfin, cet accord est bon pour le franco-allemand, car, ayant bien conscience des contraintes électorales de nos amis allemands, ce texte permet de renvoyer à l'automne le règlement détaillé de cette question particulièrement sensible pour Berlin.
Voilà donc pour ce qui est de cette question de l'élargissement.
Parmi d'autres sujets qui vont être au menu du sommet de Séville, la réforme du Conseil a été évoquée. Comme vous le savez, M. Solana avait présenté au Conseil européen de Barcelone, en mars dernier, plusieurs orientations pour améliorer le fonctionnement du Conseil européen et du Conseil des ministres. Sur cette base, la Présidence nous a transmis un rapport sur les mesures en vue de préparer le Conseil à l'élargissement, mesures qui peuvent être décidées dès Séville sans que l'on procède à une modification des traités.
J'ai indiqué ce matin que nous étions pleinement en phase avec les propositions de ce rapport, qu'il s'agisse de la rationalisation des travaux du Conseil européen, de la scission du Conseil Affaires générales en deux formations avec la création d'un Conseil relations extérieures, de la réduction du nombre des formations du Conseil ou de la transparence accrue dans les travaux du Conseil. J'ai fait part, cependant, comme d'ailleurs plusieurs de mes collègues, de notre forte objection quant à l'application au Conseil européen du vote à la majorité qualifiée. La France considère que la règle du consensus est une des bases essentielles de l'autorité du Conseil européen, le passage au vote majoritaire risque en effet de transformer cette instance suprême en chambre d'appel législative de toutes les formations sectorielles du Conseil. C'est donc pour nous une option qui n'est pas acceptable.
Troisième sujet : la préparation du sommet de Johannesburg sur le développement durable. A la lumière des résultats du dernier comité préparatoire qui s'est tenu à Bali, nous avons adopté des conclusions qui précisent la position européenne pour Johannesburg. J'ai rappelé aujourd'hui que nous devions davantage valoriser l'effort de solidarité effectué par les Européens vis-à-vis des pays du Sud et que, s'agissant de l'Afrique et du NEPAD, je souhaitais que Séville soit l'occasion pour l'Union d'adresser un signal politique fort à quelques jours du sommet du G8 de Kananaskis.
Autre sujet enfin : l'immigration. Vous savez que la Présidence espagnole veut en faire un des sujets majeurs de Séville. Ambition que nous partageons pleinement, car c'est un thème très important pour nos opinions publiques. Nous avons eu ce matin une discussion sur la coopération avec les pays d'origine et de transit en matière de lutte contre l'immigration illégale. J'ai rappelé que nous étions naturellement favorables à ce que l'Union ait un discours de fermeté vis-à-vis des pays qui refuseraient de coopérer pour endiguer l'immigration clandestine. Mais j'ai également indiqué qu'il fallait privilégier le dialogue avec ces pays dans un esprit de partenariat et qu'il fallait mettre en avant une approche incitative et non pas punitive à travers des sanctions. Vouloir établir une conditionnalité entre la lutte contre l'immigration et l'aide au développement pénalisera, d'abord les populations, aggravera la situation économique du pays sanctionné et aboutira paradoxalement à accroître les flux migratoires. Cette position a été soutenue par d'autres délégations. Ce sujet sera donc de nouveau évoqué par les chefs d'Etat et de gouvernement à Séville et nous sommes confiants quant à la possibilité de parvenir à un accord.
Lors du déjeuner nous avons fait le point sur la situation au Proche-Orient, évoqué la perspective éventuelle d'une conférence internationale. Nous avons évoqué aussi la crise entre l'Inde et le Pakistan, la situation de la Politique européenne de sécurité et de défense. Comme vous le savez les discussions se poursuivent. C'est un sujet évidemment important et urgent et il convient de parvenir rapidement à un accord sur ce sujet.
Nous avons par la suite évoqué les relations entre l'Union européenne et l'Iran. Nous sommes parvenus à un accord. Comme vous vous en souvenez, le Conseil n'était pas parvenu à un accord le 13 mai sur la nature du mandat de négociation. J'ai rappelé que nous souhaitions la mise en oeuvre rapide de l'ensemble des éléments de cet accord, c'est-à-dire un accord commercial, une déclaration sur le dialogue politique et un échange de lettres sur le terrorisme. Nous estimons que ces trois éléments forment un tout indissociable, la priorité pour nous réside surtout dans le message politique adressé à l'Iran, avec une importance toute particulière sur des sujets essentiels comme le Proche-Orient, le terrorisme, la non-prolifération, le respect des Droits de l'Homme et l'attitude à l'égard de l'Afghanistan. C'est dans la mesure où l'Union européenne s'exprime très clairement et très fermement sur ces sujets que ce dialogue avec l'Iran prend tout son sens.
Nous sommes également parvenus à un accord sur le financement des opérations européennes en matière militaire. La France a beaucoup contribué pour sa part à cet accord, l'objectif étant la plus large mutualisation des coûts dans l'esprit même de la défense européenne. Le développement de la Politique européenne de sécurité et de défense est une priorité pour la France, et l'accord d'aujourd'hui est une avancée concrète importante.
Voici les principaux sujets qui ont été évoqués tout au long de cette journée.
Q - Est-ce que vous en avez parlé de la création de cet Etat palestinien provisoire ? Que pouvez-vous nous dire aujourd'hui sur cette conférence internationale ?
R - Nous avons abordé la situation générale au Proche-Orient, pour marquer d'abord l'inquiétude devant la détérioration de la situation, noté les derniers développements diplomatiques, en particulier l'attente d'une déclaration américaine précisant leurs intentions pour les prochains mois. Nous avons donc évoqué aussi la perspective d'une conférence internationale, pour souligner qu'elle méritait évidemment de faire l'objet de soins très précis si nous voulions qu'elle puisse aboutir et ne pas conduire à de nouvelles frustrations.
Q - Vous avez eu un échange avec votre homologue britannique sur Sangatte ?
R - C'est un sujet qui n'a pas été abordé aujourd'hui. Nous avions eu dans le passé l'occasion de l'aborder. Vous savez que Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, a abordé lui-même cette question avec son homologue britannique et c'est un sujet sur lequel nous travaillons les uns et les autres dans le souci de pouvoir parvenir à un accord ou à des propositions d'accord très rapidement.
Q - Monsieur le Ministre, en quoi le fait de renvoyer à l'automne les modalités s'agissant des aides directes envoie un signal rassurant aux pays candidats sur le respect du calendrier de l'élargissement ?
R - Notre souci était de marquer très clairement et d'adresser très clairement un signal politique fort à l'ensemble de ces pays sur notre volonté d'opérer l'élargissement. Il se trouve que, pour des raisons de calendrier, il n'était pas possible d'aboutir à un accord complet et évidemment nous le regrettons. Mais le fait que nous ayons pu marquer cet accord très fort sur le plan des principes constitue une avancée notable. Tout cela n'était pas écrit d'avance. Il a fallu évidemment beaucoup d'efforts et beaucoup d'énergie pour y arriver et comme je l'ai souligné, je crois que cet accord est bon pour l'Europe par le signal politique qu'il adresse à l'ensemble des pays candidats. Il y a une volonté très forte d'aller dans ce sens et je crois qu'ils le comprendront comme tel. Ce signal est par ailleurs très fort sur le plan politique pour la France, puisque nous préservons et défendons les intérêts qui sont les nôtres dans ce domaine et aussi pour le franco-allemand. Il y a là la marque d'essayer de dépasser un certain nombre de nos différends pour privilégier ce qui nous unit et ce qui est important aujourd'hui pour l'Europe. Il y a, j'avais eu l'occasion de vous le dire il y a quelques semaines, une détermination très grande, un engagement très fort du gouvernement français vis-à-vis de l'Europe et notre souhait d'essayer, pas à pas, de déboucher sur des propositions concrètes.
Q - Est-ce que les Allemands seraient prêts à discuter des modalités lors du Conseil européen de Bruxelles ou ils n'ont pris aucun engagement à cet égard ?
R - Les choses ne sont pas encore clarifiées dans ce domaine. Mais je pense que les prochaines semaines et les prochains mois permettront de répondre à cette question.
Q - Monsieur le Ministre, l'acquis communautaire a été confirmé, mais est-ce qu'il s'agit d'un acquis à Quinze ou bien les pays candidats y auront-ils également droit ?
R - Une fois de plus l'accord s'est fait sur les principes, il reste à déterminer les modalités. Mais les modalités, c'est bien un acquis communautaire pour l'ensemble des pays européens, c'est-à-dire ceux qui actuellement font partie des Quinze et ceux qui ont vocation à entrer dans cette Union européenne. Sur le plan du principe, l'acquis est clairement marqué, il reste à déterminer les modalités d'application de ces principes.
Q - Monsieur le Ministre, en lisant la première phase du compromis, on a l'impression que tout reste en l'air...
R - Non. La première phase est plus précise et mentionne le fait que ce n'était pas couvert par les perspectives financières de Berlin. Ce n'est pas couvert et l'on précise par la suite que, dans le cadre de ces accords, on n'excluait pas, et en tout cas c'est notre sentiment, la perspective et la possibilité de ces aides directes. Le texte est le résultat d'un long travail de négociation qui permet, je crois, de définir clairement un accord de l'ensemble des pays présents sur les principes et qui, de ce point de vue, marque une avancée. Nous avons obtenu aujourd'hui un accord sur les principes qui est clairement une avancée pour l'ensemble de nos pays.
Q - Est-ce que vous avez le sentiment que cela pérennise pour la France la Politique agricole commune ?
R - Pour le moment nous en restons aux termes très clairs de l'accord obtenu aujourd'hui sur les principes et vous savez quel est l'attachement de la France à la Politique agricole commune.
Q- Vous n'avez pas peur d'être pris dans l'urgence à l'automne sur la négociation...
R - A chaque jour suffit sa peine. Nous avons aujourd'hui réussi à passer ce cap et à adresser le signal très fort à l'ensemble des pays concernés par l'élargissement. Cela marque une étape. Pour le reste, les discussions, les négociations continuent et nous aurons à coeur de continuer d'avancer dans la bonne direction.
Q - Sur le Moyen-Orient, qu'est-ce que vous inspire la construction de ce mur par les Israéliens ?
R - La question n'a pas été évoquée en tant que telle, mais il est évident que tout ce qui vient séparer de façon dramatique dans la région ne va pas dans le bon sens. Nous ne pouvons pas approuver de telles mesures. Nous souhaitons évidemment défendre l'objectif de la paix et c'est dans ce sens que nous voulons travailler : définir un objectif politique, définir un objectif de paix par des mesures de confiance, par un progrès dans le sens du dialogue et de la négociation, préserver un avenir, une possibilité de paix pour l'ensemble des parties et assurer la sécurité de chacun. C'est je crois tout le problème aujourd'hui du sens de nos efforts et de ceux de la communauté internationale. Tout ce qui peut justement accompagner ce mouvement nous paraît aller dans le bon sens, tout ce qui divise nous paraît au contraire aller dans le sens inverse.
Q - Monsieur, le Ministre, une dernière question : est-ce que vous percevez une différence de nature dans vos rapports avec vos partenaires depuis la fin de la cohabitation ?
R - C'est encore trop tôt pour juger. Ce qui est clair c'est que la volonté européenne française est très forte. Nous l'avons exprimée aujourd'hui dans le cadre de cette réunion et je crois que l'ensemble de nos partenaires sent bien que la France, plus que jamais, parle d'une seule voix.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juin 2002)