Point de presse et déclaration de M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, sur la solidarité et la volonté de la France de contribuer, avec le FMI et les entreprises françaises, au redressement économique de l'Argentine, Buenos Aires les 4 et 5 août 2002.

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Circonstance : Tournée en Amérique latine de Renaud Muselier du 4 au 8 août 2002-voyage en Argentine les 4 et 5 et entretiens avec le ministre de l'Economie et des Finances, M. Roberto LAVAGNA et le Vice-ministre des Relations extérieures, M. Jorge FAURIE

Texte intégral

(Point de presse à Buenos Aires, le 4 août 2002) :
C'était une journée dense mais particulièrement intéressante et je crois qu'il faut revenir sur ce déplacement, mon premier déplacement officiel à la fin de cette session parlementaire.
Il y a bien entendu ensuite, les déplacements en Bolivie et en Colombie pour l'intronisation des deux présidents.
Nous avons souhaité passer par l'Argentine compte tenu des difficultés rencontrées par ce pays et témoigner sur le plan politique notre amitié au peuple argentin et notre soutien à la communauté française.
Nos intérêts sont importants dans cette partie du monde et, finalement, nous avons bien fait, quand on voit ce qui se passe en ce moment en Uruguay. Ceux qui pensaient que les problèmes de l'Argentine n'auraient pas d'effet d'entraînement n'ont pas forcément eu la bonne analyse.
Q - C'est le FMI qui le pense
R - Je vois que vous êtes un observateur avisé. Mais, la situation qu'on rencontre dans ce pays est assez unique. Aujourd'hui, j'ai vu une ville de 1.200.000 habitants, dont 50 % sont au chômage. J'ai été reçu par trois maires, nous avons déjeuné ensemble et je dirais que c'était presque une discussion d'élu local à élu local.
Nous avons tous des difficultés dans nos communes. On les aborde de façon différente mais la considération pour les individus est toujours la même.
Nous sommes allés ensuite visiter une entreprise agro-alimentaire qui a été reprise par ses salariés après que des malversations aient été commises. Dans le cadre de l'engagement de ces salariés, cette solution est viable et a été validée sur le plan juridique. C'est la raison pour laquelle je suis allé là-bas. C'est une solution pour sauver des emplois.
Q - 10 000 emplois.
R - Ce n'est quand même pas rien.
Nous sommes allés ensuite à l'hôpital français. Vous savez que je suis médecin de formation. J'ai été très heureux de voir le drapeau français à côté du drapeau argentin. J'ai constaté quelque chose qui m'a beaucoup marqué, c'est que dans ce vieil hôpital, ils avaient du matériel de très bonne qualité, que ce soit en réanimation ou au niveau des scanners et de la surveillance médicale. Ils ont réussi quelque chose qui n'est pas banal. J'ai été très agréablement surpris.
On a débloqué 150.000 USD, trois fois 50.000, 50.000 pour l'hôpital, 50.000 pour le foyer des personnes âgées, et 50.000 qui seront mis à disposition du maire.
Nous avons eu une réunion avec les chefs des plus grosses entreprises françaises installées sur le territoire argentin. J'avais, avant de partir, eu une réunion de travail avec les responsables parisiens. Ce sont des sommes d'argent considérables qui ont été provisionnées, 300, 400, 500 MUSD. Ils ont besoin d'une lisibilité et d'une discipline juridique pour travailler à court terme. Le vice-ministre de l'Economie, M. Devoto, ce soir a saisi l'occasion pour dire qu'il mettait en place des mécanismes. Cette stabilité juridique est une première réponse, immédiate, intéressante. J'aurai l'occasion de parler d'un certain nombre d'autres choses demain avec le président de la République et le ministre de l'Economie.
Cette visite m'aura permis un clin d'il, naturel, comme on le verra dans chacun de mes déplacements futurs, aux Français de l'étranger, qui sont nombreux à travers le monde et constituent une force importante.
Voilà pour cette première journée.
Q - Qu'allez vous dire demain au président Duhalde ?
R - D'abord, je suis très heureux qu'il me reçoive. Ce n'était pas prévu dans le programme initial. Ceci prouve que ce passage, même rapide, est un passage important pour les autorités argentines. On va voir le ministre ici ce soir. Demain nous serons reçus par un autre ministre et le président Duhalde.
Q - Le ministre de l'Economie.
R - Le ministre de l'Economie et le président Duhalde. C'est aussi un signe de l'amitié qui lie nos deux pays. Je pense que, vraisemblablement, nous parlerons beaucoup du FMI, de la Banque mondiale et des moyens susceptibles d'être engagés pour aider ce peuple à sortir de cette situation. C'est ce que je vais lui dire.
En tout cas, sur le FMI, ce qu'on m'a dit c'est qu'il ne peut y avoir de développement économique, de stabilité économique sans développement social.
Q - Le problème est qu'une des recettes du FMI est de limiter les dépenses, et ils ont annoncé aujourd'hui qu'ils procéderaient à une nouvelle réduction des dépenses à hauteur de 1,8 Md USD, ce qui limitera d'autant les dépenses sociales.
R - C'est de ceci dont il faut que nous parlions.
Q - La France va-t-elle mettre son poids dans la balance pour accélérer un peu les négociations entre le FMI et l'Argentine ?
R - Le président Chirac a toujours été très clair sur ce point. Il a été le porte-drapeau de ce message au niveau européen puisque, aujourd'hui, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne nous ont rejoints. La gestion des lignes budgétaires est une chose, la compréhension de la souffrance du peuple en est une autre. Les deux sont compatibles, mais il faut les rendre compatibles.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 août 2002)
(Déclaration à Buenos Aires, le 5 août 2002) :
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie d'être venus nombreux pour cette conférence de presse. Avant de reprendre l'avion pour La Paz dans quelques instants, je tenais à vous présenter le sens de mon séjour en Argentine et les principaux enseignements que j'en retiens.
J'ai souhaité, en accord avec Dominique de Villepin, le ministre des Affaires étrangères, effectuer très rapidement une visite en Argentine. L'occasion des investitures des présidents bolivien et colombien s'est présentée et j'ai décidé de commencer mon voyage par cette visite à Buenos Aires. Je tiens à souligner qu'il s'agit de mon premier déplacement officiel à l'étranger et, bien entendu, de la première visite en Argentine et en Amérique latine d'un membre du nouveau gouvernement français.
Je connais l'Argentine depuis de nombreuses années et je suis très sensible à la situation que traverse ce pays, auquel la France et les Français sont attachés par l'histoire, des échanges économiques d'une importance majeure et de forts liens culturels. C'est pourquoi nous ne pouvons pas être indifférents à la crise - très grave - qu'il faudra surmonter ensemble.
Je suis d'abord, ici, pour dire notre préoccupation devant la dégradation des conditions de vie de millions d'Argentins, et notre solidarité avec le peuple argentin. J'ai visité, hier, l'hôpital français et la commune de la Matanza. J'ai eu, aujourd'hui, des entretiens avec le président de la République, le ministre de l'Economie, le ministre de la Santé et Mme Duhalde. Ce que j'ai vu et entendu m'a confirmé dans le sentiment que l'Argentine vit une très grave crise sociale. Aucun Argentin ne semble épargné. La jeunesse est particulièrement touchée. Certains quittent le pays.
Devant cette situation, notre réponse à nous, Français, et gouvernement français, c'est l'engagement et la solidarité. Celle-ci s'exprime tous les jours : beaucoup d'associations françaises financent des dons ou des actions médicales, depuis la France ou l'Argentine ; la Ville de Paris a envoyé des médicaments à la Ville de Buenos Aires ; j'ai moi-même effectué, hier, au nom du gouvernement français, un don de 100.000 dollars pour l'achat de médicaments et de matériels médicaux ainsi qu'un autre don de 50.000 dollars en faveur d'un foyer pour personnes âgées.
Mais ces moyens restent dérisoires devant la détresse de millions de personnes et ne suffisent pas à redresser un pays touché par une crise économique profonde.
Cet engagement s'exprime par notre effort dans la recherche d'un programme de sortie de crise et de développement du pays. Nous avons défendu, depuis le début de la crise, une reprise du dialogue entre le gouvernement argentin et le Fonds monétaire international, en insistant auprès de nos partenaires sur les conditions économiques et sociales auxquelles est confronté le gouvernement argentin et nous allons intensifier cet effort.
A cet égard, je tiens à féliciter le gouvernement de M. Duhalde pour les avancées qu'il a accomplies dans des conditions particulièrement difficiles. Nous souhaitons maintenant que les négociations progressent rapidement et aboutissent à la conclusion d'un programme qui, pour réussir, devra répondre aux attentes du peuple argentin et en particulier des plus pauvres, être efficace sur le plan monétaire et budgétaire, et favoriser une restructuration du secteur bancaire.
La France, au-delà de son rôle au FMI, a également une responsabilité particulière en Argentine compte tenu de la présence de plusieurs filiales de grandes entreprises françaises. Le gouvernement français entretient un dialogue avec ces entreprises dont les filiales sont - je tiens à le souligner - des entreprises argentines. Leur présence, ici, est significative de la confiance qu'elles ont, depuis plusieurs années, dans l'économie argentine, et d'une volonté, que le gouvernement français soutient, de renforcer les échanges et les liens économiques entre l'Europe et l'Argentine. Cette confiance dans l'avenir économique de l'Argentine demeure, en dépit des très grandes difficultés rencontrées depuis le début de la crise, et je suis convaincu que ces entreprises participeront à la reprise de la croissance.
Les périodes de crise sont aussi des occasions de transformation en profondeur. Il y a plus de dix ans, l'Argentine a fait, avec ses voisins, le pari de l'intégration régionale, comme la France l'avait fait, avec les pays européens, au sortir de la seconde guerre mondiale. Ma conviction, profonde, est que le Mercosur offre un cadre pour retrouver la croissance, renforcer l'économie argentine et affronter les défis de la mondialisation. Je sais que le gouvernement argentin partage cette conviction et je tiens à saluer ici les avancées, en terme d'intégration régionale, que la présidence argentine du Mercosur a obtenu au cours des six derniers mois. Ces pas importants contribueront à faciliter les négociations d'un accord d'association entre l'Union européenne et le Mercosur, une perspective que le gouvernement français soutient.
Voilà ce que je tenais à vous dire.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 août 2002)