Texte intégral
A. Hausser Depuis hier - on en a confirmation -, le déficit est plus important que prévu. Il n'est pas de 1,8 ou 1,9 % mais plutôt de 2,3 - 2,6 % dit même le ministre de l'Economie. En traduction, cela veut dire que les caisses sont vides, il manque 15 milliards d'euros, c'est bien ça ?
- "100 milliards de francs."
Il y a donc deux lectures. Certains disent, à gauche notamment, que c'est le prétexte pour ne pas tenir les promesses. Et vous, vous dites : "On va tenir". Est-ce que vous êtes magiciens ?
- "Non, nous ne sommes pas des magiciens. D'abord, s'agissant de la gauche, je pense qu'elle devrait se réjouir que nous vivons en démocratie : lorsqu'on achève un mandat, il est bon de rendre des comptes aux Français, parce que ce sont leurs comptes, ce ne sont pas les nôtres. Donc, j'espère qu'ils ne les contestent pas puisqu'ils ont été établis par messieurs Nasse et Bonnet, qui avaient été choisis..."
On a dit qu'ils exagèrent un peu.
- "Je pense qu'on n'a pas raison de le dire ainsi, parce qu'ils avaient été choisis - on doit s'en souvenir - par L. Jospin qui les avait trouvé tout à fait honorables et incontestables dans leurs travaux. Je crois qu'il faut accueillir les chiffres d'une manière objective. Le gouvernement Jospin a, en cinq années, connu la meilleure croissance qu'on ait connue depuis des décennies, puisqu'il a bénéficié d'une moyenne de 2,8 de croissance sur cinq ans. Vous voyez ce que ça donne aujourd'hui : il rend un déficit de l'Etat plus dégradé que celui qu'il a trouvé ; il a accru la dette de plus de 1.000 milliards de francs. Il faut dire les choses franchement : c'est un bilan, du point de vue budgétaire, qui est catastrophique ! Est-ce que tout est perdu pour autant ? Certes pas. Il suffit de mener une politique telle que le président de la République et J.-P. Raffarin l'ont choisie. Nous sommes absolument déterminés à assainir les comptes et à rendre la France un pays très compétitif."
Pour assainir les comptes, il faut un peu de rigueur ? Certains disent qu'il y a un plan d'austérité à l'horizon.
- "J'ai entendu ça. Mais pas du tout, il faut simplement se soumettre à un certain nombre de disciplines..."
La discipline, c'est pas de la rigueur ?
- "Non, la rigueur c'est la conséquence de l'indiscipline. Et l'indiscipline des socialistes aurait pu conduire à la rigueur mais nous sommes déterminés à faire en sorte que les Français ne subissent pas les conséquences d'une mauvaise gestion pendant cinq ans."
Comment allez-vous faire ?
- "C'est finalement assez simple, parce qu'il y a tout de même des marges de progrès dans chaque budget. Vous savez que nous sommes un pays qui dépense tout de même beaucoup. Si nous prenons budget par budget, nous avons la possibilité "d'optimiser les dépenses", comme nous disons. C'est-à-dire, de faire en sorte de faire aussi bien avec un peu moins de crédits ou faire beaucoup plus avec autant de crédits. Donc, le rôle du ministre du Budget va consister à négocier, à discuter avec ses collègues, pour faire en sorte que l'argent public, argent qui est prélevé sur les Français, soit le mieux utilisé possible, qu'on atteigne de très bons résultats tout en ne levant pas des impôts nouveaux."
C'est la forme. Mais en fait, ce qui coûte le plus cher, c'est la fonction publique : allez-vous réduire le nombre des fonctionnaires ? Allez-vous commencer par ne pas remplacer tous ceux qui s'en vont ou allez-vous carrément supprimer certains postes ?
- "S'agissant de la fonction publique, il est vrai qu'on ne peut pas parler de suppressions d'emplois, comme je l'entends ici ou là, puisque les fonctionnaires sont sous statut. Donc, il n'y a pas de risque de cette nature, on n'est pas comme dans une entreprise privée. Par contre, la démographie de la fonction publique fait que de nombreux fonctionnaires vont partir à la retraite. Faut-il remplacer la totalité des fonctionnaires ? A l'évidence non, puisqu'il y a des missions qui jusqu'alors étaient exercées et qu'il n'est plus nécessaire d'exercer 40 ans après quand ils prennent leur retraite 40 ans après être entrés dans une fonction."
La modernisation... ?
- "La modernisation, absolument, les gains de productivité. Ce serait faire insulte aux fonctionnaires de dire qu'ils n'ont fait aucun gain de productivité."
Ils sont prêts à entendre ça ?
- "Mais oui, parce qu'ils savent très bien que ceci leur donnera des perspectives de carrière. Quand vous êtes à un niveau ou à un grade, si vous avez l'ambition de réussir votre propre carrière professionnelle, c'est très bon pour les fonctionnaires de savoir qu'ils peuvent avoir des évolutions de carrière."
Avez-vous chiffré le nombre de fonctionnaires qui pourraient ne pas être remplacés en fonction de l'optimisation que vous préconisez ?
- "Cette méthode risquerait de les blesser, parce qu'ils auraient l'impression d'être la variable d'ajustement des dépenses de l'Etat. Je crois qu'il faut partir des missions qui doivent être exercées pour rendre le service que les Français attendent. Quand vous entrez dans la belle carrière de fonctionnaire, votre fierté c'est de servir les Français. Et donc, ce qui compte, c'est le service rendu aux Français et de faire que le rapport coût-efficacité du service rendu aux Français soit le meilleur possible."
Vous leur faites avaler la pilule là...
- "Non, je suis très très confiant. Je suis sous l'autorité de F. Mer à la tête d'un ministère très important, c'est 180 000 personnes. Je souhaiterais donc que ce soit emblématique de la réforme de l'Etat ; que nous soyons le ministère qui montre que nous avons nous-mêmes des ressources pour devenir les meilleurs. Mon projet, c'est que le ministère des Finances soit vraiment, dans son pays, le ministère qui soit observé comme le meilleur, et qu'il devienne également la référence en Europe."
Pourtant c'est le ministère où les réformes bloquent.
- "C'est le ministère où certaines réformes ont bloqué. Et là encore, il ne faut jeter la pierre à personne. Ni aux ministres qui étaient en fonction ni aux salariés qui ont résisté."
Vous êtes formidables, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !
- "Mais non, pas du tout ! Peut-être ne s'étaient-ils pas compris ? Nous allons renouer le dialogue et je suis persuadé que nous allons trouver des solutions parce que ce n'est pas des salariés de la fonction publique contre un Gouvernement, puisque c'est l'intérêt des Français qui en cause. Pourquoi voulez-vous, qu'ensemble, nous ne trouvions pas la meilleure solution dans l'intérêt des Français ?".
Vous avez été celui qui avait chiffré le montant de la cagnotte à l'époque. Finalement, vous n'avez pas un peu de regret ? Est-ce que ce n'a pas été une exhortation à la dépense ?
- "Non. Ce qui était la catastrophe à l'époque, c'était - je vous avais qualifié "d'attelage", ce qui était un peu trivial, j'en conviens - la majorité de l'époque qui était socialiste, communiste, Verts, d'accord sur rien du tout s'agissant des finances publiques. Et il est vrai que si nous avons connu une vraie dérive, un vrai dérapage dans les dépenses publiques, c'est tout simplement parce qu'il n'y avait pas de majorité cohérente à l'Assemblée nationale."
Mais quand vous disiez "il y a de l'argent dans les caisses", c'était quand même un encouragement à la dépense ?
- "Non, c'était surtout qu'on essayait de nous cacher la vérité. Et donc, en démocratie, ne pas révéler aux Français la réalité de leurs comptes et la sincérité de leurs comptes, c'est manquer à ses devoirs démocratiques."
Tous les gouvernements l'ont fait.
- "Je ne crois pas que ce soit une pratique qu'il faille continuer, si les choses ont existé. Je suis convaincu, au contraire, que le vrai déficit aujourd'hui, c'est la confiance. Il faut regagner la confiance des citoyens ; il faut les réconcilier avec la politique ; il faut qu'ils aient envie de donner le meilleur d'eux-mêmes pour leur pays. Voilà ce à quoi je les exhorte."
Vous avez du travail...
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 juin 2002)