Interview de M. Jacques Barrot, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, sur la chute boursière de Vivendi et le soutien de l'UMP au gouvernement.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

J.-B. Prédali .- Vous êtes donc le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, le groupe le plus important, celui qui a la majorité à lui tout seul. On parlera évidemment de politique et du discours de J.-P. Raffarin cet après-midi. Mais tout de suite, pour l'actualité immédiate : l'économie, la chute boursière de Vivendi et le départ annoncé de J.-M. Messier. Certains réclament que le Gouvernement demande à la COB d'intervenir ; qu'en pensez-vous ?
- "Incontestablement, il y a des organismes de régulation comme la COB et aux Etats-Unis la SEC, l'équivalent de la COB. C'est à ses instances de regarder les irrégularités qui ont pu être commises. Chacun doit faire son travail ; il y a des instances de régulation. La vraie leçon de tout cela, c'est qu'aujourd'hui, le capitalisme financier doit se préoccuper des régulations nécessaires, des règles éthiques pour éviter ces inquiétudes qui peuvent se diffuser et affaiblir le développement des échanges et de l'économie mondiale."
Mais sur la démarche, elle-même, de saisie de la COB, vous appuieriez cette démarche ou pas ?
- "La COB, elle-même, est en mesure de se saisir aussi ; c'est là une instance de régulation dont le rôle est naturel. Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas aux politiques à faire ingérence et à s'ériger dans je ne sais quelle forme de commission d'enquête ou de tribunal, alors qu'il s'agit d'activités privées qui sont sous le contrôle des administrateurs et des actionnaires. Mais c'est vrai qu'il faut vraiment, à l'avenir, penser à protéger d'une certaine manière les actionnaires en leur assurant d'une plus grande transparence. C'est aussi tout le problème de l'éthique des cabinets d'audit, des cabinets qui sont chargés d'évaluer l'évolution de ces grandes entreprises multimondiales."
Vous craignez des répercussions pour l'économie française de l'affaire Messier et Vivendi ?
- "C'est difficile à dire. Ce que l'on peut dire, c'est qu'il y a, dans le groupe Vivendi, Vivendi Environnement, qui, en matière de technologie, est très en avance. Les besoins dans le domaine de l'approvisionnement en eau est un marché avec beaucoup de possibilités. Ne soyons pas non plus des oiseaux de mauvais augure. Il y a sûrement des possibilités dans ce groupe de rebondir. Mais il faudra sans doute remettre de l'ordre."
C'est aujourd'hui le grand oral de J.-P. Raffarin, sa déclaration de politique générale à l'Assemblée ; il vous a déjà communiqué son discours ?
- "Non, mais je pense que J.-P. Raffarin saura faire passer cette volonté très forte qui naît d'une démarche nouvelle, à la fois faite de décentralisation dans ce pays qui étouffe un peu parce que tout est trop décidé en haut et de trop loin. Et aussi une démarche de dynamisation de l'économie en permettant aux Français de donner le meilleur d'eux-mêmes. A ce moment-là, la reprise économique peut aller assez vite. Et puis, aussi, une démarche profondément éthique et citoyenne en permettant au dialogue social de retrouver toute sa place."
S'il y avait un axe que vous conseilleriez à J.-P. Raffarin de développer, ce serait lequel ?
- "Ce serait d'abord la dynamisation de cette économie. La faute majeure du gouvernement précédent, est d'avoir laisser entendre que la valeur du travail était relative. Non ! Il faut donner un sens au travail, il faut lui donner aussi la reconnaissance qu'il mérite. Le travail c'est une force extraordinaire pour développer notre pays et pour lui permettre, ensuite, de connaître de nouveaux progrès sociaux. C'est ce qui manque. Il faut qu'un climat de confiance s'instaure pour que l'investissement français reparte. 5 % d'investissements supplémentaires, cela nous donne un demi-point de croissance supplémentaire. A ce moment-là, beaucoup de problèmes sont beaucoup plus faciles à résoudre."
Hier, dans son message au Parlement, le président de la République fixait les grands axes ; aujourd'hui, J.-P. Raffarin entre dans le détail. Mais ce que l'on comprend mal, c'est votre rôle. On voit bien le président de la République, le Premier ministre mais, vous, le président du groupe le plus important de l'Assemblée, comment interviendrez-vous ?
- "Tout le rôle des parlementaires est de faire remonter les attentes des Français, d'être un peu comptables, aussi, de la réponse qui va être apportée à ces attentes. Je crois que l'on a un rôle déterminant. Le soutien sera solide mais il sera exigeant. Nous sommes comptables des engagements qui ont été pris, de remettre la France en état de dynamisme et aussi de lui redonner cette cohésion qui est d'abord menacée par la peur de l'insécurité."
Dans le groupe que vous présidez, il y a 365 membres. Il y a des gens qui viennent du RPR, des gens qui viennent de l'UDF, comme vous, des gens qui viennent de Démocratie libérale. Ce n'est pas pléthorique 365 personnes à gérer ?
- "Les Français, aujourd'hui, nous ont demandé, de grâce, de passez à l'action. Aujourd'hui, ce n'est plus le moment de cultiver les différences, c'est de s'unir pour avoir plus de cohérence et plus d'efficacité. C'est cela l'UMP. Ces premiers jours sont sans doute un peu difficiles parce qu'il faut faire connaissance, mais..."
Il y a quand même eu l'affrontement Balladur et Debré pour le perchoir ?
- "Cela s'est fort bien résolu et je vois tous les jours des parlementaires qui ne se connaissent pas commencer à faire connaissance, à débattre entre eux. Je suis assez optimiste parce que l'UMP est une grande novation dans le paysage français. On a été tellement été émietté, à gauche comme à droite que les Français ont pris un peu en grippe cet émiettement, ce morcellement des forces politiques. Aujourd'hui, ils veulent que leurs femmes et hommes politiques se retrouvent autour d'un vrai projet pour la France. Et cela, à l'UMP, on va pouvoir le faire. Le Gouvernement aura un point d'appui solide mais en même temps, il pourra constamment se référer à ce groupe pour savoir si les choses correspondent bien à ce que les Français souhaitent".
En octobre, il devrait y voir un congrès constitutif d'un parti, l'UMP. Quel rôle allez-vous jouer dans ce parti ?
- "Pour le moment, on pose les fondations. Le groupe est un peu, d'une certaine manière, les fondations. Ce qui importe surtout, c'est qu'à travers ses différentes sensibilités héritées d'hier ou d'avant-hier, les femmes et les hommes se positionnent par rapport aux problèmes d'aujourd'hui et de l'avenir. C'est donc une sorte de remembrement des sensibilités. Et puis, il faut que nous apprenions que dans l'action, quelles que soient les divergences et les sensibilités, à un moment donné, il faut s'unir pour changer les choses, pour réformer. Ce que je voudrais, ce soir, c'est qu'il sorte de ce débat un vrai volontarisme politique. Comme le disait le président de la République, hier, c'est un sursaut de volonté politique dont on a besoin."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 juillet 2002)