Texte intégral
(Conférence de presse à Islamabad, le 3 août 2002) :
Je souhaiterais remercier les autorités pakistanaises, représentées par le président Musharraf, le ministre M. Inam Ul Haque et le ministre M. Haider, pour l'accueil chaleureux qu'elles m'ont réservé. C'est pour moi un grand plaisir d'être au Pakistan aujourd'hui. Mon déplacement est essentiellement motivé par la volonté de renforcer notre coopération avec le Pakistan.
Notre relation avec le Pakistan est marquée par son ancienneté, sa richesse et sa diversité. Nous avons toujours conservé une présence française au Pakistan. Cette présence est manifeste dans un certain nombre de domaines. Dans le domaine culturel et éducatif, nous avons développé une coopération entre universitaires et centres de recherche, ainsi que le montre l'exemple des fouilles archéologiques de Makran. Plus de 5 000 étudiants pakistanais apprennent le français. Nous développons par ailleurs des cours de français sur Internet. Nous souhaiterions étendre ces cours à d'autres domaines. Nous avons également pour objectif de doubler, à terme, le nombre d'étudiants pakistanais présents dans les universités françaises. Enfin, nous allons engager une coopération dans le domaine de la formation des hauts fonctionnaires au début de l'année prochaine. Dans le domaine industriel et économique, nous poursuivons notre collaboration. La France est prête à mettre en place une coopération étroite dans le secteur des télécommunications. Ainsi, la société française Sofrecom pourrait contribuer à la construction d'infrastructures de télécommunications de pointe. Nous avons par ailleurs octroyé un prêt de 20 millions d'euros pour le traitement des eaux, qui constitue un facteur clé du développement.
Nous avons en outre consenti des efforts spécifiques pour répondre aux préoccupations de votre pays sur deux questions majeures : dans le domaine financier, nous avons toujours soutenu le Pakistan au sein du Club de Paris et du FMI en vue d'un rééchelonnement de la dette pakistanaise ; conjointement avec nos partenaires européens, nous avons pris des mesures appropriées pour donner à vos produits textiles un meilleur accès aux marchés européens.
Ma visite a également pour but de mettre en évidence notre obligation commune qu'est la lutte contre le terrorisme. Nos deux pays ont été victimes du terrorisme. Le 8 mai dernier, un attentat terroriste a tué des citoyens français et pakistanais à Karachi, causant une vive émotion. Ceux qui ont perpétré cet attentat en pensant ainsi séparer la France et le Pakistan ont échoué. Cette épreuve nous a rapprochés. Nous travaillons désormais de concert pour retrouver les responsables de cette atrocité et les punir. Je peux vous assurer que nous sommes engagés dans une coopération de premier ordre. Cette coopération fait fond sur le choix courageux opéré par le Pakistan dans la lutte contre le terrorisme. Je souhaite saluer ce choix. Ces efforts doivent être poursuivis. Il est essentiel que les infiltrations le long de la ligne de contrôle cessent. En confirmant ce choix, le Pakistan renforcera sa position sur la scène internationale ainsi que sa stabilité.
Au cours de nos discussions, nous avons évoqué la question de la stabilité en Asie du sud. J'ai mis l'accent sur la nécessité pour la région dans son ensemble de s'engager dans un processus de paix et de stabilité. Une responsabilité particulière incombe aujourd'hui à deux pays aussi importants que l'Inde et le Pakistan. Pourquoi ? Parce qu'ils se trouvent tous deux à un moment crucial : des élections sont actuellement organisées au Pakistan. Nous sommes confiants dans le succès de ce processus. En Inde, la date des élections au Jammu et Cachemire a été annoncée hier. Il s'agira d'une étape extrêmement importante. Ces élections seront suivies avec beaucoup d'attention. Elles devront se tenir dans un environnement pacifique et dans de bonnes conditions.
Les deux pays ont une responsabilité car tous deux ont un défi commun à relever : la lutte contre le terrorisme, qu'il est de notre devoir à tous de mener. La fin des activités terroristes garantira la stabilité de la région. Ils ont également une responsabilité, car l'Inde et le Pakistan ont un intérêt commun à renouer le dialogue, y compris, bien entendu, sur le Cachemire. J'ai confiance en la capacité de vos deux pays à surmonter leurs différends ainsi que des difficultés que nul n'ignore. Il en va de l'intérêt de la région, et de l'intérêt de la stabilité mondiale. Enfin, ils ont une responsabilité car dans un monde d'incertitudes et de tensions et de nouvelles menaces après le 11 septembre 2001, il est urgent de créer une situation stable.
C'est la raison pour laquelle il est si important de faire preuve de réalisme et d'une détermination qui doit se fonder sur quelques principes. Le premier est le respect. Ma visite ici s'est déroulée dans le respect de votre pays. Le second est, je viens de l'évoquer, le sens de la responsabilité. Le troisième est un esprit de dialogue, qui est au coeur de toute solution. Le quatrième est un esprit de coopération. Il est de l'intérêt de la région tout entière de parvenir à une coopération étroite.
C'est grâce à la conjonction harmonieuse de la tradition et de la modernité et à des réformes ambitieuses que le Pakistan pourra assumer son rôle sur la scène internationale.
Q - Monsieur le Ministre, les forces indiennes sont positionnées à la frontière pakistanaise et c'est là je crois la vraie cause de la tension entre l'Inde et le Pakistan, est-ce que je peux me permettre de vous demander ce que peut faire votre grand pays pour faire reculer ces forces ?
R - Comme je l'ai dit tout à l'heure, je crois que dans un climat qui est celui de la méfiance, il est important de faire preuve du sens des responsabilités. C'est dans ce contexte que le dialogue doit reprendre. Toutes les mesures de confiance, tout ce qui peut encourager les deux pays à aller de l'avant dans le sens du dialogue doit être fait, et chacun doit y contribuer dans la communauté internationale, dans le respect de la responsabilité des deux pays et des deux parties. Le dialogue, je l'ai dit à New Delhi, je le répète aujourd'hui à Islamabad, ne se décrète pas. Il se fonde sur la confiance et il est important que ce dialogue indispensable entre le Pakistan et l'Inde puisse se développer dans le cadre des relations de confiance qui doivent exister entre deux grands pays voisins. Je l'ai dit et je souhaite le répéter, il y a une urgence particulière dans cette région qui tient à la menace même qui pèse aujourd'hui. Chaque pays a une capacité nucléaire, cela crée un sens particulier de la responsabilité, par ailleurs il y a des circonstances qui sont particulièrement fortes et qui doivent inciter aujourd'hui à aller de l'avant. J'ai mentionné les élections qui vont se dérouler dans votre pays, la marche, le retour vers la démocratie. J'ai mentionné aussi les élections qui vont se dérouler au Jamu et Cachemire. J'ai mentionné le contexte international, qui est un contexte de tensions. Il y a des sources de tensions particulières dans le monde qui sont une incitation supplémentaire pour deux grands pays comme l'Inde et le Pakistan à chercher les voies du dialogue. Je pense que le contexte général, aujourd'hui, va dans le sens de la reprise du dialogue, va dans le sens de l'esprit de responsabilités et chacun doit tout faire pour essayer d'y contribuer.
Q - Vous avez parlé Monsieur le Ministre, des élections qui vont être organisées au Cachemire indien au mois de septembre et au mois d'octobre. Les Indiens cherchent aujourd'hui à remplacer la perspective du plébiscite qui avait été promis aux Cachemiris par les résolutions du Conseil de sécurité par cette élection. Puis-je vous demander quelle est la position de la France à propos de ces élections, peuvent-elles remplacer justement ce plébiscite ?
R - Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur le fond. Ce qui est certain, c'est que le débat, la nature même du sujet que vous abordez, le problème du Cachemire, doit être débattu entre Indiens et Pakistanais et que personne ne peut se substituer au dialogue indispensable entre ces deux pays. Toutefois des élections doivent se tenir au Jamu et Cachemire. Il est important que ces élections puissent se dérouler dans de bonnes conditions, des conditions de transparence. Il est important aussi qu'elles puissent se dérouler sans violence et c'est sur ce point que nous voulons insister, sur la responsabilité qui doit donc exister et faire en sorte que ces élections puissent se dérouler dans le calme et la sérénité.
Q - Je vous avais demandé, Monsieur le Ministre si ces élections pouvaient remplacer le plébiscite qui a été promis au peuple du Cachemire, quelle est la position française ?
R - La position française, je vous le redis, c'est de considérer que le problème particulier du Cachemire doit être débattu entre l'Inde et le Pakistan, et que personne ne peut se substituer à ce débat entre ces deux pays.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez dit qu'il était très important que les infiltrations le long de la ligne de contrôle stoppent complètement. Je pense que vous avez abordé ce problème avec vos interlocuteurs, quelle a été la réponse des différents responsables pakistanais que vous avez rencontrés aujourd'hui et ont-ils pris un engagement particulier à ce propos ?
R - La détermination qui a été affichée par mes interlocuteurs, et en particulier bien sûr par le président Musharraf, à lutter contre le terrorisme est entière. Nous avons évidemment évoqué le problème des infiltrations le long de la ligne de contrôle et l'engagement renouvelé du président Musharraf ne supporte évidemment aucune limite. Il a bien conscience, un sentiment très clair, de la nécessité de tout faire pour que ces infiltrations ne puissent pas se produire et soient donc susceptibles d'accroître la tension entre les deux pays.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez parlé du dialogue, est-ce que je peux me permettre de vous rappeler que le Pakistan a toujours soutenu l'option du dialogue et que l'Inde n'a pas répondu positivement à cette perspective. Qu'en pensez-vous après vos entretiens à Delhi ? Deuxièmement, il y a un certain nombre de résolutions du Conseil de sécurité qui disent que des élections au Jamu et Cachemire ne doivent, ne peuvent pas remplacer le plébiscite ? C'est d'ailleurs ce qu'a redit, la semaine dernière, M. Solana quand il était ici et je voudrais vous redemander en tant que membre de l'Union européenne et des Nations unies, quel est votre point de vue sur cette question ?
R - Dans les différents entretiens que j'ai pu avoir à New Delhi avec le Premier ministre indien, le vice-Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, il est apparu très clairement que la préoccupation centrale tournait autour de la question du terrorisme et de la menace que faisaient planer les infiltrations le long de la ligne de contrôle. C'est évidemment la première préoccupation qui s'est exprimée. Un souci a été fortement indiqué, par ailleurs, de pouvoir organiser les prochaines élections, à la fin du mois de septembre et au début du mois d'octobre, dans de bonnes conditions. C'est-à-dire sans violence. Vous évoquez le problème particulier du Cachemire, je vous le redis, c'est une conviction et c'est la position française, il est important que cette question du Cachemire puisse se situer dans le cadre du dialogue qui existe et qui doit se développer entre l'Inde et le Pakistan.
Q - Monsieur le Ministre, avez-vous l'impression que les perspectives de risque d'un conflit militaire entre nos deux pays s'amenuisent suite aux mesures qui ont été prises par le Pakistan et quelle évaluation faites-vous des mesures qui ont été prises par le Pakistan ; deuxièmement, quelles mesures votre pays va-t-il prendre pour arrêter les violations des droits de l'homme qui sont commises régulièrement dans le Cachemire occupé par les forces indiennes, occupé illégalement par ces forces qui ont pris possession du "Paradis de Dieu" ?
R - Sur l'évaluation de la situation et l'évaluation de la menace, je dois vous dire que je crois que des progrès importants ont été faits dans la prise de conscience, de part et d'autre, des enjeux. Il y a, du fait même de la puissance de l'Inde et du Pakistan, un esprit de responsabilité qui s'est développé dans cette région, et je dois dire que cela incite plutôt aujourd'hui à la confiance. Au-delà de cette prise de conscience, je crois que se fait jour la nécessité de relever le défi face à la menace terroriste. Cela est un élément important de mobilisation qui doit permettre d'éviter toute dérive, tout dérapage dans la région. Troisièmement, je crois que dès lors que les conditions sont réunies, chacun a conscience que c'est par le dialogue que les problèmes pourront être réglés. Cet esprit de dialogue, qui pourrait exister dans la région, qui doit exister entre deux grands pays voisins, est indispensable et je pense que c'est effectivement une nécessité, si l'on veut véritablement, non seulement abaisser durablement la tension - l'objectif, c'est de faire en sorte de créer une situation qui puisse durablement être satisfaisante -, et par ailleurs régler les problèmes qui aujourd'hui en sont évidemment la source, entre l'Inde et le Pakistan. Et je veux croire que les tensions internationales, les incertitudes internationales, créent aujourd'hui une incitation supplémentaire, et pour l'Inde, et pour le Pakistan, à chercher à régler ces problèmes. C'est un élément important pour la stabilité de la région mais c'est un élément important aussi pour la stabilité du monde, convaincu que je suis que toute difficulté régionale n'est pas sans répercussion sur l'équilibre mondial. Vous avez évoqué le problème des Droits de l'Homme au Cachemire, vous connaissez la position de la France, vous connaissez la position de l'Union européenne, chaque fois que se pose le problème ou la question des Droits de l'Homme, nous l'évoquons, nous tenons à l'évoquer et nous le faisons bien évidemment dans le cadre de l'Union européenne aussi.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le7 août 2002)
(Interview à RTL à Islamabad, le 3 août 2002) :
Q - Monsieur le ministre, quel est le bilan que vous faites de cette visite, quels sont les résultats concrets que vous avez obtenus à l'issue de ces deux jours ?
R - Je suis d'abord très frappé par la prise de conscience qui existe dans cette région. C'est vrai en Inde où j'ai rencontré le Premier ministre indien, le vice-Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, c'est vrai au Pakistan où je viens de rencontrer le président Musharraf, il y a une prise de conscience. Il y a une prise de conscience des risques dans la région, il y a, vous le savez, une capacité nucléaire qui existe dans les deux pays et cela crée un sens particulier des responsabilités. Je dois dire que j'ai été frappé par le sentiment qui existe, de part et d'autre, de la nécessité de tout faire pour éviter un dérapage. Au-delà de cette prise de conscience, je crois qu'il y a un défi commun qu'il convient que chacun relève et ce défi c'est celui du terrorisme. Il y a ce terrorisme qui se développe et qui veut prendre en otage la région, il y a une mobilisation très forte. Le président Musharraf me l'a dit, il y a un engagement à tout faire pour que les infiltrations sur la ligne de contrôle au Cachemire ne se reproduisent pas, pour éviter justement des représailles, pour éviter que la suspicion et que la réaction militaire ne finissent par l'emporter. A partir de là, il y a l'idée du dialogue, la nécessité du dialogue, l'esprit du dialogue. Celui-là même, ce même dialogue qui a existé longtemps dans la région qui est l'esprit de Simla, l'esprit de Lahore, qui je crois fait son chemin. C'est le sens de mon voyage d'avoir encouragé au retour de cet esprit de dialogue qui est évidemment la seule façon pour les deux pays de régler le très lourd différent qui existe aujourd'hui sur le Cachemire. C'est évidemment la responsabilité de l'Inde, c'est la responsabilité du Pakistan, que de débattre de la façon de régler ce problème. Il y aura au Jamu et Cachemire des élections, qui auront lieu en septembre et début octobre en plusieurs phases. Ces élections constituent une étape importante, elles doivent être sereines, elles doivent être transparentes. Il est important qu'elles puissent se dérouler sans violence. Et nous souhaitons que chacun de son point de vue ait conscience, une nouvelle fois, de l'importance des enjeux et puisse faire en sorte que ces élections se déroulent librement. Le Pakistan, de son côté, aura lui aussi des échéances, il y aura des élections au mois d'octobre. C'est une étape là encore très importante puisque c'est la marque du retour vers la démocratie du Pakistan. Je crois donc que, fort des grands enjeux qui sont ceux de cette région, chacun des deux pays aura à coeur de faire en sorte que le dialogue l'emporte sur toute autre solution.
Q - Vous l'avez dit, la France et le Pakistan ont un intérêt commun à lutter contre le terrorisme. Quelles sont les assurances que vous avez reçues des autorités pakistanaises concernant l'enquête sur l'attentat de Karachi ?
R - J'ai rencontré, ici à Islamabad, le ministre de l'Intérieur et j'ai donc eu l'occasion de faire le point sur cette coopération entre la France et le Pakistan. Vous savez que c'est un point important, vous savez la très grande émotion, la très grande douleur qui a été celle du peuple français à la suite de cet attentat de Karachi et nous avons à coeur de pouvoir aller jusqu'au bout de cette coopération, jusqu'au bout de cette enquête. Vous savez qu'une enquête judiciaire est en cours et nous voulons savoir ce qui s'est passé. Nous voulons connaître les responsables de ces attentats. J'ai donc fait un point détaillé avec mes interlocuteurs, je peux vous dire qu'aujourd'hui cette coopération marche bien, que l'enquête progresse et que nous espérons pouvoir très rapidement obtenir la vérité sur ce qui s'est passé.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 août 2002)
Je souhaiterais remercier les autorités pakistanaises, représentées par le président Musharraf, le ministre M. Inam Ul Haque et le ministre M. Haider, pour l'accueil chaleureux qu'elles m'ont réservé. C'est pour moi un grand plaisir d'être au Pakistan aujourd'hui. Mon déplacement est essentiellement motivé par la volonté de renforcer notre coopération avec le Pakistan.
Notre relation avec le Pakistan est marquée par son ancienneté, sa richesse et sa diversité. Nous avons toujours conservé une présence française au Pakistan. Cette présence est manifeste dans un certain nombre de domaines. Dans le domaine culturel et éducatif, nous avons développé une coopération entre universitaires et centres de recherche, ainsi que le montre l'exemple des fouilles archéologiques de Makran. Plus de 5 000 étudiants pakistanais apprennent le français. Nous développons par ailleurs des cours de français sur Internet. Nous souhaiterions étendre ces cours à d'autres domaines. Nous avons également pour objectif de doubler, à terme, le nombre d'étudiants pakistanais présents dans les universités françaises. Enfin, nous allons engager une coopération dans le domaine de la formation des hauts fonctionnaires au début de l'année prochaine. Dans le domaine industriel et économique, nous poursuivons notre collaboration. La France est prête à mettre en place une coopération étroite dans le secteur des télécommunications. Ainsi, la société française Sofrecom pourrait contribuer à la construction d'infrastructures de télécommunications de pointe. Nous avons par ailleurs octroyé un prêt de 20 millions d'euros pour le traitement des eaux, qui constitue un facteur clé du développement.
Nous avons en outre consenti des efforts spécifiques pour répondre aux préoccupations de votre pays sur deux questions majeures : dans le domaine financier, nous avons toujours soutenu le Pakistan au sein du Club de Paris et du FMI en vue d'un rééchelonnement de la dette pakistanaise ; conjointement avec nos partenaires européens, nous avons pris des mesures appropriées pour donner à vos produits textiles un meilleur accès aux marchés européens.
Ma visite a également pour but de mettre en évidence notre obligation commune qu'est la lutte contre le terrorisme. Nos deux pays ont été victimes du terrorisme. Le 8 mai dernier, un attentat terroriste a tué des citoyens français et pakistanais à Karachi, causant une vive émotion. Ceux qui ont perpétré cet attentat en pensant ainsi séparer la France et le Pakistan ont échoué. Cette épreuve nous a rapprochés. Nous travaillons désormais de concert pour retrouver les responsables de cette atrocité et les punir. Je peux vous assurer que nous sommes engagés dans une coopération de premier ordre. Cette coopération fait fond sur le choix courageux opéré par le Pakistan dans la lutte contre le terrorisme. Je souhaite saluer ce choix. Ces efforts doivent être poursuivis. Il est essentiel que les infiltrations le long de la ligne de contrôle cessent. En confirmant ce choix, le Pakistan renforcera sa position sur la scène internationale ainsi que sa stabilité.
Au cours de nos discussions, nous avons évoqué la question de la stabilité en Asie du sud. J'ai mis l'accent sur la nécessité pour la région dans son ensemble de s'engager dans un processus de paix et de stabilité. Une responsabilité particulière incombe aujourd'hui à deux pays aussi importants que l'Inde et le Pakistan. Pourquoi ? Parce qu'ils se trouvent tous deux à un moment crucial : des élections sont actuellement organisées au Pakistan. Nous sommes confiants dans le succès de ce processus. En Inde, la date des élections au Jammu et Cachemire a été annoncée hier. Il s'agira d'une étape extrêmement importante. Ces élections seront suivies avec beaucoup d'attention. Elles devront se tenir dans un environnement pacifique et dans de bonnes conditions.
Les deux pays ont une responsabilité car tous deux ont un défi commun à relever : la lutte contre le terrorisme, qu'il est de notre devoir à tous de mener. La fin des activités terroristes garantira la stabilité de la région. Ils ont également une responsabilité, car l'Inde et le Pakistan ont un intérêt commun à renouer le dialogue, y compris, bien entendu, sur le Cachemire. J'ai confiance en la capacité de vos deux pays à surmonter leurs différends ainsi que des difficultés que nul n'ignore. Il en va de l'intérêt de la région, et de l'intérêt de la stabilité mondiale. Enfin, ils ont une responsabilité car dans un monde d'incertitudes et de tensions et de nouvelles menaces après le 11 septembre 2001, il est urgent de créer une situation stable.
C'est la raison pour laquelle il est si important de faire preuve de réalisme et d'une détermination qui doit se fonder sur quelques principes. Le premier est le respect. Ma visite ici s'est déroulée dans le respect de votre pays. Le second est, je viens de l'évoquer, le sens de la responsabilité. Le troisième est un esprit de dialogue, qui est au coeur de toute solution. Le quatrième est un esprit de coopération. Il est de l'intérêt de la région tout entière de parvenir à une coopération étroite.
C'est grâce à la conjonction harmonieuse de la tradition et de la modernité et à des réformes ambitieuses que le Pakistan pourra assumer son rôle sur la scène internationale.
Q - Monsieur le Ministre, les forces indiennes sont positionnées à la frontière pakistanaise et c'est là je crois la vraie cause de la tension entre l'Inde et le Pakistan, est-ce que je peux me permettre de vous demander ce que peut faire votre grand pays pour faire reculer ces forces ?
R - Comme je l'ai dit tout à l'heure, je crois que dans un climat qui est celui de la méfiance, il est important de faire preuve du sens des responsabilités. C'est dans ce contexte que le dialogue doit reprendre. Toutes les mesures de confiance, tout ce qui peut encourager les deux pays à aller de l'avant dans le sens du dialogue doit être fait, et chacun doit y contribuer dans la communauté internationale, dans le respect de la responsabilité des deux pays et des deux parties. Le dialogue, je l'ai dit à New Delhi, je le répète aujourd'hui à Islamabad, ne se décrète pas. Il se fonde sur la confiance et il est important que ce dialogue indispensable entre le Pakistan et l'Inde puisse se développer dans le cadre des relations de confiance qui doivent exister entre deux grands pays voisins. Je l'ai dit et je souhaite le répéter, il y a une urgence particulière dans cette région qui tient à la menace même qui pèse aujourd'hui. Chaque pays a une capacité nucléaire, cela crée un sens particulier de la responsabilité, par ailleurs il y a des circonstances qui sont particulièrement fortes et qui doivent inciter aujourd'hui à aller de l'avant. J'ai mentionné les élections qui vont se dérouler dans votre pays, la marche, le retour vers la démocratie. J'ai mentionné aussi les élections qui vont se dérouler au Jamu et Cachemire. J'ai mentionné le contexte international, qui est un contexte de tensions. Il y a des sources de tensions particulières dans le monde qui sont une incitation supplémentaire pour deux grands pays comme l'Inde et le Pakistan à chercher les voies du dialogue. Je pense que le contexte général, aujourd'hui, va dans le sens de la reprise du dialogue, va dans le sens de l'esprit de responsabilités et chacun doit tout faire pour essayer d'y contribuer.
Q - Vous avez parlé Monsieur le Ministre, des élections qui vont être organisées au Cachemire indien au mois de septembre et au mois d'octobre. Les Indiens cherchent aujourd'hui à remplacer la perspective du plébiscite qui avait été promis aux Cachemiris par les résolutions du Conseil de sécurité par cette élection. Puis-je vous demander quelle est la position de la France à propos de ces élections, peuvent-elles remplacer justement ce plébiscite ?
R - Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur le fond. Ce qui est certain, c'est que le débat, la nature même du sujet que vous abordez, le problème du Cachemire, doit être débattu entre Indiens et Pakistanais et que personne ne peut se substituer au dialogue indispensable entre ces deux pays. Toutefois des élections doivent se tenir au Jamu et Cachemire. Il est important que ces élections puissent se dérouler dans de bonnes conditions, des conditions de transparence. Il est important aussi qu'elles puissent se dérouler sans violence et c'est sur ce point que nous voulons insister, sur la responsabilité qui doit donc exister et faire en sorte que ces élections puissent se dérouler dans le calme et la sérénité.
Q - Je vous avais demandé, Monsieur le Ministre si ces élections pouvaient remplacer le plébiscite qui a été promis au peuple du Cachemire, quelle est la position française ?
R - La position française, je vous le redis, c'est de considérer que le problème particulier du Cachemire doit être débattu entre l'Inde et le Pakistan, et que personne ne peut se substituer à ce débat entre ces deux pays.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez dit qu'il était très important que les infiltrations le long de la ligne de contrôle stoppent complètement. Je pense que vous avez abordé ce problème avec vos interlocuteurs, quelle a été la réponse des différents responsables pakistanais que vous avez rencontrés aujourd'hui et ont-ils pris un engagement particulier à ce propos ?
R - La détermination qui a été affichée par mes interlocuteurs, et en particulier bien sûr par le président Musharraf, à lutter contre le terrorisme est entière. Nous avons évidemment évoqué le problème des infiltrations le long de la ligne de contrôle et l'engagement renouvelé du président Musharraf ne supporte évidemment aucune limite. Il a bien conscience, un sentiment très clair, de la nécessité de tout faire pour que ces infiltrations ne puissent pas se produire et soient donc susceptibles d'accroître la tension entre les deux pays.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez parlé du dialogue, est-ce que je peux me permettre de vous rappeler que le Pakistan a toujours soutenu l'option du dialogue et que l'Inde n'a pas répondu positivement à cette perspective. Qu'en pensez-vous après vos entretiens à Delhi ? Deuxièmement, il y a un certain nombre de résolutions du Conseil de sécurité qui disent que des élections au Jamu et Cachemire ne doivent, ne peuvent pas remplacer le plébiscite ? C'est d'ailleurs ce qu'a redit, la semaine dernière, M. Solana quand il était ici et je voudrais vous redemander en tant que membre de l'Union européenne et des Nations unies, quel est votre point de vue sur cette question ?
R - Dans les différents entretiens que j'ai pu avoir à New Delhi avec le Premier ministre indien, le vice-Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, il est apparu très clairement que la préoccupation centrale tournait autour de la question du terrorisme et de la menace que faisaient planer les infiltrations le long de la ligne de contrôle. C'est évidemment la première préoccupation qui s'est exprimée. Un souci a été fortement indiqué, par ailleurs, de pouvoir organiser les prochaines élections, à la fin du mois de septembre et au début du mois d'octobre, dans de bonnes conditions. C'est-à-dire sans violence. Vous évoquez le problème particulier du Cachemire, je vous le redis, c'est une conviction et c'est la position française, il est important que cette question du Cachemire puisse se situer dans le cadre du dialogue qui existe et qui doit se développer entre l'Inde et le Pakistan.
Q - Monsieur le Ministre, avez-vous l'impression que les perspectives de risque d'un conflit militaire entre nos deux pays s'amenuisent suite aux mesures qui ont été prises par le Pakistan et quelle évaluation faites-vous des mesures qui ont été prises par le Pakistan ; deuxièmement, quelles mesures votre pays va-t-il prendre pour arrêter les violations des droits de l'homme qui sont commises régulièrement dans le Cachemire occupé par les forces indiennes, occupé illégalement par ces forces qui ont pris possession du "Paradis de Dieu" ?
R - Sur l'évaluation de la situation et l'évaluation de la menace, je dois vous dire que je crois que des progrès importants ont été faits dans la prise de conscience, de part et d'autre, des enjeux. Il y a, du fait même de la puissance de l'Inde et du Pakistan, un esprit de responsabilité qui s'est développé dans cette région, et je dois dire que cela incite plutôt aujourd'hui à la confiance. Au-delà de cette prise de conscience, je crois que se fait jour la nécessité de relever le défi face à la menace terroriste. Cela est un élément important de mobilisation qui doit permettre d'éviter toute dérive, tout dérapage dans la région. Troisièmement, je crois que dès lors que les conditions sont réunies, chacun a conscience que c'est par le dialogue que les problèmes pourront être réglés. Cet esprit de dialogue, qui pourrait exister dans la région, qui doit exister entre deux grands pays voisins, est indispensable et je pense que c'est effectivement une nécessité, si l'on veut véritablement, non seulement abaisser durablement la tension - l'objectif, c'est de faire en sorte de créer une situation qui puisse durablement être satisfaisante -, et par ailleurs régler les problèmes qui aujourd'hui en sont évidemment la source, entre l'Inde et le Pakistan. Et je veux croire que les tensions internationales, les incertitudes internationales, créent aujourd'hui une incitation supplémentaire, et pour l'Inde, et pour le Pakistan, à chercher à régler ces problèmes. C'est un élément important pour la stabilité de la région mais c'est un élément important aussi pour la stabilité du monde, convaincu que je suis que toute difficulté régionale n'est pas sans répercussion sur l'équilibre mondial. Vous avez évoqué le problème des Droits de l'Homme au Cachemire, vous connaissez la position de la France, vous connaissez la position de l'Union européenne, chaque fois que se pose le problème ou la question des Droits de l'Homme, nous l'évoquons, nous tenons à l'évoquer et nous le faisons bien évidemment dans le cadre de l'Union européenne aussi.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le7 août 2002)
(Interview à RTL à Islamabad, le 3 août 2002) :
Q - Monsieur le ministre, quel est le bilan que vous faites de cette visite, quels sont les résultats concrets que vous avez obtenus à l'issue de ces deux jours ?
R - Je suis d'abord très frappé par la prise de conscience qui existe dans cette région. C'est vrai en Inde où j'ai rencontré le Premier ministre indien, le vice-Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, c'est vrai au Pakistan où je viens de rencontrer le président Musharraf, il y a une prise de conscience. Il y a une prise de conscience des risques dans la région, il y a, vous le savez, une capacité nucléaire qui existe dans les deux pays et cela crée un sens particulier des responsabilités. Je dois dire que j'ai été frappé par le sentiment qui existe, de part et d'autre, de la nécessité de tout faire pour éviter un dérapage. Au-delà de cette prise de conscience, je crois qu'il y a un défi commun qu'il convient que chacun relève et ce défi c'est celui du terrorisme. Il y a ce terrorisme qui se développe et qui veut prendre en otage la région, il y a une mobilisation très forte. Le président Musharraf me l'a dit, il y a un engagement à tout faire pour que les infiltrations sur la ligne de contrôle au Cachemire ne se reproduisent pas, pour éviter justement des représailles, pour éviter que la suspicion et que la réaction militaire ne finissent par l'emporter. A partir de là, il y a l'idée du dialogue, la nécessité du dialogue, l'esprit du dialogue. Celui-là même, ce même dialogue qui a existé longtemps dans la région qui est l'esprit de Simla, l'esprit de Lahore, qui je crois fait son chemin. C'est le sens de mon voyage d'avoir encouragé au retour de cet esprit de dialogue qui est évidemment la seule façon pour les deux pays de régler le très lourd différent qui existe aujourd'hui sur le Cachemire. C'est évidemment la responsabilité de l'Inde, c'est la responsabilité du Pakistan, que de débattre de la façon de régler ce problème. Il y aura au Jamu et Cachemire des élections, qui auront lieu en septembre et début octobre en plusieurs phases. Ces élections constituent une étape importante, elles doivent être sereines, elles doivent être transparentes. Il est important qu'elles puissent se dérouler sans violence. Et nous souhaitons que chacun de son point de vue ait conscience, une nouvelle fois, de l'importance des enjeux et puisse faire en sorte que ces élections se déroulent librement. Le Pakistan, de son côté, aura lui aussi des échéances, il y aura des élections au mois d'octobre. C'est une étape là encore très importante puisque c'est la marque du retour vers la démocratie du Pakistan. Je crois donc que, fort des grands enjeux qui sont ceux de cette région, chacun des deux pays aura à coeur de faire en sorte que le dialogue l'emporte sur toute autre solution.
Q - Vous l'avez dit, la France et le Pakistan ont un intérêt commun à lutter contre le terrorisme. Quelles sont les assurances que vous avez reçues des autorités pakistanaises concernant l'enquête sur l'attentat de Karachi ?
R - J'ai rencontré, ici à Islamabad, le ministre de l'Intérieur et j'ai donc eu l'occasion de faire le point sur cette coopération entre la France et le Pakistan. Vous savez que c'est un point important, vous savez la très grande émotion, la très grande douleur qui a été celle du peuple français à la suite de cet attentat de Karachi et nous avons à coeur de pouvoir aller jusqu'au bout de cette coopération, jusqu'au bout de cette enquête. Vous savez qu'une enquête judiciaire est en cours et nous voulons savoir ce qui s'est passé. Nous voulons connaître les responsables de ces attentats. J'ai donc fait un point détaillé avec mes interlocuteurs, je peux vous dire qu'aujourd'hui cette coopération marche bien, que l'enquête progresse et que nous espérons pouvoir très rapidement obtenir la vérité sur ce qui s'est passé.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 août 2002)