Texte intégral
A. Hausser Vous avez écouté J. Chirac hier soir ?
- "Oui, j'ai écouté J. Chirac."
Vous êtes choqué par son intervention ?
- "Je voudrais surtout dire aux gens de gauche de se réveiller, de ne pas se laisser endormir par les propos bénisseurs de J. Chirac. Au fond, que dit-il ? Il dit : "Votez pour la droite, je m'occupe de tout." Je ne prendrais pas pour argent comptant les propos de J. Chirac. J'aurais tendance à me méfier et les Français ont tendance à se méfier. Et ils ont raison ! Mais il faut qu'ils se réveillent, il faut que la gauche se réveille, parce que demain, si la droite est majoritaire à l'Assemblée nationale, c'est non seulement J. Chirac, qui est Président, mais c'est aussi le Gouvernement, l'Assemblée nationale, avec le parti unique de J. Chirac, le Sénat, la majorité des régions et des départements, qui auront donné les pouvoirs à la droite. Tous les pouvoirs à la droite, cela veut dire que notre démocratie va mal fonctionner. Je crois que la démocratie fonctionne quand il y a un vrai débat et lorsqu'il y a un vrai dialogue. C'est aussi l'un des messages de l'élection présidentielle. Donc, attention, danger !"
Vous dites "tous les pouvoirs à la droite" mais le principal pouvoir, c'est quand même le Parlement. C'est donc un peu logique qu'il veuille avoir une majorité à l'Assemblée nationale.
- "Le 5 mai, la gauche a voté pour J. Chirac, les socialistes ont voté pour J. Chirac, il y a même une majorité d'électeurs a voté pour J. Chirac, non pas pour son programme, mais pour garantir le bon fonctionnement des institutions républicaines. Donc le choix de la politique pour la France va se faire aux élections législatives et la Constitution donne au Gouvernement la responsabilité de déterminer, de conduire la politique de la nation. Donner tous les pouvoirs au même parti - parce que là il y a un parti unique - serait profondément dangereux. Je ne voudrais pas qu'on oublie une chose : certes la gauche n'a pas tout réussi mais toutes les grandes réformes, c'est elle qui les a fait passer au Parlement et dans le pays. Depuis trente ans, quelles sont les grandes réformes sociales que la droite a fait passer ? Aucune."
La gauche a quand même été sévèrement sanctionnée le 21 avril...
- "Le 21 avril, L. Jospin n'a pas gagné et il en a d'ailleurs tiré les conclusions avec beaucoup de dignité. Mais je crois que c'est plus compliqué que cela. Il faut essayer d'aller au fond des choses. Il y a des malaises dans la vie politique française, dans la société française. Cela concerne tous les partis politiques, cela concerne la politique en général. Il va falloir changer de méthode. Tous les pouvoirs aux mêmes, c'est dangereux. Et surtout, ce qui est choquant dans cette campagne des élections législatives, c'est qu'il n'y a pas de débat. La droite, le Gouvernement refusent le débat. Nous avons un Premier ministre qui fait de la communication du matin au soir et qui cache les mesures en préparation. Je voudrais prendre un exemple : l'augmentation des médecins. Je ne suis pas contre que les médecins soient mieux rémunérés, mais il faut qu'il y ait des contreparties, des engagements. Où sont-il ?"
Ceux qui ont été pris ne vous suffisent pas ?
- "Tous les commentateurs le disent : on sait très bien que ces mesures ne sont pas financées. 4.000 francs net d'augmentation par mois, c'est beaucoup, il va falloir payer et qui va payer ? Déjà on parle d'augmenter les mutuelles, déjà on dit qu'il faudra sans doute augmenter la CSG, on parle de 3 milliards à trouver pour boucler le budget de la Sécurité sociale l'année prochaine. On n'a pas le droit de cacher la vérité aux Français. Dans le même temps, on leur dit qu'on ne veut pas augmenter le Smic ou, qu'en tout cas, on verra plus tard. Il y a franchement de quoi s'inquiéter."
Le Premier ministre dit ce matin dans une interview au Figaro que l'état des finances publiques est préoccupant et qu'il va falloir faire des économies...
- "Là encore, on nous cache la vérité : les économies, il va falloir les faire sur qui et sur quoi ? D'un côté, on nous dit qu'il va y avoir une baisse d'impôts pour les plus riches, une petite minorité de Français. De l'autre côté, "non" à l'augmentation du Smic, on ne sait pas ce qu'on fera sur les 35 heures."
Il n'a pas dit "non", il a dit que l'on verra plus tard.
- " Oui, on verra plus tard !"
Il faut d'abord mettre de l'ordre dans les différents Smic. Vous avouez que 5 Smic, c'est quand même beaucoup !
- "Le Parti socialiste a proposé une augmentation du Smic de 5 %, un coup de pouce de 5 %, justement pour permettre d'arriver à un seul Smic au 1er juillet. C'est très important pour clarifier, simplifier les choses après la mise en oeuvre des 35 heures. Mais pour l'instant, avant de voter, les Français ne savent pas ce que ferait le Gouvernement. Donc c'est antidémocratique. Il y a des mauvais coups sociaux qui se préparent et quand on nous dit que l'état des finances publiques n'est pas très bon, pourquoi le Gouvernement, qui a commandé un audit sur l'état des finances publiques, ne le publie-t-il pas avant les élections législatives pour nous dire "voilà la réalité des comptes, voilà ce que nous allons faire, voilà ce que nous allons supprimer et voilà ce que nous n'allons pas faire"?"
En six semaines, c'est quand même un peu difficile...
- "Non, ce n'est pas si difficile que cela : les comptes sont faciles, ils sont d'ailleurs presque connus, simplement il faut les officialiser. Pourquoi ? C'est simple : c'est parce que le Gouvernement est empêtré dans les promesses de J. Chirac qui a fait des promesses à toutes les catégories et il sait très bien qu'il ne peut pas les tenir. Si on veut dire la vérité aux Français, on sera obligé de décevoir des tas de catégories de Français. C'est une mauvaise façon de faire de la politique."
Est-ce que ce n'est pas le cas après chaque élection ?
- "Vous souvenez-vous de ce que je vous ai dit, ici, avant l'élection présidentielle, la fameuse phrase de J. Chirac : " Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent". C'est la politique de J. Chirac et je ne crois pas que ce soit une bonne façon de tirer la leçon de l'élection présidentielle. La gauche a quelque chose à dire, la gauche a quelque chose à faire pour les Français."
La gauche doit quand même tirer les leçons de son échec ? Comment va réagir le Parti socialiste ? Doit-il se remettre en question, repenser son projet, tenir congrès, revoir sa stratégie ?
- "Il l'a fait dans son programme..."
Un peu rapide, en un week-end !
- " Oui mais dans la continuité de ce qui a été fait avec L. Jospin, nous voulons approfondir notre action dans la lutte contre la précarité du travail, sur les bas salaires et améliorer également le fonctionnement des services publics, et développer..."
Ce sont des généralités !
- " Non, ce ne sont pas des généralités puisque nous proposons que se mette en place, dès l'élection législative, une grande conférence nationale avec le Gouvernement, les partenaires sociaux - syndicats, patronat - pour traiter l'ensemble des sujets, un calendrier, et si nécessaire - que ce soit sur les retraites, les bas salaires, la formation, le plein emploi, la démocratie dans l'entreprise -, le Gouvernement en appellera au peuple français par référendum - je pense notamment à la question des retraites ."
Et le Parti socialiste ?
- "Il a évidemment été sous le choc le 21 avril mais il s'est ressaisi. Il est en campagne. Dans les circonscriptions, une campagne formidable se fait. C'est vrai que nous sommes gênés par l'absence de débat au plan national, à cause de l'attitude du Gouvernement. Puisque l'on parle ici ou là de congrès, qui serait une sorte d'arrangement entre personnalités bien connues du Parti socialiste, je mets en garde."
Des noms...
- "Je ne me lancerai pas dans cette énumération. Ce qui s'est passé au premier tout de l'élection présidentielle, révèle une crise politique profonde dans nos sociétés européennes, que ce soit en France ou dans les autres pays européens. Et je propose des états généraux, aussi bien en France qu'en Europe, de la gauche européenne, à l'initiative du Parti socialiste. Mais qu'on le fasse très vite, qu'on donne la parole, non seulement aux militants, aux sympathisants, mais aux Français, aux autres Européens qui veulent un autre projet que celui du libéralisme, pour faire un équilibre à la mondialisation libérale."
Avouez que c'est plus facile dans l'opposition que dans une majorité...
- "Pas du tout ! Nous avons un bon bilan mais simplement il y a tellement de questions qui se posent à la société française - il y a encore des phénomènes d'exclusion, d'insécurité, d'inégalité sociale -, que l'effort à faire, que ce soit en France ou dans les autres pays d'Europe, est considérable. Donc être de gauche, être socialiste, c'est une exigence qui est beaucoup plus grande, plus forte que d'être de droite qui est, au fond, d'accepter le monde tel qu'il est et de laisser aller les choses. Et on voit où cela conduit."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 juin 2002)
- "Oui, j'ai écouté J. Chirac."
Vous êtes choqué par son intervention ?
- "Je voudrais surtout dire aux gens de gauche de se réveiller, de ne pas se laisser endormir par les propos bénisseurs de J. Chirac. Au fond, que dit-il ? Il dit : "Votez pour la droite, je m'occupe de tout." Je ne prendrais pas pour argent comptant les propos de J. Chirac. J'aurais tendance à me méfier et les Français ont tendance à se méfier. Et ils ont raison ! Mais il faut qu'ils se réveillent, il faut que la gauche se réveille, parce que demain, si la droite est majoritaire à l'Assemblée nationale, c'est non seulement J. Chirac, qui est Président, mais c'est aussi le Gouvernement, l'Assemblée nationale, avec le parti unique de J. Chirac, le Sénat, la majorité des régions et des départements, qui auront donné les pouvoirs à la droite. Tous les pouvoirs à la droite, cela veut dire que notre démocratie va mal fonctionner. Je crois que la démocratie fonctionne quand il y a un vrai débat et lorsqu'il y a un vrai dialogue. C'est aussi l'un des messages de l'élection présidentielle. Donc, attention, danger !"
Vous dites "tous les pouvoirs à la droite" mais le principal pouvoir, c'est quand même le Parlement. C'est donc un peu logique qu'il veuille avoir une majorité à l'Assemblée nationale.
- "Le 5 mai, la gauche a voté pour J. Chirac, les socialistes ont voté pour J. Chirac, il y a même une majorité d'électeurs a voté pour J. Chirac, non pas pour son programme, mais pour garantir le bon fonctionnement des institutions républicaines. Donc le choix de la politique pour la France va se faire aux élections législatives et la Constitution donne au Gouvernement la responsabilité de déterminer, de conduire la politique de la nation. Donner tous les pouvoirs au même parti - parce que là il y a un parti unique - serait profondément dangereux. Je ne voudrais pas qu'on oublie une chose : certes la gauche n'a pas tout réussi mais toutes les grandes réformes, c'est elle qui les a fait passer au Parlement et dans le pays. Depuis trente ans, quelles sont les grandes réformes sociales que la droite a fait passer ? Aucune."
La gauche a quand même été sévèrement sanctionnée le 21 avril...
- "Le 21 avril, L. Jospin n'a pas gagné et il en a d'ailleurs tiré les conclusions avec beaucoup de dignité. Mais je crois que c'est plus compliqué que cela. Il faut essayer d'aller au fond des choses. Il y a des malaises dans la vie politique française, dans la société française. Cela concerne tous les partis politiques, cela concerne la politique en général. Il va falloir changer de méthode. Tous les pouvoirs aux mêmes, c'est dangereux. Et surtout, ce qui est choquant dans cette campagne des élections législatives, c'est qu'il n'y a pas de débat. La droite, le Gouvernement refusent le débat. Nous avons un Premier ministre qui fait de la communication du matin au soir et qui cache les mesures en préparation. Je voudrais prendre un exemple : l'augmentation des médecins. Je ne suis pas contre que les médecins soient mieux rémunérés, mais il faut qu'il y ait des contreparties, des engagements. Où sont-il ?"
Ceux qui ont été pris ne vous suffisent pas ?
- "Tous les commentateurs le disent : on sait très bien que ces mesures ne sont pas financées. 4.000 francs net d'augmentation par mois, c'est beaucoup, il va falloir payer et qui va payer ? Déjà on parle d'augmenter les mutuelles, déjà on dit qu'il faudra sans doute augmenter la CSG, on parle de 3 milliards à trouver pour boucler le budget de la Sécurité sociale l'année prochaine. On n'a pas le droit de cacher la vérité aux Français. Dans le même temps, on leur dit qu'on ne veut pas augmenter le Smic ou, qu'en tout cas, on verra plus tard. Il y a franchement de quoi s'inquiéter."
Le Premier ministre dit ce matin dans une interview au Figaro que l'état des finances publiques est préoccupant et qu'il va falloir faire des économies...
- "Là encore, on nous cache la vérité : les économies, il va falloir les faire sur qui et sur quoi ? D'un côté, on nous dit qu'il va y avoir une baisse d'impôts pour les plus riches, une petite minorité de Français. De l'autre côté, "non" à l'augmentation du Smic, on ne sait pas ce qu'on fera sur les 35 heures."
Il n'a pas dit "non", il a dit que l'on verra plus tard.
- " Oui, on verra plus tard !"
Il faut d'abord mettre de l'ordre dans les différents Smic. Vous avouez que 5 Smic, c'est quand même beaucoup !
- "Le Parti socialiste a proposé une augmentation du Smic de 5 %, un coup de pouce de 5 %, justement pour permettre d'arriver à un seul Smic au 1er juillet. C'est très important pour clarifier, simplifier les choses après la mise en oeuvre des 35 heures. Mais pour l'instant, avant de voter, les Français ne savent pas ce que ferait le Gouvernement. Donc c'est antidémocratique. Il y a des mauvais coups sociaux qui se préparent et quand on nous dit que l'état des finances publiques n'est pas très bon, pourquoi le Gouvernement, qui a commandé un audit sur l'état des finances publiques, ne le publie-t-il pas avant les élections législatives pour nous dire "voilà la réalité des comptes, voilà ce que nous allons faire, voilà ce que nous allons supprimer et voilà ce que nous n'allons pas faire"?"
En six semaines, c'est quand même un peu difficile...
- "Non, ce n'est pas si difficile que cela : les comptes sont faciles, ils sont d'ailleurs presque connus, simplement il faut les officialiser. Pourquoi ? C'est simple : c'est parce que le Gouvernement est empêtré dans les promesses de J. Chirac qui a fait des promesses à toutes les catégories et il sait très bien qu'il ne peut pas les tenir. Si on veut dire la vérité aux Français, on sera obligé de décevoir des tas de catégories de Français. C'est une mauvaise façon de faire de la politique."
Est-ce que ce n'est pas le cas après chaque élection ?
- "Vous souvenez-vous de ce que je vous ai dit, ici, avant l'élection présidentielle, la fameuse phrase de J. Chirac : " Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent". C'est la politique de J. Chirac et je ne crois pas que ce soit une bonne façon de tirer la leçon de l'élection présidentielle. La gauche a quelque chose à dire, la gauche a quelque chose à faire pour les Français."
La gauche doit quand même tirer les leçons de son échec ? Comment va réagir le Parti socialiste ? Doit-il se remettre en question, repenser son projet, tenir congrès, revoir sa stratégie ?
- "Il l'a fait dans son programme..."
Un peu rapide, en un week-end !
- " Oui mais dans la continuité de ce qui a été fait avec L. Jospin, nous voulons approfondir notre action dans la lutte contre la précarité du travail, sur les bas salaires et améliorer également le fonctionnement des services publics, et développer..."
Ce sont des généralités !
- " Non, ce ne sont pas des généralités puisque nous proposons que se mette en place, dès l'élection législative, une grande conférence nationale avec le Gouvernement, les partenaires sociaux - syndicats, patronat - pour traiter l'ensemble des sujets, un calendrier, et si nécessaire - que ce soit sur les retraites, les bas salaires, la formation, le plein emploi, la démocratie dans l'entreprise -, le Gouvernement en appellera au peuple français par référendum - je pense notamment à la question des retraites ."
Et le Parti socialiste ?
- "Il a évidemment été sous le choc le 21 avril mais il s'est ressaisi. Il est en campagne. Dans les circonscriptions, une campagne formidable se fait. C'est vrai que nous sommes gênés par l'absence de débat au plan national, à cause de l'attitude du Gouvernement. Puisque l'on parle ici ou là de congrès, qui serait une sorte d'arrangement entre personnalités bien connues du Parti socialiste, je mets en garde."
Des noms...
- "Je ne me lancerai pas dans cette énumération. Ce qui s'est passé au premier tout de l'élection présidentielle, révèle une crise politique profonde dans nos sociétés européennes, que ce soit en France ou dans les autres pays européens. Et je propose des états généraux, aussi bien en France qu'en Europe, de la gauche européenne, à l'initiative du Parti socialiste. Mais qu'on le fasse très vite, qu'on donne la parole, non seulement aux militants, aux sympathisants, mais aux Français, aux autres Européens qui veulent un autre projet que celui du libéralisme, pour faire un équilibre à la mondialisation libérale."
Avouez que c'est plus facile dans l'opposition que dans une majorité...
- "Pas du tout ! Nous avons un bon bilan mais simplement il y a tellement de questions qui se posent à la société française - il y a encore des phénomènes d'exclusion, d'insécurité, d'inégalité sociale -, que l'effort à faire, que ce soit en France ou dans les autres pays d'Europe, est considérable. Donc être de gauche, être socialiste, c'est une exigence qui est beaucoup plus grande, plus forte que d'être de droite qui est, au fond, d'accepter le monde tel qu'il est et de laisser aller les choses. Et on voit où cela conduit."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 juin 2002)