Texte intégral
Nous avons eu un déjeuner de travail avec mon homologue et amie, Benita Ferrero-Waldner, au cours duquel nous avons parcouru les grandes questions européennes.
Nous avons d'abord parlé de la réforme des institutions européennes, qui doit intervenir sous la présidence française et nous avons confronté nos points de vue, en les rapprochant, même s'ils ne sont déjà pas très éloignés à l'origine. J'ai notamment essayé d'expliquer à nos amis autrichiens que nous étions, nous aussi, favorables à une réforme ambitieuse des institutions européennes et qu'en même temps, il ne fallait pas, comme on dit en français, "charger la barque". Car, entre ceux qui souhaitent que l'on ne fasse pas grand chose - ils sont assez nombreux dans l'Union européenne - et ceux qui souhaitent que l'on fasse beaucoup, il faut éviter le double écueil qui nous mènerait dans une impasse. Il est très important, à mon sens, que l'on conclue en l'an 2000, afin de procéder aux élargissements rapidement ensuite.
Sur le fond de la question institutionnelle, je crois que nos positions sont proches, et en tous cas, elles peuvent se rapprocher aisément.
Sur l'élargissement, c'est-à-dire, sur la perspective de l'ouverture des négociations, à la fin de l'année, à Helsinki, à cinq pays candidats plus Malte, nous avons une position qui est extraordinairement proche. Nous abordons le dossier de la Turquie selon une approche qui est positive, en souhaitant bien sûr que les questions de fond ne soient pas négligées et que les conditions soient posées. Nous pensons, de façon commune, qu'il ne faut pas donner maintenant une date pour l'élargissement, mais qu'il faut se lancer dans une mise en état de l'Union européenne dans la perspective de cet élargissement.
Je crois que nous avons aussi une vision commune du Conseil européen extraordinaire de Tampere, consacré aux questions de justice et de sécurité en Europe. Nous souhaitons que ce soit un sommet politique, un sommet global, un sommet ambitieux, qui traite chacune des questions : asile et immigration, lutte contre la criminalité organisée, avancée vers un espace judiciaire européen.
Nous avons enfin évoqué brièvement les questions de défense et de sécurité et toute une série d'autres questions politiques ou bilatérales, tout cela dans un excellent climat. Nous avons l'habitude de travailler ensemble. Je crois que nous avons beaucoup soutenu la présidence autrichienne de l'Union européenne et beaucoup apprécié son travail, que les relations personnelles et politiques entre les uns et les autres sont fortes. C'était donc une bonne réunion.
Q - Partagez-vous les soucis et les critiques, présentes dans la presse française, concernant la Commission Prodi ?
R - S'il s'agit de la Francophonie des membres de la Commission, nous ne sommes pas inquiets. Il y a aujourd'hui beaucoup de commissaires, je crois huit, qui sont francophones. M. Prodi, lui-même, est francophone. S'il s'agit de la composition des cabinets, je dirais que cela tient un peu au choix des uns et des autres et que - c'est une réponse personnelle - peut-être aurions-nous pu avoir une stratégie qui aurait abouti à autre chose. Mais je n'en fais pas un problème. Ce qui est vrai, c'est que nous tenons beaucoup à ce que, dans les instances dirigeantes de la Commission - je parle des directions générales, de la refonte de l'organigramme - la place des hauts-fonctionnaires d'origine française soit assurée de façon convenable, en fonction de leurs qualités propres, car ils ont ces qualités-là. Je n'ai pas de motif d'inquiétude particulier. Mais vous pensez bien que nous y sommes vigilants.
Enfin, il y a un dernier point qui concerne l'usage de la langue française dans les institutions européennes : nous comprenons tout à fait certaines préoccupations qui peuvent être exprimées par des amis germanophones, qu'ils soient allemands ou autrichiens. Nous sommes favorables au pluralisme linguistique. Nous sommes favorables aussi, dans ce contexte-là, à des solutions pragmatiques, qui permettent de répondre aux souhaits de nos amis allemands. Mais que les choses soient claires : pour nous, le français est au même titre que l'anglais - je dirais presque avant l'anglais, parce que tout simplement nous étions dans la Communauté européenne, dans l'Union, avant les autres - est une des langues officielles de base de travail. Nous y tenons et nous le défendrons, c'est vrai, becs et ongles, s'il le faut. Mais d'ailleurs, nous ne sommes pas attaqués. Nous avons d'ailleurs, là-dessus, eu un échange particulier et tout à fait positif avec Mme Ferrero-Waldner.
Q - Quels commentaires vous inspire la nomination de M. Guy Legras à la tête de la direction des Relations extérieures de la Commission européenne ? N'y a-t-il pas un risque pour la France de perdre son influence sur la négociation du dossier agricole, à quelques mois de l'ouverture des négociations internationales de l'OMC ?
R - Je n'ai pas de commentaires à faire. J'avais eu vent de changements dans l'organigramme de la Commission. J'ai besoin maintenant de voir l'ensemble pour juger de la position française. Ce qui est certain, c'est que M. Legras a fait pendant quinze ans un travail absolument remarquable à la tête de cette direction générale et a joué un rôle stratégique pour la Politique agricole commune. Il pourra continuer son travail dans d'autres secteurs qui sont extrêmement importants, notamment celui des relations extérieures, qui le mettra en contact avec cette réalité qu'il connaît bien, puisque c'est aussi la réalité des futures négociations à l'OMC.
Pour le reste, honnêtement, on ne peut pas considérer qu'il faille éternellement attacher telle nationalité à tel rôle. Cela a dû être la position de M. Prodi là-dessus. Et nous faisons confiance à l'actuelle Commission pour continuer de préserver le modèle agricole européen.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 04 octobre 1999)
Nous avons d'abord parlé de la réforme des institutions européennes, qui doit intervenir sous la présidence française et nous avons confronté nos points de vue, en les rapprochant, même s'ils ne sont déjà pas très éloignés à l'origine. J'ai notamment essayé d'expliquer à nos amis autrichiens que nous étions, nous aussi, favorables à une réforme ambitieuse des institutions européennes et qu'en même temps, il ne fallait pas, comme on dit en français, "charger la barque". Car, entre ceux qui souhaitent que l'on ne fasse pas grand chose - ils sont assez nombreux dans l'Union européenne - et ceux qui souhaitent que l'on fasse beaucoup, il faut éviter le double écueil qui nous mènerait dans une impasse. Il est très important, à mon sens, que l'on conclue en l'an 2000, afin de procéder aux élargissements rapidement ensuite.
Sur le fond de la question institutionnelle, je crois que nos positions sont proches, et en tous cas, elles peuvent se rapprocher aisément.
Sur l'élargissement, c'est-à-dire, sur la perspective de l'ouverture des négociations, à la fin de l'année, à Helsinki, à cinq pays candidats plus Malte, nous avons une position qui est extraordinairement proche. Nous abordons le dossier de la Turquie selon une approche qui est positive, en souhaitant bien sûr que les questions de fond ne soient pas négligées et que les conditions soient posées. Nous pensons, de façon commune, qu'il ne faut pas donner maintenant une date pour l'élargissement, mais qu'il faut se lancer dans une mise en état de l'Union européenne dans la perspective de cet élargissement.
Je crois que nous avons aussi une vision commune du Conseil européen extraordinaire de Tampere, consacré aux questions de justice et de sécurité en Europe. Nous souhaitons que ce soit un sommet politique, un sommet global, un sommet ambitieux, qui traite chacune des questions : asile et immigration, lutte contre la criminalité organisée, avancée vers un espace judiciaire européen.
Nous avons enfin évoqué brièvement les questions de défense et de sécurité et toute une série d'autres questions politiques ou bilatérales, tout cela dans un excellent climat. Nous avons l'habitude de travailler ensemble. Je crois que nous avons beaucoup soutenu la présidence autrichienne de l'Union européenne et beaucoup apprécié son travail, que les relations personnelles et politiques entre les uns et les autres sont fortes. C'était donc une bonne réunion.
Q - Partagez-vous les soucis et les critiques, présentes dans la presse française, concernant la Commission Prodi ?
R - S'il s'agit de la Francophonie des membres de la Commission, nous ne sommes pas inquiets. Il y a aujourd'hui beaucoup de commissaires, je crois huit, qui sont francophones. M. Prodi, lui-même, est francophone. S'il s'agit de la composition des cabinets, je dirais que cela tient un peu au choix des uns et des autres et que - c'est une réponse personnelle - peut-être aurions-nous pu avoir une stratégie qui aurait abouti à autre chose. Mais je n'en fais pas un problème. Ce qui est vrai, c'est que nous tenons beaucoup à ce que, dans les instances dirigeantes de la Commission - je parle des directions générales, de la refonte de l'organigramme - la place des hauts-fonctionnaires d'origine française soit assurée de façon convenable, en fonction de leurs qualités propres, car ils ont ces qualités-là. Je n'ai pas de motif d'inquiétude particulier. Mais vous pensez bien que nous y sommes vigilants.
Enfin, il y a un dernier point qui concerne l'usage de la langue française dans les institutions européennes : nous comprenons tout à fait certaines préoccupations qui peuvent être exprimées par des amis germanophones, qu'ils soient allemands ou autrichiens. Nous sommes favorables au pluralisme linguistique. Nous sommes favorables aussi, dans ce contexte-là, à des solutions pragmatiques, qui permettent de répondre aux souhaits de nos amis allemands. Mais que les choses soient claires : pour nous, le français est au même titre que l'anglais - je dirais presque avant l'anglais, parce que tout simplement nous étions dans la Communauté européenne, dans l'Union, avant les autres - est une des langues officielles de base de travail. Nous y tenons et nous le défendrons, c'est vrai, becs et ongles, s'il le faut. Mais d'ailleurs, nous ne sommes pas attaqués. Nous avons d'ailleurs, là-dessus, eu un échange particulier et tout à fait positif avec Mme Ferrero-Waldner.
Q - Quels commentaires vous inspire la nomination de M. Guy Legras à la tête de la direction des Relations extérieures de la Commission européenne ? N'y a-t-il pas un risque pour la France de perdre son influence sur la négociation du dossier agricole, à quelques mois de l'ouverture des négociations internationales de l'OMC ?
R - Je n'ai pas de commentaires à faire. J'avais eu vent de changements dans l'organigramme de la Commission. J'ai besoin maintenant de voir l'ensemble pour juger de la position française. Ce qui est certain, c'est que M. Legras a fait pendant quinze ans un travail absolument remarquable à la tête de cette direction générale et a joué un rôle stratégique pour la Politique agricole commune. Il pourra continuer son travail dans d'autres secteurs qui sont extrêmement importants, notamment celui des relations extérieures, qui le mettra en contact avec cette réalité qu'il connaît bien, puisque c'est aussi la réalité des futures négociations à l'OMC.
Pour le reste, honnêtement, on ne peut pas considérer qu'il faille éternellement attacher telle nationalité à tel rôle. Cela a dû être la position de M. Prodi là-dessus. Et nous faisons confiance à l'actuelle Commission pour continuer de préserver le modèle agricole européen.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 04 octobre 1999)