Extraits de l'interview de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, dans "Le Soir" du 17 septembre 2002, sur la place de la France dans l'Europe et sur l'élargissement de l'Union européenne.

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Média : Le Soir - Presse étrangère

Texte intégral

Q - Ces derniers temps, certains signes venus de Paris ont été perçus comme inquiétants par les Européens : la difficulté à respecter le Pacte de stabilité, la chasse, etc Comment rassurer vos partenaires ?
R - Je suis suffisamment européen pour parler avec sincérité. Le rythme de croissance économique pose un certain problème. Mais, en aucun cas, il ne va remettre en cause nos engagements vis-à-vis de l'Union ! L'euro est un acquis très important et nous ferons tout pour que la monnaie unique ait la politique économique qu'elle mérite.
Q - En matière de défense, vous êtes le seul pays européen à voter une augmentation des crédits militaires...
R - Nous ne faisons pas cavalier seul puisque ceci se fait en concertation avec nos alliés, la Grande-Bretagne fait d'ailleurs également des efforts dans ce sens. La France considère simplement que, compte tenu de ses traditions, elle a une sorte de devoir d'investissement. Elle doit faire comprendre à ses partenaires que la situation dans le monde est suffisamment dangereuse pour que nos pays soient en mesure de réagir.
Q - Vous pourriez participer à une intervention en Iraq ?
R - La question ne se pose pas aujourd'hui. Notre position est claire : nous exigeons que les inspecteurs puissent mener en Iraq leur mission. Si, dans un deuxième temps, l'Organisation des Nations unies constate qu'ils ne peuvent pas mener à bien cette mission, ce sera à elle seule d'en tirer les conclusions. Pour l'instant, on en est là...
Q - Votre ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, dit que sans se préparer, les armées françaises sont "prêtes".
R - Par définition, une force moderne de défense doit toujours être prête ! Il ne faut pas tirer d'autre conclusion de cette remarque que celle-ci : nous voulons faire en sorte que la disponibilité de l'armée française soit nettement améliorée. Nous avons été dans l'obligation de faire des efforts financiers importants parce que nos équipements n'étaient plus à la hauteur.
Q - Quels sont pour vous les grands défis qui attendent l'Europe ?
R - L'élargissement est un défi historique. Il faut s'y impliquer résolument mais pour cela nous devons avoir une organisation institutionnelle pleinement opérationnelle. Il ne faut pas que l'élargissement génère de l'impuissance !
Q - Ces dernières années, l'Europe a pourtant dépensé beaucoup d'énergie à réformer sa manière de fonctionner...
R - Justement ! Nous sommes dans le XXIème siècle ! Les débats entre fédéralistes et intergouvernementaux ont eu leur légitimité mais il faut maintenant les dépasser. La Convention a une mission impérative de créativité ! Je me réjouis que ce soit Valéry Giscard d'Estaing qui la préside et imagine les formes nouvelles du vivre-ensemble. Il a réussi à concilier l'expérience et la renaissance européennes.
Q - Le débat entre les fédéralistes et les souverainistes est dépassé ?
R - Oui. Nous sommes désormais dans des sociétés de métissage intellectuel. Il est important que l'Europe puisse parler d'une seule voix : la présidence européenne ne peut plus être un manège tournant tous les six mois ! Nous avons besoin d'une Commission forte. Le Conseil a, lui aussi, besoin d'être consolidé. Ce n'est pas en affaiblissant l'un que l'on renforcera l'autre ! Nous devons trouver un équilibre.
Q - L'Europe a pris récemment un sérieux virage à droite. C'est ce que vous souhaitez aussi pour l'Allemagne ?
R - Je me garderais bien d'intervenir dans un débat intérieur allemand. Je n'ai pas une vision partisane de l'Union...
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Q - Vous vous attelez au dossier européen, Jacques Chirac est très présent sur la scène internationale : la France va retrouver sa place dans le monde ?
R - Il y a un déficit d'Europe en France et un déficit de France en Europe. La cohabitation n'a pas été le système le plus efficace ! Sur le plan européen, nous avons beaucoup souffert de cette dispersion. D'ici 2004, nous voulons rattraper le rythme. J'ai donc demandé à tous les ministres d'être très présents dans les conseils européens. La France doit perdre cette image d'arrogance qui lui a été souvent reprochée.
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(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2002)