Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
C'est ici, à Nantes, dans notre région des Pays de la Loire - où j'ai le plaisir d'accueillir mes collègues Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian - que le gouvernement lance, avec les Français, le grand élan de décentralisation dont la France a besoin.
Cet élan, les Pays de la Loire ont vocation à en être l'un des acteurs engagés. Par son passé (marqué par l'influence d'Olivier Guichard), par ses réalisations, par ses innovations, par les objectifs qu'elle poursuit, par les propositions qu'elles formulent, notre région épouse l'ambition gouvernementale : imaginer la France du XXIème siècle, une France plus participative, plus charnelle, plus imaginative, une France au sein de laquelle les diversités locales participent au contrat national qu'il convient de rénover pour mieux le renforcer.
Oui, imaginer et débattre de la France du XXIème siècle, c'est bien à cela que nous sommes conviés ! Le gouvernement vous propose un canevas, des principes, un calendrier, mais il s'ouvre largement à vos observations, vos recommandations, vos idées et ceci pour une raison simple : la décentralisation c'est vous !
C'est par vous, avec vous, grâce à vous, que nous ferons de notre projet, non une simple étape technique, mais un projet de société.
L'essoufflement de l'Etat, la faiblesse croissante de ses moyens d'investissement, la désillusion civique, la persistance des injustices, l'atomisation sociale contre balancée par la quête d'identité collective qui anime nos concitoyens face aux aléas d'un monde ouvert : tous ces signes convergent vers la nécessité d'un renouveau de nos politiques et de nos pratiques ; ils militent en faveur d'une république moderne. C'est bien là ce que l'on appelle un projet de société !
Mesdames et messieurs,
20 ans après les lois Defferre, une nouvelle avancée de la décentralisation doit être maintenant entreprise.
Nous le savons, le débat que nous engageons n'est pas neutre, il n'est pas sans résonance politique, historique ou encore philosophique. La décentralisation interpelle en effet nos traditions, nos institutions, nos murs et nos valeurs.
Les pays, c'est ainsi, ont une histoire.
Celle de la France épouse l'idée de la république une et indivisible.
Les pays ont aussi une culture politique.
Celle de la France s'accorde avec l'idée de la citoyenneté qui transcende les appartenances géographiques, culturelles et sociales.
Les pays ont enfin une âme politique.
Celle de la France a cela de singulier que la liberté est pour une large part indissociable de l'égalité ; cette égalité étant elle-même constitutive de l'unité nationale.
C'est ce que l'on appelle " le modèle français " ! Il a sa grandeur ; il a aussi ses lacunes, il connaît des blocages. La décentralisation qu'il nous revient d'approfondir est appelée, non à démanteler ce "modèle", mais à lui redonner le souffle qui lui fait actuellement défaut.
Parce que l'Etat et les collectivités territoriales sont affectés par une langueur comparable, c'est de concert qu'ils doivent se réinventer pour mieux s'accorder aux évolutions de la société française. Celle ci présente tous les signes d'une vitalité qui fut trop longtemps prisonnière des tropismes de la capitale. Notre société est en quête de créativité et de liberté. Elle est attentive à sa qualité de vie et tourne le dos aux schémas de développement standardisé et uniforme. Cette nouvelle France doit s'épanouir dans un cadre institutionnel élargissant les champs de l'innovation, de la confiance et de la responsabilité.
Dans cet esprit, l'Etat doit écouter, déléguer certaines de ses compétences, s'écarter d'une logique hiérarchique au profit d'une logique relationnelle où l'autorité ne se décrète plus mais se gagne et s'orchestre différemment.
Pour ce faire, il convient d'arbitrer en faveur d'un Etat qui doit, en certains domaines, être acteur et en d'autres régulateur ; un Etat recentré et relayé par des collectivités locales responsabilisées et placées en position de partenaires de la république et non de concurrentes. Nous devons donc penser l'avenir de notre système politique suivant le principe, énoncé par le Premier Ministre, d'une complémentarité qui ne doit pas être l'otage d'un affrontement idéologique dépassé. Entre le " jacobinisme étouffant " et le " girondisme extravaguant ", entre le tout Etat et l'absence d'Etat, il faut imaginer une relation constructive entre l'unité nationale et l'expression locale.
Organisée et équitable, la décentralisation délivrera l'Etat de ses actuelles faiblesses !
Recentré et respecté, l'Etat libérera, pour sa part, la décentralisation de ses présents blocages !
Que proposons-nous ?
- une décentralisation pour tous,
- une décentralisation clarifiée,
- une décentralisation approfondie et enfin démocratisée.
Nicolas Sarkozy l'a indiqué, nous voulons une décentralisation pour tous, car l'avenir de la décentralisation n'est pas du seul ressort du gouvernement, ni même des élus. Il ne peut, par ailleurs, être l'apanage d'une seule partie du territoire, au risque de faire prévaloir l'idée d'une décentralisation à géométrie variable. Non, cet avenir doit s'inscrire dans un mouvement participatif, global et cohérent. Acteurs publics, privés, citoyens, se devaient d'être associés à l'élaboration de ce nouveau contrat politique. Et bien, nous y sommes ! C'est ensemble que nous allons enrichir un projet national qui s'adresse à tous, et qui a, par la même, vocation à donner les mêmes droits, devoirs et facultés à toutes les collectivités locales. Cette égalité de traitement constitue l'un des gages de notre cohésion nationale.
Nous voulons également une décentralisation clarifiée. L'avenir de la décentralisation doit reposer sur les principes de la responsabilité et de la transparence. La multiplicité des pouvoirs, l'enchevêtrement trop fréquent des politiques, supposent que nous procédions à un bond conceptuel sur deux points :
- celui, tout d'abord, de la subsidiarité. Cela suppose des critères clairs de répartition des compétences entre les collectivités locales selon, me semble-t-il, le principe suivant : la proximité au couple communes et intercommunalités, la solidarité à l'échelon départemental, les politiques structurelles à la région ;
- celui ensuite relatif à la notion de " chef de file ", que devrait à l'avenir tenir les collectivités sur chaque grand dossier.
Dans cet esprit de clarification et de cohérence, la modernisation de la fiscalité locale est nécessaire. Cette modernisation sera fondée sur le principe d'une autonomie fiscale renforcée des collectivités territoriales, dont le sort financier ne peut demeurer dans les seules mains de l'Etat. En moins de trois ans, la part des recettes fiscales autonomes dans les budgets des collectivités locales est passée de 54% à 44% Il faut rééquilibrer le balancier.
Nous voulons aussi une décentralisation approfondie. Nous pouvons, nous devons, élargir les compétences des collectivités territoriales. L'Etat doit, selon les cas, transférer de nouvelles attributions ou déléguer certaines de ses charges liées au service public dont il ne peut demeurer l'unique interprète. Ce transfert des compétences ne doit pas faire l'objet d'une approche dogmatique. Il ne doit pas s'agir de déposséder l'Etat pour le seul " plaisir " des collectivités locales. Il s'agit, pour le gouvernement, de bien distinguer ce qui doit impérativement relever du national de ce qui peut être mieux assumé par le local.
Cette analyse fine, le Ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, dont j'ai la charge, est précisément dans le devoir de la respecter. Il est des politiques - celles du travail et de la solidarité nationale par exemple - qui ne se prêtent pas à un désinvestissement de l'Etat, garant en la matière de la cohésion nationale et de l'égalité des chances. En revanche, plusieurs champs d'action pourraient, selon nous, faire l'objet d'une décentralisation accentuée :
- celui de la formation professionnelle qui doit pouvoir être, davantage encore, déclinée vers le terrain, vers les régions. Elles doivent véritablement piloter le dispositif. Mais, vous le savez, une partie de la politique de formation est gérée avec les partenaires sociaux, d'où la nécessité d'imaginer une relation nouvelle entre la démocratie locale et la démocratie sociale ;
- celui du RMI, dont nous avons l'intention d'accentuer le volet insertion ; volet qui, précisément, à vocation à être stimulé, accompagné, au plus proche des réalités humaines et des besoins. Les réflexions et les suggestions énoncées par les départements de Loire Atlantique, Vendée, Maine et Loire, Sarthe et Mayenne, rejoignent, je le sais, cette préoccupation. Appelé à être globalement confié, selon moi, aux départements, le RMI devrait à l'avenir être complété par un RMA, c'est à dire un revenu minimum d'activité dont l'objectif sera de responsabiliser, d'épauler, d'inciter celles et ceux qui sont dans la difficulté mais qui n'ont pas baissé les bras. L'idée sur laquelle nous travaillons serait de les autoriser à gagner un vrai salaire en exerçant une activité aidée par la collectivité.
- autre champs d'action, celui relatif à certaines aides aux entreprises qui pourraient relever d'une approche plus décentralisée. Il faudra cependant veiller au respect des règles que l'Union européenne impose en matière de concurrence ;
- celui, également, qui concerne la gestion du Fond Social Européen, dont les objectifs 1 et 2 pourraient être confiés aux régions, à l'instar de ce qui est actuellement en cours d'expérimentation en Alsace. Pour ce qui concerne l'objectif 3, la question est à l'étude ;
- enfin, pour le logement social, les investissements des établissements sociaux et médico-sociaux, les personnes âgées, nous examinons l'opportunité et les modalités d'un transfert accru. Sur ce dernier point, le département doit exercer pleinement ses compétences ce qui nécessite une réflexion sur la prise en charge médicalisée des personnes âgées.
Au-delà des compétences ministérielles quelques peu singulières dont j'ai la charge, les collectivités locales sont, selon nous, dans bien des domaines, mieux à même de faire vivre les principes d'efficacité, de solidarité citoyenne et d'égalité territoriale.
Dans cet esprit, la Région des pays de la Loire, par la voix de Jean-Luc Harousseau, précisera ses propositions. Elles s'ordonnent autour de deux axes :
- celui d'un rééquilibre des compétences dans des domaines actuellement partagés avec l'Etat dans les secteurs : de l'enseignement (dont la région pourrait se voir confier la totalité des équipements pédagogiques des lycées, et dont elle pourrait être codécideurs en matière de carte scolaire), la formation, le tourisme ;
- celui d'une clarification - à travers le concept de chef de file - des domaines aujourd'hui partagés avec les collectivités locales, dont celui des aides économiques et de l'environnement.
Cette liste n'est pas exhaustive. L'entreprise de redéfinition des périmètres de l'Etat et des collectivités locales ne doit pas être, à priori, limitée, ni d'ailleurs précipitée. Pour l'ensemble des acteurs publics, le seul objectif doit être de rechercher les moyens de servir nos concitoyens de façon optimale, c'est à dire au mieux, au plus vite, au plus près !
Une décentralisation approfondie, c'est aussi - Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian l'ont évoqué - offrir aux collectivités le pouvoir d'innover. Expérimenter, c'est inventer, c'est tester de nouvelles formules qui, ensuite, peuvent être généralisées à l'ensemble du territoire national. Notre région a déjà expérimenté avec succès une politique des transports ferroviaires régionaux. Elle se propose aujourd'hui d'expérimenter dans le secteur des infrastructures, de l'innovation technologique, de l'enseignement supérieur, de la culture, de la santé, des technologies de l'information, des sports
Cette faculté expérimentale reposant sur la loi ou le règlement, peut être, mesdames et messieurs, le levier d'une modernisation empirique de notre pays. Elle peut permettre de contourner les résistances structurelles ou déminer les réticences psychologiques que les lois trop uniformes suscitent parfois. Mais ce droit ne doit pas être l'antichambre d'une France à plusieurs vitesses. C'est pourquoi, il sera formalisé par notre constitution ; c'est pourquoi il devra être sérieusement encadré par le législateur et faire l'objet d'un suivi attentif du gouvernement et des services déconcentrés de l'Etat.
Enfin, nous voulons une décentralisation démocratisée. La société française est avide de participation. Il faut la solliciter ; il faut avoir confiance en elle. C'est d'ailleurs pour elle que nous décentralisons les pouvoirs et les décisions au plus près du terrain ! C'est dans cet esprit que le gouvernement envisage de poser les bases :
- du référendum local décisionnel limité au domaine de compétence des collectivités ;
- du droit de pétition qui permettra aux citoyens de saisir leur assemblée locale sur les questions qui relèvent de sa compétence ;
L'Etat, par ailleurs, pourrait être autorisé à consulter les populations concernées sur des questions institutionnelles locales. Cette possibilité, vous le savez, ne lui est pas aujourd'hui conférée puisque - sauf exception relevant d'une loi spécifique - toute consultation doit s'adresser à l'ensemble des Français.
Voilà en quelques mots, mesdames et messieurs, les axes du projet que nous soumettons à votre jugement et à vos propositions. Il ne s'agit naturellement pas de nier ce que la France doit à son Etat, ni de porter atteinte à l'unité de la république. C'est la recherche de l'intérêt général qui nous porte à privilégier l'efficacité, la souplesse, la proximité. En redistribuant les rôles, en confortant les énergies et les initiatives, la décentralisation permet d'instaurer une dynamique de la République. C'est en ce sens qu'elle s'inscrit dans le fil de notre histoire.
Une volonté réformatrice anime le gouvernement.
Il vous appartient de l'enrichir car il vous reviendra de la faire vivre concrètement, au quotidien, dans le cadre d'une République qui, plus que jamais, doit renouer avec la liberté, la fraternité et le mouvement.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 22 octobre 2002)
C'est ici, à Nantes, dans notre région des Pays de la Loire - où j'ai le plaisir d'accueillir mes collègues Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian - que le gouvernement lance, avec les Français, le grand élan de décentralisation dont la France a besoin.
Cet élan, les Pays de la Loire ont vocation à en être l'un des acteurs engagés. Par son passé (marqué par l'influence d'Olivier Guichard), par ses réalisations, par ses innovations, par les objectifs qu'elle poursuit, par les propositions qu'elles formulent, notre région épouse l'ambition gouvernementale : imaginer la France du XXIème siècle, une France plus participative, plus charnelle, plus imaginative, une France au sein de laquelle les diversités locales participent au contrat national qu'il convient de rénover pour mieux le renforcer.
Oui, imaginer et débattre de la France du XXIème siècle, c'est bien à cela que nous sommes conviés ! Le gouvernement vous propose un canevas, des principes, un calendrier, mais il s'ouvre largement à vos observations, vos recommandations, vos idées et ceci pour une raison simple : la décentralisation c'est vous !
C'est par vous, avec vous, grâce à vous, que nous ferons de notre projet, non une simple étape technique, mais un projet de société.
L'essoufflement de l'Etat, la faiblesse croissante de ses moyens d'investissement, la désillusion civique, la persistance des injustices, l'atomisation sociale contre balancée par la quête d'identité collective qui anime nos concitoyens face aux aléas d'un monde ouvert : tous ces signes convergent vers la nécessité d'un renouveau de nos politiques et de nos pratiques ; ils militent en faveur d'une république moderne. C'est bien là ce que l'on appelle un projet de société !
Mesdames et messieurs,
20 ans après les lois Defferre, une nouvelle avancée de la décentralisation doit être maintenant entreprise.
Nous le savons, le débat que nous engageons n'est pas neutre, il n'est pas sans résonance politique, historique ou encore philosophique. La décentralisation interpelle en effet nos traditions, nos institutions, nos murs et nos valeurs.
Les pays, c'est ainsi, ont une histoire.
Celle de la France épouse l'idée de la république une et indivisible.
Les pays ont aussi une culture politique.
Celle de la France s'accorde avec l'idée de la citoyenneté qui transcende les appartenances géographiques, culturelles et sociales.
Les pays ont enfin une âme politique.
Celle de la France a cela de singulier que la liberté est pour une large part indissociable de l'égalité ; cette égalité étant elle-même constitutive de l'unité nationale.
C'est ce que l'on appelle " le modèle français " ! Il a sa grandeur ; il a aussi ses lacunes, il connaît des blocages. La décentralisation qu'il nous revient d'approfondir est appelée, non à démanteler ce "modèle", mais à lui redonner le souffle qui lui fait actuellement défaut.
Parce que l'Etat et les collectivités territoriales sont affectés par une langueur comparable, c'est de concert qu'ils doivent se réinventer pour mieux s'accorder aux évolutions de la société française. Celle ci présente tous les signes d'une vitalité qui fut trop longtemps prisonnière des tropismes de la capitale. Notre société est en quête de créativité et de liberté. Elle est attentive à sa qualité de vie et tourne le dos aux schémas de développement standardisé et uniforme. Cette nouvelle France doit s'épanouir dans un cadre institutionnel élargissant les champs de l'innovation, de la confiance et de la responsabilité.
Dans cet esprit, l'Etat doit écouter, déléguer certaines de ses compétences, s'écarter d'une logique hiérarchique au profit d'une logique relationnelle où l'autorité ne se décrète plus mais se gagne et s'orchestre différemment.
Pour ce faire, il convient d'arbitrer en faveur d'un Etat qui doit, en certains domaines, être acteur et en d'autres régulateur ; un Etat recentré et relayé par des collectivités locales responsabilisées et placées en position de partenaires de la république et non de concurrentes. Nous devons donc penser l'avenir de notre système politique suivant le principe, énoncé par le Premier Ministre, d'une complémentarité qui ne doit pas être l'otage d'un affrontement idéologique dépassé. Entre le " jacobinisme étouffant " et le " girondisme extravaguant ", entre le tout Etat et l'absence d'Etat, il faut imaginer une relation constructive entre l'unité nationale et l'expression locale.
Organisée et équitable, la décentralisation délivrera l'Etat de ses actuelles faiblesses !
Recentré et respecté, l'Etat libérera, pour sa part, la décentralisation de ses présents blocages !
Que proposons-nous ?
- une décentralisation pour tous,
- une décentralisation clarifiée,
- une décentralisation approfondie et enfin démocratisée.
Nicolas Sarkozy l'a indiqué, nous voulons une décentralisation pour tous, car l'avenir de la décentralisation n'est pas du seul ressort du gouvernement, ni même des élus. Il ne peut, par ailleurs, être l'apanage d'une seule partie du territoire, au risque de faire prévaloir l'idée d'une décentralisation à géométrie variable. Non, cet avenir doit s'inscrire dans un mouvement participatif, global et cohérent. Acteurs publics, privés, citoyens, se devaient d'être associés à l'élaboration de ce nouveau contrat politique. Et bien, nous y sommes ! C'est ensemble que nous allons enrichir un projet national qui s'adresse à tous, et qui a, par la même, vocation à donner les mêmes droits, devoirs et facultés à toutes les collectivités locales. Cette égalité de traitement constitue l'un des gages de notre cohésion nationale.
Nous voulons également une décentralisation clarifiée. L'avenir de la décentralisation doit reposer sur les principes de la responsabilité et de la transparence. La multiplicité des pouvoirs, l'enchevêtrement trop fréquent des politiques, supposent que nous procédions à un bond conceptuel sur deux points :
- celui, tout d'abord, de la subsidiarité. Cela suppose des critères clairs de répartition des compétences entre les collectivités locales selon, me semble-t-il, le principe suivant : la proximité au couple communes et intercommunalités, la solidarité à l'échelon départemental, les politiques structurelles à la région ;
- celui ensuite relatif à la notion de " chef de file ", que devrait à l'avenir tenir les collectivités sur chaque grand dossier.
Dans cet esprit de clarification et de cohérence, la modernisation de la fiscalité locale est nécessaire. Cette modernisation sera fondée sur le principe d'une autonomie fiscale renforcée des collectivités territoriales, dont le sort financier ne peut demeurer dans les seules mains de l'Etat. En moins de trois ans, la part des recettes fiscales autonomes dans les budgets des collectivités locales est passée de 54% à 44% Il faut rééquilibrer le balancier.
Nous voulons aussi une décentralisation approfondie. Nous pouvons, nous devons, élargir les compétences des collectivités territoriales. L'Etat doit, selon les cas, transférer de nouvelles attributions ou déléguer certaines de ses charges liées au service public dont il ne peut demeurer l'unique interprète. Ce transfert des compétences ne doit pas faire l'objet d'une approche dogmatique. Il ne doit pas s'agir de déposséder l'Etat pour le seul " plaisir " des collectivités locales. Il s'agit, pour le gouvernement, de bien distinguer ce qui doit impérativement relever du national de ce qui peut être mieux assumé par le local.
Cette analyse fine, le Ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, dont j'ai la charge, est précisément dans le devoir de la respecter. Il est des politiques - celles du travail et de la solidarité nationale par exemple - qui ne se prêtent pas à un désinvestissement de l'Etat, garant en la matière de la cohésion nationale et de l'égalité des chances. En revanche, plusieurs champs d'action pourraient, selon nous, faire l'objet d'une décentralisation accentuée :
- celui de la formation professionnelle qui doit pouvoir être, davantage encore, déclinée vers le terrain, vers les régions. Elles doivent véritablement piloter le dispositif. Mais, vous le savez, une partie de la politique de formation est gérée avec les partenaires sociaux, d'où la nécessité d'imaginer une relation nouvelle entre la démocratie locale et la démocratie sociale ;
- celui du RMI, dont nous avons l'intention d'accentuer le volet insertion ; volet qui, précisément, à vocation à être stimulé, accompagné, au plus proche des réalités humaines et des besoins. Les réflexions et les suggestions énoncées par les départements de Loire Atlantique, Vendée, Maine et Loire, Sarthe et Mayenne, rejoignent, je le sais, cette préoccupation. Appelé à être globalement confié, selon moi, aux départements, le RMI devrait à l'avenir être complété par un RMA, c'est à dire un revenu minimum d'activité dont l'objectif sera de responsabiliser, d'épauler, d'inciter celles et ceux qui sont dans la difficulté mais qui n'ont pas baissé les bras. L'idée sur laquelle nous travaillons serait de les autoriser à gagner un vrai salaire en exerçant une activité aidée par la collectivité.
- autre champs d'action, celui relatif à certaines aides aux entreprises qui pourraient relever d'une approche plus décentralisée. Il faudra cependant veiller au respect des règles que l'Union européenne impose en matière de concurrence ;
- celui, également, qui concerne la gestion du Fond Social Européen, dont les objectifs 1 et 2 pourraient être confiés aux régions, à l'instar de ce qui est actuellement en cours d'expérimentation en Alsace. Pour ce qui concerne l'objectif 3, la question est à l'étude ;
- enfin, pour le logement social, les investissements des établissements sociaux et médico-sociaux, les personnes âgées, nous examinons l'opportunité et les modalités d'un transfert accru. Sur ce dernier point, le département doit exercer pleinement ses compétences ce qui nécessite une réflexion sur la prise en charge médicalisée des personnes âgées.
Au-delà des compétences ministérielles quelques peu singulières dont j'ai la charge, les collectivités locales sont, selon nous, dans bien des domaines, mieux à même de faire vivre les principes d'efficacité, de solidarité citoyenne et d'égalité territoriale.
Dans cet esprit, la Région des pays de la Loire, par la voix de Jean-Luc Harousseau, précisera ses propositions. Elles s'ordonnent autour de deux axes :
- celui d'un rééquilibre des compétences dans des domaines actuellement partagés avec l'Etat dans les secteurs : de l'enseignement (dont la région pourrait se voir confier la totalité des équipements pédagogiques des lycées, et dont elle pourrait être codécideurs en matière de carte scolaire), la formation, le tourisme ;
- celui d'une clarification - à travers le concept de chef de file - des domaines aujourd'hui partagés avec les collectivités locales, dont celui des aides économiques et de l'environnement.
Cette liste n'est pas exhaustive. L'entreprise de redéfinition des périmètres de l'Etat et des collectivités locales ne doit pas être, à priori, limitée, ni d'ailleurs précipitée. Pour l'ensemble des acteurs publics, le seul objectif doit être de rechercher les moyens de servir nos concitoyens de façon optimale, c'est à dire au mieux, au plus vite, au plus près !
Une décentralisation approfondie, c'est aussi - Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian l'ont évoqué - offrir aux collectivités le pouvoir d'innover. Expérimenter, c'est inventer, c'est tester de nouvelles formules qui, ensuite, peuvent être généralisées à l'ensemble du territoire national. Notre région a déjà expérimenté avec succès une politique des transports ferroviaires régionaux. Elle se propose aujourd'hui d'expérimenter dans le secteur des infrastructures, de l'innovation technologique, de l'enseignement supérieur, de la culture, de la santé, des technologies de l'information, des sports
Cette faculté expérimentale reposant sur la loi ou le règlement, peut être, mesdames et messieurs, le levier d'une modernisation empirique de notre pays. Elle peut permettre de contourner les résistances structurelles ou déminer les réticences psychologiques que les lois trop uniformes suscitent parfois. Mais ce droit ne doit pas être l'antichambre d'une France à plusieurs vitesses. C'est pourquoi, il sera formalisé par notre constitution ; c'est pourquoi il devra être sérieusement encadré par le législateur et faire l'objet d'un suivi attentif du gouvernement et des services déconcentrés de l'Etat.
Enfin, nous voulons une décentralisation démocratisée. La société française est avide de participation. Il faut la solliciter ; il faut avoir confiance en elle. C'est d'ailleurs pour elle que nous décentralisons les pouvoirs et les décisions au plus près du terrain ! C'est dans cet esprit que le gouvernement envisage de poser les bases :
- du référendum local décisionnel limité au domaine de compétence des collectivités ;
- du droit de pétition qui permettra aux citoyens de saisir leur assemblée locale sur les questions qui relèvent de sa compétence ;
L'Etat, par ailleurs, pourrait être autorisé à consulter les populations concernées sur des questions institutionnelles locales. Cette possibilité, vous le savez, ne lui est pas aujourd'hui conférée puisque - sauf exception relevant d'une loi spécifique - toute consultation doit s'adresser à l'ensemble des Français.
Voilà en quelques mots, mesdames et messieurs, les axes du projet que nous soumettons à votre jugement et à vos propositions. Il ne s'agit naturellement pas de nier ce que la France doit à son Etat, ni de porter atteinte à l'unité de la république. C'est la recherche de l'intérêt général qui nous porte à privilégier l'efficacité, la souplesse, la proximité. En redistribuant les rôles, en confortant les énergies et les initiatives, la décentralisation permet d'instaurer une dynamique de la République. C'est en ce sens qu'elle s'inscrit dans le fil de notre histoire.
Une volonté réformatrice anime le gouvernement.
Il vous appartient de l'enrichir car il vous reviendra de la faire vivre concrètement, au quotidien, dans le cadre d'une République qui, plus que jamais, doit renouer avec la liberté, la fraternité et le mouvement.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 22 octobre 2002)