Déclaration de M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur et membre du PRG, sur les défis à relever pour faire reculer le chômage, le soutien à la consommation et la réduction du temps de travail, Paris le 25 janvier 1998.

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Circonstance : Congrès du Parti radical de gauche (PRG) à Paris les 24 et 25 janvier 1998

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Jean-Michel,
Monsieur le Ministre et Cher Collègue,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Permettez-moi, en tant que membre du Gouvernement, mais aussi élu local et membre du PRG, de vous livrer mes observations sur quelques réactions entendues après l'intervention du Premier ministre, mercredi dernier.
Les commentateurs ont semblé considérer qu'après six mois d'exercice, le Gouvernement aurait été rattrapé par la dure réalité. En bref, de nouveau, la simple gestion aurait pris le pas sur la politique.
Il y a dans ce jugement beaucoup de confusion.
Serait-ce être de gauche, que d'endetter les français au-delà du raisonnable ? Je ne le crois pas.
Refuser de faire payer après-demain, les dépenses d'aujourd'hui ?
Est-ce de la gestion ? Non, c'est de la politique.
Et ces critiques viennent masquer l'essentiel.
Il y a deux défis que nous devons relever pour faire reculer le chômage, cette plaie française depuis une dizaine d'années.
Le premier défi nécessite le soutien de la consommation.
Ce sera sans doute moins facile que l'affirment nos amis socialistes. Craignons en effet la conjoncture mondiale en fin d'année 1998.
Aussi il faut faire très vite des choix.
Le Gouvernement a commencé à les exprimer : ils passent par un soutien à la consommation, en particulier des plus défavorisés, la poursuite des économies dans les dépenses improductives, enfin par des réformes fiscales importantes, qui vous le savez sont à l'étude.
Car comme l'a dit le Premier Ministre le 19 juin 1997, ce n'est pas en augmentant la pression fiscale que l'État soutiendra la croissance.
C'est en gageant toute nouvelle dépense par des recettes, et si besoin des ventes d'actifs.
Il faut diminuer les dépenses de l'État pour assurer la croissance. Nous avons commencé à le faire dans le domaine militaire. Mais tout ce qu'il était possible d'envisager n'a pas encore été étudié.
Je vous engage donc à le faire en amont, à constituer des groupes de travail, comme vous l'avez fait pour la réduction du temps de travail.
Le second défi c'est évidemment la réduction du temps de travail.
Non pas que la réduction du temps de travail soit le seul moyen que le Gouvernement utilise pour combattre le chômage, mais parce que c'est celui qui dépend le plus de notre volonté.
Lorsque j'ai visité quatre régions, j'ai rencontré de nombreuses entreprises qui ont appliqué la réduction du temps de travail.
J'ai vu que sur le terrain, ça marche.
Certains, à droite, prennent donc une responsabilité en affirmant, pour effrayer les entreprises qu'un couperet va s'abattre sur elles le 1er janvier 2000.
C'est se tromper ou vouloir tromper.
Le grand rendez-vous, il est pour la fin 1999, lors de la conférence où le Gouvernement et les partenaires sociaux feront le bilan des accords, en tireront les conclusions.
Je suis persuadé que le malentendu va se dissiper.
J'ai été opérateur industriel et, comme industriel, lorsque j'annonçais le lancement d'un produit ou d'un nouveau service, tout était prêt.
La noblesse et les difficultés d'un gouvernement républicain est qu'il débat sur la place publique : il doit donc montrer les premières ébauches.
Lorsque la loi sera votée et enrichie par les amendements, les entreprises verront la réalité.
Mais comme l'a dit notre vice-président André SAINJON dans LIBERATION et notre député Jean PONTIER devant la Commission des Affaires Sociales de l'Assemblée Nationale, la loi doit permettre une meilleure adaptation des horaires des personnels aux besoins des entreprises.
L'annualisation doit être un point essentiel de notre soutien au projet de loi.
Et si de plus tous les partis de la majorité s'unissent pour mobiliser nos concitoyens, le grand mouvement de réduction du temps de travail et de création d'emplois commencera dans le pays.
Mais quelles que soient en 4 ans les créations d'emplois dues à la réduction des horaires, de 250 000 à 1 million suivant les hypothèses et les instituts de prévisions, cela ne suffira pas puisque nous avons 5 millions de chômeurs ou quasi chômeurs.
C'est pourquoi je vous ai parlé en premier de la nécessité d'une croissance dans notre pays si l'on veut éviter de très graves conflits sociaux.
Je voudrais enfin, comme responsable du commerce extérieur, vous dire quelques mots de la crise asiatique.
Elle est très préoccupante, même si son impact sera parfois positif.
Comme politiques, nous devons réfléchir sur les causes profondes des deux crises qui traversent l'Asie, au Japon depuis plusieurs années et dans les pays émergents depuis juillet 1997.
En définitive, je crois qu'elles sont en partie culturelles.
Voilà la vraie question : pour qu'il y ait une bonne mondialisation, il ne faut pas que les traditions culturelles et intellectuelles sur le plan économique entre les pays du monde soient très différentes.
Pour qu'une économie soit saine, il faut à la base qu'il y ait de la transparence.
Il faut que les banques, les industries et les autorités de contrôle ne soient pas reliés par des liens trop consanguins.
En bref, il faut plus d'ouverture.
Cela signifie qu'il faut éviter le règne des grands trusts, des gros qui s'entendent entre eux.
L'Asie s'en sortira par la voie de réformes importantes qui sur de nombreux plans la rapprocheront de nous pour plus de démocratie et plus de droit.
Je conclurai brièvement.
Notre place dans la gauche plurielle et dans la réussite du Gouvernement me semblent tracée. Elle consiste simplement à défendre les valeurs du radicalisme :
Le radicalisme qui veut qu'il y ait un arbitre entre les intérêts divergents, que l'Etat soit neutre et pas le serviteur des intérêts des puissants.
La supériorité du local sur le central et en particulier aujourd'hui la mobilisation pour la RTT au niveau des entreprises.
La gestion intelligente de l'Etat en faveur du développement économique. Cela suppose non pas plus d'Etat, mais un État laissant plus de liberté économique en pesant moins sur les entreprises, mais un État soucieux de deux réalisations de la gauche :
*la santé pour tous d'une part
*l'éducation et la recherche de l'autre
A cet égard qui peut parmi nous admettre que 30 % de nos concitoyens renoncent à certains soins par manque de moyens, ou que les enfants des ruraux les plus modestes ne puissent accéder aux études supérieures ?
Un État moderne enfin, qui n'a pas peur de promouvoir les nouvelles technologies et par là même un rayonnement commercial, mais aussi culturel de la France.
Il y a un espace politique pour une croissance solidaire et durable. A nous, la gauche pragmatique, les radicaux, de l'occuper.
Rapidement, je vous l'assure, nous ne serons pas seuls.
Je terminerai par cette citation de Nietzsche :
" Tout ce qui ne me tue pas, me fortifie "
Sage parole en effet dans la mesure où une collectivité, un parti politique, qui ne saurait percevoir ce qui le menace n'a aucune chance de survie.
La conscience du danger associée à l'existence d'un idéal de justice et de liberté sont les deux conditions de leur survie.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 août 2002)