Texte intégral
Entretien avec le quotidien jordanien "Al Ray" le 18 avril :
Q - Pouvez-vous nous donner un aperçu sur la politique étrangère de la France vis-à-vis du Proche-Orient et des pays arabes ?
R - La France est liée aux pays de la rive sud de la Méditerranée par d'étroites relations. Elle oeuvre à transformer progressivement la zone méditerranéenne en un espace de paix et de sécurité commune, une zone de prospérité partagée. Cette action s'inscrit avant tout dans le cadre du processus euro-méditerranéen défini en 1995 à Barcelone.
La France a proposé que la quatrième conférence euro-méditerranéenne, qui aura lieu en novembre prochain à Marseille sous présidence française, se tienne, si le contexte au Proche-Orient le permet, au niveau des chefs d'Etat.
Ainsi, patiemment, le partenariat dessiné en 1995, à Barcelone, prend forme. On peut mesurer le chemin parcouru. Le partenariat est l'une des rares enceintes où l'ensemble des partenaires de la région peuvent se retrouver autour d'initiatives d'intérêt commun. De ce point de vue, il revient à la France et à la Jordanie de continuer d'insuffler, à tous les niveaux, la dynamique qu'elles ont su animer jusqu'à ce jour.
Pour ce qui est de la politique française vis à vis du Proche-Orient, vous savez que la France, qui entretient des relations confiantes et amicales avec tous les pays du Proche-Orient, oeuvre activement à l'établissement d'une paix juste et durable. Nous avons un rôle d'encouragement, d'accompagnement, de propositions, la préoccupation d'être utile.
Q - Pouvez-vous préciser la vision de la France vis-à-vis de l'avenir du processus de paix sur les volets palestinien, syrien et libanais. Est-ce que votre pays va déployer des forces dans le Liban Sud après l'éventuel retrait israélien du Liban Sud prévu en juillet ?
R - La France souhaite voir s'établir au Proche-Orient une paix juste et durable, basée sur le respect des résolutions des Nations unies, des principes agréés à Madrid, notamment celui de l'échange de la paix contre la terre, et des accords conclus.
En ce qui concerne le volet palestinien, le règlement devra concilier les besoins de sécurité d'Israël avec l'aspiration légitime du peuple palestinien à se doter d'un Etat indépendant. Nous soutenons l'édification d'un Etat palestinien indépendant, viable, démocratique et pacifique. Celui-ci doit être pour Israël un partenaire à part entière. La contiguïté territoriale de cet Etat, l'ouverture de son économie, sans entraves, vers l'extérieur, et la libre circulation des personnes à l'intérieur de son territoire sont des éléments essentiels à sa viabilité. C'est en ce sens, avec nos partenaires européens, et avec l'envoyé spécial de l'Union, M. Moratinos, que nous prendrons s'il le faut des initiatives à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne.
La reprise des négociations palestino-israéliennes aux Etats-Unis est positive. Nous espérons que les deux parties aboutiront à une solution qui permette de conforter le climat de confiance et de partenariat et d'assurer le respect des dates arrêtées à Charm El Cheikh.
Pour ce qui est du volet syrien, on parle d'échec du sommet de Genève, mais je crois qu'il ne faut jamais désespérer. Nous continuons, pour notre part, à croire à la volonté des deux parties de faire la paix. Les questions en suspens apparaissent solubles. Un déblocage permettrait d'assurer le retrait de l'armée israélienne du Sud-Liban dans de meilleures conditions. Nous pouvons aider les parties à dialoguer. Mais c'est à Israël et à la Syrie de prendre leurs responsabilités et les décisions qui s'imposent.
En ce qui concerne le volet libanais, la France s'est réjouie de la décision israélienne de se retirer du Sud Liban conformément à la résolution 425 du Conseil de Sécurité, mais préférerait que ce retrait s'effectue dans le cadre d'un accord global.
Nous avons toujours dit que, dans le cadre d'un accord global incluant toutes les parties, et à la demande de ces dernières, la France était prête à participer à des garanties et arrangements de sécurité. Mais dans ce cadre seulement. Nous ne perdons pas espoir qu'un tel accord sera possible. Seul un accord avec toutes les parties, en application de la résolution 242 du Conseil de sécurité, permettra de garantir une paix juste et globale et la stabilité de la région.
Mais la communauté internationale doit aussi se préparer à l'éventualité d'un retrait israélien qui se ferait sans qu'un accord ne soit intervenu entre Israël d'une part, la Syrie et le Liban d'autre part. Nous pensons que cette perspective comporte des risques de tension, liés à la situation régionale.
Pour être conforme à la résolution 425 du Conseil de sécurité, le retrait israélien devra être complet et incontestable. Il appartient maintenant au Secrétaire général des Nations unies de préparer des recommandations pour l'application de cette résolution, notamment en ce qui concerne la FINUL, et de les transmettre au Conseil de sécurité qui doit en débattre. C'est dans ce cadre que nous nous déterminerons.
Q - Comment la France voit-elle le rôle de la diplomatie jordanienne dans la région et vis-à-vis des questions internationales ?
R - Je salue l'engagement ancien et constant de la Jordanie en faveur de la paix dans la région. La Jordanie, grâce à la détermination et au dynamisme du Roi Abdallah et aux bonnes relations qu'elle entretient avec toutes les parties régionales, joue un rôle positif et déterminant, qui est très important et utile pour rapprocher les points de vue.
La visite que j'effectue s'inscrit dans le cadre de la concertation régulière qui existe entre nos deux pays sur le processus de paix au Proche-Orient. Il est très important pour la France de connaître l'analyse que les Jordaniens ont de la situation dans la région et des problèmes qui s'y posent.
Q - Quel est votre sentiment sur la nature des relations entre nos deux pays ? Sa Majesté le Roi Abdallah II a exprimé lors de sa visite d'Etat en France en novembre dernier son souhait de voir se renforcer la coopération entre la France et la Jordanie ?
R - La Jordanie est un partenaire important pour la France, notamment en raison du rôle constructif et stabilisateur qu'elle tient dans la région. La relation entre nos deux pays est de grande qualité. Le président de la République et le Premier ministre ont reçu Sa Majesté le Roi Abdallah à deux reprises l'année dernière, notamment à l'occasion de la visite d'Etat qu'il a effectuée en France du 15 au 18 novembre 1999 avec la Reine Rania. D'importantes décisions ont été prises à cette occasion.
La France est engagée dans tous les domaines aux côtés de la Jordanie. Elle est attachée à la sécurité et à la stabilité de ce pays. Elle appuie Sa Majesté le Roi Abdallah II dans son action de réforme et de modernisation de l'économie du pays. Je vous rappelle, à cette occasion, que la France est, en 1999 et 2000, le premier investisseur en Jordanie et que, jusqu'à présent, toutes les privatisations ont été réalisées avec des groupes français : privatisation de Jordan Cement avec le groupe Lafarge ; gestion déléguée des eaux du grand Amman avec le groupe Suez-Lyonnaise des Eaux ; privatisation de Jordan Telecom avec France Télécom.
Nous avons également des relations importantes dans le domaine de la coopération de défense puisque, comme vous le savez, la France accueille au sein de la KFOR, au Kosovo, un contingent jordanien. Elle est le premier exposant étranger au salon SOFEX qui se tient à Amman.
Enfin, notre dispositif de coopération, extrêmement divers et riche, intervient dans les secteurs clefs du développement économique et social de la Jordanie comme la gestion de l'eau agricole, la valorisation des potentialités touristiques du pays, l'enseignement supérieur et la formation professionnelle ou la coopération audiovisuelle.
Q - Votre pays a entrepris la transformation des dettes jordaniennes en investissements. Il a également soutenu la position de la Jordanie au sein du Club de Paris pour alléger les dettes jordaniennes. Y a-t-il de nouvelles idées communes jordano-françaises pour soutenir la Jordanie en ce qui concerne les dettes que ce soit au niveau bilatéral ou au niveau des pays créanciers ?
R - La France s'est en effet toujours tenue avec une grande constance aux côtés de la Jordanie. Nous avons appuyé le passage de la Jordanie en Club de Paris le 20 mai 1999. La charge de la dette a été fortement allégée grâce au rééchelonnement de 800 millions de dollars US sur 20 ans, dont 230 millions de dollars US, soit près de 30%, supportés par la France. Nous avons fortement pesé lors du G7 du mois de juin 1999 pour que le communiqué final appelle à un allégement de la dette de la Jordanie.
A l'occasion de la visite de Sa Majesté le Roi Abdallah en France, en novembre dernier, deux accords ont été signés : un accord de conversion de dettes en investissement de 400 millions de francs et un accord de conversion de dettes en projets de développement de 100 millions de francs. Un accord d'aide alimentaire portant sur 8.000 tonnes de farine a, en outre, été conclu.
Au plan européen, nous nous efforcerons d'arrêter le programme Meda II sous présidence française et dans ce contexte, nous demanderons le traitement le plus favorable pour la Jordanie. Depuis 1996, c'est près de 260 millions d'euros qui ont été alloués par l'UE à la Jordanie, la part de la France représentant près de 20% de ce montant.
Nous sommes prêts à poursuivre notre action lorsque les accords récemment mis en place auront été consommés.
Q - Votre pays a un rôle pionnier et efficace au sein de l'Union européenne et la Jordanie est engagé par un accord de partenariat avec l'Europe. Comment voyez-vous les moyens de développer ce partenariat ?
R - La Jordanie joue un rôle majeur au sein du processus de Barcelone. Elle a été l'un des premiers Etats de la rive sud de la Méditerranée à signer avec les Quinze un accord d'association, sur la base duquel le partenariat euro-jordanien est appelé à se renforcer au cours des années à venir. Cet accord constitue une pièce essentielle du partenariat euro-méditerranéen lancé à Barcelone en 1995, dont l'un des principaux objectifs est la mise en place d'un grand espace euro-méditerranéen de zone de libre-échange d'ici à 2010.
Il va de soi que, pour atteindre cet objectif, la Jordanie pourra continuer à compter sur l'aide de l'Union. Le partenariat euro-méditerranéen figurera, vous le savez, au rang des priorités de notre présidence de l'Union. C'est dans cet esprit que notre pays s'efforce d'accélérer les procédures de ratification de l'accord d'association euro-jordanien, afin que celui-ci entre en vigueur rapidement.
Q - La France a-t-elle une solution pour résoudre la crise iraquienne et alléger la souffrance du peuple iraquien ? Voyez-vous de la lumière au bout du tunnel concernant la situation de l'Iraq ?
R - La France est préoccupée par le statu quo et le maintien d'un embargo qui touche principalement le peuple iraquien et n'atteint plus ses objectifs. Nous avons fait part de notre malaise face à la poursuite de bombardements qui nous paraissent dangereux pour les populations civiles et pour la stabilité régionale.
La France a, dès janvier 1999, proposé des idées destinées à sortir de l'impasse et à alléger les souffrances du peuple iraquien. Il s'agissait alors de favoriser le retour d'un système d'inspection rénové en Iraq et l'allégement des sanctions.
Au regard de ces objectifs, la résolution 1284, adoptée le 17 décembre 1999, comporte trois éléments positifs : la création d'une Commission de contrôle des armements rénovée ; la perspective d'une suspension des sanctions, première étape vers la levée, constitue une nouvelle incitation pour les autorités iraquiennes ; enfin, des mesures humanitaires qui viendront apporter un début de soulagement à la population de ce pays.
Nous voulions cependant un critère simple, objectif et crédible pour déclencher la suspension des sanctions. La rédaction du texte reste ambiguë sur ce point, ce qui pourrait avoir pour effet de retarder indéfiniment toute décision sur les sanctions. C'est la raison de notre abstention.
Si, comme nous le souhaitons, se manifeste au sein du Conseil la volonté de travailler dans un esprit de consensus pour appliquer de façon claire et réaliste les orientations fixées dans cette résolution, la France y contribuera sans réserve ni restriction. Nous l'avons montré en participant activement à la mise en place de la nouvelle commission (CCVINU) et à la nomination de son président, M. Hans Blix. Une fois la commission prête à entrer en action, il nous faudra à nouveau tout mettre en oeuvre pour obtenir la coopération de l'Iraq, élément indispensable à l'application de la résolution 1284.
Aujourd'hui, il faut également concentrer les efforts sur la mise en oeuvre de la partie humanitaire de la résolution. Mais l'amélioration du programme humanitaire actuel, aussi nécessaire soit-elle, ne saurait remplacer la perspective de suspension puis, si l'Iraq remplit les conditions, de levée des sanctions. Seule la levée des sanctions, si l'Iraq respecte ses obligations liées au contrôle des armements, permettra le redéveloppement économique de ce pays, dans l'intérêt de la population iraquienne.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 avril 2000)
Conférence de presse conjointe avec M. Abdullilah Al Khatib :
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord dire que je suis très heureux de me retrouver au Proche-Orient où je me rends souvent. Je suis très heureux de me trouver en Jordanie, pays dont j'ai pu éprouver à nouveau l'hospitalité et la grande beauté. Je remercie infiniment mon collègue et ami, Abdullilah Al Khatib, de son accueil comme de la qualité et de la densité de nos contacts et de nos conversations.
La densité des relations franco-jordaniennes en ce moment s'explique pour des raisons bilatérales et d'autre part régionales.
Sur le plan bilatéral, à partir de presque rien, puisque ces deux pays n'étaient pas étroitement liés par l'histoire, la France et la Jordanie ont élaboré une relation qui est aujourd'hui remarquable et c'est à juste titre que le ministre jordanien a parlé tout à l'heure de partenariat.
Nous avons évidemment fait le point de ces relations sur le plan politique où elles sont excellentes, sur le plan économique où elles sont intenses et sur tous les autres aspects de la coopération culturelle où elles sont également très dynamiques.
Notre objectif sur ce plan est très simple : il consiste à renforcer encore ces relations.
Au sein de l'Union européenne comme au sein du processus de Barcelone, la France sera attentive à ce que les demandes de la Jordanie, les projets de la Jordanie soient pris en compte le plus et le mieux possible.
L'autre aspect très important de nos relations, c'est naturellement la question du processus de paix.
La France est un pays qui fait tout ce qui dépend de lui pour hâter et faciliter la paix. Nous souhaitons une paix juste et globale. Nous sommes en contact en permanence avec tous les protagonistes et nous essayons d'aider les uns et les autres à trouver des solutions, soit à des problèmes anciens, soit à des problèmes nouveaux qui surviennent. Nous ne pouvons pas nous substituer aux protagonistes mais nous pouvons aider, faciliter, accompagner.
Nos vues sont très proches. Nous avons parlé aujourd'hui de ce que nous pouvons faire à ce moment précis concernant chacun des volets que je ne détaille pas car je pense que vous aurez des questions sur ce point. Je voudrais dire cependant que la Jordanie a des intérêts légitimes à défendre et que par conséquent ses préoccupations et ses demandes devront être prises en compte par tous ceux qui ont à faire la paix ou à la favoriser et à la garantir.
Je veux également indiquer que nous avons, soit à propos de l'aspect bilatéral, soit à propos de l'aspect régional, parlé de l'Europe, de son évolution et du rôle qu'elle doit jouer. L'Europe n'a pas à choisir entre gérer son élargissement ou se préoccuper du processus de paix ou du processus de Barcelone. Elle doit évidemment, en tant que grande puissance en formation, faire face à toutes ses obligations.
Nous avons également parlé de l'Iraq. C'est un échange que j'ai jugé, pour ma part, très utile. Nous ne sommes pas dans la même position, naturellement, par rapport à cette question mais je crois pouvoir dire que nos démarches sont inspirées par les mêmes préoccupations et que nous nous comprenons bien.
Voilà, Mesdames et Messieurs, un résumé rapide des points sur lesquels nous avons travaillé, Monsieur le Ministre et moi-même et, naturellement, ces points seront réabordés ce soir quand j'aurai l'honneur d'être reçu par Sa Majesté.
Q - Certains médias français nous ont laissé penser qu'il y avait des rendez-vous organisés pour rencontrer des responsables iraquiens. Cela a-t-il été le cas ?
R - Non, cela n'a pas été le cas.
Q - (sur une éventuelle évolution de la politique de la France dans la région)
R - La seule chose qui est importante, c'est le travail que la France fait pour la paix. Ca se traduit par les efforts que nous faisons pour encourager les Israéliens et les Palestiniens. A cet égard, je voudrais rappeler que j'ai été le premier, en novembre dernier, à dire que l'Etat palestinien devait être viable. Cette expression est désormais employée par les différents responsables français et par d'autres dans le monde maintenant.
En ce qui concerne les relations israélo-syriennes, nous avons encouragé les uns et les autres, puisque nous parlons à tout le monde, à reprendre les négociations, à surmonter les divergences d'interprétation issues des épisodes antérieurs et à trouver une solution. Nous regrettons le blocage actuel.
En ce qui concerne la dimension israélo-libanaise, depuis que la volonté israélienne de retirer ses troupes du Sud-Liban est connue, nous avons toujours dit que nous pensons que la meilleure solution serait que ça se passe dans le cadre d'un accord négocié. Dans cette hypothèse, le président de la République avait dit, il y a longtemps déjà, et cela a été réexprimé par le Premier ministre, par le ministre de la Défense et par moi-même, que la France serait disponible pour participer à des arrangements de sécurité sur le terrain.
Dans le cadre d'un retrait unilatéral sans accord, la France n'a pas pris d'engagement. Il se peut que nous soyons dans cette hypothèse. Ce n'est pas celle que nous préférons, mais elle peut se produire. Il y a quelques jours, le ministre israélien des Affaires étrangères a notifié ce retrait au Secrétaire général des Nations unies. Même si nous savons qu'il peut y avoir des problèmes après, on ne peut pas critiquer un pays, membre des Nations unies, qui décide d'appliquer une résolution des Nations unies qui, depuis 22 ans, lui demande d'évacuer cette zone.
Il faut également se préoccuper de la suite. Qui doit s'en préoccuper ? C'est le Secrétaire général des Nations unies qui doit examiner dans quelles conditions se présente l'application de la 425. Il y a la mission d'évaluation qui est en ce moment confiée à son envoyé spécial au Proche-Orient, M. Roed Larsen. Après quoi, le Secrétaire général des Nations unies va se tourner vers le Conseil de sécurité, présenter ses évaluations et ses recommandations. C'est à ce moment-là que nous examinerons, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, ce que nous pouvons faire, ce que nous devons faire. Il n'y a évidemment qu'une seule politique française sur chacun de ces points.
Q - Le ministre de la Défense a récemment déclaré que la Syrie, à son avis, ne voulait pas qu'Israël se retire du Sud-Liban afin que ce pays continue d'exercer son hégémonie sur le Liban. Quels sont les commentaires que vous pouvez apporter à ces déclarations ? Y a-t-il un changement de la politique étrangère de la France vis-à-vis du Liban ? Y a-t-il divergence entre le président Chirac et le gouvernement français concernant le processus de paix et le Sud-Liban. Par ailleurs, Radio-Israël a déclaré que le retrait israélien, le retrait unilatéral, pourrait intervenir avant le mois de juillet. Quel est votre commentaire à ce propos ?
R - En ce qui concerne la date, je n'ai pas d'indication particulière, mais je pense que ça n'est pas le problème. La résolution 425 remonte au 19 mars 1978. C'est celle qui demande que soit respectées l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance politique du Liban. Le fait de savoir si ce retrait a lieu au mois de juillet ou avant, encore une fois, je n'en sais rien mais je pense que, de toute façon, si c'est l'application de la 425, c'est bien. Il faut préparer la suite. Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit tout à l'heure en ce qui concerne nos attentes, ce que nous attendons du Secrétaire général. Je rappellerai simplement qu'il y a eu, pour préparer cette action du Secrétaire général, une déclaration du président du Conseil de sécurité adoptée le 20 avril qui se réfère à l'importance et à la nécessité de parvenir à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient et qui se réfère aussi aux résolutions 242 et 338. Nous commencerons à travailler au sein du Conseil de sécurité dès que le Secrétaire général nous aura saisis de ses recommandations.
Vous m'avez également interrogé sur une déclaration du ministre français de la Défense. C'était dans le cadre d'une réflexion sur les éléments du blocage actuel et c'était une réflexion à haute voix dans laquelle il disait qu'il redoutait que le mode de raisonnement ne conduise pas forcément à la paix que nous souhaitons. C'est une réflexion comme il s'en fait plusieurs dizaines par semaine quand on réfléchit aux différents blocages au Proche-Orient. Il n'y a aucune raison, à partir d'une simple interrogation, pour bâtir une interprétation sur je ne sais quel changement. Nos positions sur les questions a abordées tout à l'heure sont tout à fait claires et bien connues. Je les ai résumées. Elles sont élaborées par le président de la République, par le Premier ministre, par les ministres compétents, aussi bien le ministre de la Défense que moi-même, sur ce point précis. Et j'ai noté, tous ces temps-ci de la part de nos interlocuteurs une attente réelle d'un rôle de la France dans ce domaine-là. Le climat de mes conversations aujourd'hui, M. Lévy était à Paris la semaine dernière, M. Charaa sera à Paris mardi, le président Arafat doit venir bientôt : ces contacts continuent sans arrêt. Pourquoi ? Parce que tous nos partenaires savent que nous avons cet engagement vrai pour la paix au Proche-Orient. Je note que nos partenaires s'interrogent eux-mêmes constamment sur la nature des problèmes qu'ils vont avoir à régler maintenant. Nous ne nous livrons pas à des spéculations chaque fois qu'ils s'interrogent eux-mêmes.
Donc, concentrons-nous sur ce qui est utile à la paix. C'est ce que nous faisons, nous, en tout cas.
Q - Est-ce que vous pouvez nous dire si la France considère que les Jordaniens ont un rôle régional à jouer notamment dans une éventuelle reprise des négociations syro-israéliennes ou aussi avec l'approche d'une solution négociée sur le statut final pour les Palestiniens ?
R - Je pense que la Jordanie n'a besoin de l'avis de personne pour jouer son rôle. Ce rôle, elle le joue. Elle défend ses intérêts. C'est légitime. Elle donne l'exemple d'une politique qui est à la fois courageuse, sage et responsable. Quand le processus de paix avancera et franchira de nouvelles étapes, cela peut amener à régler des problèmes qui ont une incidence, une importance pour la Jordanie. A ce moment-là, comme je le disais au début, nous trouverions normal que les intérêts légitimes de la Jordanie soient pris en compte. D'ailleurs, quand on emploie le mot "global" à propos de la paix, c'est ça que ça veut dire. Nous avons contribué à ce qu'il soit employé dans la déclaration du président du Conseil de sécurité. Ca ne veut pas dire qu'il y aura une seule solution de tout en même temps. On a bien vu qu'historiquement ce n'était pas possible. Mais ça veut dire qu'une vraie paix au Proche-Orient ne doit laisser derrière elle aucun problème non réglé. Donc, il faudra introduire cette préoccupation, notamment les légitimes préoccupations jordaniennes dans la suite du processus et quand les véritables solutions seront en vue. Encore une fois, la Jordanie n'a pas besoin qu'on lui dise quel est son rôle. Son rôle, elle le joue naturellement.
Q - (au ministre jordanien, sur la participation de la Jordanie au partenariat euro-méditerranéen)
R - Nous jugeons la Jordanie exemplaire sur le plan du partenariat euro-méditerranéen pour des raisons que j'ai déjà développées au début. Sur ce partenariat, il y a, pendant la présidence française de l'Europe au prochain semestre, une réunion ministérielle du processus de Barcelone en novembre. Nous espérons que le contexte, en ce qui concerne le processus de paix, sera bon parce que nous voudrions faire de cette réunion une rencontre au sommet. Ca nous permettrait de faire le bilan de ce processus de Barcelone et de le relancer.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 avril 2000)
Entretien avec RFI :
Q - Monsieur le Ministre, est-ce que vous pouvez nous donner la position de la France vis-à-vis du retrait israélien du Sud-Liban prévu en juillet prochain ?
R - On ne peut qu'approuver un pays membre des Nations unies qui décide, même si c'est très longtemps après - 22 ans après -, d'appliquer une résolution des Nations unies. Il s'agit de la résolution 425 qui demandait à Israël d'évacuer immédiatement le Sud-Liban. On est donc longtemps après, mais c'est quand même une application des résolutions du Conseil de sécurité ; il y en a deux : 425 et 426. Cela ne nous empêche pas de réfléchir à la situation ainsi créée. Ainsi que la France l'a indiqué dès le début, il revient au Secrétaire général, à partir du moment où il est saisi par le gouvernement israélien, ce qui est fait maintenant depuis huit jours, d'évaluer la situation, de saisir le Conseil de sécurité et de faire des recommandations sur la façon d'obtenir l'application pleine et entière des résolutions 425 et 426. Nous en sommes là du processus. Nous attendons que le Secrétaire général nous saisisse et c'est en tant que membre permanent du Conseil de sécurité que la France verra avec les autres membres permanents ce que nous devons faire dans cette situation.
Q - Monsieur le Ministre, vous recevrez à Paris, mardi, le ministre des Affaires étrangères de Syrie. Il y a également une visite prévue du président Arafat. Face à un blocage du processus de paix, est-ce que vous pouvez nous expliquer les efforts de la France dans ce contexte ?
R - La France est très engagée, comme on le sait, dans la recherche de la paix au Proche-Orient. Les principaux responsables ou protagonistes s'arrêtent très souvent à Paris ou bien ce sont des voyages ou des contacts du président de la République, du Premier ministre ou de moi-même. Il se trouve qu'en quelques jours, il y a en effet eu beaucoup de contacts. On ne peut cependant pas tout mettre sur le même plan. La situation n'est pas tout à fait la même en ce qui concerne le volet israélo-palestinien. J'ai été informé, il y a quelques jours par M. David Lévy. Le président Arafat doit venir dans quelques jours à Paris. Même si les choses sont difficiles, elles le seront d'autant plus qu'on s'approchera du statut final. On ne peut pas parler de blocage à ce stade. Les Etats-Unis jouent un rôle actif. Nous les y avons cependant toujours engagés. On nous dit que le président Clinton veut s'impliquer lui-même plus et tous ces efforts sont bons dès lors qu'ils convergent. Nous sommes plutôt dans un effort d'accompagnement et de soutien à ce travail qui est fait pour préparer la vraie négociation sur le statut final.
En ce qui concerne la relation israélo-syrienne et israélo-libanaise c'est différent puisque là, on a la perspective du retrait de l'armée israélienne du Sud-Liban mais il n'y a pas de négociation et il n'y a pas d'accord en vue. Donc, c'est à ce sujet que M. Charaa vient à Paris comme il l'a souhaité. Le président de la République et moi-même allons évidemment écouter avec le plus grand intérêt et la plus grande attention son analyse de la situation. Ce qui nous intéresse, c'est de pouvoir contribuer à un déblocage après ce malentendu, semble-t-il, qu'a été la rencontre de Genève entre le président Clinton et le président Assad. Il faut contribuer à redébloquer les choses.
Q - Pouvez-vous me parler, Monsieur le Ministre, de vos entretiens à Amman. Vous n'avez pas encore vu le Roi mais vous avez vu votre homologue jordanien ?
R - La concertation entre la France et la Jordanie est devenue vraiment constante. En quelques années, la relation entre les deux pays a atteint l'allure d'un véritable partenariat. C'est vrai sur le plan politique, c'est vrai sur le plan économique et dans toutes les formes de la coopération. Ce qui veut dire que je suis venu en Jordanie à la fois pour faire le point sur le bilatéral pour encore relancer les choses si c'est possible sur le plan franco-jordanien mais aussi dans la perspective jordano-européenne. Nous soutenons le désir de la Jordanie de jouer tout son rôle dans le cadre de l'accord avec l'Europe mais aussi dans le cadre du Processus de Barcelone. Cela a été une dimension très importante de mes entretiens avec le ministre et je pense que le Roi Abdallah m'en parlera ce soir.
D'autre part, il y a évidemment le contexte du processus de paix. La Jordanie est aux premières loges. C'est un pays sérieux et qui fait preuve d'esprit de modération et de responsabilités dans un contexte qui est toujours instable ou potentiellement périlleux. La Jordanie a des interrogations légitimes, des préoccupations sur la suite du processus. Elle veut que ses intérêts soient pris en compte. Elle veut pouvoir les exprimer, les faire valoir. Il est clair que quand on s'approchera de la négociation du statut final pour l'Etat palestinien, Etat palestinien dont la France souligne qu'il doit être viable pour qu'on débouche sur une vraie solution stable, il serait normal que les préoccupations de la Jordanie soient entendues. Elle a beaucoup de choses à dire ou à demander en ce qui concerne les questions des réfugiés, le statut de cet Etat, les relations entre la Jordanie et Israël, entre la Jordanie et le futur Etat palestinien, donc un ensemble de choses. A un moment donné, il faudra que tout cela soit entendu.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 avril 2000)
Intervention devant la communauté française :
Mesdames et Messieurs et chers Compatriotes,
Je voudrais tout d'abord remercier l'ambassadeur pour ces mots d'introduction et de bienvenue. Je voudrais le remercier ainsi que son épouse pour la part qu'il a pris à l'organisation de ce voyage, d'abord la petite partie de découverte ou de redécouverte qui a précédé cette journée de travail et qui m'a permis de redécouvrir Pétra, qui a permis à mon épouse de découvrir Pétra et ça a un certain sens parce que je trouve que, quand on a des déplacements comme ceux que je dois faire très fréquemment partout, on ne fait qu'arriver, passer très peu de temps, voir des aéroports, des salons d'honneur, des lieux de réceptions, des grands hôtels, des palais officiels. C'est intéressant, c'est fonctionnel, c'est rapide mais il manque quelque chose et là, je crois, en deux minuscules journées, nous avons pu capter un peu plus de la Jordanie et de tout ce qui rend ce pays si attachant.
Je suis revenu dans ce pays parce que le Proche-Orient, globalement parlant, est une des priorités de notre diplomatie ce qui veut dire que, en dehors de toutes les activités qui ont lieu à Paris qui est un lieu de passage constant, en dehors de tout ce que fait le président de la République, les gens qu'il reçoit, les messages, en dehors de l'activité gouvernementale, il doit y avoir une présence et un contact sur place. C'est ce que je fais avec beaucoup d'intérêt et même de plaisir parce que j'aime cette région, je la trouve extrêmement intéressante, pas uniquement parce qu'elle est plus compliquée que d'autres. Elle est intéressante en elle-même parce que sa richesse humaine, sa diversité sont quand même uniques et je vais en Syrie, je vais au Liban, je vais en Israël, je vais dans les Territoires palestiniens, je vais en Egypte. Donc, je vais aussi en Jordanie. Alors, les dates exactes se distribuent un peu selon les hasards du calendrier et les différentes possibilités. La dernière fois où j'avais fait le tour des pays de la région, c'était juste avant que le Roi Abdallah ne vienne à Paris en visite d'Etat. Donc, c'était normal que j'attende un moment pour faire ce déplacement et nous sommes dans le fil de ce dialogue.
Je ne vais pas vous parler de vos problèmes que vous connaissez mieux que moi naturellement. J'en sais l'essentiel notamment par l'ambassadeur et je sais que c'est une communauté en croissance très rapide et qu'il y a toutes les composantes de la présence française à l'étranger mais, d'une façon particulièrement remarquable, un dynamisme des entreprises depuis quelques années dans ce pays qui le mérite. En tout cas, c'est une bonne orientation et je ne peux que vous encourager à continuer. Pour le reste, j'ai pu vérifier et entendre tout le soin que prennent l'ambassadeur et le personnel de l'ambassade à être au contact, à dénouer des problèmes qui pourraient peut-être se poser, à essayer de les résoudre et à faire en sorte que cette communauté française, ici, soit heureuse, se sente bien et joue pleinement un rôle qui vient, en plus, de ce que fait chacun dans sa fonction et qui est d'assurer une présence, une sorte d'incarnation de notre pays, d'être le vecteur de relations, de contacts, d'amitiés, de projets. Vous êtes un peu, tous, la France dans ce pays à travers tout ce que vous faites même si ce n'est pas marqué dans la décision qui vous a affectée ici, dans le contrat qui vous a conduit ici. C'est vrai, en plus, parce que c'est ainsi que vous êtes regardés par nos amis jordaniens.
Donc, c'est très important et à ce titre, je crois que je dois vous dire quelques mots sur ce dont j'ai parlé au cours de cette visite et sur l'état de nos relations avec la Jordanie. Elles sont vraiment bonnes. Je l'ai dit au point de presse mais je le pense sincèrement. C'est un cas très intéressant parce qu'historiquement il n'y a pas de relations franco-jordaniennes. Elles ne sont pas héritées du passé. Ca ne s'imposait pas. Ca aurait pu ne pas exister. Ca aurait pu ne pas se développer surtout. Ca aurait pu rester formel, superficiel. Mais ce sont des relations qui ont été construites par des souverains d'un côté, des présidents successifs de l'autre et qui ont voulu ça parce que, au fond, la France et la Jordanie se sont reconnues comme étant des facteurs de paix au Proche-Orient. Je crois que c'est le fond de l'affaire avec une vraie sagesse, un sens des responsabilités, je le dis pour la Jordanie. Ce n'est pas la caractéristique principale de tous les pays de la région, donc je le souligne. Et c'est intéressant de voir ce pays qui, géographiquement, est une vraie clé pour la stabilité du Proche-Orient. C'est très important de voir ce pays engagé sur cette voie, persévérer. Tout doit être fait pour l'encourager et pour l'aider dans cette perspective.
Au plan bilatéral on a fait le point de l'engagement économique de la France et de ses entreprises. Nous avons fait le point de tous les aspects de la coopération culturelle, technique ou autre que nous pouvons développer avec ce pays. Nous l'avons traité sur un plan bilatéral mais aussi sur un plan européen parce que la Jordanie attend beaucoup de ses accords avec l'Union européenne. Elle attend beaucoup du processus de Barcelone, qui est une remarquable idée mais qui a eu beaucoup de mal à démarrer depuis 1995 parce qu'elle a été handicapée, hypothéquée à cause du vrai blocage du processus de paix à un moment donné, à cause de la lenteur de démarrage au niveau de Bruxelles pour les nouveaux programmes, parce que les pays qui pouvaient bénéficier de telle ou telle aide ne savaient pas trop quel type de projet mettre en oeuvre au début. Mais, je crois que maintenant les choses prennent une bonne tournure, surtout si le contexte du processus de paix s'améliore. Dans ce cas, cela nous permettra de faire, pendant notre présidence européenne que nous allons exercer au prochain semestre, un sommet qui aurait lieu en novembre, qui nous permettrait de faire le bilan de ce processus de Barcelone et puis, de lui donner un nouvel élan. J'ai beaucoup parlé de cela ici parce que c'est très important pour les Jordaniens. Il faut comprendre ce pays qui, sans arrêt, travaille pour la paix. C'est très important, je crois, d'avoir une ouverture, un engagement, des perspectives, des coopérations qui apportent également une respiration, disons, une perspective stratégique plus large.
Evidemment, on a parlé du processus de paix. Et, la Jordanie, qui est un pays exemplaire sur ce plan, précurseur et courageux, a une aspiration et une demande qui revient et que je trouve, pour ma part, tout à fait légitime, qui est d'être associée aux suites du processus pour qu'il ne se prenne pas de décisions qui puissent la concerner ou l'affecter sans qu'elle puisse intervenir, sans qu'elle puisse participer. Aujourd'hui, c'est assez contrasté. Il y a un processus israélo-palestinien qui n'avance pas très fort mais qui existe, qui n'est pas interrompu et qui est censé s'acheminer vers la solution définitive du problème. C'est dire que l'enjeu est énorme et, à un moment donné, il faudra mettre bout à bout les différents éléments de ce problème israélo-palestinien. Mais les autres aussi, à ce moment là, naturellement la Jordanie devra être prise en compte et la France, comme pays ami, comme pays proche, comme pays facilitateur du processus de paix, aura peut-être des idées à avancer. On ne voit pas encore la négociation finale sur le statut définitif, mais enfin, il faut déjà penser à cette question. J'ai constaté, j'ai vérifié que c'était important pour les Jordaniens que nous soyons attentifs à ça et que nous y pensions déjà. Et là, il y a un lien direct, parce que, évidemment, l'accord qui sera passé entre les Israéliens et les Palestiniens aura des répercussions immédiates sur la Jordanie.
Sur les autres volets, c'est apparemment un peu plus indirect. Mais la Jordanie est très concernée aussi. Sur ce volet aussi, nous poursuivons notre politique de réussir la paix. Du côté israélo-syrien, les choses paraissent bloquées. Nous ne voulons pas nous résigner à ce qu'elles le soient. Nous espérons que les blocages des derniers jours sont un malentendu ou, qu'en tout cas, d'une façon ou d'une autre, les négociations pourront redémarrer. Ca serait bien préférable à tous points de vue que, notamment l'évacuation du Sud-Liban par l'armée israélienne qui appliquerait enfin, avec 22 ans de retard, une résolution de 1978, ça serait naturellement meilleur et plus facile à gérer et plus stable si c'était encadré par un accord qui soit négocié. Mais, si ça n'est pas le cas, il faudra aussi faire face à cette situation et nous verrons, en tant que membre du Conseil de sécurité, ce que nous pouvons faire à cet égard. Nous attendons en ce moment les évaluations, puis les recommandations que le Secrétaire général des Nations unies nous fera. Pas seulement à nous, Français, parce que ça ne concerne pas que nous. Cela nous concerne aussi bien sûr, en tant que membre du Conseil de sécurité, et c'est important pour nous.
Inutile de dire que les Jordaniens sont très attentifs à ça et qu'ils souhaitent qu'il y ait un processus, qu'il y ait une négociation, que celle-ci débouche. Ils savent bien par eux-mêmes que ces négociations sont compliquées et qu'elles butent sur des obstacles, qu'elles redémarrent. Encore faut-il qu'il y ait un processus.
Nous avons un peu parlé de l'Iraq. Nous nous comprenons assez bien à la fois sur le fait que naturellement il faut en Iraq, autour du régime dont nous savons ce qu'il est, un dispositif de sécurité et de contrôle mais nous pensons aussi, et les Jordaniens et nous, que ça ne justifie pas d'employer ce moyen primitif et cruel et, en fait, inadapté, qu'est l'embargo. Donc, il y a une confusion entre deux choses. Les Jordaniens le disent pour des tas de raisons qu'on comprend bien et nous, nous le disons au sein du Conseil de sécurité où c'est un peu plus compliqué. Mais, enfin, nous obtenons certaines adaptations, même si elles ne sont pas encore suffisantes.
Voilà, je voulais faire ce petit tour d'horizon rapide pour souligner que la Jordanie est un vrai partenaire pour nous et que si l'engagement bilatéral dont vous incarnez, les uns et les autres, la croissance et le dynamisme, est très important, il y a aussi cette belle discussion qui porte sur beaucoup de sujets. La Jordanie doit se faire entendre dans cette région, à commencer par son Souverain et je crois qu'ainsi, les choses iront mieux, compte tenu de la façon dont la Jordanie aborde l'ensemble de ces problèmes.
Je ne veux pas être trop long non plus mais je trouve qu'il est légitime que vous ayez quelques indications en dehors de celles qui transparaissent à travers les points de presse dont on ne sait jamais trop sous quelle forme les propos tenus sont finalement répercutés à travers toutes sortes de filtres ou de prismes.
Voilà ce que je suis venu faire tout simplement. Ce dialogue franco-jordanien va continuer de façon active et chaleureuse et dynamique et je vous souhaite d'être le mieux possible ici dans ce pays. L'ambassade et le ministère feront tout pour vous aider et je vous souhaite des moments heureux, passionnants, intéressants. Nous avons globalement cette même perspective donc, bon courage à tous et merci d'être venus pour cette fin d'après-midi fraîche.
Merci à tous.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 avril 2000)
Q - Pouvez-vous nous donner un aperçu sur la politique étrangère de la France vis-à-vis du Proche-Orient et des pays arabes ?
R - La France est liée aux pays de la rive sud de la Méditerranée par d'étroites relations. Elle oeuvre à transformer progressivement la zone méditerranéenne en un espace de paix et de sécurité commune, une zone de prospérité partagée. Cette action s'inscrit avant tout dans le cadre du processus euro-méditerranéen défini en 1995 à Barcelone.
La France a proposé que la quatrième conférence euro-méditerranéenne, qui aura lieu en novembre prochain à Marseille sous présidence française, se tienne, si le contexte au Proche-Orient le permet, au niveau des chefs d'Etat.
Ainsi, patiemment, le partenariat dessiné en 1995, à Barcelone, prend forme. On peut mesurer le chemin parcouru. Le partenariat est l'une des rares enceintes où l'ensemble des partenaires de la région peuvent se retrouver autour d'initiatives d'intérêt commun. De ce point de vue, il revient à la France et à la Jordanie de continuer d'insuffler, à tous les niveaux, la dynamique qu'elles ont su animer jusqu'à ce jour.
Pour ce qui est de la politique française vis à vis du Proche-Orient, vous savez que la France, qui entretient des relations confiantes et amicales avec tous les pays du Proche-Orient, oeuvre activement à l'établissement d'une paix juste et durable. Nous avons un rôle d'encouragement, d'accompagnement, de propositions, la préoccupation d'être utile.
Q - Pouvez-vous préciser la vision de la France vis-à-vis de l'avenir du processus de paix sur les volets palestinien, syrien et libanais. Est-ce que votre pays va déployer des forces dans le Liban Sud après l'éventuel retrait israélien du Liban Sud prévu en juillet ?
R - La France souhaite voir s'établir au Proche-Orient une paix juste et durable, basée sur le respect des résolutions des Nations unies, des principes agréés à Madrid, notamment celui de l'échange de la paix contre la terre, et des accords conclus.
En ce qui concerne le volet palestinien, le règlement devra concilier les besoins de sécurité d'Israël avec l'aspiration légitime du peuple palestinien à se doter d'un Etat indépendant. Nous soutenons l'édification d'un Etat palestinien indépendant, viable, démocratique et pacifique. Celui-ci doit être pour Israël un partenaire à part entière. La contiguïté territoriale de cet Etat, l'ouverture de son économie, sans entraves, vers l'extérieur, et la libre circulation des personnes à l'intérieur de son territoire sont des éléments essentiels à sa viabilité. C'est en ce sens, avec nos partenaires européens, et avec l'envoyé spécial de l'Union, M. Moratinos, que nous prendrons s'il le faut des initiatives à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne.
La reprise des négociations palestino-israéliennes aux Etats-Unis est positive. Nous espérons que les deux parties aboutiront à une solution qui permette de conforter le climat de confiance et de partenariat et d'assurer le respect des dates arrêtées à Charm El Cheikh.
Pour ce qui est du volet syrien, on parle d'échec du sommet de Genève, mais je crois qu'il ne faut jamais désespérer. Nous continuons, pour notre part, à croire à la volonté des deux parties de faire la paix. Les questions en suspens apparaissent solubles. Un déblocage permettrait d'assurer le retrait de l'armée israélienne du Sud-Liban dans de meilleures conditions. Nous pouvons aider les parties à dialoguer. Mais c'est à Israël et à la Syrie de prendre leurs responsabilités et les décisions qui s'imposent.
En ce qui concerne le volet libanais, la France s'est réjouie de la décision israélienne de se retirer du Sud Liban conformément à la résolution 425 du Conseil de Sécurité, mais préférerait que ce retrait s'effectue dans le cadre d'un accord global.
Nous avons toujours dit que, dans le cadre d'un accord global incluant toutes les parties, et à la demande de ces dernières, la France était prête à participer à des garanties et arrangements de sécurité. Mais dans ce cadre seulement. Nous ne perdons pas espoir qu'un tel accord sera possible. Seul un accord avec toutes les parties, en application de la résolution 242 du Conseil de sécurité, permettra de garantir une paix juste et globale et la stabilité de la région.
Mais la communauté internationale doit aussi se préparer à l'éventualité d'un retrait israélien qui se ferait sans qu'un accord ne soit intervenu entre Israël d'une part, la Syrie et le Liban d'autre part. Nous pensons que cette perspective comporte des risques de tension, liés à la situation régionale.
Pour être conforme à la résolution 425 du Conseil de sécurité, le retrait israélien devra être complet et incontestable. Il appartient maintenant au Secrétaire général des Nations unies de préparer des recommandations pour l'application de cette résolution, notamment en ce qui concerne la FINUL, et de les transmettre au Conseil de sécurité qui doit en débattre. C'est dans ce cadre que nous nous déterminerons.
Q - Comment la France voit-elle le rôle de la diplomatie jordanienne dans la région et vis-à-vis des questions internationales ?
R - Je salue l'engagement ancien et constant de la Jordanie en faveur de la paix dans la région. La Jordanie, grâce à la détermination et au dynamisme du Roi Abdallah et aux bonnes relations qu'elle entretient avec toutes les parties régionales, joue un rôle positif et déterminant, qui est très important et utile pour rapprocher les points de vue.
La visite que j'effectue s'inscrit dans le cadre de la concertation régulière qui existe entre nos deux pays sur le processus de paix au Proche-Orient. Il est très important pour la France de connaître l'analyse que les Jordaniens ont de la situation dans la région et des problèmes qui s'y posent.
Q - Quel est votre sentiment sur la nature des relations entre nos deux pays ? Sa Majesté le Roi Abdallah II a exprimé lors de sa visite d'Etat en France en novembre dernier son souhait de voir se renforcer la coopération entre la France et la Jordanie ?
R - La Jordanie est un partenaire important pour la France, notamment en raison du rôle constructif et stabilisateur qu'elle tient dans la région. La relation entre nos deux pays est de grande qualité. Le président de la République et le Premier ministre ont reçu Sa Majesté le Roi Abdallah à deux reprises l'année dernière, notamment à l'occasion de la visite d'Etat qu'il a effectuée en France du 15 au 18 novembre 1999 avec la Reine Rania. D'importantes décisions ont été prises à cette occasion.
La France est engagée dans tous les domaines aux côtés de la Jordanie. Elle est attachée à la sécurité et à la stabilité de ce pays. Elle appuie Sa Majesté le Roi Abdallah II dans son action de réforme et de modernisation de l'économie du pays. Je vous rappelle, à cette occasion, que la France est, en 1999 et 2000, le premier investisseur en Jordanie et que, jusqu'à présent, toutes les privatisations ont été réalisées avec des groupes français : privatisation de Jordan Cement avec le groupe Lafarge ; gestion déléguée des eaux du grand Amman avec le groupe Suez-Lyonnaise des Eaux ; privatisation de Jordan Telecom avec France Télécom.
Nous avons également des relations importantes dans le domaine de la coopération de défense puisque, comme vous le savez, la France accueille au sein de la KFOR, au Kosovo, un contingent jordanien. Elle est le premier exposant étranger au salon SOFEX qui se tient à Amman.
Enfin, notre dispositif de coopération, extrêmement divers et riche, intervient dans les secteurs clefs du développement économique et social de la Jordanie comme la gestion de l'eau agricole, la valorisation des potentialités touristiques du pays, l'enseignement supérieur et la formation professionnelle ou la coopération audiovisuelle.
Q - Votre pays a entrepris la transformation des dettes jordaniennes en investissements. Il a également soutenu la position de la Jordanie au sein du Club de Paris pour alléger les dettes jordaniennes. Y a-t-il de nouvelles idées communes jordano-françaises pour soutenir la Jordanie en ce qui concerne les dettes que ce soit au niveau bilatéral ou au niveau des pays créanciers ?
R - La France s'est en effet toujours tenue avec une grande constance aux côtés de la Jordanie. Nous avons appuyé le passage de la Jordanie en Club de Paris le 20 mai 1999. La charge de la dette a été fortement allégée grâce au rééchelonnement de 800 millions de dollars US sur 20 ans, dont 230 millions de dollars US, soit près de 30%, supportés par la France. Nous avons fortement pesé lors du G7 du mois de juin 1999 pour que le communiqué final appelle à un allégement de la dette de la Jordanie.
A l'occasion de la visite de Sa Majesté le Roi Abdallah en France, en novembre dernier, deux accords ont été signés : un accord de conversion de dettes en investissement de 400 millions de francs et un accord de conversion de dettes en projets de développement de 100 millions de francs. Un accord d'aide alimentaire portant sur 8.000 tonnes de farine a, en outre, été conclu.
Au plan européen, nous nous efforcerons d'arrêter le programme Meda II sous présidence française et dans ce contexte, nous demanderons le traitement le plus favorable pour la Jordanie. Depuis 1996, c'est près de 260 millions d'euros qui ont été alloués par l'UE à la Jordanie, la part de la France représentant près de 20% de ce montant.
Nous sommes prêts à poursuivre notre action lorsque les accords récemment mis en place auront été consommés.
Q - Votre pays a un rôle pionnier et efficace au sein de l'Union européenne et la Jordanie est engagé par un accord de partenariat avec l'Europe. Comment voyez-vous les moyens de développer ce partenariat ?
R - La Jordanie joue un rôle majeur au sein du processus de Barcelone. Elle a été l'un des premiers Etats de la rive sud de la Méditerranée à signer avec les Quinze un accord d'association, sur la base duquel le partenariat euro-jordanien est appelé à se renforcer au cours des années à venir. Cet accord constitue une pièce essentielle du partenariat euro-méditerranéen lancé à Barcelone en 1995, dont l'un des principaux objectifs est la mise en place d'un grand espace euro-méditerranéen de zone de libre-échange d'ici à 2010.
Il va de soi que, pour atteindre cet objectif, la Jordanie pourra continuer à compter sur l'aide de l'Union. Le partenariat euro-méditerranéen figurera, vous le savez, au rang des priorités de notre présidence de l'Union. C'est dans cet esprit que notre pays s'efforce d'accélérer les procédures de ratification de l'accord d'association euro-jordanien, afin que celui-ci entre en vigueur rapidement.
Q - La France a-t-elle une solution pour résoudre la crise iraquienne et alléger la souffrance du peuple iraquien ? Voyez-vous de la lumière au bout du tunnel concernant la situation de l'Iraq ?
R - La France est préoccupée par le statu quo et le maintien d'un embargo qui touche principalement le peuple iraquien et n'atteint plus ses objectifs. Nous avons fait part de notre malaise face à la poursuite de bombardements qui nous paraissent dangereux pour les populations civiles et pour la stabilité régionale.
La France a, dès janvier 1999, proposé des idées destinées à sortir de l'impasse et à alléger les souffrances du peuple iraquien. Il s'agissait alors de favoriser le retour d'un système d'inspection rénové en Iraq et l'allégement des sanctions.
Au regard de ces objectifs, la résolution 1284, adoptée le 17 décembre 1999, comporte trois éléments positifs : la création d'une Commission de contrôle des armements rénovée ; la perspective d'une suspension des sanctions, première étape vers la levée, constitue une nouvelle incitation pour les autorités iraquiennes ; enfin, des mesures humanitaires qui viendront apporter un début de soulagement à la population de ce pays.
Nous voulions cependant un critère simple, objectif et crédible pour déclencher la suspension des sanctions. La rédaction du texte reste ambiguë sur ce point, ce qui pourrait avoir pour effet de retarder indéfiniment toute décision sur les sanctions. C'est la raison de notre abstention.
Si, comme nous le souhaitons, se manifeste au sein du Conseil la volonté de travailler dans un esprit de consensus pour appliquer de façon claire et réaliste les orientations fixées dans cette résolution, la France y contribuera sans réserve ni restriction. Nous l'avons montré en participant activement à la mise en place de la nouvelle commission (CCVINU) et à la nomination de son président, M. Hans Blix. Une fois la commission prête à entrer en action, il nous faudra à nouveau tout mettre en oeuvre pour obtenir la coopération de l'Iraq, élément indispensable à l'application de la résolution 1284.
Aujourd'hui, il faut également concentrer les efforts sur la mise en oeuvre de la partie humanitaire de la résolution. Mais l'amélioration du programme humanitaire actuel, aussi nécessaire soit-elle, ne saurait remplacer la perspective de suspension puis, si l'Iraq remplit les conditions, de levée des sanctions. Seule la levée des sanctions, si l'Iraq respecte ses obligations liées au contrôle des armements, permettra le redéveloppement économique de ce pays, dans l'intérêt de la population iraquienne.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 avril 2000)
Conférence de presse conjointe avec M. Abdullilah Al Khatib :
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord dire que je suis très heureux de me retrouver au Proche-Orient où je me rends souvent. Je suis très heureux de me trouver en Jordanie, pays dont j'ai pu éprouver à nouveau l'hospitalité et la grande beauté. Je remercie infiniment mon collègue et ami, Abdullilah Al Khatib, de son accueil comme de la qualité et de la densité de nos contacts et de nos conversations.
La densité des relations franco-jordaniennes en ce moment s'explique pour des raisons bilatérales et d'autre part régionales.
Sur le plan bilatéral, à partir de presque rien, puisque ces deux pays n'étaient pas étroitement liés par l'histoire, la France et la Jordanie ont élaboré une relation qui est aujourd'hui remarquable et c'est à juste titre que le ministre jordanien a parlé tout à l'heure de partenariat.
Nous avons évidemment fait le point de ces relations sur le plan politique où elles sont excellentes, sur le plan économique où elles sont intenses et sur tous les autres aspects de la coopération culturelle où elles sont également très dynamiques.
Notre objectif sur ce plan est très simple : il consiste à renforcer encore ces relations.
Au sein de l'Union européenne comme au sein du processus de Barcelone, la France sera attentive à ce que les demandes de la Jordanie, les projets de la Jordanie soient pris en compte le plus et le mieux possible.
L'autre aspect très important de nos relations, c'est naturellement la question du processus de paix.
La France est un pays qui fait tout ce qui dépend de lui pour hâter et faciliter la paix. Nous souhaitons une paix juste et globale. Nous sommes en contact en permanence avec tous les protagonistes et nous essayons d'aider les uns et les autres à trouver des solutions, soit à des problèmes anciens, soit à des problèmes nouveaux qui surviennent. Nous ne pouvons pas nous substituer aux protagonistes mais nous pouvons aider, faciliter, accompagner.
Nos vues sont très proches. Nous avons parlé aujourd'hui de ce que nous pouvons faire à ce moment précis concernant chacun des volets que je ne détaille pas car je pense que vous aurez des questions sur ce point. Je voudrais dire cependant que la Jordanie a des intérêts légitimes à défendre et que par conséquent ses préoccupations et ses demandes devront être prises en compte par tous ceux qui ont à faire la paix ou à la favoriser et à la garantir.
Je veux également indiquer que nous avons, soit à propos de l'aspect bilatéral, soit à propos de l'aspect régional, parlé de l'Europe, de son évolution et du rôle qu'elle doit jouer. L'Europe n'a pas à choisir entre gérer son élargissement ou se préoccuper du processus de paix ou du processus de Barcelone. Elle doit évidemment, en tant que grande puissance en formation, faire face à toutes ses obligations.
Nous avons également parlé de l'Iraq. C'est un échange que j'ai jugé, pour ma part, très utile. Nous ne sommes pas dans la même position, naturellement, par rapport à cette question mais je crois pouvoir dire que nos démarches sont inspirées par les mêmes préoccupations et que nous nous comprenons bien.
Voilà, Mesdames et Messieurs, un résumé rapide des points sur lesquels nous avons travaillé, Monsieur le Ministre et moi-même et, naturellement, ces points seront réabordés ce soir quand j'aurai l'honneur d'être reçu par Sa Majesté.
Q - Certains médias français nous ont laissé penser qu'il y avait des rendez-vous organisés pour rencontrer des responsables iraquiens. Cela a-t-il été le cas ?
R - Non, cela n'a pas été le cas.
Q - (sur une éventuelle évolution de la politique de la France dans la région)
R - La seule chose qui est importante, c'est le travail que la France fait pour la paix. Ca se traduit par les efforts que nous faisons pour encourager les Israéliens et les Palestiniens. A cet égard, je voudrais rappeler que j'ai été le premier, en novembre dernier, à dire que l'Etat palestinien devait être viable. Cette expression est désormais employée par les différents responsables français et par d'autres dans le monde maintenant.
En ce qui concerne les relations israélo-syriennes, nous avons encouragé les uns et les autres, puisque nous parlons à tout le monde, à reprendre les négociations, à surmonter les divergences d'interprétation issues des épisodes antérieurs et à trouver une solution. Nous regrettons le blocage actuel.
En ce qui concerne la dimension israélo-libanaise, depuis que la volonté israélienne de retirer ses troupes du Sud-Liban est connue, nous avons toujours dit que nous pensons que la meilleure solution serait que ça se passe dans le cadre d'un accord négocié. Dans cette hypothèse, le président de la République avait dit, il y a longtemps déjà, et cela a été réexprimé par le Premier ministre, par le ministre de la Défense et par moi-même, que la France serait disponible pour participer à des arrangements de sécurité sur le terrain.
Dans le cadre d'un retrait unilatéral sans accord, la France n'a pas pris d'engagement. Il se peut que nous soyons dans cette hypothèse. Ce n'est pas celle que nous préférons, mais elle peut se produire. Il y a quelques jours, le ministre israélien des Affaires étrangères a notifié ce retrait au Secrétaire général des Nations unies. Même si nous savons qu'il peut y avoir des problèmes après, on ne peut pas critiquer un pays, membre des Nations unies, qui décide d'appliquer une résolution des Nations unies qui, depuis 22 ans, lui demande d'évacuer cette zone.
Il faut également se préoccuper de la suite. Qui doit s'en préoccuper ? C'est le Secrétaire général des Nations unies qui doit examiner dans quelles conditions se présente l'application de la 425. Il y a la mission d'évaluation qui est en ce moment confiée à son envoyé spécial au Proche-Orient, M. Roed Larsen. Après quoi, le Secrétaire général des Nations unies va se tourner vers le Conseil de sécurité, présenter ses évaluations et ses recommandations. C'est à ce moment-là que nous examinerons, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, ce que nous pouvons faire, ce que nous devons faire. Il n'y a évidemment qu'une seule politique française sur chacun de ces points.
Q - Le ministre de la Défense a récemment déclaré que la Syrie, à son avis, ne voulait pas qu'Israël se retire du Sud-Liban afin que ce pays continue d'exercer son hégémonie sur le Liban. Quels sont les commentaires que vous pouvez apporter à ces déclarations ? Y a-t-il un changement de la politique étrangère de la France vis-à-vis du Liban ? Y a-t-il divergence entre le président Chirac et le gouvernement français concernant le processus de paix et le Sud-Liban. Par ailleurs, Radio-Israël a déclaré que le retrait israélien, le retrait unilatéral, pourrait intervenir avant le mois de juillet. Quel est votre commentaire à ce propos ?
R - En ce qui concerne la date, je n'ai pas d'indication particulière, mais je pense que ça n'est pas le problème. La résolution 425 remonte au 19 mars 1978. C'est celle qui demande que soit respectées l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance politique du Liban. Le fait de savoir si ce retrait a lieu au mois de juillet ou avant, encore une fois, je n'en sais rien mais je pense que, de toute façon, si c'est l'application de la 425, c'est bien. Il faut préparer la suite. Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit tout à l'heure en ce qui concerne nos attentes, ce que nous attendons du Secrétaire général. Je rappellerai simplement qu'il y a eu, pour préparer cette action du Secrétaire général, une déclaration du président du Conseil de sécurité adoptée le 20 avril qui se réfère à l'importance et à la nécessité de parvenir à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient et qui se réfère aussi aux résolutions 242 et 338. Nous commencerons à travailler au sein du Conseil de sécurité dès que le Secrétaire général nous aura saisis de ses recommandations.
Vous m'avez également interrogé sur une déclaration du ministre français de la Défense. C'était dans le cadre d'une réflexion sur les éléments du blocage actuel et c'était une réflexion à haute voix dans laquelle il disait qu'il redoutait que le mode de raisonnement ne conduise pas forcément à la paix que nous souhaitons. C'est une réflexion comme il s'en fait plusieurs dizaines par semaine quand on réfléchit aux différents blocages au Proche-Orient. Il n'y a aucune raison, à partir d'une simple interrogation, pour bâtir une interprétation sur je ne sais quel changement. Nos positions sur les questions a abordées tout à l'heure sont tout à fait claires et bien connues. Je les ai résumées. Elles sont élaborées par le président de la République, par le Premier ministre, par les ministres compétents, aussi bien le ministre de la Défense que moi-même, sur ce point précis. Et j'ai noté, tous ces temps-ci de la part de nos interlocuteurs une attente réelle d'un rôle de la France dans ce domaine-là. Le climat de mes conversations aujourd'hui, M. Lévy était à Paris la semaine dernière, M. Charaa sera à Paris mardi, le président Arafat doit venir bientôt : ces contacts continuent sans arrêt. Pourquoi ? Parce que tous nos partenaires savent que nous avons cet engagement vrai pour la paix au Proche-Orient. Je note que nos partenaires s'interrogent eux-mêmes constamment sur la nature des problèmes qu'ils vont avoir à régler maintenant. Nous ne nous livrons pas à des spéculations chaque fois qu'ils s'interrogent eux-mêmes.
Donc, concentrons-nous sur ce qui est utile à la paix. C'est ce que nous faisons, nous, en tout cas.
Q - Est-ce que vous pouvez nous dire si la France considère que les Jordaniens ont un rôle régional à jouer notamment dans une éventuelle reprise des négociations syro-israéliennes ou aussi avec l'approche d'une solution négociée sur le statut final pour les Palestiniens ?
R - Je pense que la Jordanie n'a besoin de l'avis de personne pour jouer son rôle. Ce rôle, elle le joue. Elle défend ses intérêts. C'est légitime. Elle donne l'exemple d'une politique qui est à la fois courageuse, sage et responsable. Quand le processus de paix avancera et franchira de nouvelles étapes, cela peut amener à régler des problèmes qui ont une incidence, une importance pour la Jordanie. A ce moment-là, comme je le disais au début, nous trouverions normal que les intérêts légitimes de la Jordanie soient pris en compte. D'ailleurs, quand on emploie le mot "global" à propos de la paix, c'est ça que ça veut dire. Nous avons contribué à ce qu'il soit employé dans la déclaration du président du Conseil de sécurité. Ca ne veut pas dire qu'il y aura une seule solution de tout en même temps. On a bien vu qu'historiquement ce n'était pas possible. Mais ça veut dire qu'une vraie paix au Proche-Orient ne doit laisser derrière elle aucun problème non réglé. Donc, il faudra introduire cette préoccupation, notamment les légitimes préoccupations jordaniennes dans la suite du processus et quand les véritables solutions seront en vue. Encore une fois, la Jordanie n'a pas besoin qu'on lui dise quel est son rôle. Son rôle, elle le joue naturellement.
Q - (au ministre jordanien, sur la participation de la Jordanie au partenariat euro-méditerranéen)
R - Nous jugeons la Jordanie exemplaire sur le plan du partenariat euro-méditerranéen pour des raisons que j'ai déjà développées au début. Sur ce partenariat, il y a, pendant la présidence française de l'Europe au prochain semestre, une réunion ministérielle du processus de Barcelone en novembre. Nous espérons que le contexte, en ce qui concerne le processus de paix, sera bon parce que nous voudrions faire de cette réunion une rencontre au sommet. Ca nous permettrait de faire le bilan de ce processus de Barcelone et de le relancer.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 avril 2000)
Entretien avec RFI :
Q - Monsieur le Ministre, est-ce que vous pouvez nous donner la position de la France vis-à-vis du retrait israélien du Sud-Liban prévu en juillet prochain ?
R - On ne peut qu'approuver un pays membre des Nations unies qui décide, même si c'est très longtemps après - 22 ans après -, d'appliquer une résolution des Nations unies. Il s'agit de la résolution 425 qui demandait à Israël d'évacuer immédiatement le Sud-Liban. On est donc longtemps après, mais c'est quand même une application des résolutions du Conseil de sécurité ; il y en a deux : 425 et 426. Cela ne nous empêche pas de réfléchir à la situation ainsi créée. Ainsi que la France l'a indiqué dès le début, il revient au Secrétaire général, à partir du moment où il est saisi par le gouvernement israélien, ce qui est fait maintenant depuis huit jours, d'évaluer la situation, de saisir le Conseil de sécurité et de faire des recommandations sur la façon d'obtenir l'application pleine et entière des résolutions 425 et 426. Nous en sommes là du processus. Nous attendons que le Secrétaire général nous saisisse et c'est en tant que membre permanent du Conseil de sécurité que la France verra avec les autres membres permanents ce que nous devons faire dans cette situation.
Q - Monsieur le Ministre, vous recevrez à Paris, mardi, le ministre des Affaires étrangères de Syrie. Il y a également une visite prévue du président Arafat. Face à un blocage du processus de paix, est-ce que vous pouvez nous expliquer les efforts de la France dans ce contexte ?
R - La France est très engagée, comme on le sait, dans la recherche de la paix au Proche-Orient. Les principaux responsables ou protagonistes s'arrêtent très souvent à Paris ou bien ce sont des voyages ou des contacts du président de la République, du Premier ministre ou de moi-même. Il se trouve qu'en quelques jours, il y a en effet eu beaucoup de contacts. On ne peut cependant pas tout mettre sur le même plan. La situation n'est pas tout à fait la même en ce qui concerne le volet israélo-palestinien. J'ai été informé, il y a quelques jours par M. David Lévy. Le président Arafat doit venir dans quelques jours à Paris. Même si les choses sont difficiles, elles le seront d'autant plus qu'on s'approchera du statut final. On ne peut pas parler de blocage à ce stade. Les Etats-Unis jouent un rôle actif. Nous les y avons cependant toujours engagés. On nous dit que le président Clinton veut s'impliquer lui-même plus et tous ces efforts sont bons dès lors qu'ils convergent. Nous sommes plutôt dans un effort d'accompagnement et de soutien à ce travail qui est fait pour préparer la vraie négociation sur le statut final.
En ce qui concerne la relation israélo-syrienne et israélo-libanaise c'est différent puisque là, on a la perspective du retrait de l'armée israélienne du Sud-Liban mais il n'y a pas de négociation et il n'y a pas d'accord en vue. Donc, c'est à ce sujet que M. Charaa vient à Paris comme il l'a souhaité. Le président de la République et moi-même allons évidemment écouter avec le plus grand intérêt et la plus grande attention son analyse de la situation. Ce qui nous intéresse, c'est de pouvoir contribuer à un déblocage après ce malentendu, semble-t-il, qu'a été la rencontre de Genève entre le président Clinton et le président Assad. Il faut contribuer à redébloquer les choses.
Q - Pouvez-vous me parler, Monsieur le Ministre, de vos entretiens à Amman. Vous n'avez pas encore vu le Roi mais vous avez vu votre homologue jordanien ?
R - La concertation entre la France et la Jordanie est devenue vraiment constante. En quelques années, la relation entre les deux pays a atteint l'allure d'un véritable partenariat. C'est vrai sur le plan politique, c'est vrai sur le plan économique et dans toutes les formes de la coopération. Ce qui veut dire que je suis venu en Jordanie à la fois pour faire le point sur le bilatéral pour encore relancer les choses si c'est possible sur le plan franco-jordanien mais aussi dans la perspective jordano-européenne. Nous soutenons le désir de la Jordanie de jouer tout son rôle dans le cadre de l'accord avec l'Europe mais aussi dans le cadre du Processus de Barcelone. Cela a été une dimension très importante de mes entretiens avec le ministre et je pense que le Roi Abdallah m'en parlera ce soir.
D'autre part, il y a évidemment le contexte du processus de paix. La Jordanie est aux premières loges. C'est un pays sérieux et qui fait preuve d'esprit de modération et de responsabilités dans un contexte qui est toujours instable ou potentiellement périlleux. La Jordanie a des interrogations légitimes, des préoccupations sur la suite du processus. Elle veut que ses intérêts soient pris en compte. Elle veut pouvoir les exprimer, les faire valoir. Il est clair que quand on s'approchera de la négociation du statut final pour l'Etat palestinien, Etat palestinien dont la France souligne qu'il doit être viable pour qu'on débouche sur une vraie solution stable, il serait normal que les préoccupations de la Jordanie soient entendues. Elle a beaucoup de choses à dire ou à demander en ce qui concerne les questions des réfugiés, le statut de cet Etat, les relations entre la Jordanie et Israël, entre la Jordanie et le futur Etat palestinien, donc un ensemble de choses. A un moment donné, il faudra que tout cela soit entendu.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 avril 2000)
Intervention devant la communauté française :
Mesdames et Messieurs et chers Compatriotes,
Je voudrais tout d'abord remercier l'ambassadeur pour ces mots d'introduction et de bienvenue. Je voudrais le remercier ainsi que son épouse pour la part qu'il a pris à l'organisation de ce voyage, d'abord la petite partie de découverte ou de redécouverte qui a précédé cette journée de travail et qui m'a permis de redécouvrir Pétra, qui a permis à mon épouse de découvrir Pétra et ça a un certain sens parce que je trouve que, quand on a des déplacements comme ceux que je dois faire très fréquemment partout, on ne fait qu'arriver, passer très peu de temps, voir des aéroports, des salons d'honneur, des lieux de réceptions, des grands hôtels, des palais officiels. C'est intéressant, c'est fonctionnel, c'est rapide mais il manque quelque chose et là, je crois, en deux minuscules journées, nous avons pu capter un peu plus de la Jordanie et de tout ce qui rend ce pays si attachant.
Je suis revenu dans ce pays parce que le Proche-Orient, globalement parlant, est une des priorités de notre diplomatie ce qui veut dire que, en dehors de toutes les activités qui ont lieu à Paris qui est un lieu de passage constant, en dehors de tout ce que fait le président de la République, les gens qu'il reçoit, les messages, en dehors de l'activité gouvernementale, il doit y avoir une présence et un contact sur place. C'est ce que je fais avec beaucoup d'intérêt et même de plaisir parce que j'aime cette région, je la trouve extrêmement intéressante, pas uniquement parce qu'elle est plus compliquée que d'autres. Elle est intéressante en elle-même parce que sa richesse humaine, sa diversité sont quand même uniques et je vais en Syrie, je vais au Liban, je vais en Israël, je vais dans les Territoires palestiniens, je vais en Egypte. Donc, je vais aussi en Jordanie. Alors, les dates exactes se distribuent un peu selon les hasards du calendrier et les différentes possibilités. La dernière fois où j'avais fait le tour des pays de la région, c'était juste avant que le Roi Abdallah ne vienne à Paris en visite d'Etat. Donc, c'était normal que j'attende un moment pour faire ce déplacement et nous sommes dans le fil de ce dialogue.
Je ne vais pas vous parler de vos problèmes que vous connaissez mieux que moi naturellement. J'en sais l'essentiel notamment par l'ambassadeur et je sais que c'est une communauté en croissance très rapide et qu'il y a toutes les composantes de la présence française à l'étranger mais, d'une façon particulièrement remarquable, un dynamisme des entreprises depuis quelques années dans ce pays qui le mérite. En tout cas, c'est une bonne orientation et je ne peux que vous encourager à continuer. Pour le reste, j'ai pu vérifier et entendre tout le soin que prennent l'ambassadeur et le personnel de l'ambassade à être au contact, à dénouer des problèmes qui pourraient peut-être se poser, à essayer de les résoudre et à faire en sorte que cette communauté française, ici, soit heureuse, se sente bien et joue pleinement un rôle qui vient, en plus, de ce que fait chacun dans sa fonction et qui est d'assurer une présence, une sorte d'incarnation de notre pays, d'être le vecteur de relations, de contacts, d'amitiés, de projets. Vous êtes un peu, tous, la France dans ce pays à travers tout ce que vous faites même si ce n'est pas marqué dans la décision qui vous a affectée ici, dans le contrat qui vous a conduit ici. C'est vrai, en plus, parce que c'est ainsi que vous êtes regardés par nos amis jordaniens.
Donc, c'est très important et à ce titre, je crois que je dois vous dire quelques mots sur ce dont j'ai parlé au cours de cette visite et sur l'état de nos relations avec la Jordanie. Elles sont vraiment bonnes. Je l'ai dit au point de presse mais je le pense sincèrement. C'est un cas très intéressant parce qu'historiquement il n'y a pas de relations franco-jordaniennes. Elles ne sont pas héritées du passé. Ca ne s'imposait pas. Ca aurait pu ne pas exister. Ca aurait pu ne pas se développer surtout. Ca aurait pu rester formel, superficiel. Mais ce sont des relations qui ont été construites par des souverains d'un côté, des présidents successifs de l'autre et qui ont voulu ça parce que, au fond, la France et la Jordanie se sont reconnues comme étant des facteurs de paix au Proche-Orient. Je crois que c'est le fond de l'affaire avec une vraie sagesse, un sens des responsabilités, je le dis pour la Jordanie. Ce n'est pas la caractéristique principale de tous les pays de la région, donc je le souligne. Et c'est intéressant de voir ce pays qui, géographiquement, est une vraie clé pour la stabilité du Proche-Orient. C'est très important de voir ce pays engagé sur cette voie, persévérer. Tout doit être fait pour l'encourager et pour l'aider dans cette perspective.
Au plan bilatéral on a fait le point de l'engagement économique de la France et de ses entreprises. Nous avons fait le point de tous les aspects de la coopération culturelle, technique ou autre que nous pouvons développer avec ce pays. Nous l'avons traité sur un plan bilatéral mais aussi sur un plan européen parce que la Jordanie attend beaucoup de ses accords avec l'Union européenne. Elle attend beaucoup du processus de Barcelone, qui est une remarquable idée mais qui a eu beaucoup de mal à démarrer depuis 1995 parce qu'elle a été handicapée, hypothéquée à cause du vrai blocage du processus de paix à un moment donné, à cause de la lenteur de démarrage au niveau de Bruxelles pour les nouveaux programmes, parce que les pays qui pouvaient bénéficier de telle ou telle aide ne savaient pas trop quel type de projet mettre en oeuvre au début. Mais, je crois que maintenant les choses prennent une bonne tournure, surtout si le contexte du processus de paix s'améliore. Dans ce cas, cela nous permettra de faire, pendant notre présidence européenne que nous allons exercer au prochain semestre, un sommet qui aurait lieu en novembre, qui nous permettrait de faire le bilan de ce processus de Barcelone et puis, de lui donner un nouvel élan. J'ai beaucoup parlé de cela ici parce que c'est très important pour les Jordaniens. Il faut comprendre ce pays qui, sans arrêt, travaille pour la paix. C'est très important, je crois, d'avoir une ouverture, un engagement, des perspectives, des coopérations qui apportent également une respiration, disons, une perspective stratégique plus large.
Evidemment, on a parlé du processus de paix. Et, la Jordanie, qui est un pays exemplaire sur ce plan, précurseur et courageux, a une aspiration et une demande qui revient et que je trouve, pour ma part, tout à fait légitime, qui est d'être associée aux suites du processus pour qu'il ne se prenne pas de décisions qui puissent la concerner ou l'affecter sans qu'elle puisse intervenir, sans qu'elle puisse participer. Aujourd'hui, c'est assez contrasté. Il y a un processus israélo-palestinien qui n'avance pas très fort mais qui existe, qui n'est pas interrompu et qui est censé s'acheminer vers la solution définitive du problème. C'est dire que l'enjeu est énorme et, à un moment donné, il faudra mettre bout à bout les différents éléments de ce problème israélo-palestinien. Mais les autres aussi, à ce moment là, naturellement la Jordanie devra être prise en compte et la France, comme pays ami, comme pays proche, comme pays facilitateur du processus de paix, aura peut-être des idées à avancer. On ne voit pas encore la négociation finale sur le statut définitif, mais enfin, il faut déjà penser à cette question. J'ai constaté, j'ai vérifié que c'était important pour les Jordaniens que nous soyons attentifs à ça et que nous y pensions déjà. Et là, il y a un lien direct, parce que, évidemment, l'accord qui sera passé entre les Israéliens et les Palestiniens aura des répercussions immédiates sur la Jordanie.
Sur les autres volets, c'est apparemment un peu plus indirect. Mais la Jordanie est très concernée aussi. Sur ce volet aussi, nous poursuivons notre politique de réussir la paix. Du côté israélo-syrien, les choses paraissent bloquées. Nous ne voulons pas nous résigner à ce qu'elles le soient. Nous espérons que les blocages des derniers jours sont un malentendu ou, qu'en tout cas, d'une façon ou d'une autre, les négociations pourront redémarrer. Ca serait bien préférable à tous points de vue que, notamment l'évacuation du Sud-Liban par l'armée israélienne qui appliquerait enfin, avec 22 ans de retard, une résolution de 1978, ça serait naturellement meilleur et plus facile à gérer et plus stable si c'était encadré par un accord qui soit négocié. Mais, si ça n'est pas le cas, il faudra aussi faire face à cette situation et nous verrons, en tant que membre du Conseil de sécurité, ce que nous pouvons faire à cet égard. Nous attendons en ce moment les évaluations, puis les recommandations que le Secrétaire général des Nations unies nous fera. Pas seulement à nous, Français, parce que ça ne concerne pas que nous. Cela nous concerne aussi bien sûr, en tant que membre du Conseil de sécurité, et c'est important pour nous.
Inutile de dire que les Jordaniens sont très attentifs à ça et qu'ils souhaitent qu'il y ait un processus, qu'il y ait une négociation, que celle-ci débouche. Ils savent bien par eux-mêmes que ces négociations sont compliquées et qu'elles butent sur des obstacles, qu'elles redémarrent. Encore faut-il qu'il y ait un processus.
Nous avons un peu parlé de l'Iraq. Nous nous comprenons assez bien à la fois sur le fait que naturellement il faut en Iraq, autour du régime dont nous savons ce qu'il est, un dispositif de sécurité et de contrôle mais nous pensons aussi, et les Jordaniens et nous, que ça ne justifie pas d'employer ce moyen primitif et cruel et, en fait, inadapté, qu'est l'embargo. Donc, il y a une confusion entre deux choses. Les Jordaniens le disent pour des tas de raisons qu'on comprend bien et nous, nous le disons au sein du Conseil de sécurité où c'est un peu plus compliqué. Mais, enfin, nous obtenons certaines adaptations, même si elles ne sont pas encore suffisantes.
Voilà, je voulais faire ce petit tour d'horizon rapide pour souligner que la Jordanie est un vrai partenaire pour nous et que si l'engagement bilatéral dont vous incarnez, les uns et les autres, la croissance et le dynamisme, est très important, il y a aussi cette belle discussion qui porte sur beaucoup de sujets. La Jordanie doit se faire entendre dans cette région, à commencer par son Souverain et je crois qu'ainsi, les choses iront mieux, compte tenu de la façon dont la Jordanie aborde l'ensemble de ces problèmes.
Je ne veux pas être trop long non plus mais je trouve qu'il est légitime que vous ayez quelques indications en dehors de celles qui transparaissent à travers les points de presse dont on ne sait jamais trop sous quelle forme les propos tenus sont finalement répercutés à travers toutes sortes de filtres ou de prismes.
Voilà ce que je suis venu faire tout simplement. Ce dialogue franco-jordanien va continuer de façon active et chaleureuse et dynamique et je vous souhaite d'être le mieux possible ici dans ce pays. L'ambassade et le ministère feront tout pour vous aider et je vous souhaite des moments heureux, passionnants, intéressants. Nous avons globalement cette même perspective donc, bon courage à tous et merci d'être venus pour cette fin d'après-midi fraîche.
Merci à tous.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 avril 2000)