Audition de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales au Sénat, le 16 juillet 2002, sur les projets gouvernementaux concernant l'agriculture en montagne.

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Circonstance : Mission commune d'information sur la montagne, audition par le Sénat le 16 juillet 2002

Texte intégral

Question 1 : Quel avenir envisagez-vous pour le Contrat Territorial d'Exploitation ?
Le CTE sera maintenu. Toutefois, à la suite de la mission d'audit que j'ai commandée début juin et dont le rapport m'a été remis le 8 juillet, le dispositif va être simplifié dans ses procédures administratives et recentré ses priorités, ceci dans un objectif de meilleure efficacité et lisibilité de l'intervention des pouvoirs publics. La maîtrise financière, qui s'avère indispensable dans les meilleurs délais (227ME de part nationale en 2002, 328ME en 2003 si rien n'est entrepris), devra s'appuyer sur des orientations concourant à la simplification et au resserrement du cadre départemental (contrats type et mesures type) avec d'éventuelles adaptations des répertoires régionaux.
Ces démarches permettront d'envisager la signature de contrats agroenvironnementaux, avec la possibilité pour les bénéficiaires de la PMSEE de choisir entre la signature d'un CTE rénové, pour ceux qui le peuvent et le souhaitent, ou une mesure agro-environnementale hors CTE pour les autres.
Naturellement, certains textes seront à modifier pour regrouper et simplifier l'excès de réglementation générée par la mise en oeuvre des CTE.
Malgré l'urgence à conduire certaines adaptations très rapidement, la concertation sera menée avec les représentants des organisations professionnelles, les services concernés et l'ensemble des acteurs du dispositif CTE, en liaison avec mes collègues de l'économie et des finances, de l'écologie et du développement durable, notamment.
Question 2 : La modification des critères d'attribution de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) en 1999 privilégiant le critère de surface par rapport à celui de tête de bétail, pénalise la conception économique de l'agriculture au profit d'une approche environnementaliste. Elle présente des effets pervers, dont une tendance à l'extension artificielle des exploitations ; elle rompt avec la philosopie d'une agriculture devant d'abord vivre de ses productions. Quels remèdes envisagez-vous ?
Les accords de Berlin, en 1999, se sont concrétisés par le règlement de développement rural, dont l'un des chapitres porte sur les ICHN. L'un des objectifs du changement de l'assiette de calcul des ICHN est d'en assurer leur pérennité dans le cadre des négociations internationales de l'OMC.
Les négociations avec la Commission européenne ont permis d'aboutir à un dispositif qui a été mis en place en 2001. L'évaluation de cette mise en uvre a été faite par l'institut d'agriculture méditerranéenne et a été présentée au groupe de travail sur la politique agricole de la montagne.
Il ressort de cette étude que la transition s'est faite sans bouleversement fondamental des montants versés aux agriculteurs. La dépense totale pour l'année 2001 a été de l'ordre de 427 ME (dont 50 % d'origine communautaire).
En particulier :
*les grands équilibres géographiques sont maintenus : 79% en montagne, 21 % en ZDS et Piémont.
*1,4 % du nombre des exploitants antérieurement bénéficiaires sont exclus
*70 % des dossiers ont bénéficié d'une augmentation des montants alloués ;
*13 % sont en diminution mais essentiellement chez les éleveurs de bovins en piémont (lait) et d'ovins en ZDS humide. Ces diminutions s'expliquent ainsi : 44 % de ces dossiers sont en plage non optimale ; seulement 6 % des dossiers en diminution sont en plage optimale.
*Les aides aux élevages laitiers du piémont ont moins progressé que les autres élevages alors que les difficultés signalées pour les ovins tiennent plus à des problèmes de zones que de filière.
Toutefois, les ajustements des modalités de gestion en 2002 devraient résoudre les difficultés pour le piémont et les ovins.
L'étude montre que l'extension des exploitations à des fins d'optimisation du montant de la prime concerne seulement 17 % des dossiers, pour la plupart situés en zone défavorisée simple.
Ce phénomène est par ailleurs encadré par les règles de gestion :
- pas plus de 50 hectares payés par agriculteur, ce qui limite l'intérêt des extensions au delà de ce seuil ;
- montant à l'hectare majoré pour les 25 premiers hectares ;
- écrêtement du montant payé en 2001 à 120 % du montant payé en 2000 pour éviter les effets d'aubaine.
La philosophie générale des ICHN a toujours été de compenser un handicap naturel permanent défini depuis 1972 (et 1975 dans l'Union européenne) à partir de l'altitude et de la pente pour la montagne. Cette compensation devait couvrir le différentiel de revenus entre les zones défavorisées et la moyenne française.
L'instance d'évaluation de la politique de la montagne, qui a travaillé dans le cadre du Commissariat du plan, a montré que cette compensation n'était pas totale (le différentiel étant de l'ordre de 30 % sans ICHN ramené à 15/20 % avec ICHN). Les fortes augmentations des taux des ICHN récemment et l'augmentation de cette année ( 30 ME) devraient sensiblement améliorer la situation.
En 2002 :
- Grâce au redéploiement de crédit du MAAPAR et aux moyens inscrits au collectif budgétaire, les ICHN seront revalorisées de 20 % en haute-montagne, de 5 % dans les zones de montagne.
- La question des zones de piémonts laitiers devrait être réglée par la suppression du coefficient qui pondère le nombre des hectares primés pour les élevages mixtes.
- Les 3P (poires, pommes et pêches) en zone de montagne sèche accèdent pour la 1ère fois aux ICHN.
- Les enveloppes sont consolidées pour les départements qui ont dépassé leur notification de crédits en 2001.
Il paraît, à l'avenir, souhaitable de mieux rémunérer les 25 premiers hectares (le différentiel n'est que de 10 % depuis la réforme).
Dans le cadre de la maîtrise budgétaire, prévoir des augmentations conséquentes dans les années à venir sera sans doute difficile. Il faut donc consolider le soutien aux éleveurs de montagne en veillant notamment à ce que les conditions de respect des bonnes pratiques agricoles habituelles ne soient pas durcies et que les modalités de déclaration et de gestion (en particulier en utilisant les outils tels que les systèmes d'information géographiques) soient rapidement mises en oeuvre.
Question 3 : Les concours attribués au titre du PMPOA ont bénéficié essentiellement au cours de ces récentes années, aux plus gros élevages de plaine. Est-il prévu pour répondre à la très forte attente (et au sentiment d'injustice) des agriculteurs de montagne de revaloriser ces crédits ?
Les aides attribuées au titre du PMPOA entre 1994 et 2000 ont effectivement été attribuées aux élevages importants (intégration par taille décroissante des élevages de plus de 200 UGB (unité de gros bétail) en 1994 jusqu'à 90 UGB en 2000, ainsi que quelques élevages de 70 UGB aidés localement, dans les zones à forte pollution). Cette classification avait été retenue dans le but de résorber les pollutions occasionnées par les plus gros élevages. Ce dispositif a été arrêté en décembre 2000.
Dans le cadre du nouveau dispositif agréé par l'Union européenne depuis l'automne 2001, les élevages sont intégrés selon leur localisation en zones vulnérables délimitées par les préfets de région, et ils peuvent alors bénéficier des aides, quelle que soit leur taille.
Dans les autres zones, les gros élevages (plus de 90 UGB) peuvent être aidés, considérant qu'ils sont les plus pollueurs. Les petits élevages peuvent bénéficier des aides CTE pour la maîtrise des pollutions, à condition d'engager des travaux qui vont au delà de la réglementation.
Mais le texte européen nous oblige à consacrer 80 % des crédits aux zones vulnérables ou les subventions ne pourraient pas être accordées au-delà de 2006.
Il me paraît souhaitable d'autoriser à nouveau les opérations coordonnées qui permettent une position équilibrée et globale dans le cadre de politique de Bassin Versant avec des financements des agences de l'eau, des régions et des départements.
Question 4 : Une forte érosion des aides de l'état à l'investissement en montagne (bâtiments, CUMA, ..) a été constatée au cours des plus récents exercices. Prévoyez-vous de revaloriser ces aides ?
On ne peut pas à proprement parler d'érosion des aides de l'Etat à l'investissement en zone de montagne.
En effet, ces aides sont en constante augmentation depuis 1998 (augmentation de 46% entre 1998 et 2000, notification de 17,37 Meuros (114MF) en 2001 et prévision de 21,2 Meuros (139MF) en 2002).
Cette augmentation des aides a permis de résorber les dossiers non traités en 2001 (disparition des files d'attente).
De plus, l'arrêté du 26 mars 2001 et sa circulaire d'application du 23 mai 2001 concernant les aides aux bâtiments d'élevage ont revalorisé les prix plafonds et permettent le cumul des aides spécifiques à la zone de montagne avec d'autres aides, notamment les aides CTE ou les aides des offices (OFIVAL).
Enfin, des efforts ont été faits pour revaloriser les aides à la mécanisation en zone de montagne (arrêté du 26 mars 2001 et circulaire d'application du 23 mai 2001 concernant les aides à la mécanisation).
Question 5 : Les acteurs du pastoralisme attendent une relance de la politique pastorale. Cette action figure-t-elle parmi vos projets ? Si oui, sous quelles formes ?
Le Conseil national de la montagne du 5 février 2001 avait confié à mon prédécesseur la charge de mener un groupe de travail interministériel sur le pastoralisme. Il s'est réuni à plusieurs reprises. D'ailleurs, Monsieur le Sénateur Amoudry en a été un des acteurs essentiels en présidant en particulier le premier sous-groupe qui avait pour thème " les entités collectives et leurs évolutions ".
Le 30 juillet prochain, le DEPSE et les présidents des sous-groupes me remettront officiellement le rapport du groupe de travail interministériel qui devrait contenir les 42 propositions retenues par le groupe de travail plénier du 26 février 2002.
Ces propositions devraient être regroupées autour de 5 thèmes majeurs:
- encouragement au regroupement des éleveurs, agir sur le foncier agropastoral et définir des actions en faveur du sylvo-pastoralisme : une mission parlementaire devrait proposer les axes d'une telle politique en 2002 ;
- adaptation des dispositifs d'aides publiques et notamment le CTE à la gestion des territoires pastoraux ;
- articulation et coordination des formations ;
- meilleure identification et une meilleure coordination des moyens spécifiques au pastoralisme.
- pérennisation du groupe interministériel sur le pastoralisme.
J'examinerai avec attention les propositions quand le rapport me sera remis.
Je peux néanmoins vous indiquer dès maintenant que la politique pastorale m'apparaît devoir être soutenue puisqu'elle est une des conditions de poursuite de l'activité des agriculteurs de montagne qui doivent trouver des espaces essentiels à leur activité de production.
Cette politique doit également être soutenue car elle participe à l'entretien, à l'ouverture de cet espace rural de liberté partagée où se côtoient les éleveurs, les chasseurs, les pêcheurs, les touristes d'hiver ou d'été
Un certain nombre de propositions portent sur la mise à jour des règles de gestion du foncier et des entités collectives de propriétaires et d'utilisateurs. J'envisage de confier à un parlementaire la mission de prendre en compte les réflexions de ce groupe de travail, mais aussi de celles que la DATAR a conduites sur le même thème ou d'autres instances afin de proposer les actions concrètes de mise en uvre.
Question 6 : L'avenir des quotas laitiers après 2008 a suscité de vives préoccupations parmi les éleveurs de montagne. Quelle position envisagez-vous de prendre sur ce dossier essentiel ?
La question de l'avenir des quotas laitiers sera abordée très prochainement dans le cadre des discussions sur la révision à mi-parcours de la PAC.
Pour le secteur laitier, l'accord de Berlin prévoit en effet une clause de rendez-vous en 2003, au cours de laquelle la Commission doit faire rapport au Conseil, pour "un réexamen à mi-parcours, en vue de permettre l'expiration du régime actuel du prélèvement supplémentaire après 2006". Le document sur la révision à mi-parcours de la PAC, adopté le 10 juillet 2002 en Collège des Commissaires prévoit en effet quatre options possibles pour l'évolution de l'OCM lait et du régime des quotas laitiers après 2008.
Dans ce débat, la France entend défendre très clairement le maintien des quotas laitiers au-delà de 2008. En effet, le bilan de ce régime, instauré en 1984, est positif, en particulier sous l'angle de l'aménagement du territoire et de l'ancrage de la production laitière dans les zones difficiles, dont les zones de montagne.
A titre illustratif, il convient de mentionner que la production de lait en montagne représentait en 1984 10 % de la production française, contre 13 % en 1995 (des dotations exceptionnelles en direction des zones de montagne sont intervenues entre 1984 et 1995). Ces chiffres n'ont pas évolué depuis et ils montrent bien que les quotas laitiers ont joué un rôle majeur, en évitant la délocalisation de la production laitière et la concentration de l'élevage laitier dans les zones les plus favorisées.
En outre, la France défendra le maintien de ce dispositif pour des raisons de maîtrise et d'équilibre du marché européen des produits laitiers, qui permet une relative stabilité des prix du lait et un maintien du revenu des producteurs.
Question 7 : La " prime à l'herbe " devrait disparaître en 2003. Quelles sont les mesures de remplacement actuellement étudiées ? Le cas échéant, quel régime d'aide de substitution envisagez-vous de retenir?
L'Union européenne a refusé une reconduction pour un troisième quinquennat de la PMSEE au motif de son caractère national et insuffisamment environnemental.
Toutefois, elle est d'ores et déjà remplacée par les mesures agro-environnementales présentes dans les synthèses régionales. Il s'agit des mesures 19 ou 20 relatives à la gestion extensive des prairies. Ces mesures reprennent les engagements de " la prime à l'herbe " mais ont été, à la demande de L'Union européenne, régionalisées et, dans la plupart des cas, le montant des aides à l'hectare a été revalorisé. Elles font l'objet d'un co-financement à 50 % par l'UE dans le cadre du deuxième pilier de la PAC (Développement rural).
Le régime d'aide qui est actuellement envisagé par le MAAPAR est double, il s'agit :
- d'offrir la possibilité aux éleveurs qui le souhaitent de contractualiser un CTE. Des départements ont déjà entamé le basculement dans le cadre d'un dispositif simplifié (par exemple, le Lot, le Jura , le Cantal) ;
- de proposer aux éleveurs de souscrire des engagements agro-environnementaux en dehors du CTE. Les modalités d'application de ces deux régimes d'aides, en ce qui concerne la suite de la PMSEE en 2003, sont en cours d'étude par les services du Ministère.
Afin d'apporter une réponse simple aux éleveurs qui ne peuvent pas entrer dans une démarche de projet global, il est envisagé de faire leur permettre de déposer une demande au 30 avril 2003, pour bénéficier d'une seule mesure (19 ou 20), en introduisant un pourcentage des surfaces fourragères d'au moins 75 % dans la surface agricole utile, complété un plafonnement individuel, sur le modèle de la PMSEE.
Question 8 : Les abattoirs de proximité sont considérés par certains acteurs de la filière viande comme un moyen de valoriser la production des races à viande à faibles effectifs Quelle politique entendez-vous mener pour lutter contre la tendance aux grandes unités et à la raréfaction des abattoirs de proximité ?
Le plan de restructuration des abattoirs français mis en uvre depuis plusieurs années répond à une double préoccupation :
- améliorer la rentabilité de la filière de transformation, durement confrontée à la concurrence étrangère ;
- se conformer aux réglementations sanitaires nationales et européennes ; leur évolution, plus précisément leur renforcement, répond en général à la demande de sécurité sanitaire exprimée par les consommateurs.
Valoriser la production des races à viande à faibles effectifs n'en est pas moins un objectif important, à atteindre dans le cadre plus général de la valorisation de la qualité des produits montagnards.
Cette question des abattoirs me permet d'aborder plus globalement la question des outils de transformation et de commercialisation des produits de montagne. Maîtrisés par les acteurs locaux, ils sont à mes yeux une clé essentielle pour le maintien sur les territoires de la valeur ajoutée. Leur création, leur développement, leur maintien dépendent le plus souvent de la volonté des acteurs locaux (professionnels/élus).
L'Etat, à mon sens, se doit d'accompagner ces projets de territoire et les volets montagne des contrats de plan devraient être l'outil d'accompagnement de cette action, les DOCUP également.
J'envisage d'effectuer rapidement un premier bilan de ces volets montagnes.
Question 9 : est-il prévu de pérenniser - voire de développer - les dispositifs (programme compétitivité plus) destinés à améliorer la compétitivité de la production forestière en montagne pour répondre à l'attente de la filière ?
Le programme interministériel COMPETITIVITE PLUS mis en uvre entre 1996 et 1999 avait pour objet de soutenir des actions expérimentales, menées dans toute la France, et relatives à l'approvisionnement en bois de l'industrie. Il a mis en uvre des crédits des ministères en charge de l'agriculture et de la forêt, du travail et de la formation, ainsi que des crédits FNADT.
A ce titre, il a soutenu plusieurs opérations expérimentales concernant l'exploitation des bois en montagne et, notamment, la relance de l'exploitation forestière par câble pour les forêts d'accès difficile, ainsi que des opérations de sortie des bois permettant d'analyser la faisabilité et les coûts.
Pour réaliser ces opérations, menées sur 2 ans et sur plusieurs communes de montagne en Rhône-Alpes, un soutien financier du FNADT avait compensé une partie des coûts de sortie des bois, à titre d'expérimentation et d'analyse des coûts.
Il est évident que ce système ne peut être pérennisé dans le cadre d'une économie du bois qui relève du secteur concurrentiel, ce qui suscite donc la demande des communes forestières de reconduire des programmes démonstratifs de ce type.
Le programme COMPETITIVITE PLUS n'a pas été reconduit au-delà des crédits dégagés en 1998, car ce n'est pas le but d'un programme expérimental.
Il appartient aux professionnels de valoriser les pistes d'amélioration mises en évidence par ces opérations expérimentales, que ce soit dans les domaines des techniques, de l'organisation, ou de la formation.
Le MAAPAR continuera d'apporter à ces actions en montagne les soutiens qui sont de sa compétence :
- aide au démarrage des entrepreneurs de travaux forestiers (y compris le débardage par traction animale)
- aide à l'équipement en câble des entreprises de travaux forestiers et d'exploitation forestière
- soutien des opérations de regroupement logistique des scieries montagne visant à réduire les coûts de transport
- étude sur le billonnage des bois sur place, afin d'en réduire la longueur et d'en faciliter le transport
- chartes forestières de territoire qui permettent de conjuguer les actions des professionnels et des institutionnels en vue d'objectifs fixés ou pour résoudre une problématique donnée.
A cet égard, il convient de noter que sur les 20 premières chartes forestières de territoire décidées, 8 concernent des zones de montagne dans plusieurs départements (Savoie et Haute-Savoie, Isère, Hautes-Alpes, Alpes de Haute Provence, Ariège et Haute-Garonne, Hautes Pyrénées, Haute-Loire et Cantal).
Question 10 : Le décret " montagne " du 15 Décembre 2000 est perçu comme une avancée, mais les organisations professionnelles souhaitent la mise en place de signalétiques spécifiques et de cahiers des charges. Etes vous favorable à cette initiative et le cas échéant, quels soutiens pourraient leur être apportés pour lancer et animer les filières ?
La dénomination "montagne" , définie dans le décret du 15 décembre 2000, pris en application de la LOA du 9 juillet 1999, précise les conditions d'utilisation du terme "montagne". Cette nouvelle base législative répondait à une mise en cause du dispositif national antérieur par la Cour de justice européenne.
Le choix a été fait de privilégier, dans ce dispositif, la simplicité et l'efficacité.
La seule contrainte mise en exergue est une contrainte forte de localisation (nécessité pour toutes les opérations - depuis la production des matières premières jusqu'au conditionnement des produits - de se situer en zone de montagne).
Toutefois, des dérogations sont possibles qui peuvent, en temps que de besoin, être précisées par produits ou catégories de produits par des règlements techniques nationaux.
1. Attentes en matière de signalétique.
Pour ce qui relève de la signalétique montagne, le choix initial, a été de ne pas prévoir d'identification des produits " montagne " par un logo officiel de l'Etat (comme pour le label rouge ou l'agriculture biologique), ceci dans un souci de lisibilité. Néanmoins des marques commerciales existent et à titre d'exemple on peut citer les marques apposées sur certaines eaux minérales et sur le porc de montagne.
Les professionnels des zones de montagne sont très demandeurs d'une signalétique spécifique.
Avant de prendre définitivement position sur cette demande que l'on peut considérer comme légitime, deux facteurs doivent être pris en compte dans la réflexion qui pourrait être conduite :
* la critique, parfois faite au dispositif des signes officiels de qualité d'un manque de lisibilité, dans une perspective plus large d'évolution du système des signes d'identification et d'origine. Enfin il conviendrait de s'assurer qu'aucun obstacle communautaire ne s'oppose à une telle démarche, par ailleurs attendue par les professionnels situés en zone de montagne.
* la contrainte communautaire : il n'existe à ce jour aucun dispositif réglementaire d'encadrement ou de protection de la dénomination "montagne", ni aucune proposition de la part des Etats membres ou de la Commission européenne dans ce domaine. L'approche développée par la Commission européenne et les autres Etats membres concernés ne semble pas véritablement propice à une telle démarche. La Commission communautaire pourrait s'appuyer sur cette absence d'harmonisation pour s'opposer à la mise en place d'un logo "montagne" sous la seule égide des pouvoirs publics français.
Dans tous les cas , la réflexion devrait être conduite de concert avec les Services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), avant d'engager une démarche auprès de la commission européenne.
2. Sur la mise en place de cahiers des charges
Les attentes exprimées par certaines filières sont de deux natures différentes. Elles concernent : i) l'encadrement des dérogations aux conditions de production retenues dans le décret ; ii) la définition de conditions complémentaires de production qualitatives.
* Certaines difficultés d'interprétation sont apparues concernant les demandes de dérogations prévues par le décret. Elles peuvent porter sur d'une part, l'obligation de provenance des matières premières ; d'autre part, sur l'aire géographique de préparation et de fabrication. L'élaboration de règlements techniques nationaux devraient pouvoir permettre d'apporter des solutions. Un premier règlement devrait être très prochainement mis en consultation public par le ministère, il s'agit de l'encadrement de dérogation pour la production de viandes porcine.
En revanche, même si des dérogations sont possibles (codifiées en tant que de besoin dans des règlements techniques par filière) l'objectif n'est cependant pas de fixer a priori des conditions particulières d'élevage, d'alimentation, de choix des races, de transformation à travers des cahiers des charges spécifiques qui s'imposeraient à tous les producteurs de montagne d'une filière donnée. ... L'objectif de ce décret était d'éviter l'usurpation de cette dénomination, de son image forte et de la valeur ajoutée qui s'y rattache et donc réserver l'usage de la dénomination, aux producteurs réellement installés en montagne. La dénomination " montagne " doit rester accessible au plus grand nombre d'entre eux. C'est la raison pour laquelle le dispositif ne fixe aucune contrainte qualitative prédéterminée, que ce soit en terme de moyens ou de résultats, sur le produit " montagne ".
* Une démarcation par la qualité, au sein des produits de montagne, peut être atteinte grâce à un couplage avec un autre signe de qualité. Certains s'y sont déjà engagés à travers une démarche collective. Ce type de démarche peut être financièrement accompagnée à travers les contrats de plan Etat région.
Pour ce qui relève de l'articulation de la mention valorisante " montagne " avec les autres signes de qualité, l'octroi des autres signes d'identification et de provenance relève d'une logique d'approche de la qualité qui ne se raisonne pas en fonction de " l'altitude d'un territoire " mais qui résulte de la reconnaissance :
- d'une qualité résultante du terroir, pour l'appellation d'origine contrôlée ;
- d'une qualité résultante d'un savoir-faire, pour les labels et les certifications de conformité ;
- d'une qualité attachée à un mode de production respectueux des équilibre naturels, pour l'agriculture biologique.
Il est indéniable que la montagne dispose d'atouts à travers la qualité de son environnement pris au sens de caractéristiques typiques d'un territoire, voire d'un terroir, de ses modes de production, de ses savoirs faire locaux, qui peuvent être valorisés dans des démarches de progrès, pour peu qu'il y ait un engagement des opérateurs et des filières pour l'obtention d'un signe d'identification et d'origine de leur produit.
Question 11 : Les dispositions sur la pluriactivité dont vous êtes à l'origine ont été abrogées en 1999 sans avoir pu entrer en vigueur du fait de l'opposition des caisses d'assurance maladie. Le Gouvernement prévoit-il de reprendre l'initiative
- Le principe du rattachement d'un pluriactif à une "caisse pivot" du régime de son activité principale avait été prévu dans la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993. Cependant l'article 43 de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture avait modifié l'article 34 de la loi du 27 janvier 1993 précitée offrant aux pluriactifs la possibilité de choisir pour la gestion de leur protection sociale une caisse de rattachement qui ne soit pas obligatoirement celle de leur activité professionnelle principale sous réserve de conventions conclues entre les caisse concernées. Le décret n° 97-362 du 16 avril 1997 avait déterminé les modalités d'application du dispositif de la caisse pivot. Toutefois, en l'absence de conventions signées par les caisses et organismes nationaux, ce dispositif, n'a jamais fonctionné et a été abrogé par l'article 53 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 199.
- L'article 53 de la loi du 10 juillet 1999, codifié à l'article L171-3 du Code de la Sécurité sociale, a posé le principe de l'affiliation exclusive des pluriactifs non salariés au régime de protection sociale dont relève leur activité principale.
Toutefois, par dérogation, les personnes déjà affiliées au régime des non-salariés non agricoles et au régime des non-salariés agricoles lors de l'entrée en vigueur de cet article 53 de la dite loi (soit le 29 avril 2001) ont la possibilité, sur leur demande, de continuer à être affiliées à ces deux régimes.
Un décret en Conseil d'Etat du 21 avril 2001 vient fixer les conditions d'application de cet article L171-3 du Code de la Sécurité sociale.
Il fixe en particulier les critères de détermination de l'activité principale en prenant comme critère majeur le revenu professionnel le plus élevé (celui pris en compte pour le calcul de la CSG) et comme critère mineur, le temps consacré, au cours de l'année civile, à chaque activité non salarié (celui-ci est déclaratif de la part de l'intéressé).
Il détermine également la première période où l'activité principale ne pourra pas être modifiée : du 1er janvier 2002, date d'application de la loi, jusqu'au 30 juin 2004. Ensuite, aucun changement de régime ne peut intervenir dans des périodes de trois ans successives.
Ce même décret fixe la date du 29 avril 2001, comme date de référence pour bénéficier de la dérogation de principe de l'affiliation exclusive.
Un arrêté du 9 août 2001 des ministres chargés de l'agriculture, de la sécurité sociale et des petites et moyennes entreprises, fixe les modalités de demande de maintien de la multiaffiliation et le délai de fin de dépôt de celle-ci. La date retenue était fixée au 15 décembre 2001.
Un projet d'arrêté modifiant l'article 6 de l'arrêté du 9 août 2001 supprimant la date de fin du délai de dépôt de la demande de maintien de la multiaffiliation et précisant que le délai est réouvert sans terme fixé, est en cours de préparation dans les services.
A moyen terme, il s'agira de :
- modifier l'article 1er du décret en Conseil d'Etat du 26 avril 2001 qui fixe les critères de détermination de l'activité principale en tenant compte des remarques faites par les professionnels (expression de leur métier principal, temps de travail représenté par l'activité support).
- modifier l'article 4 dudit décret pour raccourcir la première période d'impossibilité de modification de l'activité principale
A plus long terme, il y aura lieu de modifier l'article L171-3 du code de la sécurité sociale en revenant à un dispositif plus proche de celui s'appliquant antérieurement qui semblent donner meilleure satisfaction aux professionnels (loi du 23 janvier 90 - loi du 27 janvier 93).
Question 12 : Vos récentes décisions relatives à la modulation ont suscité de l'incompréhension, voire de l'inquiétude auprès des agriculteurs de montagne. Quels apaisements pouvez -vous leur donner ?
Ma décision de suspendre la modulation a été guidée par un souci de simplification du dispositif (concernant les modalités de prélèvement), de cohérence entre pays de l'union européenne (équité entre agriculteurs au sein de la Communauté) et de meilleurs efficacité pour les agriculteurs français (en particulier sur l'utilisation des sommes prélevées, dont 215 ME sont à ce jour inemployés).
Dans le cadre des discussions qui vont être engagées avec la Commission sur la réforme à mi-parcours de la PAC, le mémorandum français souligne l'importance de ce sujet et le souci d'harmonisation des règles de prélèvement, de simplification et d'utilisation du produit de la modulation (en particulier, la nécessité de ne pas imposer de co-financement national).
Je rappelle par ailleurs que le produit de la modulation que j'ai suspendue ne pouvait pas venir conforter la ligne ICHN tant les règles d'utilisation de ce produit étaient inadaptées. Cette suspension n'affecte pas le budget ICHN, le cofinancement européen étant assuré de 2000 à 2006 dans le cadre du plan de développement rural national "hors modulation ".
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 23 juillet 2002)