Déclaration de Mme Roseline Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et de l'environnement durable, sur la prévention des riques naturels, notamment celui des inondations, Paris le 4 novembre 2002.

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Circonstance : Colloque sur les risques majeurs au Sénat le 4 novembre 2002

Texte intégral

Monsieur le Sénateur, Cher Yves,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
J'avais promis à mon ami Yves DAUGE, il y a quelques semaines, que je viendrais clore le débat co-organisé par l'association française pour l'information géographique et l'association française pour la prévention des catastrophes naturelles et traitant du risque d'inondation.
Cette intervention se situe, pour moi, exactement entre deux moments, deux cycles de mon travail ministériel :
- en demandant le 17 octobre dernier à mes collègues ministres de l'environnement de l'Union européenne de créer un réseau européen de prévention des inondations, j'ai achevé un cycle de travail ministériel sur le thème des inondations, cycle de travail qui m'a amené à bâtir, avec mes services, un plan de soutien aux initiatives des collectivités locales souhaitant prévenir les inondations ;
- je vais bientôt entamer un cycle de travail - législatif, cette fois - qui me permettra, je le crois, de faire progresser la cause de la prévention des catastrophes naturelles.
Le Gouvernement auquel j'appartiens a en effet décidé de poursuivre l'examen du projet de loi sur les risques technologiques déposé par le précédent Gouvernement. Il sera bien évidemment amendé et complété. Mais nous avons aussi décidé de lui adjoindre un titre dédié à la prévention des risques naturels.
Ce titre II du projet de loi sur les risques, je l'ai voulu indissociable du plan de prévention contre les inondations que j'ai présenté le 24 septembre dans le Gard. Il se répondent l'un à l'autre et se renforcent : l'un consiste en du soutien méthodologique et financier, l'autre dispensera aux acteurs de la prévention des instruments qui leur manquaient.
Le plan de prévention des inondations et l'avant-projet de loi procèdent à mon sens à trois changements dans la manière d'aborder la prévention du risque naturel :
1) ils orientent, l'un comme l'autre, l'action des pouvoirs publics non plus exclusivement sur les terrains soumis ou exposés aux risques naturels (les zones urbanisées, à l'aval), mais donnent des outils pour travailler à long terme sur les terrains qui engendrent le risque ou qui sont susceptibles de le réduire.
Ainsi :
- le plan de lutte contre les inondations remonte vers l'amont la politique de prévention des inondations. L'idée est de réduire la vitesse de la crue en tête de bassin en la détournant vers des champs d'expansion naturelle des crues. 130M, sur 4 ans et 15 bassins recensés comme prioritaires, viendront soutenir, par exemple, la construction de petites retenues temporaires par des syndicats de travaux. Mon objectif est de faire du " petit point ", de promouvoir les méthodes " douces ", respectueuses des milieux et, en même temps, efficaces dans la gestion de la prévention des crues.
Nous pouvons convenir que la lutte contre les inondations en France, au cours des décennies précédentes, a été focalisée sur les infrastructures lourdes de protection à l'aval, au droit des zones urbanisées.
Il n'est pas question de minimiser l'apport de la protection à l'aval.
Mais il convient aujourd'hui de compléter ce dispositif par le développement de mesures de régulation ou de ralentissement du débit en amont. Ces mesures s'inscrivent donc parfaitement dans le registre du développement durable. L'ère des grands barrages me semble révolue. Le recours à la micro-chirurgie, à la " réparation " du territoire est désormais recommandé ;
- dans le même esprit, le projet de loi sur les risques, dans sa partie sur les risques naturels, devrait contenir (quant à lui) des dispositions tendant à empêcher l'érosion hydrique en amont, notamment l'arrachage des haies. Il devrait reprendre, d'autre part, la disposition se trouvant dans la " petite loi " sur l'eau et tendant à permettre la surinondation de certaines prairies utiles ;
2) le projet de loi sur les risques devrait permettre de développer, en matière de prévention, la maîtrise d'ouvrage privée, alors que jusqu'à présent la maîtrise d'ouvrage publique était seule utilisée comme vecteur.
Il s'agit, en ce cas, de travailler directement dans les zones exposées aux risques, en aval.
Le projet de loi sur les risques devrait contenir, dans son titre II consacré aux risques naturels, des dispositions permettant de financer, en complément des assurances, la soustraction au danger des habitations ou des petites entreprises artisanales qui auront été gravement endommagées par une coulée de boue ou une inondation. Les sinistrés pourront reconstruire ailleurs. Cela permet de répondre en partie aux critiques qui indiquent que les PPR ne peuvent pas résoudre la question de l'urbanisme existant.
C'est le fonds Barnier qui sera sollicité.
Il contiendra aussi des dispositions permettant de financer, dans des immeubles d'habitation ou servant à de petites entreprises artisanales, les travaux prescrits par les PPR approuvés permettant de réduire la vulnérabilité au risque des personnes et des biens. Je songe au financement de travaux aussi simples mais indispensables de la repose des installations électriques au-dessus du niveau des plus hautes eaux, la possibilité de pose, en cas de risque d'inondations, de batardeaux devant les portes, l'aménagement d'accès sur les toits pour pouvoir être évacué en cas de crues torrentielles,...
Dans les deux cas, les travaux ou achats seront le fait de particuliers ou de petits entrepreneurs. Donc, la maîtrise d'ouvrage sera privée ;
3) le plan de prévention des inondations comme l'avant-projet de loi contiennent des dispositions tendant à créer et entretenir une conscience du risque dans la population. Mon objectif est de responsabiliser les citoyens qui sont exposés au risque. On a trop constaté de conduites " à risques " dans le Gard, par exemple. Je vous sais, cher Yves, mesdames, mesdemoiselles et messieurs, très sensibles à ce thème.
Ainsi :
- le plan de lutte contre les inondations financera des actions de communication ;
- le projet de loi pourrait contenir des dispositions innovantes dans ce registre puisqu'il pourrait rendre obligatoire la pose de repères des crues, ainsi que cela m'a été recommandé par Yves DAUGE et Paul BARON lorsqu'ils sont venus me voir il y a quelques semaines, et une information régulière, par les pouvoirs publics locaux, sur les risques.
Le projet de loi devrait aussi contenir des dispositions rendant obligatoire le signalement d'un risque à chaque fois qu'une transaction est passée sur un immeuble.
Voilà, Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, les pistes de réflexion que je compte proposer très bientôt à la représentation nationale.
Je voudrais, pour conclure, replacer ces éléments dans l'échelle de temps qui me paraît appropriée : les éléments que je vous ai indiqués ce matin, qui ont déjà été esquissés dans mon discours de Nîmes, sont profondément innovants.
Mais ces projets s'inscrivent sur une ou deux générations. C'est l'échelle de temps qu'il me semble honnête de vous indiquer ici.
Il faudra beaucoup de patience pour " réparer " le territoire, pour préparer les habitations les plus vulnérables à mieux résister au risque, pour faire en sorte que les populations exposées sachent mieux apprécier le risque et sachent quelle conduite tenir.
Vous le savez, vous qui réfléchissez à ces questions depuis longtemps, et auxquels les éléments que je vous ai indiqués doivent tant.
Je vous remercie
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 7 novembre 2002)