Texte intégral
J.-P. Elkabbach.- Pour l'équipe Raffarin, voici l'heure du social. Quand assouplirez-vous la loi sur les 35 d'heures ?
- "A l'automne, comme je m'y suis toujours engagé. Nous avons besoin d'un peu de temps pour organiser la concertation avec les organisations syndicales et les organisations patronales. Je souhaite que nous fassions avancer, en même temps, le dossier de l'assouplissement des 35 heures et celui de la convergence des Smic. La convergence des Smic va se traduire inéluctablement par une augmentation des bas salaires - ce que souhaite le Gouvernement -, celle-ci devra se traduire par des gestes de l'Etat en matière d'allégement de charges pour les entreprises et, dans le même paquet, je proposerai aux entreprises et aux partenaires sociaux un assouplissement des 35 heures sous la forme d'augmentation du contingent d'heures supplémentaires."
De combien ?
- "C'est un élément de la négociation."
Aujourd'hui, c'est 130 heures. Le plafond d'heures supplémentaires, vous le voyez autour de combien ?
- "Certains demandent 180, d'autres demandent 200. C'est un élément de la négociation. Je ne veux pas présager de son issue."
Mais à ce moment-là, à partir de l'automne, qui voudra travailler plus le pourra ? C'est ça ?
- "Qui voudra travailler plus le pourra à condition que, dans chaque entreprise, des accords permettent de décider de la manière dont ces heures supplémentaires seront utilisées. Nous pratiquerons, à chaque fois que nous en aurons l'occasion, le renvoi vers les partenaires sociaux des modalités d'application des principes généraux de la loi."
On essaye de simplifier. Le Medef vous a dit : "Pas besoin de négocier ; la loi doit être modifiée par une loi ou par un décret". Vous pourriez le prendre cet été. Non ?
- "Chacun est dans son rôle. Le Gouvernement s'est engagé à pratiquer un dialogue social rénové ; ce n'est pas par un décret au milieu de l'été que l'on rétablira la confiance entre l'Etat et les partenaires sociaux."
D'autre part, F. Chérèque vous avait dit ici sur Europe 1, en tête à tête, que la CFDT ne demandait rien sur les 35 heures, mais qu'elle voulait une sorte de paquet avec, en plus, l'emploi et la formation. Que lui répondez-vous ?
- "Dès les prochains jours - d'ailleurs les discussions sont déjà engagées avec mes collaborateurs -, nous discuterons, avec la CFDT comme avec les autres organisations syndicales, d'un paquet - augmentation des Smic à travers la convergence, allégement des charges des entreprises, assouplissement des 35 heures et formation professionnelle -, parce que ce sont toutes les armes d'une politique globale de l'Etat pour l'emploi."
Pour réduire le chômage et pour l'emploi ?
- "Absolument."
Au Conseil des ministres, tout à l'heure, il y a d'abord le budget 2002 à corriger, puis le budget 2003. Ce n'est pas de la technique. C'est sans doute aussi du futur. Combien reste-t-il pour vous ?
- "Le Premier ministre a annoncé qu'il y avait trois secteurs prioritaires : la sécurité, la défense et les affaires sociales."
Et pour N Sarkozy et pour M. Perben, cela va très bien. Les affaires sociales, on n'en a pas tellement entendu parler ?
- "Nous savons que nous avons besoin d'un énorme effort de rattrapage dans le domaine de la sécurité, pour tenir les engagements que nous avons pris ; mais le secteur social, qui est évidemment consommateur de crédits budgétaires de manière importante, sera préservé. C'est l'un des deux piliers de la politique du Gouvernement."
Vous n'êtes plus une priorité ?
- "Si. Il faut bien le voir."
Vous dites à l'Elysée et à Matignon que vous voulez rester une priorité ?
- "Les affaires sociales constituent une priorité absolue de ce Gouvernement et on le verra bien au moment du vote du budget."
Et le Conseil des ministres va vous écouter proposer le contrat-jeune pour les 200.000 peu ou pas diplômés de 16 à 22 ans. Les entreprises privées devraient les embaucher et recevoir une contrepartie ?
- "C'est ça. Nous avons aujourd'hui un chômage des jeunes qui est beaucoup plus important que dans les autres pays européens : plus de 30 % des jeunes sans qualification sont au chômage. Nous voulons permettre aux entreprises de les embaucher en contrat à durée indéterminée, pour les insérer dans la vie professionnelle. Nous allons le faire en proposant aux entreprises un contrat pendant trois ans, à l'issue duquel il y aura une validation des acquis d'expérience."
Au bout de trois ans, l'entreprise finance tout. Et au bout de trois ans, le jeune se retrouve au chômage ?
- "Non, le jeune est en contrat à durée indéterminée. C'est tout le contraire de la philosophie des emplois-jeunes, qui étaient des emplois dont la durée était limitée dans le temps - cinq ans, limitée au secteur public et qui, pour une très grande part, 80 % d'entre eux ont profité à des jeunes diplômés plutôt qu'à des jeunes sans qualification."
Vous calculez bien, parce que c'est tout bénéf pour vous : le contrat-jeune coûte - je me suis peut-être trompé - six fois moins cher à l'Etat que les emplois Jospin-Aubry par an ! Parce que les emplois Jospin - j'ai calculé - c'est 3,3 milliards d'euros et ce que vous allez proposer, c'est 500 millions en année pleine ?
- "Vous avez bien calculé et vous mettez le doigt sur l'une des vraies difficultés que représentent les emplois de Madame Aubry qui - outre un certain nombre de défauts que je viens d'évoquer - représentent une charge pour le budget de l'Etat qui est considérable. Nous n'allons pas supprimer les emplois-jeunes. En tout cas pas brutalement. Nous allons maintenir d'abord les contrats qui sont en cours puis, progressivement, nous allons sortir de ce dispositif."
En combien de temps ?
- "Ce n'est pas encore décidé, mais on va prendre le temps de le faire en privilégiant l'éducation, parce qu'il y de vrais besoins dans ce domaine et en privilégiant les associations qui ont aujourd'hui une efficacité accrue grâce aux emplois-jeunes et qu'il faut continuer à les aider. Mais notre objectif n'est pas de mettre les jeunes dans des situations d'impasse avec des contrats à durée déterminée ; c'est de les insérer dans l'économie. Ce que nous mettons en place, c'est un contrat à la fois favorable à l'insertion des jeunes mais, en même temps, c'est un contrat qui montre que nous avons une philosophie de l'entreprise qui n'est pas celle du gouvernement précédent."
Et comme l'a dit F. Mer ici, lundi soir sur Europe 1, les emplois-jeunes, c'est fini ? Cela décroît, mais c'est fini. On n'en relance plus ?
- "On n'en relancera plus. Nous réfléchissons à un dispositif de remplacement pour les associations, car dans ce domaine, l'Etat doit continuer à les aider."
Au Conseil économique et social, chargé par le Gouvernement de proposer un inventaire des solutions sur les "Smic pluriels", cela chauffe apparemment entre le Medef et les syndicats. Le Medef s'estime maltraité et censuré par le Conseil. Il réclame une réforme radicale du Smic. Que dit l'arbitre Fillon ?
- "Qu'il n'y aura pas de réforme radicale du Smic, que le Smic est pour nous un symbole - dont je rappelle d'ailleurs que nous sommes à l'origine -, et qu'il n'a jamais été question pour le Gouvernement, à l'occasion de la recherche de la solution des Smic multiples dont tout le monde reconnaît que c'est une aberration, un vrai dérapage de la loi Aubry... Il n'est pas question de revenir sur un dispositif qui est important, parce qu'il permet au Gouvernement d'avoir une politique en matière salariale et de lutter contre les bas salaires. Donc il n'y aura pas de remise en cause du principe du Smic."
Selon vous, faut-il un seul Smic ?
- "Il faut un seul Smic le plus vite possible."
Doit-il être annualisé ?
- "Non, le Smic doit rester un Smic horaire."
Quand vous dites le plus vite possible, c'est [pour quand] ?
- "Possible : c'est justement toute la question, car la solution qui sera retenue après concertation avec les partenaires sociaux, et à laquelle j'espère aboutir en septembre, aura un coût pour les entreprises. Et ce coût peut être difficile à supporter. Il faudra donc que l'Etat intervienne sous forme d'allégement de charges. Vous voyez bien la complexité des négociations qui sont encore à venir avec les entreprises et avec le ministère des Finances."
C'est très compliqué. Mais enfin, on voit très bien...
- "C'est très compliqué, mais l'objectif est très simple : arriver à un seul Smic avec un niveau qui, évidemment, ne sera pas celui du Smic le plus bas."
Et qui le revalorise ? Le Medef a proposé une commission indépendante - il paraît que cela se fait en Grande-Bretagne - ou vous le Gouvernement, comme d'habitude, au nom d'une politique des revenus ? Une commission indépendante ou vous ?
- "C'est un sujet qui peut faire l'objet de discussions. Pour le moment, cela n'est pas sur la table des négociations. Sur la table des négociations, la question qui est posée aux partenaires sociaux est de savoir comment on sort d'un système qui fabrique un Smic par an ?"
Mais se débarrassera-t-on de ces multiples Smic avant 2005 ?
- "C'est une question qui sera traitée par les partenaires sociaux et à laquelle je ne peux pas répondre."
Mais vous ?
- "Je voudrais qu'on en sorte le plus vite possible, mais je voudrais surtout qu'au mois de septembre, les Français sachent de manière claire quel sera le processus qui aboutira à l'unification du Smic."
Une fois ces Smic issus des 35 heures réunifiés, donnerez-vous un petit coup de pouce ?
- "En fonction des possibilités économiques, en fonction de l'attractivité du territoire français, le Gouvernement aura une politique en matière de bas salaires."
Vous avez souvent dit "non" depuis que vous êtes là ce matin - et hier aussi - au Medef qui vous pousse à oser, à agir. Comment appréciez-vous le droit d'ingérence en politique du Medef ?
- "Je n'ai aucun commentaire à faire sur les propositions du Medef. Le Medef est tout à fait dans son rôle, il anime le débat social comme le débat économique. Simplement, il défend les intérêts des entreprises, les organisations syndicales celles des salariés, et moi, je défends les intérêts des Français dans leur ensemble."
Ne trouvez-vous pas qu'ils "charrient" un peu ?
- "Non, ils ne charrient pas. Ils sont complètement dans leur rôle. Il faut dire aussi qu'ils ont été quand même brimés et contenus dans leur expression pendant plusieurs années. Je comprends qu'ils aient aujourd'hui beaucoup d'idées à proposer."
Un mot sur l'état actuel des Bourses. C'est une douche glacée pour ceux qui veulent placer leurs économies dans des fonds de pension à la française. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
- "Il y a incontestablement besoin de remettre de l'ordre dans un système qui déroute à la fois les citoyens, mais qui déroute aussi les entreprises, les investisseurs. Ceux qui ont une vraie politique en matière de gestion de leur entreprise ne peuvent pas fonctionner dans un environnement aussi incertain et qui obéit à des règles qui sont aussi peu claires."
Une fois que la réforme des retraites sera discutée, négociée avec tous les partenaires et qu'elle sera prête, peut-on consulter tous les Français ? Un référendum sur les retraites ?
- "C'est une option qui est ouverte. J'espère arriver à un consensus suffisamment large avant d'être amené à envisager cette solution."
Mais vous n'excluez pas que cela ne concerne que les Français ?
- "Rien n'est exclu dans ce domaine."
F. Chérèque de la CFDT confiait ici qu'il n'est pas besoin d'attendre les élections prud'homales pour les syndicats en décembre pour agir et réformer. Est-ce votre avis ? Ou faut-il attendre ?
- "Avant les élections prud'homales, on va assouplir les 35 heures, on va régler la question des Smic multiples, on va engager les négociations sur la formation professionnelle. C'est dire que nous sommes sur la même longueur d'onde que F. Chérèque sur ce sujet. Il y a des sujets qu'on n'abordera pas avant les élections prud'homales, comme les retraites ou la démocratie sociale."
Autrement dit, "le temps de l'action" réclamé et annoncé par Chirac et Raffarin n'a pas de temps à perdre. C'est cela ?
- "On y est."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 juillet 2002)
- "A l'automne, comme je m'y suis toujours engagé. Nous avons besoin d'un peu de temps pour organiser la concertation avec les organisations syndicales et les organisations patronales. Je souhaite que nous fassions avancer, en même temps, le dossier de l'assouplissement des 35 heures et celui de la convergence des Smic. La convergence des Smic va se traduire inéluctablement par une augmentation des bas salaires - ce que souhaite le Gouvernement -, celle-ci devra se traduire par des gestes de l'Etat en matière d'allégement de charges pour les entreprises et, dans le même paquet, je proposerai aux entreprises et aux partenaires sociaux un assouplissement des 35 heures sous la forme d'augmentation du contingent d'heures supplémentaires."
De combien ?
- "C'est un élément de la négociation."
Aujourd'hui, c'est 130 heures. Le plafond d'heures supplémentaires, vous le voyez autour de combien ?
- "Certains demandent 180, d'autres demandent 200. C'est un élément de la négociation. Je ne veux pas présager de son issue."
Mais à ce moment-là, à partir de l'automne, qui voudra travailler plus le pourra ? C'est ça ?
- "Qui voudra travailler plus le pourra à condition que, dans chaque entreprise, des accords permettent de décider de la manière dont ces heures supplémentaires seront utilisées. Nous pratiquerons, à chaque fois que nous en aurons l'occasion, le renvoi vers les partenaires sociaux des modalités d'application des principes généraux de la loi."
On essaye de simplifier. Le Medef vous a dit : "Pas besoin de négocier ; la loi doit être modifiée par une loi ou par un décret". Vous pourriez le prendre cet été. Non ?
- "Chacun est dans son rôle. Le Gouvernement s'est engagé à pratiquer un dialogue social rénové ; ce n'est pas par un décret au milieu de l'été que l'on rétablira la confiance entre l'Etat et les partenaires sociaux."
D'autre part, F. Chérèque vous avait dit ici sur Europe 1, en tête à tête, que la CFDT ne demandait rien sur les 35 heures, mais qu'elle voulait une sorte de paquet avec, en plus, l'emploi et la formation. Que lui répondez-vous ?
- "Dès les prochains jours - d'ailleurs les discussions sont déjà engagées avec mes collaborateurs -, nous discuterons, avec la CFDT comme avec les autres organisations syndicales, d'un paquet - augmentation des Smic à travers la convergence, allégement des charges des entreprises, assouplissement des 35 heures et formation professionnelle -, parce que ce sont toutes les armes d'une politique globale de l'Etat pour l'emploi."
Pour réduire le chômage et pour l'emploi ?
- "Absolument."
Au Conseil des ministres, tout à l'heure, il y a d'abord le budget 2002 à corriger, puis le budget 2003. Ce n'est pas de la technique. C'est sans doute aussi du futur. Combien reste-t-il pour vous ?
- "Le Premier ministre a annoncé qu'il y avait trois secteurs prioritaires : la sécurité, la défense et les affaires sociales."
Et pour N Sarkozy et pour M. Perben, cela va très bien. Les affaires sociales, on n'en a pas tellement entendu parler ?
- "Nous savons que nous avons besoin d'un énorme effort de rattrapage dans le domaine de la sécurité, pour tenir les engagements que nous avons pris ; mais le secteur social, qui est évidemment consommateur de crédits budgétaires de manière importante, sera préservé. C'est l'un des deux piliers de la politique du Gouvernement."
Vous n'êtes plus une priorité ?
- "Si. Il faut bien le voir."
Vous dites à l'Elysée et à Matignon que vous voulez rester une priorité ?
- "Les affaires sociales constituent une priorité absolue de ce Gouvernement et on le verra bien au moment du vote du budget."
Et le Conseil des ministres va vous écouter proposer le contrat-jeune pour les 200.000 peu ou pas diplômés de 16 à 22 ans. Les entreprises privées devraient les embaucher et recevoir une contrepartie ?
- "C'est ça. Nous avons aujourd'hui un chômage des jeunes qui est beaucoup plus important que dans les autres pays européens : plus de 30 % des jeunes sans qualification sont au chômage. Nous voulons permettre aux entreprises de les embaucher en contrat à durée indéterminée, pour les insérer dans la vie professionnelle. Nous allons le faire en proposant aux entreprises un contrat pendant trois ans, à l'issue duquel il y aura une validation des acquis d'expérience."
Au bout de trois ans, l'entreprise finance tout. Et au bout de trois ans, le jeune se retrouve au chômage ?
- "Non, le jeune est en contrat à durée indéterminée. C'est tout le contraire de la philosophie des emplois-jeunes, qui étaient des emplois dont la durée était limitée dans le temps - cinq ans, limitée au secteur public et qui, pour une très grande part, 80 % d'entre eux ont profité à des jeunes diplômés plutôt qu'à des jeunes sans qualification."
Vous calculez bien, parce que c'est tout bénéf pour vous : le contrat-jeune coûte - je me suis peut-être trompé - six fois moins cher à l'Etat que les emplois Jospin-Aubry par an ! Parce que les emplois Jospin - j'ai calculé - c'est 3,3 milliards d'euros et ce que vous allez proposer, c'est 500 millions en année pleine ?
- "Vous avez bien calculé et vous mettez le doigt sur l'une des vraies difficultés que représentent les emplois de Madame Aubry qui - outre un certain nombre de défauts que je viens d'évoquer - représentent une charge pour le budget de l'Etat qui est considérable. Nous n'allons pas supprimer les emplois-jeunes. En tout cas pas brutalement. Nous allons maintenir d'abord les contrats qui sont en cours puis, progressivement, nous allons sortir de ce dispositif."
En combien de temps ?
- "Ce n'est pas encore décidé, mais on va prendre le temps de le faire en privilégiant l'éducation, parce qu'il y de vrais besoins dans ce domaine et en privilégiant les associations qui ont aujourd'hui une efficacité accrue grâce aux emplois-jeunes et qu'il faut continuer à les aider. Mais notre objectif n'est pas de mettre les jeunes dans des situations d'impasse avec des contrats à durée déterminée ; c'est de les insérer dans l'économie. Ce que nous mettons en place, c'est un contrat à la fois favorable à l'insertion des jeunes mais, en même temps, c'est un contrat qui montre que nous avons une philosophie de l'entreprise qui n'est pas celle du gouvernement précédent."
Et comme l'a dit F. Mer ici, lundi soir sur Europe 1, les emplois-jeunes, c'est fini ? Cela décroît, mais c'est fini. On n'en relance plus ?
- "On n'en relancera plus. Nous réfléchissons à un dispositif de remplacement pour les associations, car dans ce domaine, l'Etat doit continuer à les aider."
Au Conseil économique et social, chargé par le Gouvernement de proposer un inventaire des solutions sur les "Smic pluriels", cela chauffe apparemment entre le Medef et les syndicats. Le Medef s'estime maltraité et censuré par le Conseil. Il réclame une réforme radicale du Smic. Que dit l'arbitre Fillon ?
- "Qu'il n'y aura pas de réforme radicale du Smic, que le Smic est pour nous un symbole - dont je rappelle d'ailleurs que nous sommes à l'origine -, et qu'il n'a jamais été question pour le Gouvernement, à l'occasion de la recherche de la solution des Smic multiples dont tout le monde reconnaît que c'est une aberration, un vrai dérapage de la loi Aubry... Il n'est pas question de revenir sur un dispositif qui est important, parce qu'il permet au Gouvernement d'avoir une politique en matière salariale et de lutter contre les bas salaires. Donc il n'y aura pas de remise en cause du principe du Smic."
Selon vous, faut-il un seul Smic ?
- "Il faut un seul Smic le plus vite possible."
Doit-il être annualisé ?
- "Non, le Smic doit rester un Smic horaire."
Quand vous dites le plus vite possible, c'est [pour quand] ?
- "Possible : c'est justement toute la question, car la solution qui sera retenue après concertation avec les partenaires sociaux, et à laquelle j'espère aboutir en septembre, aura un coût pour les entreprises. Et ce coût peut être difficile à supporter. Il faudra donc que l'Etat intervienne sous forme d'allégement de charges. Vous voyez bien la complexité des négociations qui sont encore à venir avec les entreprises et avec le ministère des Finances."
C'est très compliqué. Mais enfin, on voit très bien...
- "C'est très compliqué, mais l'objectif est très simple : arriver à un seul Smic avec un niveau qui, évidemment, ne sera pas celui du Smic le plus bas."
Et qui le revalorise ? Le Medef a proposé une commission indépendante - il paraît que cela se fait en Grande-Bretagne - ou vous le Gouvernement, comme d'habitude, au nom d'une politique des revenus ? Une commission indépendante ou vous ?
- "C'est un sujet qui peut faire l'objet de discussions. Pour le moment, cela n'est pas sur la table des négociations. Sur la table des négociations, la question qui est posée aux partenaires sociaux est de savoir comment on sort d'un système qui fabrique un Smic par an ?"
Mais se débarrassera-t-on de ces multiples Smic avant 2005 ?
- "C'est une question qui sera traitée par les partenaires sociaux et à laquelle je ne peux pas répondre."
Mais vous ?
- "Je voudrais qu'on en sorte le plus vite possible, mais je voudrais surtout qu'au mois de septembre, les Français sachent de manière claire quel sera le processus qui aboutira à l'unification du Smic."
Une fois ces Smic issus des 35 heures réunifiés, donnerez-vous un petit coup de pouce ?
- "En fonction des possibilités économiques, en fonction de l'attractivité du territoire français, le Gouvernement aura une politique en matière de bas salaires."
Vous avez souvent dit "non" depuis que vous êtes là ce matin - et hier aussi - au Medef qui vous pousse à oser, à agir. Comment appréciez-vous le droit d'ingérence en politique du Medef ?
- "Je n'ai aucun commentaire à faire sur les propositions du Medef. Le Medef est tout à fait dans son rôle, il anime le débat social comme le débat économique. Simplement, il défend les intérêts des entreprises, les organisations syndicales celles des salariés, et moi, je défends les intérêts des Français dans leur ensemble."
Ne trouvez-vous pas qu'ils "charrient" un peu ?
- "Non, ils ne charrient pas. Ils sont complètement dans leur rôle. Il faut dire aussi qu'ils ont été quand même brimés et contenus dans leur expression pendant plusieurs années. Je comprends qu'ils aient aujourd'hui beaucoup d'idées à proposer."
Un mot sur l'état actuel des Bourses. C'est une douche glacée pour ceux qui veulent placer leurs économies dans des fonds de pension à la française. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
- "Il y a incontestablement besoin de remettre de l'ordre dans un système qui déroute à la fois les citoyens, mais qui déroute aussi les entreprises, les investisseurs. Ceux qui ont une vraie politique en matière de gestion de leur entreprise ne peuvent pas fonctionner dans un environnement aussi incertain et qui obéit à des règles qui sont aussi peu claires."
Une fois que la réforme des retraites sera discutée, négociée avec tous les partenaires et qu'elle sera prête, peut-on consulter tous les Français ? Un référendum sur les retraites ?
- "C'est une option qui est ouverte. J'espère arriver à un consensus suffisamment large avant d'être amené à envisager cette solution."
Mais vous n'excluez pas que cela ne concerne que les Français ?
- "Rien n'est exclu dans ce domaine."
F. Chérèque de la CFDT confiait ici qu'il n'est pas besoin d'attendre les élections prud'homales pour les syndicats en décembre pour agir et réformer. Est-ce votre avis ? Ou faut-il attendre ?
- "Avant les élections prud'homales, on va assouplir les 35 heures, on va régler la question des Smic multiples, on va engager les négociations sur la formation professionnelle. C'est dire que nous sommes sur la même longueur d'onde que F. Chérèque sur ce sujet. Il y a des sujets qu'on n'abordera pas avant les élections prud'homales, comme les retraites ou la démocratie sociale."
Autrement dit, "le temps de l'action" réclamé et annoncé par Chirac et Raffarin n'a pas de temps à perdre. C'est cela ?
- "On y est."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 juillet 2002)