Interview de M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, à Europe 1 le 2 septembre 2002, sur la rémunération des ministres, le projet de décentralisation des personnels administratifs de l'Education nationale et le climat politique au PS.

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Média : Europe 1

Texte intégral

J. Dorville.- C'est la rentrée. On va évoquer dans quelques instants les problèmes du budget, de la rentrée sociale, de l'Education. Je voudrais que l'on revienne sur une affaire qui a un peu agité les milieux politiques cet été, qui est peut-être passée inaperçue pour les Français, dont la plupart était en vacances, certains sur la plage : on s'est aperçus que le traitement des ministres avaient été augmentés de 70 %. Cela doit faire du bien sur la fiche de paye !
- "Mais ce n'est pas vrai ! Ils n'ont pas été augmentés de 70 %. Ils gagnent sans doute un peu moins d'argent même que les ministres du gouvernement précédent..."
Qui étaient payés avec les fonds secrets ?
- "Oui. Les ministres du gouvernement Raffarin doivent gagner moins d'argent que les ministres du gouvernement Jospin. Mais ils sont plus loyaux, parce que jusqu'au dernier jour du gouvernement Jospin, ils ont été payés par des primes occultes. Et dans le gouvernement Raffarin, ils sont payés officiellement. Pas d'augmentation, ce n'est pas vrai."
Tout de même, vous savez que la politique est affaire de symbole. On retient quand même ce chiffre, une augmentation de 70 %...
- "Mais ce chiffre est faux ! C'est la transparence de la rémunération ! Je mets au défi les ministres socialistes de nous dire combien ils recevaient chaque mois en primes secrètes. Et en particulier, monsieur J. Lang, qui s'est ému de cette transparence du gouvernement Raffarin. Qu'il nous dise donc combien il recevait chaque mois sur les fonds secrets !"
Mais faire cela au mois d'août, alors que le Gouvernement a refusé un coup de pouce au Smic, vous savez ce qu'on dit...
- "Mais il n'y a pas de coup de pouce à la rémunération des ministres. Encore une fois, ils gagnent moins d'argent que ceux du gouvernement Jospin."
Dont acte. C'est la rentrée scolaire demain. On a entendu un peu deux sons de cloche au Gouvernement : X. Darcos dire que dans le prochain budget, en 2003, on allait sans doute supprimer 2 à 3.000 emplois d'enseignants. Et puis hier soir, L. Ferry dire que pas du tout, il n'en était pas question. Alors c'est quoi ? C'est un cafouillage de communication gouvernementale ?
- "Non, pas du tout. D'abord, c'est un débat qui est ouvert. Cela ne concerne pas la rentrée actuelle, mais la rentrée qui aura lieu dans un an. Le Parlement va être saisi du projet gouvernemental. Et naturellement, le Parlement a le loisir, et même le devoir, de discuter le budget qui contient les postes. Vous savez qu'à l'Education nationale, il y a 1,3 million postes ; il y en a 800.000 qui sont des postes d'enseignants et 500.000 qui sont des postes administratifs. Cette année, les postes d'enseignants, nous les augmentons, davantage que ce qui était prévu par le gouvernement Raffarin [sic. le gouvernement Jospin, ndlr]. L. Ferry a expliqué cela très bien, hier soir, à la télévision. Et sur les postes administratifs, alors qu'il y a une diminution des effectifs dans le second degré, il y a une réflexion, à l'intérieur du Gouvernement, dans le cadre de la décentralisation. Le Premier ministre a demandé à chaque ministère de réfléchir à ce qui pouvait être décentralisé. Dans le cadre de la décentralisation, certains emplois administratifs pourraient - je dis cela au conditionnel -, éventuellement faire l'objet d'une décentralisation. Je crois que c'est de cela dont il s'agit et de rien d'autre."
C'est tout de même un peu maladroit de parler de cela maintenant, à la veille d'une rentrée scolaire qui s'annonçait justement calme. Maintenant, les syndicats sont sur le pied de guerre...
- "Elle est calme. C'est un procès d'intention. Comme l'opposition n'a absolument rien à reprocher à ce Gouvernement, elle invente des prétextes."
Vous avez entendu ce qu'a dit F. Hollande : "Le Gouvernement ferme des écoles pour ouvrir des prisons" !
- "Oui... C'est évidemment un mensonge. Au contraire, c'est en assurant davantage de sécurité, et en particulier à l'école, qu'on arrivera à mieux enseigner à nos enfants. Ce n'est pas en opposition, c'est en complément. Ce que le travail sur la sécurité que N. Sarkozy a fait jusqu'à maintenant, c'est un travail qui permet une meilleure éducation de nos enfants."
On sait que le Gouvernement va avoir quand même quelques difficultés à boucler le budget 2003. La croissance est un peu molle - moins de 3 %, peut-être 2,5. Est-ce que c'est l'Education nationale qui va être un peu mise à la diète, au profit de la sécurité et de la justice ?
- "Je viens de vous dire exactement le contraire."
Il faudra bien faire des économies quelque part ?
- "Il y a d'autres ministères sur lesquels on peut ne pas remplacer des emplois de gens qui partent à la retraite..."
Par exemple ?
- "Par exemple, au ministère des Finances il y a 185.000 agents. Il me semble, c'est une opinion et ce n'est qu'une opinion - et ce n'est pas mon ministère, c'est à monsieur Mer d'envisager ces choses-là -, que peut-être, sur la gestion, les coûts de gestion du ministère des Finances, on peut faire mieux."
Donc, là, vous allez mettre le feu aux poudres à Bercy plutôt qu'à
l'Education !
- "Vous êtes très conservateur ! Vous voulez que ça aille mieux et surtout ne rien changer. Alors vous attendez la solution du paradis ?"
J. Chirac va-t-il pouvoir tenir toutes ses promesses: baisser les impôts, baisser les charges, réduire le déficit budgétaire, alors que, justement, la croissance est en baisse ?
- "Mais ce ne sont pas des promesses à caractère électoral. Ce sont des engagements pour redresser le pays. Si on veut baisser les impôts - j'observe d'ailleurs que baisser les impôts, cela devrait donner satisfaction à monsieur Blondel, parce que c'est un moyen de relancer la consommation, c'est donner du pouvoir d'achat que de baisser les impôts -, cela va permettre effectivement d'attirer et de conserver dans notre pays des talents qui créent des emplois. Et si l'on baisse les charges sur les salaires, cela va permettre de diminuer le chômage. Ce n'est pas pour faire plaisir, c'est pour être utile."
Que répondez-vous au Medef - on a beaucoup entendu les patrons la semaine dernière - ? Ils n'ont pas l'air d'être contents de ce Gouvernement.
- "Il faut que les patrons soient aussi patients et que le Medef en particulier soit aussi patient avec nous qu'il l'a été avec la gauche."
Votre domaine, ce sont les Libertés locales, la Décentralisation. C'est un chantier prioritaire, c'est en marche ?
- "Oui. C'est un très vaste chantier. C'est un chantier prioritaire pour J.-P. Raffarin. Et avec N. Sarkozy, nous conduisons cette réforme. Nous sommes, en quelque sorte, "l'atelier" qui prépare cela. Mais tous les ministères sont concernés. Il s'agit pour notre pays, d'être plus proches des gens dans son administration ; que les citoyens trouvent, à côté d'eux et en face d'eux, des gens pour répondre à leurs besoins."
Un dernier mot sur la rentrée des socialistes ce week-end. Vous avez entendu F. Hollande, L. Fabius... On a l'impression qu'ils ont quand même retrouvé de la voix pour vous critiquer ?
- "Ce qui m'a frappé d'abord, c'est que ces gens qui avaient tant d'arrogance quand ils étaient au pouvoir, ont bien peu de dignité quand ils sont dans l'opposition. Ils n'ont que l'injure à la bouche. Soit l'injure entre eux, soit l'injure à l'égard de leurs adversaires. Ce qui me frappe, c'est l'incapacité de ce parti à se moderniser. J'ai vu qu'ils avaient renoncé à faire un grand parti de gauche, comme nous avons fait, nous, un grand parti de droite. C'est difficile, c'est un effort, mais c'est un besoin de clarification de la vie politique. J'ai vu aussi qu'ils restaient, pour la moitié d'entre eux au moins, incapables de comprendre l'économie de marché."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 sept 2002)