Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur la contribution des Français de l'étranger au rayonnement de la France, les priorités accordées à la sécurité, à la protection sociale, aux services, à l'enseignement et à la formation qui leur sont apportées, Paris le 2 septembre 2002.

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Circonstance : 55ème assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) à Paris le 2 septembre 2002

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux d'ouvrir cette 55ème session de l'Assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger. J'ai déjà rencontré certains d'entre vous lors de la dernière réunion de votre bureau permanent ou à l'occasion de mes déplacements à l'étranger, comme récemment encore au Proche-Orient et en Inde. Pierre-André Wiltzer s'est également entretenu avec quelques représentants de notre communauté à Brazzaville et Renaud Muselier, dont je salue la présence parmi nous, a lui aussi rencontré nos compatriotes dans les trois pays d'Amérique latine où il s'est rendu.
Ces rencontres sont pour nous l'occasion non seulement d'évoquer avec les Français établis à l'étranger les préoccupations qui sont les leurs mais aussi de leur dire notre intérêt et notre attachement. Elles sont, à mes yeux, d'autant plus importantes que j'ai moi-même pu éprouver, au cours de nombreuses années vécues hors de France, ce sentiment très particulier d'être un Français de l'étranger.
La singularité de cette situation ne s'est pas atténuée. Sans doute vivons-nous dans un monde où les frontières sont moins sensibles que par le passé. Les modes de vie tendent à s'homogénéiser au gré de la circulation des biens et des services. Les idées, les comportements se diffusent plus aisément. Nous sommes informés en permanence de ce qui se passe un peu partout sur la planète. Progressivement se fait jour la conscience, encore trop fragmentaire, que tous les hommes forment une seule communauté, confrontée à de vastes défis globaux qui appellent des réponses concertées.
Pourtant, aucun progrès technique ne peut abolir la distance qui sépare l'expatrié de son pays. La mondialisation ne saurait assouvir ce désir de France que l'on éprouve dans l'éloignement. La France cesse soudain d'aller de soi ; dans l'absence, elle acquiert une densité particulière, faite d'une multitude de petits et de grands manques qui composent en creux l'empreinte singulière que notre pays laisse au fond du cur de chacun d'entre nous. Aussi, à bien des égards, la distance rapproche-t-elle davantage.
Parfois, elle facilite aussi l'examen critique, favorisé par les points de comparaison que fournit la connaissance intime d'un pays étranger. C'est pourquoi les Français installés hors de France ont, j'en suis convaincu, beaucoup d'expériences et d'idées à partager pour nous aider à imaginer les réformes nécessaires et à surmonter les blocages qu'elles peuvent susciter.
Vous le savez, nos communautés à l'étranger, ne sont pas monolithiques ; elles forment un véritable kaléidoscope où se reflètent les multiples visages de notre nation. On peut y lire les liens anciens de l'histoire, les apports successifs de l'immigration, la marque de nos succès économiques, des marchés remportés par nos entreprises hors de nos frontières, mais également celle de nos faiblesses, qui ont pu pousser certains de nos compatriotes à s'expatrier.
Cette diversité n'a pas cessé de croître. La part des Français durablement établis dans un pays étranger, parfois depuis plusieurs générations, augmente par rapport à celle de nos compatriotes pour qui l'expatriation constitue une expérience temporaire. La part de ceux qui possèdent plusieurs nationalités s'accroît également. Il arrive aussi que certains de nos ressortissants à l'étranger soient si fortement intégrés à la société dans laquelle ils vivent qu'ils n'aient plus guère d'attaches avec la France.
Tous, pourtant, par-delà leur diversité, portent une marque commune, un lien parfois en sommeil qui ne demande qu'à être réactivé. C'est pourquoi le réseau des Français à l'étranger constitue, pour notre pays, un point d'appui pour mieux comprendre le monde actuel et tenter de peser sur son évolution.
Le choc du 11 septembre a révélé l'ampleur des transformations planétaires et celle des adaptations indispensables. Le monde est devenu plus complexe, plus changeant, moins lisible. Les nouvelles menaces s'appuient sur des structures en réseau, en constante métamorphose, difficiles à repérer et à déjouer. Elles empruntent les voies de pénétration que constituent les crises régionales, ces plaies vives au flanc de la planète, mais aussi ces fléaux que sont la pauvreté ou les épidémies, autant de foyers d'un désordre global.
La mondialisation, avec son foisonnement d'innovations, son bouillonnement de projets, son accumulation de richesses, est aussi celle de la violence. C'est pourquoi ces menaces nous concernent tous et nous imposent d'adapter nos réponses et notre organisation mais aussi de réorienter notre diplomatie.
La première exigence est bien sûr de combattre le terrorisme ainsi que les réseaux du crime organisé sous toutes leurs formes, et de maîtriser le risque de prolifération des armes de destruction massive.
Nous devons aussi comprendre que nous avons besoin aujourd'hui de plus de coopération, de plus de concertation, de plus de solidarité. Il serait vain en effet de prétendre maîtriser les nouvelles menaces sans traiter aussi en profondeur ces menaces anciennes - la pauvreté, la maladie, l'environnement, les crises régionales - dont elles se nourrissent et qui sont les portes d'entrée du désordre. Notre diplomatie doit donc s'attacher à créer une dynamique collective centrée sur les objectifs de paix et de sécurité.
Dans cette perspective, chaque Français de l'étranger a un rôle. Car le défaut de compréhension ou de dialogue entre les peuples est l'un des facteurs majeurs de l'instabilité. Dans un monde de plus en plus interdépendant, les occasions d'échange sont multipliées, mais aussi les risques de malentendus. Pour les dissiper, il n'est qu'une voie : la voie exigeante du dialogue, de la tolérance, de la compréhension et de la connaissance mutuelles. C'est pourquoi notre communauté à l'étranger, parce qu'elle joue ce rôle de trait d'union entre notre peuple et les autres peuples, constitue, pour notre pays, un atout fondamental pour aider à maîtriser la mondialisation.
Chacun de nos compatriotes à l'étranger représente une occasion de dialogue entre une autre culture et la nôtre, un pont entre deux modes de pensée, deux représentations du monde, un rempart contre l'incompréhension et les tentations dangereuses du repli sur soi.
Cela vaut notamment pour ceux qui vivent en Europe. C'est par l'interpénétration des peuples que se construit, depuis près de cinquante ans, la stabilité d'un continent jadis sans cesse déchiré par la guerre. Cette belle aventure témoigne à quel point, face aux risques d'instabilité et aux tentations du pire, l'émergence de zones de cohésion régionales constitue un garant de paix et de sécurité. Il est donc essentiel que l'Union européenne renforce sa cohésion, pour constituer, pour le monde, un grand pôle de paix et d'ordre.
Les communautés expatriées ont un rôle décisif à jouer à cet égard. Elles représentent en effet l'un des plus puissants facteurs de renforcement en profondeur des liens entre les peuples de l'Europe. C'est pourquoi la construction européenne doit progresser dans les domaines touchant à la situation des personnes. C'est un enjeu capital si nous voulons franchir une nouvelle étape dans l'unification du continent. Les Européens qui s'installent dans un pays de l'Union autre que le leur rencontrent encore trop d'obstacles administratifs et sociaux de toute nature qui touchent aux aspects les plus élémentaires de la vie quotidienne. Il y a là un vaste chantier, un chantier essentiel, dont je souhaite faire une priorité.
En matière d'administration consulaire, il me semble nécessaire d'engager une réflexion approfondie sur le dispositif actuel : les Européens en France et les Français en Europe ne devraient-ils pas à l'avenir bénéficier non seulement des services de leurs consulats respectifs mais aussi, de plus en plus, des administrations de leurs pays de résidence ? On peut se demander pour quelles raisons leur situation à cet égard ne diffère pas de celle d'il y a cinquante ans, alors que la libre circulation des travailleurs et le droit d'établissement sont inscrits dans les traités.
C'est au sein de l'Union européenne que le nombre de nos compatriotes possédant une autre nationalité s'est le plus accru ces dernières années. Celui des Français dont le conjoint a la nationalité d'un autre Etat de l'Union est également en augmentation. Il est fréquent qu'ils se trouvent, à un moment ou à un autre, confrontés à des problèmes, parfois longs et difficiles à résoudre, quelquefois douloureux, tenant aux différences des systèmes d'état civil et du droit de la famille des Etats membres.
Pour que la construction de l'Europe ait des effets concrets sur la situation des personnes, d'ambitieuses réformes sont donc nécessaires. Elles seront préparées avec les autres départements ministériels et avec nos partenaires européens. Mais je souhaite qu'elles le soient également en étroite concertation avec vous.
Nos compatriotes à l'étranger sont porteurs d'une énergie, d'une exigence, d'une identité françaises ; bref, ils sont porteurs de la France au-delà nos frontières. Ils constituent - la table-ronde qui leur a été consacrée par la dernière Conférence des ambassadeurs l'a bien mis en évidence - sinon des "relais" de notre influence, du moins l'une de ses voies de pénétration, et l'un des facteurs-clés de notre rayonnement. Ils donnent l'image d'une France ouverte sur le monde, d'une France en prise sur son époque ; ils forment un réseau souple, adapté à la nouvelle géographie de la puissance.
Je crois que nous devons mieux savoir mobiliser ce réseau, pour améliorer le rayonnement de notre pays mais aussi notre compréhension du monde et notre capacité d'échange avec les autres peuples et les autres cultures qui, plus que jamais, conditionnent l'influence d'un pays sur la scène internationale.
Cela passe par un effort accru de connaissance des communautés françaises à l'étranger, sur lequel il importe que nos chefs de poste soient particulièrement mobilisés. La diversité de la présence française - dans tous ses aspects : économiques, commerciaux, culturels, humanitaires - contribue au rayonnement de notre pays, reflète son énergie créatrice, affirme sa vocation universaliste et humaniste. Dans un monde incertain, en évolution constante, elle constitue un formidable atout pour notre pays.
Si elle veut profiter pleinement de cette chance, la France se doit d'assumer pleinement, à l'égard de nos compatriotes établis à l'étranger, les devoirs qui lui incombent. J'en distinguerai cinq principaux : devoir de sécurité, devoir de service, devoir de solidarité, devoir de formation, devoir, enfin, d'écoute.
La première de nos priorités, le premier de nos impératifs, c'est bien entendu d'améliorer la sécurité de nos compatriotes. C'est la priorité du gouvernement, comme l'a souligné le Premier ministre ; c'est aussi la mienne.
Ces dernières années, nos compatriotes ont payé un lourd tribut à l'instabilité du monde, dans des attentats, des prises d'otages, des crises politiques, des catastrophes et des agressions crapuleuses.
Ces drames humains nous commandent de renforcer nos moyens de prévention et d'action. C'est une responsabilité essentielle que nous avons à prendre dans un monde, imprévisible, souvent dangereux.
Un effort d'analyse et d'anticipation s'impose plus que jamais. Si l'on ne saurait prétendre faire face à toute éventualité, il faut se préparer à ce qui est de l'ordre du prévisible. Cela suppose d'améliorer encore les instruments de prévention dont disposent nos ambassades et de renforcer leurs moyens de communication, leurs capacités d'accueil dans les centres de regroupement et, en cas de nécessité, les moyens d'intervention.
J'ai donc chargé la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France, et plus particulièrement la sous-direction de la Sécurité et de la Protection des Personnes, de mettre en uvre un plan d'action complet en faveur de la sécurité.
En premier lieu, une structure de coordination interministérielle va être mise en place pour développer l'analyse des risques. Sa première réunion aura lieu dans les prochaines semaines. Sur le terrain, les postes doivent être également dotés de meilleurs outils d'analyse : des instructions ont été données pour généraliser les comités de sécurité dans nos représentations diplomatiques ; une grille d'évaluation des menaces a été diffusée.
Nous devrons ensuite développer une capacité d'audit. Pour cela, il faut pouvoir mobiliser des équipes d'experts de la sécurité, envoyés rapidement dans les pays à risque. Ainsi à Karachi, la visite d'une mission de sécurité a permis de prendre très rapidement la décision de délocaliser notre poste consulaire dans l'enceinte, mieux sécurisée, de celui du Royaume-Uni.
Le Département va également s'équiper de nouveaux outils d'analyse, notamment en mettant en place, à l'horizon de la fin de l'été 2003, une base de données interactive. Nous en attendons davantage d'efficacité et de flexibilité dans la prévention et la gestion des crises.
Nous devrons également poursuivre notre effort de diffusion d'informations constamment mises à jour au travers du site "Conseils aux voyageurs", outil très apprécié par le grand public et les professionnels.
Je veillerai en outre à ce que notre politique de coopération bilatérale intègre pleinement la préoccupation de la sécurité de nos compatriotes.
Il faudra enfin adapter nos moyens. Les sénateurs représentant les Français de l'étranger nous ont apporté à cet égard, depuis plusieurs années, un soutien sans faille, notamment en mobilisant largement les crédits de la réserve parlementaire. Je tiens à les en remercier tout particulièrement. Aujourd'hui, il faut renforcer la sous-direction de la Sécurité et de la Protection des Personnes, notamment la cellule de veille sur la sécurité des Français à l'étranger, et accroître progressivement les crédits de sécurité proprement dits.
J'ai le plaisir de vous annoncer que, dans cette perspective, une mesure nouvelle de 250 000 euros, qui permettra d'augmenter la dotation de près d'un tiers, a été portée au projet de loi de finances pour 2003. Après la stagnation des crédits l'année précédente, cet effort important dans un contexte budgétaire difficile marque concrètement la priorité accordée à cette action.
Face à cette nouvelle menace, et notamment celles du terrorisme et du crime organisé, comme à l'encontre de l'insécurité quotidienne, le gouvernement est mobilisé. Le ministère des Affaires étrangères apporte une contribution essentielle à cette action, en particulier pour ce qui concerne tant la sécurité des documents d'identité et de voyage délivrés à nos compatriotes de l'étranger que la lutte contre la fraude documentaire et la fraude à l'état civil.
La délivrance de la carte nationale d'identité sécurisée s'effectue selon une procédure plus complexe et dans des délais plus longs que les modèles précédents, que ce soit en France ou dans nos services consulaires. Elle est pour l'instant délivrée dans tous les postes de l'Union européenne, excepté l'Autriche. L'extension de sa diffusion devrait s'achever dans le courant de l'année prochaine.
S'agissant des passeports, mon département a pris ses dispositions pour être en mesure d'éditer directement dans les postes, dès 2003, le passeport sécurisé, dit passeport "Delphine", avec une photo numérisée - c'est la principale innovation par rapport aux passeports délivrés pour l'instant sur le territoire national. Les Français de l'étranger seront donc en principe les premiers à obtenir un passeport répondant aux normes de l'Organisation de l'Aviation civile internationale, remises à l'ordre du jour depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Mais il ne s'agit là que d'une petite partie des services que nos consulats rendent à nos compatriotes, et que je souhaite moderniser afin de les rendre plus performants. Dans ce domaine, la volonté du gouvernement de mettre l'Etat au service des Français trouve en effet sa traduction quotidienne. A nous de savoir être à la hauteur des attentes des administrés pour leur offrir une qualité de service digne d'une administration moderne.
L'état civil a connu ces dernières années un fort accroissement de la demande et de remarquables efforts de modernisation pour améliorer la qualité du service.
Une téléprocédure permet maintenant de demander par Internet, y compris à partir de l'étranger, des copies et extraits d'actes. Le public réserve un très bon accueil à ce service puisque environ 700 demandes arrivent chaque jour par ce moyen et que ce chiffre ne cesse de croître.
Un autre service accessible par Internet sera offert incessamment aux notaires qui pourront consulter une base d'informations constituée de quelque 3 millions d'extraits sans filiation, ce qui réduira les demandes d'extraits d'actes adressées au service central d'état civil.
Une nouvelle opération de modernisation va être menée d'ici l'automne 2003 en partenariat avec le ministère de la Culture. Elle porte sur la numérisation du fonds d'actes d'état civil de nos compatriotes nés en Algérie avant 1962, conservé sur des microfilms, dont la majeure partie sera transposée sur des CD-ROM.
Enfin, des travaux sont en cours pour améliorer l'accueil téléphonique en trois phases. Il s'agira en priorité de limiter l'attente au téléphone, puis de moderniser le serveur vocal qui répond aux questions les plus courantes avant, dans une dernière phase, d'en accroître l'interactivité.
Dans le domaine des élections, le souci de faciliter la participation aux scrutins présidentiels des 21 avril et 5 mai derniers de nos compatriotes installés dans des régions éloignées de nos ambassades et consulats nous a conduits à faire des efforts particuliers pour ouvrir des bureaux de vote dans trois villes dépourvues de poste diplomatique ou consulaire : Valence, Guadalajara et Melbourne. Dans les deux premières, les taux de participation ont été supérieurs à ceux des bureaux situés dans les postes de rattachement. L'expérience est donc concluante et je veillerai à ce qu'elle soit étendue, là où les conditions le justifient et le permettent, par exemple à Malaga, à l'occasion des prochains scrutins.
Pour l'avenir, et afin de faciliter la participation électorale, je souhaite que nous étudiions attentivement l'utilisation des nouvelles technologies, je pense en particulier à Internet, pour élargir la possibilité de voter à distance. Pourquoi ne pas imaginer que la communauté des Français à l'étranger joue, en la matière, un rôle pilote ?
Enfin, vous connaissez le rôle fondamental des consuls honoraires pour apporter des services d'assistance et de proximité à nos compatriotes résidents ou de passage à l'étranger. Appartenant à la "mouvance française", ils participent en outre, à ce titre, au rayonnement de notre pays. La mobilisation et l'animation de leur réseau est donc essentielle, et s'est déjà traduite par un important effort budgétaire.
Vis-à-vis de nos compatriotes à l'étranger, nous avons aussi un devoir de solidarité. Cinq axes d'action me semblent à cet égard essentiels.
En premier lieu, il faut assurer à nos compatriotes une meilleure couverture sociale. Cela passe par la poursuite de la mise en uvre, déjà bien entamée, de la réforme de la Caisse des Français de l'étranger pour faciliter l'accès à la protection sociale française de certains de nos ressortissants résidant à l'étranger.
Cela passe également par un effort accru de solidarité en faveur des plus démunis. Je suis en mesure de vous annoncer que les crédits du Fonds d'action sociale destinés à soutenir nos compatriotes en difficulté seront augmentés de 500 000 euros dans le projet de loi de finances pour 2003. L'exercice budgétaire est très difficile, vous le savez, mais je me suis battu pour obtenir cette avancée et seconder ainsi l'intérêt que, je le sais, vous portez à cette action essentielle.
Nous devons, en deuxième lieu, dans un esprit d'équité, réduire pas à pas l'écart existant entre la protection sociale apportée à nos compatriotes en France et à l'étranger. Il nous faut rechercher les moyens d'adapter au mieux des situations l'aide sociale consulaire. Il n'est pas juste que des allocations d'un montant quasi identique soient servies à des compatriotes vivant dans des pays où le coût de la vie est en réalité très différent. Cet effort d'équité supposera un suivi plus précis du montant des allocations pour mieux prendre en compte le coût de la vie local.
Troisième axe d'action : préserver l'équilibre financier de notre système de protection sociale, condition de sa pérennité. Dans cette perspective, je souhaite que l'année 2003 soit consacrée à l'évaluation des paramètres de cet équilibre. Il ne s'agit pas de réduire notre effort de solidarité mais, au contraire, de le consolider.
Il faut, en quatrième lieu, orienter davantage notre dispositif vers la réinsertion des personnes en difficulté. Le bilan des aides expérimentales lancées en 2001 dans quelques postes pilotes souligne la pertinence des dispositifs d'assistance qui favorisent l'insertion sociale et professionnelle de nos ressortissants sans emploi. Nous devons continuer dans cette voie en soutenant les efforts de formation et en encourageant nos compatriotes à créer des micro-entreprises, en leur donnant ainsi une chance de retrouver un emploi et une véritable autonomie.
Dans cet esprit, il faut bien sûr maintenir l'allocation locale d'insertion sociale (ALIS) à Tananarive et Dakar, et envisager son extension à d'autres postes ; il faut également étudier une réforme de l'allocation à durée déterminée pour en faire un outil d'insertion sociale et professionnelle.
Nous devons enfin privilégier une gestion responsable, dans laquelle nos postes consulaires se sentent davantage impliqués. A cet égard, l'expérience menée dans quatre consulats - Tananarive, Rabat, Beyrouth, Buenos Aires - a montré l'intérêt d'accorder l'autonomie aux Comités consulaires pour l'action et la protection sociale.
Cette expérience pourrait être étendue à l'ensemble des postes consulaires bénéficiant d'une assistante sociale et, au-delà, il faut aller vers plus d'autonomie pour l'ensemble des centres. Cela suppose toutefois que mon département ait une vision globale, en temps réel, de l'assistance apportée aux Français de l'étranger et, par conséquent, la mise en place d'outils de contrôle de gestion performants dont nous ne disposons pas encore mais que nous devons nous efforcer d'élaborer.
Avec la protection sociale, l'enseignement constitue l'une des principales attentes de nos compatriotes à l'égard de l'Etat. Je souhaite, à cet égard, approfondir les objectifs que je vous avais exposés en mai dernier.
La qualité de l'enseignement dans les établissements du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) reste bien entendu primordiale.
C'est hier, 1er septembre, que s'est mise en place, la réforme de la situation des personnels titulaires. Cette réforme a pour objectif d'améliorer sensiblement la situation des personnels dits "résidents", tout en confortant la qualité de l'enseignement, par le maintien du nombre des enseignants titulaires.
Le plan de formation continue mis en place par l'AEFE doit contribuer à améliorer les compétences de nos enseignants, titulaires et contractuels. Ce sera en particulier le cas dans le domaine des nouvelles technologies et bien sûr, dans celui des langues et cultures des pays d'accueil, points forts de nos écoles et lycées à l'étranger.
Il faut, en second lieu, améliorer les capacités d'accueil et la sécurité de nos établissements. Nous savons bien que la présence ou l'absence d'une école française reste décisive dans le choix des Français de s'expatrier dans un pays déterminé.
L'effort entrepris pour répondre aux nombreuses nouvelles demandes d'inscription sera donc poursuivi avec détermination dans la durée.
Les projets de construction continueront à être suivis à Moscou, à Milan, au Caire, à Ankara et à Damas ; parallèlement, les importants chantiers de réhabilitation, qui représentent des engagements très lourds pour le budget de mon département, seront menés à bien. L'AEFE de son côté continuera à apporter son soutien aux associations gestionnaires pour renforcer les conditions de sécurité et d'accueil à Istanbul, à Prague, à Budapest et à Munich.
Saluons enfin l'appui que nous avons apporté aux deux lycées de Kaboul et la prochaine ouverture du lycée international d'Alger après huit années d'absence dans cette ville.
Nous devons enfin veiller à ce qu'un nombre croissant d'enfants français puissent, grâce aux bourses scolaires, accéder à notre réseau. Je suis heureux de pouvoir vous confirmer l'augmentation du montant global qui leur est alloué, malgré le contexte budgétaire que vous connaissez. L'augmentation sera de 1 500 000 euros pour 2003, soit une augmentation de près de 4 % par rapport à 2002. Davantage d'enfants en seront bénéficiaires et recevront des aides plus importantes. Il s'agit d'un effort significatif. Il est indispensable si nous voulons qu'aucun enfant français à l'étranger ne soit exclu de notre réseau pour des raisons qui tiennent aux revenus de ses parents. C'est un impératif social, culturel et humain.
Corrélativement, le succès et la qualité de nos établissements impliquent des efforts de rationalisation là où cela est possible et nécessaire : nous nous y emploierons. Cet objectif passe par la recherche de soutiens nouveaux, notamment financiers, en France et à l'étranger. Je souhaite, à cet égard, développer notre partenariat avec le ministère de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche, dont l'appui est précieux, non seulement pour la qualité de notre enseignement mais aussi pour faciliter les inscriptions de nos anciens élèves dans les universités françaises. Le recours à des financements privés, par exemple par l'intermédiaire de fondations, ne doit pas non plus être exclu.
Les programmes d'action au bénéfice des Français établis hors de France que je viens de vous exposer ne pourront être menés à bien sans la participation, la vigilance, le soutien de leurs élus. Nous avons le devoir d'écouter nos compatriotes et, pour cela, de leur assurer la représentation la plus fidèle et la plus efficace possible. C'est pourquoi j'attache la plus grande importance aux réflexions engagées en vue de la réforme de votre Conseil.
J'ai pris connaissance des travaux de réflexion conduits, depuis deux ans déjà, au sein de la commission temporaire qui en est chargée. En réponse à la demande de ses président et rapporteur, j'ai accepté de prolonger d'un an le mandat de cette commission.
Ce délai permettra notamment de réfléchir à l'insertion de la réforme dans le mouvement de décentralisation que le gouvernement entend relancer, même si la situation des Français de l'étranger est à cet égard spécifique, puisqu'ils forment une collectivité installée sur un territoire qui n'est pas placé sous la souveraineté de la France.
Le projet de décret modifiant les modalités de remboursement des frais de campagne électorale des candidats à l'élection au Conseil supérieur des Français de l'étranger, qui prévoit une simplification et une harmonisation des procédures, a été validé le 2 juillet dernier par la section des finances du Conseil d'Etat. La signature de ce décret par le Premier ministre et les ministres concernés n'est désormais qu'une affaire de semaines et le nouveau texte sera en tout état de cause en vigueur à l'occasion du renouvellement partiel du Conseil en juin 2003, dans les circonscriptions électorales d'Afrique et d'Amérique.
Vous aviez également proposé diverses mesures de réforme des statuts de l'Assemblée concernant notamment la composition du bureau permanent et la structure de chacune des commissions. Les projets de textes correspondants ont été transmis pour avis aux ministères contresignataires, préalable à la saisine du Conseil d'Etat pour les projets de décret qui exigent cette consultation.
Soyez assurés que vous me trouverez à l'écoute des projets de réforme que vous voudrez bien me soumettre.
Dans mon engagement et dans celui de mon administration à leur service, je souhaite que les Français de l'étranger trouvent le gage de la sollicitude de la France. Ils peuvent compter sur leur patrie, qui les connaît et qui les encourage et qui a besoin d'elle. Elle est là pour les soutenir, pour les accompagner dans leurs entreprises. Elle est à leurs côtés aux heures difficiles.
Mais je m'adresse aussi, au-delà de nos compatriotes, à tous les hommes et à toutes les femmes qui aiment la France, parfois sans la connaître. Je demande à nos ambassadeurs et à nos consuls et à toutes leurs équipes de mieux connaître les Français de l'étranger ainsi que les francophones et les francophiles qui prennent toute leur place dans cette ambition, dans cette "mouvance" française.
Les élus que vous êtes en sont naturellement des acteurs de premier plan, des acteurs décisifs. Je compte sur vous, je compte sur votre rôle et sur votre influence pour insuffler à la France de l'étranger un esprit d'ouverture, d'initiative, et de responsabilité. Vous savez et nous savons à quel point la France en tirera un grand profit et un grand bénéfice.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 septembre 2002)