Texte intégral
R. Arzt .- La semaine dernière, à Bruxelles, avec à la base un accord entre la France et l'Allemagne, la Politique agricole commune a été maintenue pour au moins jusqu'en 2006. A la FNSEA, est-ce que vous êtes totalement satisfaits ?
- "Nous sommes au moins soulagés à court terme. Nous avions très clairement contesté la réforme que nous proposait le commissaire européen à l'Agriculture, monsieur Fischler. Nous l'avons contesté, parce que nous considérions que ce n'était pas le moment. Les chefs d'Etat avaient fixé les règles de la politique agricole en 1999 jusqu'en 2006. Et puis, ce n'était pas non plus le mandat, parce qu'il faut que les responsables politiques prennent leurs responsabilités. La Commission avait pris des dispositions qui ne sont pas les siennes."
Pourquoi êtes-vous soulagés simplement "à court terme" ?
- "Parce que nous savons aussi qu'en 2007, il est d'ores et déjà annoncé qu'il y aura stabilisation budgétaire, alors que nous serons 25 autour de la table."
Donc, il faudra partager un budget stabilisé ?
- "[Un budget] dont il apparaît aussi qu'il ne prendra pas en compte totalement l'inflation, à moins que l'inflation se limite à 1 %, puisque c'est ce qui est prévu."
Vous êtes donc inquiet pour après 2006 ?
- "Nous sommes à la fois inquiets, pas totalement non plus, parce qu'il y a aussi dans cette décision, la confirmation qu'il y aura une politique agricole jusqu'en 2013. C'était aussi les préoccupations que nous avions."
Considérez-vous que ce qui s'est passé à Bruxelles la semaine dernière est une victoire de J. Chirac ?
- "En tout cas, ce qui est important pour l'Europe, c'est que la France et l'Allemagne aient pu décider ensemble de l'évolution de l'Union. Nous savions que les Allemands avaient pour cible la politique agricole pour faire des économies budgétaires, et nous comptions sur le président de la République pour défendre la politique agricole, qui non seulement d'ailleurs est importante pour l'agriculture française, pour les paysans français, mais je dirais presque pour tous les paysans européens. Donc, ce que nous voulions, c'est que nous ayons des perspectives en matière de politique agricole."
Donc, vous félicitez J. Chirac ?
- "Nous nous réjouissons qu'il ait défendu l'agriculture avec ceux qu'elle représente, parce qu'on parle toujours économie, mais en France, il faut aussi voir l'aspect social, l'aspect aménagement du territoire. Cela, il faut aussi le souligner."
S'il y a eu un accord franco-allemand sur la Pac, cela s'est nettement refroidi avec l'Angleterre. Comment l'expliquez-vous ? Quel est le principal différend, de votre point de vue de syndicaliste agricole, entre T. Blair et J. Chirac ?
- "D'abord, le fait que T. Blair n'imaginait pas que le chef de l'Etat français et le chancelier allemand se mettent d'accord sans en discuter à la limite avec lui-même. Et puis il y a aussi le fait que le doigt a été mis sur la contribution britannique, et qu'à l'heure où il faudra partager à 25, il est normal qu'enfin la Grande-Bretagne joue la solidarité, notamment la solidarité financière."
C'est-à-dire qu'elle ne bénéficie plus de ce rabais qu'elle a depuis 1984 ?
- "Qu'elle ne bénéficie plus de ces avantages dont elle a effectivement bénéficié dès son entrée, qui n'est d'ailleurs pas seulement qu'un chèque ou qu'une moindre contribution au budget de l'Europe, car il y a eu aussi d'autres avantages qui eux ne sont pas remis en cause. Je pense à des possibilités de relations commerciales avec ce que nous appelions hier le Commonwealth - je pense, comme ça par hasard, au beurre néo-zélandais - mais des choses qui ont aussi perturbé les marchés intérieurs européens. Donc, il est temps que T. Blair soit un peu plus européen."
Comment cela se passe entre vous et les syndicalistes britanniques ?
- "Lorsqu'on discute de politique agricole, ça va plutôt bien. D'ailleurs, je souligne que concernant la réforme de monsieur Fischler, nous étions tous d'accord, les Quinze Etats membres. Avec les Britanniques, on avait un vrai différend concernant l'embargo. Mon collègue britannique, Ben Gill, qui est le président de l'organisation anglaise, n'acceptait pas que nous n'importions pas de viande britannique. Donc, on avait un vrai différend, mais pas sur la politique agricole."
Cette politique agricole va quand même devoir évoluer, à terme. Qu'est-ce que la FNSEA va proposer dans les années qui viennent ? Vous avez été, comme tout le monde, surpris par l'accord de Bruxelles. Que faites-vous maintenant ?
- "Déjà, on va éviter de faire dans la précipitation. Nous avons aussi insisté sur le fait que les négociations à venir en matière d'Organisation mondiale du commerce ne soient pas non plus l'occasion de précipiter la réforme. Par contre, nous sommes favorables à discuter des adaptations indispensables. Nous voulons défendre une agriculture de qualité qui sécurise nos consommateurs."
Et cela nécessite les adaptations de quelle sorte ?
- "Il faut qu'il y ait une politique qui retrouve une vraie volonté d'une meilleure gestion des marchés, pour que l'on tire davantage notre revenu des prix agricoles, parce qu'on parle toujours des aides. Mais c'est vrai que si le revenu ne vient pas de la vente de nos produits, il y a forcément nécessité des aides. Donc, si on peut valoriser notre politique de qualité, valoriser cette politique de sécurité sanitaire de nos aliments, de l'environnement, du bien-être animal, je crois qu'il y a des choses à faire, et nous sommes prêts à discuter de tout cela."
L'Europe va s'élargir. Etes-vous déjà en contact avec les organisations agricoles de pays qui vont entrer à partir de 2004 ?
- "Nous n'avons effectivement pas attendu cette décision de la semaine dernière. Je suis personnellement allé en Pologne il y a quelques semaines. Le pays compte 2,5 millions d'agriculteurs avec beaucoup de petites exploitations."
Qui vont rentrer en pleine concurrence avec l'Europe telle qu'elle est ?
- "Qui vont rentrer en concurrence mais qui vont surtout avoir besoin de s'adapter, surtout sur le plan des structures notamment, donc de la dimension de leurs exploitations. Et puis ils vont devoir s'adapter aussi sur le plan de la qualité des produits. Nous ne pouvons pas avoir une Europe agricole à deux vitesses."
Qu'est-ce que vous conseillez aux Polonais ? De réduire le nombre de leurs exploitations ?
- "Non, je ne le leur conseille pas aujourd'hui. Simplement, il faut qu'ils mettent en place - et l'Europe peut les soutenir pour cela - un plan d'adaptation effectivement de leurs exploitations, mais il faut aussi que l'on intensifie nos relations. D'ailleurs, on a beaucoup d'échanges, notamment des échanges de formation, pour faire en sorte que l'expérience qui est la nôtre, l'évolution qu'a connue notre agriculture, puisse rapidement être acquise par les paysans polonais, hongrois ou les autres."
Autre sujet qui concerne l'Europe : vous allez, aujourd'hui, être auditionné par la Direction de la concurrence à Bruxelles en raison de la grille des prix que les professionnels de la viande avaient mis au point au plus fort de la crise de la vache folle ?
- "Je vais devoir m'expliquer devant la Direction de la concurrence, à Bruxelles, concernant les accords que nous avions passés avec les industriels français de la viande, pour défendre un prix payé aux producteurs en pleine crise, au moment où c'était le désespoir total dans nos campagnes. Nous ne comprenons pas comment Bruxelles remet en cause d'abord le droit syndical ..."
Ils disent qu'il y a eu entrave à la concurrence ?
- "... Et l'intérêt qu'il y a presque pour le bon ordre social également, à ce que les producteurs et nos entreprises essaient de tenir un prix extrêmement bas par ailleurs, mais à un prix quand même pour que les éleveurs ne désespèrent pas de leur métier, parce que c'était la situation en 2001. J'espère que nous serons compris."
Où en sont les relations entre les agriculteurs et la grande distribution ? Leur reprochez-vous toujours de faire que les prix baissent pour les producteurs et pas pour les consommateurs ?
- "Il faut le dire, les relations restent tendues, mais les faits nous donnent un peu raison, parce que plus personne ne conteste, aujourd'hui, le fait qu'il y ait eu des pratiques abusives en matière commerciale. J'espère que le Gouvernement saura faire appliquer la loi, une loi récente d'ailleurs dite sur les nouvelles régulations économiques, qui appelle à sanctionner ces pratiques abusives. Mais ce que nous voulons, c'est qu'enfin on nous entende sur le fait que produisant une agriculture de qualité, respectant l'environnement, cela ne va pas du tout de paire avec une politique de baisse de prix. Nous voulons qu'il y ait un vrai débat sur les marges, et que les marges ne soient pas seulement un seul maillon de la filière, c'est-à-dire au niveau de la grande distribution."
Vous pensez inévitables de nouvelles actions d'agriculteurs contre les centrales d'achat ?
- "Je pense que la pression ne va pas se relâcher ainsi."
(Source http://www,fnsea,fr, le 15 janvier 2003)
- "Nous sommes au moins soulagés à court terme. Nous avions très clairement contesté la réforme que nous proposait le commissaire européen à l'Agriculture, monsieur Fischler. Nous l'avons contesté, parce que nous considérions que ce n'était pas le moment. Les chefs d'Etat avaient fixé les règles de la politique agricole en 1999 jusqu'en 2006. Et puis, ce n'était pas non plus le mandat, parce qu'il faut que les responsables politiques prennent leurs responsabilités. La Commission avait pris des dispositions qui ne sont pas les siennes."
Pourquoi êtes-vous soulagés simplement "à court terme" ?
- "Parce que nous savons aussi qu'en 2007, il est d'ores et déjà annoncé qu'il y aura stabilisation budgétaire, alors que nous serons 25 autour de la table."
Donc, il faudra partager un budget stabilisé ?
- "[Un budget] dont il apparaît aussi qu'il ne prendra pas en compte totalement l'inflation, à moins que l'inflation se limite à 1 %, puisque c'est ce qui est prévu."
Vous êtes donc inquiet pour après 2006 ?
- "Nous sommes à la fois inquiets, pas totalement non plus, parce qu'il y a aussi dans cette décision, la confirmation qu'il y aura une politique agricole jusqu'en 2013. C'était aussi les préoccupations que nous avions."
Considérez-vous que ce qui s'est passé à Bruxelles la semaine dernière est une victoire de J. Chirac ?
- "En tout cas, ce qui est important pour l'Europe, c'est que la France et l'Allemagne aient pu décider ensemble de l'évolution de l'Union. Nous savions que les Allemands avaient pour cible la politique agricole pour faire des économies budgétaires, et nous comptions sur le président de la République pour défendre la politique agricole, qui non seulement d'ailleurs est importante pour l'agriculture française, pour les paysans français, mais je dirais presque pour tous les paysans européens. Donc, ce que nous voulions, c'est que nous ayons des perspectives en matière de politique agricole."
Donc, vous félicitez J. Chirac ?
- "Nous nous réjouissons qu'il ait défendu l'agriculture avec ceux qu'elle représente, parce qu'on parle toujours économie, mais en France, il faut aussi voir l'aspect social, l'aspect aménagement du territoire. Cela, il faut aussi le souligner."
S'il y a eu un accord franco-allemand sur la Pac, cela s'est nettement refroidi avec l'Angleterre. Comment l'expliquez-vous ? Quel est le principal différend, de votre point de vue de syndicaliste agricole, entre T. Blair et J. Chirac ?
- "D'abord, le fait que T. Blair n'imaginait pas que le chef de l'Etat français et le chancelier allemand se mettent d'accord sans en discuter à la limite avec lui-même. Et puis il y a aussi le fait que le doigt a été mis sur la contribution britannique, et qu'à l'heure où il faudra partager à 25, il est normal qu'enfin la Grande-Bretagne joue la solidarité, notamment la solidarité financière."
C'est-à-dire qu'elle ne bénéficie plus de ce rabais qu'elle a depuis 1984 ?
- "Qu'elle ne bénéficie plus de ces avantages dont elle a effectivement bénéficié dès son entrée, qui n'est d'ailleurs pas seulement qu'un chèque ou qu'une moindre contribution au budget de l'Europe, car il y a eu aussi d'autres avantages qui eux ne sont pas remis en cause. Je pense à des possibilités de relations commerciales avec ce que nous appelions hier le Commonwealth - je pense, comme ça par hasard, au beurre néo-zélandais - mais des choses qui ont aussi perturbé les marchés intérieurs européens. Donc, il est temps que T. Blair soit un peu plus européen."
Comment cela se passe entre vous et les syndicalistes britanniques ?
- "Lorsqu'on discute de politique agricole, ça va plutôt bien. D'ailleurs, je souligne que concernant la réforme de monsieur Fischler, nous étions tous d'accord, les Quinze Etats membres. Avec les Britanniques, on avait un vrai différend concernant l'embargo. Mon collègue britannique, Ben Gill, qui est le président de l'organisation anglaise, n'acceptait pas que nous n'importions pas de viande britannique. Donc, on avait un vrai différend, mais pas sur la politique agricole."
Cette politique agricole va quand même devoir évoluer, à terme. Qu'est-ce que la FNSEA va proposer dans les années qui viennent ? Vous avez été, comme tout le monde, surpris par l'accord de Bruxelles. Que faites-vous maintenant ?
- "Déjà, on va éviter de faire dans la précipitation. Nous avons aussi insisté sur le fait que les négociations à venir en matière d'Organisation mondiale du commerce ne soient pas non plus l'occasion de précipiter la réforme. Par contre, nous sommes favorables à discuter des adaptations indispensables. Nous voulons défendre une agriculture de qualité qui sécurise nos consommateurs."
Et cela nécessite les adaptations de quelle sorte ?
- "Il faut qu'il y ait une politique qui retrouve une vraie volonté d'une meilleure gestion des marchés, pour que l'on tire davantage notre revenu des prix agricoles, parce qu'on parle toujours des aides. Mais c'est vrai que si le revenu ne vient pas de la vente de nos produits, il y a forcément nécessité des aides. Donc, si on peut valoriser notre politique de qualité, valoriser cette politique de sécurité sanitaire de nos aliments, de l'environnement, du bien-être animal, je crois qu'il y a des choses à faire, et nous sommes prêts à discuter de tout cela."
L'Europe va s'élargir. Etes-vous déjà en contact avec les organisations agricoles de pays qui vont entrer à partir de 2004 ?
- "Nous n'avons effectivement pas attendu cette décision de la semaine dernière. Je suis personnellement allé en Pologne il y a quelques semaines. Le pays compte 2,5 millions d'agriculteurs avec beaucoup de petites exploitations."
Qui vont rentrer en pleine concurrence avec l'Europe telle qu'elle est ?
- "Qui vont rentrer en concurrence mais qui vont surtout avoir besoin de s'adapter, surtout sur le plan des structures notamment, donc de la dimension de leurs exploitations. Et puis ils vont devoir s'adapter aussi sur le plan de la qualité des produits. Nous ne pouvons pas avoir une Europe agricole à deux vitesses."
Qu'est-ce que vous conseillez aux Polonais ? De réduire le nombre de leurs exploitations ?
- "Non, je ne le leur conseille pas aujourd'hui. Simplement, il faut qu'ils mettent en place - et l'Europe peut les soutenir pour cela - un plan d'adaptation effectivement de leurs exploitations, mais il faut aussi que l'on intensifie nos relations. D'ailleurs, on a beaucoup d'échanges, notamment des échanges de formation, pour faire en sorte que l'expérience qui est la nôtre, l'évolution qu'a connue notre agriculture, puisse rapidement être acquise par les paysans polonais, hongrois ou les autres."
Autre sujet qui concerne l'Europe : vous allez, aujourd'hui, être auditionné par la Direction de la concurrence à Bruxelles en raison de la grille des prix que les professionnels de la viande avaient mis au point au plus fort de la crise de la vache folle ?
- "Je vais devoir m'expliquer devant la Direction de la concurrence, à Bruxelles, concernant les accords que nous avions passés avec les industriels français de la viande, pour défendre un prix payé aux producteurs en pleine crise, au moment où c'était le désespoir total dans nos campagnes. Nous ne comprenons pas comment Bruxelles remet en cause d'abord le droit syndical ..."
Ils disent qu'il y a eu entrave à la concurrence ?
- "... Et l'intérêt qu'il y a presque pour le bon ordre social également, à ce que les producteurs et nos entreprises essaient de tenir un prix extrêmement bas par ailleurs, mais à un prix quand même pour que les éleveurs ne désespèrent pas de leur métier, parce que c'était la situation en 2001. J'espère que nous serons compris."
Où en sont les relations entre les agriculteurs et la grande distribution ? Leur reprochez-vous toujours de faire que les prix baissent pour les producteurs et pas pour les consommateurs ?
- "Il faut le dire, les relations restent tendues, mais les faits nous donnent un peu raison, parce que plus personne ne conteste, aujourd'hui, le fait qu'il y ait eu des pratiques abusives en matière commerciale. J'espère que le Gouvernement saura faire appliquer la loi, une loi récente d'ailleurs dite sur les nouvelles régulations économiques, qui appelle à sanctionner ces pratiques abusives. Mais ce que nous voulons, c'est qu'enfin on nous entende sur le fait que produisant une agriculture de qualité, respectant l'environnement, cela ne va pas du tout de paire avec une politique de baisse de prix. Nous voulons qu'il y ait un vrai débat sur les marges, et que les marges ne soient pas seulement un seul maillon de la filière, c'est-à-dire au niveau de la grande distribution."
Vous pensez inévitables de nouvelles actions d'agriculteurs contre les centrales d'achat ?
- "Je pense que la pression ne va pas se relâcher ainsi."
(Source http://www,fnsea,fr, le 15 janvier 2003)