Conférence de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et entretiens avec les télévisions et RTL le 17 novembre, BFM le 19, sur l'intervention militaire de la Russie en Tchétchénie et les rapports de la Russie avec l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), à Istanbul le 19 novembre 1999.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du sommet de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Istanbul (Turquie) les 18 et 19 novembre 1999

Média : BFM - Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ENTRETIEN AVEC RTL à Istanbul le 17 novembre 1999
Si les choses durent comme cela, rien ne peut être écarté. Les uns et les autres ne pourront pas dire "on va continuer à coopérer avec la Russie comme si de rien n'était". Si les choses se poursuivent comme nous le voyons aujourd'hui malheureusement, la communauté internationale finira par se pose de vraies questions. Elle y sera obligée. C'est le souci de l'efficacité qui doit nous guider. Comment obtenir de la Russie elle-même qu'elle revienne à une gestion de cette affaire tchétchène qui soit compatible avec le monde actuel, avec les relations qu'elle a avec ses partenaires occidentaux et qui donc s'intègre dans le développement d'une grande Russie moderne et démocratique ? C'est cela que nous attendons d'eux. C'est pour cela que le rendez-vous d'Istanbul est très important./.
DECLARATION AUX RADIOS FRANCAISES à Istanbul le 17 novembre 1999
A l'occasion de ce sommet d'Istanbul, nous allons essayer encore de façon plus persuasive, que ces dernières semaines, de convaincre les Russes qu'ils font fausse route, et qu'ils font fausse route en Tchétchénie. Qu'ils se fourvoient comme je l'ai dit il y a quelques jours à l'Assemblée nationale. Que cette question de la Tchétchénie ne peut pas connaître une solution purement militaire, qu'ils doivent revenir sur le terrain politique, accepter de rechercher une solution politique, ce qui suppose d'accepter le dialogue. Et comme nous sommes à Istanbul pour un sommet de l'Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe, nous pensons que le cadre de ce sommet et même l'organisation, en elle-même, devrait fournir une possibilité pour eux d'accepter un dialogue politique./.
ENTRETIEN AVEC BFM à Paris le 19 novembre 1999
Avec les Russes, nous poursuivrons un dialogue politique très serré, très exigeant, dialogue au sommet, dialogue au niveau des ministres, échanges de toute nature, pour qu'ils continuent à entendre ce discours occidental et même international très cohérent sur la solution politique, et nous leur dirons à Istanbul, vous avez pris conscience de cette nécessité, il faut maintenant avancer. Vous avez accepter une visite du président de l'OSCE, il faut l'organiser. Vous avez parlé de dialogue à relancer, il faut arrêter de nous dire que vous ne trouvez pas d'interlocuteurs, quand on veut trouver des interlocuteurs, on les trouve, quelle que soit la situation politique. Nous allons le dire de façon pressante tout en continuant à nous inscrire dans une vision à long terme, responsable de nos rapports avec la Russie, où ne veut pas compliquer les problèmes de ce pays, on veut l'aider à être le plus vite possible le grand pays moderne, démocratique, pacifique que nous voulons avoir comme voisin. Voilà notre politique à long terme par rapport à la Russie. Mais on ne peut pas ignorer cette immense tragédie tchétchène et nous devons la traiter./.
ENTRETIEN AVEC LES RADIOS à Istanbul le 19 novembre 1999
Q - Je reprends sur le dénouement heureux et sur la nature du compromis passé aujourd'hui avec les Russes ?
R - La crise en Tchétchénie faisait que la France a pensé, quelques jours avant ce sommet que ce n'était pas possible de signer les documents qui avaient été préparés comme si de rien n'était. Les documents préparés, c'était un projet de traité qui modifie le traité antérieur sur les forces conventionnelles en Europe, et cela c'est dans notre intérêt. C'est un traité qui plafonne les forces et qui donne plus d'informations sur les troupes de chacun, c'est un élément de sécurité et de stabilité en Europe, je crois qu'il fallait le signer de toute façon. Mais, il y avait aussi une charte de sécurité qui, dans le cadre de l'OSCE, définissait un certain nombre de principes dont on voit bien qu'ils ne sont pas respectés dans cette affaire de la Tchétchénie. La France a donc pensé qu'il n'était pas possible de signer ce texte, comme si de rien n'était et qu'il fallait saisir l'occasion de ce rendez-vous d'Istanbul pour faire comprendre aux Russes qu'ils doivent bouger et notamment accepter d'entrer dans la recherche d'une solution politique. C'est ce que nous disons depuis des semaines, la solution purement militaire est une illusion, une illusion tragique et il faut qu'ils reviennent sur le terrain politique.
Cela se présentait difficilement, mais finalement, dans cette journée, après plusieurs heures de négociations au niveau des experts et au niveau des ministres des Affaires étrangères des principaux pays, nous avons obtenu des Russes des avancées sur plusieurs points clef, ce qui change complètement le contexte.
Q - Comment expliquez-vous ce retournement de M. Eltsine par rapport à son discours de ce matin ?
R - Je pense que le président Eltsine a fait un discours ferme et dur mais il a entendu les discours des autres et il a vu que, dans des styles et des tonalités différentes, les dirigeants des grands pays qui étaient là, les grands pays occidentaux, ont tous dit que, même si l'intégrité territoriale russe n'est pas contestée, ni la légitimité de la lutte contre le terrorisme, pour autant personne n'accepte cette escalade militaire indiscriminée et aveugle et personne ne croit à une solution purement militaire. Il l'a entendu sur tous les tons, je pense que cela l'a peut-être un peu provoqué, mais en même temps, peut-être fait bougé un peu, toujours est-il qu'avant de repartir, cet après-midi, il a donné des instructions à son ministre Igor Ivanov avec lequel nous avons travaillé pendant plusieurs heures. Au bout du compte, les Russes acceptent de voir mentionner dans la déclaration finale du sommet, les normes de l'OSCE, ce qu'ils n'acceptaient pas avant, de rappeler l'idée d'une solution politique qu'ils contestaient, l'idée d'un dialogue politique pour y parvenir qu'ils refusaient également, l'idée d'un rôle de l'OSCE dans ce dialogue pour arriver à la solution politique. Ils acceptent que l'on rappelle un mandat qui avait été confié avant à l'OSCE qui comporte un volet humanitaire mais aussi, un volet politique et enfin, ils acceptent, et ce n'est pas le moins important, une visite du président de l'OSCE, qui est aujourd'hui le ministre norvégien des Affaires étrangères, dans la région. Chacun de ces points sont des avancées, cela ne règle pas tout le problème, mais les Russes refusaient tous avant ce rendez-vous d'Istanbul et ce soir, nous les avons obtenus.
Voilà un contexte nouveau qui fait que nous devrions pouvoir signer cette charte et travailler ensuite à sa mise en oeuvre, ce qui ne se fera pas en un jour.
Q - A partir de ce document, comment va-t-on pouvoir travailler maintenant avec les Russes ?
R - Avec les Russes, nous poursuivrons un dialogue très serré, très exigeant, dialogue au sommet, au niveau des ministres, échanges de toute nature, pour qu'ils continuent à entendre ce discours occidental et même international très cohérent sur la solution politique. Et nous leur dirons : à Istanbul, vous avez pris conscience de cette nécessité, il faut maintenant avancer. Vous avez accepté une visite du président de l'OSCE, il faut l'organiser. Vous avez parlé de dialogue à relancer, il faut arrêter de nous dire que vous ne trouvez pas d'interlocuteurs ; lorsque l'on veut trouver des interlocuteurs, on les trouve, quelle que soit la situation politique. Nous allons le dire de façon pressante, tout en continuant à nous inscrire dans une vision à long terme, responsable de nos rapports avec la Russie. Nous ne voulons pas compliquer les problèmes de ce pays.
(...) J'ai vu M. Ivanov avant de quitter Istanbul. Je pense le revoir demain matin, et lui demander ce qu'il va faire de concret pour que les organisations compétentes puissent accéder aux différentes populations. Et ne vous cachez pas derrière les prétextes sur l'insécurité ou le fait qu'il n'y a pas de problèmes humanitaires, tout cela n'est pas exact, il nous faut des réponses. C'est un travail sans fin. Nous avons franchi une étape à Istanbul et nous allons maintenant, tout de suite préparer les étapes suivantes.
Q - On a l'impression qu'une crise majeure a été évitée à Istanbul. Est-ce votre sentiment ?
R - Non ce n'est pas mon sentiment. Peut-être d'autres délégations l'on eu, peut-être tel ou tel intervenant, il me semble que nous avons fait ce que nous devions faire par rapport à cette situation en Tchétchénie, que cette question de la signature de la charte se posait vraiment, ce n'était pas du tout un prétexte inventé pour créer une tension artificielle, c'était un vrai sujet qu'il fallait traiter. Que la Russie est par ailleurs un grand pays responsable et que, même si les dirigeants russes sont extrêmement mécontents d'être mis en cause ou interpellés de telle ou telle façon, ils savent aujourd'hui réinsérer cette tragédie tchétchène dans un ensemble plus vaste. La Russie a besoin de coopérer avec nous. C'est également son orientation stratégique, constamment confirmée par le président Eltsine, orientation confirmée également par tous les candidats à la présidence de l'an prochain en Russie. Je n'ai donc jamais cru un seul instant que la fermeté dont la France a pris l'initiative à l'occasion de ce Sommet d'Istanbul pour faire avancer les choses dans l'affaire tchétchène puisse conduire à une véritable crise.
Q - Cet après-midi, Boris Eltsine n'accorde que dix minutes au président Chirac et Gérard Schroeder et part en donnant rendez-vous, pour que les choses s'arrangent fin décembre. Une heure plus tard, vous nous dites que les choses se sont arrangées, que chacun y a mis du sien et que l'on est sorti de la crise qui permettra demain de signer tous ensemble la charte. Qu'est-ce que cela veut dire ?
R - Cela veut dire que la Russie a pris conscience, comme nous l'espérions, à Istanbul, qu'elle ne peut pas plus longtemps ignorer les réactions de la communauté internationale et notamment de ses principaux partenaires occidentaux qui disent depuis des semaines, sur un ton de plus en plus ferme, qu'une solution purement militaire en Tchétchénie est une illusion, une illusion tragique. Nous appelons la Russie, de plus en plus clairement à rechercher une solution politique par le dialogue. Je crois qu'aujourd'hui à Istanbul, même si Boris Eltsine était lui-même plutôt dur dans sa propre intervention, il a entendu les autres interventions. Et c'est pour cela qu'avant de partir, après avoir eu les différents entretiens prévus, il a donné des instructions à son ministre des Affaires étrangères Igor Ivanov qui ont permis, que nous ayons finalement en fin d'après-midi, atteint un résultat qui est acceptable, qui permet finalement de signer cette charte, ce qui aurait été impossible sans ces progrès.
Q - Vous dites acceptable, mais il n'y a rien de très concret, cela signifie-t-il que tout est encore à faire ?
R - C'est un travail sans fin et tant que l'affaire de la Tchétchénie n'aura pas trouvé une solution politique stable et durable, ce travail de dialogue, de pression amenant à une incitation devra continuer. Il n'empêche que les Russes aujourd'hui ont accepté un certain nombre de choses qu'ils refusaient totalement jusqu'à aujourd'hui, y compris dans le discours du président Eltsine ce matin. Il y a donc de vrais progrès : le fait d'accepter le rôle de l'OSCE par exemple, dans la relance du dialogue politique pour aboutir à une solution politique, c'était des choses qui étaient complètement exclues. Il y a donc là un changement. Le fait d'accepter que le président de l'OSCE puisse se rendre en mission dans la région, à un moment qui reste encore à préciser, c'est tout à fait nouveau, la Russie le refusait complètement. Ce sont des éléments, des progrès, je ne dis pas que c'est la solution de ce drame, il y a fort à faire encore bien sûr, mais c'est une véritable avancée, ce qui fait que cette charte sur la sécurité, préparée dans le cadre de l'OSCE peut être signée dans ces conditions, puisque nous avons obtenu ces progrès./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 novembre 1999)
CONFERENCE DE PRESSE LORS DE LA CLOTURE DU SOMMET DE L'OSCE à Istanbul le 19 novembre 1999
Il ne faut pas laisser passer le Sommet d'Istanbul sans essayer de progresser sur la Tchétchénie et de garder dans nos relations avec la Russie une attitude toujours responsable et une solution à long terme. Cela n'empêche pas de mettre "les points sur les i" quand il le faut. Vous avez entendu le discours, les interventions, notamment celle du président, c'est le cas aussi de celle du chancelier. On peut dire qu'elles sont très proches et plusieurs autres interventions européennes insistent sur ce point. Certains très explicitement, comme le président, d'autres de façon indirecte, tous insistent sur le fait que si l'on veut que la charte européenne qui nous est proposée ait un sens, une signification, il faut que les Russes fassent une ouverture. La journée est difficile car il n'y a pas d'ouverture dans le discours de Boris Eltsine et c'est pour cela que la journée entière s'est passée en tractations faisant suite aux discussions commencées hier soir, à la fois le travail des directeurs politiques, négociations non-stop des ministres américain, anglais, allemand, italien français et russe et les entretiens bilatéraux qui ont bouclés cette journée. Au bout du compte, nous venons d'arriver, il y a une heure, au cours d'une réunion des ministres Albright, Ivanov, Cook, Dini, Fischer et moi, à un texte. Il nous semble que nous avons obtenu le maximum de ce qu'il est possible d'obtenir dans ce contexte. Nous avons obtenu dans la déclaration finale qui va conclure le sommet, dans le paragraphe qui concerne la Tchétchénie, un certain nombre d'engagements russes que nous n'avions pas jusqu'à présent. Ils n'étaient pas ce matin dans le discours de M. Eltsine, nous les avons obtenu en fin d'après-midi. Cela s'est fait après même le départ de M. Eltsine qui est parti un peu plus tôt que prévu et qui a longuement parlé avec M. Ivanov avant de partir. Et M. Ivanov a été en contact téléphonique par la suite pour s'assurer de ce qu'il pouvait dire ou non.
Pourquoi considérons-nous que nous avons créé un nouveau contexte qui fait que l'on peut maintenant signer cette charte ? Nous avons obtenu dans ce texte une référence aux normes de l'OSCE, nous avons obtenu une référence aux caractères essentiels d'une solution politique, nous avons obtenu une référence à la relance du dialogue politique et au rôle de l'OSCE dans le dialogue politique, au mandat existant de l'OSCE, ce qui n'est pas négligeable parce que ce mandat n'est pas qu'humanitaire. A l'origine, il y avait le volet du cessez-le-feu, la recherche d'une solution politique et le volet humanitaire et nous avons obtenu une référence à l'accord de la Russie pour une visite du président de l'OSCE dans la région.
Q - Autour de la Tchétchénie ou en Tchétchénie ?
R - La région englobe la Tchétchénie.
Q - C'est humanitaire ?
R - Non, ce n'est pas humanitaire, nous sommes bien sur le terrain du dialogue, de la solution politique.
Q - La date de la visite est-elle fixée ?
R - Non, mais nous avons réfléchi, nous nous sommes consultés, nous n'apportons pas de solution immédiate aux problèmes, mais il nous semble que nous ne sommes pas dans la situation où nous aurions été si nous avions signé la charte seulement parce qu'elle avait été préparée, et parce qu'à long terme, elle peut avoir de bons effets, bref que nous ayons signé comme si de rien n'était.
Q - Vous allez signer les deux documents demain, la charte et le traité CFE adopté ?
R - Je ne vous parle pas du volet CFE, le fait est, je pense que nous aurons l'occasion de revenir là-dessus pour parler du traité parce qu'il y a quelques discussions qui se poursuivent avec certains des pays qui ont encore de problèmes par rapport au traité. Moi, je ne vous parle que de la situation dans laquelle nous aurions été si nous avions signé la charte comme si de rien était alors qu'il y avait des contradictions majeures entre son contenu et les nouveaux éléments sur le terrain que nous connaissons. C'est une situation que la France a refusé et c'est la France qui a pris l'initiative de cette position à la fois très ferme et très claire, et en même temps c'est une position qui est parfaitement responsable par rapport aux relations que l'on peut avoir avec la Russie, et au type d'influence que l'on peut avoir avec la Russie.
Q - La Tchétchénie est bien mentionnée nommément dans le paragraphe ?
R - Oui cela ne porte que là-dessus. C'est en rapport avec les récents événements qui se sont produits dans le nord Caucase.
Q - Il y a des normes qui font que la nouvelle charte de sécurité européenne s'appliquera également ?
R - Non, il y a des normes de l'OSCE qui sont antérieures à la charte, la charte est un perfectionnement. L'OSCE repose sur un certain nombre de principes, sur les relations entre Etats, il y a même un certain nombre de principes qui vont au-delà des relations entre Etats. C'est un rappel, ce n'est pas l'essentiel du texte, il se fait que dans ce contexte, nous avons rappelé le principe de respect des normes.
Q - Et sur le volet humanitaire ?
R - Bien sûr il est mentionné, mais ce n'était pas le coeur de la discussion même si c'est très important. Le coeur de la discussion c'est la solution politique, c'est la différence entre une solution militaire et une solution politique. Pour une solution politique, il faut savoir qui commande, qui intervient, l'OSCE joue-t-elle un rôle et c'est là où on les a fait bouger. Entre le discours de M. Eltsine ce matin et la discussion dont je sors, je vous confirme qu'il y a eu un mouvement, un mouvement dont vous apprécierez la portée mais il y a eu mouvement.
Q - Vous l'interprétez comment ce mouvement ?
R - Je pense qu'à la faveur de ce sommet, les Russes sont un peu sortis d'un certain enfermement, ils sont dans cette crise terrible pour eux, terrible compte tenu du fait qu'ils ont le sentiment que c'est l'intégrité du pays qui est en jeu, le terrorisme et en même temps, vous en connaissez les effets en matière de politique intérieure russe, vous lisez les sondages en Russie et tout cela débrouille un peu la situation. Ils n'ont pas eu énormément de contacts avec le monde extérieur au cours des dernières semaines, M. Ivanov a fait quelques voyages en Europe et je vous rappelle qu'à l'occasion de son passage à Paris, il a fait une déclaration sur le dialogue politique. Cela n'a pas été confirmé après. Donc, les Russes sont dans ce drame, dans cette tragédie nationale, se parlent entre eux et ont un peu rapidement considéré que les déclarations occidentales étaient une sorte de machine antirusse ; ce n'est évidemment pas le cas. Aucun pays occidental n'a l'intention de mettre en péril ses relations à long terme avec la Russie, tout simplement parce que c'est notre intérêt de contribuer à ce que la Russie devienne un grand pays moderne, démocratique et pacifique, etc. C'est notre intérêt bien compris simplement, il y a une contradiction difficile. Nous sortons de ce contexte ; le président Eltsine a fait un discours carré, a quand même écouté les autres discours, les entretiens avec le président Clinton, Chirac, le chancelier allemand, d'autres... Et ce que je disais ces derniers temps, et je l'ai dit plusieurs fois à l'Assemblée, que nous espérons et nous pensons qu'à la faveur d'Istanbul, les Russes comprendront qu'ils ne peuvent pas plus longtemps encore s'abstraire complètement de la réaction internationale qui ne leur est pas hostile mais qui veut les amener à se retirer d'un guêpier, de sortir d'une erreur tragique, s'est vérifié je crois. Je crois que cet effet a joué.
Q - L'attitude du président Eltsine tout l'heure, lorsqu'il est parti au bout de 10 minutes après avoir convoqué en quelque sorte le président Chirac et le chancelier Schröder à Paris, à la date qui lui convenait n'est-elle pas beaucoup plus forte que ces concessions, qui restent quand même au niveau de principes très vagues ? Ce sont des principes, de bonnes intentions, mais à part la visite du président de l'OSCE, vous le dites vous-même, on appréciera comme on le veut cette avancée. Cela en est une mais, eu égard à l'attitude-même d'Eltsine, n'est-ce pas peu de choses ?
R - Non, je ne crois pas. Concernant les textes, il faut trouver le bon niveau pour apprécier, on peut penser que ce sont des paroles verbales et que, de l'autre, c'est un non, mais en fait la position russe est quelque part entre les deux. On sait très bien que dans ce genre d'affaires, le travail politique ou diplomatique ne s'arrête jamais. Notre travail à Istanbul, par rapport à cette question de la Tchétchénie, c'est de construire la suite et sur chacun des points que je vous ai cités, il y a un travail à faire, à l'intérieur d'un dialogue avec la Russie, un dialogue exigeant, un dialogue qui vise vraiment à leur faire comprendre qu'ils ne peuvent pas se soustraire aux engagements qu'ils viennent de prendre. C'est un premier pas, on ne va pas s'arrêter, pour trouver la bonne mesure. Il ne faut pas considérer que ce n'est rien si ce n'était rien, on ne voit pas pourquoi ils auraient refusé obstinément les différents engagements ou les mots clefs que je viens de citer. Jusqu'à hier, et ce matin, c'était impossible. Il n'y avait aucun de ces mots dans le discours d'Eltsine. Si c'était facile comme cela de donner quelques concessions verbales pour que les Occidentaux les laissent tranquilles, ils l'auraient fait avant. Durant la journée, le président Eltsine a du rentrer plus tôt pour différentes raisons. Il a quand même eu des entretiens, il n'est pas parti brusquement, il a vu le président Chirac et le chancelier Schröder en même temps. A cette occasion, il a lancé l'idée d'une nouvelle rencontre fin décembre, le président vous dira lui-même que ce sera une bonne occasion pour faire le point sur ce qui aura été dit aujourd'hui. Donc, tout cela n'est pas contradictoire, cela n'infirme rien, il est parti en ayant donné un mandat à M. Ivanov.
Q - Mais, l'amplitude du mouvement que vous avez évoqué est très étroite, est-ce que dans les discussions à venir, cette amplitude va permettre de vous appuyer sur ce texte pour le faire progresser ?
R - C'est un effort sans fin mais il faut comparer avec la situation dans laquelle nous serions si nous avions signé la charte comme si de rien était, ce qui était la position d'à peu près tous nos partenaires, si la France n'avait pas posé ce problème. Est-on dans une meilleure situation aujourd'hui pour maintenir notre pression, pour nous montrer exigeants, pour continuer notre effort, pour convaincre les Russes qu'il faut procéder autrement ? Je crois que oui. D'autre part, cela s'est passé à Istanbul, il y a donc une grande résonance, les échanges ont eu lieu devant ce rassemblement considérable de 54 Etats. D'une certaine façon, l'affaire de la Tchétchénie n'a pas été traitée comme une affaire strictement intérieure, même par le président russe. Lorsqu'il décide de saisir l'occasion de cette audience et de ce public pour expliquer pourquoi les Russes ont raison d'agir ainsi, il prouve bien lui-même, par sa propre démarche, il démontre bien qu'il éprouve le besoin d'expliquer, de convaincre ou de se justifier. Tout cela laissera des traces et il me semble que dans cette crise tchétchène, nous avons quand franchi un palier et que ce sommet aura été sur ce plan positif.
Q - Est-ce que de toute façon, il y avait un paragraphe sur la Tchétchénie qui était prévu mais que les Russes auraient voulu très édulcoré, ou est-ce que le seul fait d'introduire un passage sur la Tchétchénie, c'est une avancée ?
R - Il y avait quelques lignes sur la Tchétchénie.
Q - Mais, avec qui peut-on négocier en Tchétchénie ?
R - Notre rôle n'est pas de nous substituer aux Russes, nous ne sommes pas en train de dire que nous allons faire les choses à leur place, nous n'allons pas leur dicter de plan. Nous disons que l'idée d'une solution purent militaire durable est une illusion, une illusion tragique avec les conséquences humaines que cela entraîne pour les populations. On leur dit en plus que c'est en contradiction avec leurs orientations de politique générale, avec les textes qu'ils ont déjà signés, avec ceux que nous allons signer ensemble en espérant que ce sera la base de progrès nouveaux. Il y a donc une contradiction majeure, il faut en sortir. Mais, ce n'est pas à nous de leur dicter les conditions de la négociation. Mais, lorsque nous sommes dans des situations comme cela, même si je ne compare avec aucune autre, on entend toujours des arguments selon lesquels il n'y a pas d'interlocuteur. Ce n'est pas possible : d'abord, il y a un président tchétchène dont la légalité n'est pas contestable et ce n'est pas à nous d'entrer dans les considérations du fait de savoir s'il est représentatif ou non, il est président, c'est une république autonome il n'y a pas de souveraineté internationale. On ne peut pas se laisser arrêter par cet argument trop utilisé, trop usé, de l'absence d'interlocuteur. La solution politique est dans l'intérêt de la Russie, dans l'intérêt des Tchétchènes et de toute la région et s'ils cherchent une nouvelle méthode militaire, ce n'est pas la bonne.
Q - Lorsque le président Eltsine est parti, il avait ce sentiment de l'imminence d'un dénouement heureux, lorsqu'il va arriver à Moscou dans deux heures, ne changera-t-il pas ?
R - Non, il a retenu un long moment Igor Ivanov avant de partir et M. Ivanov je crois a eu des contacts avec le premier ministre russe.
Q - Concernant la visite du président de l'OSCE, y a-t-il une date ? Un délai ?
R - Non, c'est totalement ouvert et cela veut dire que nous allons poursuivre notre travail sur chacun des points. je ne cherche pas à vous dire que l'on a réglé le problème tchétchène, on ne vous dira certainement pas cela demain, je dis simplement que nous étions au sommet d'Istanbul et nous ne pouvions pas l'aborder comme si de rien était. Cette question de la charte posait un problème très particulier et nous nous sommes servi de cette circonstance et je crois que nous aurons atteint des résultats que l'on ne mesurera qu'avec un peu de recul, y compris sans doute, les perceptions par les Russes, qui ont entendu qu'ils doivent tenir compte, de cette pression internationale très forte.
Q - Peut-on avoir un commentaire sur l'accord gazier et pétrolier signé, certes en marge, mais qui s'inscrit dans ce contexte ?
R - Il est trop en marge pour que je vous le commente. Cela nous renvoie aux multiples dimensions des affaires du Caucase./.
CONFERENCE DE PRESSE LORS DE LA CLOTURE DU SOMMET DE L'OSCE à Istanbul le 19 novembre 1999
Il ne faut pas laisser passer le Sommet d'Istanbul sans essayer de progresser sur la Tchétchénie et de garder dans nos relations avec la Russie une attitude toujours responsable et une solution à long terme. Cela n'empêche pas de mettre "les points sur les i" quand il le faut. Vous avez entendu le discours, les interventions, notamment celle du président, c'est le cas aussi de celle du chancelier. On peut dire qu'elles sont très proches et plusieurs autres interventions européennes insistent sur ce point. Certains très explicitement, comme le président, d'autres de façon indirecte, tous insistent sur le fait que si l'on veut que la charte européenne qui nous est proposée ait un sens, une signification, il faut que les Russes fassent une ouverture. La journée est difficile car il n'y a pas d'ouverture dans le discours de Boris Eltsine et c'est pour cela que la journée entière s'est passée en tractations faisant suite aux discussions commencées hier soir, à la fois le travail des directeurs politiques, négociations non-stop des ministres américain, anglais, allemand, italien français et russe et les entretiens bilatéraux qui ont bouclés cette journée. Au bout du compte, nous venons d'arriver, il y a une heure, au cours d'une réunion des ministres Albright, Ivanov, Cook, Dini, Fischer et moi, à un texte. Il nous semble que nous avons obtenu le maximum de ce qu'il est possible d'obtenir dans ce contexte. Nous avons obtenu dans la déclaration finale qui va conclure le sommet, dans le paragraphe qui concerne la Tchétchénie, un certain nombre d'engagements russes que nous n'avions pas jusqu'à présent. Ils n'étaient pas ce matin dans le discours de M. Eltsine, nous les avons obtenu en fin d'après-midi. Cela s'est fait après même le départ de M. Eltsine qui est parti un peu plus tôt que prévu et qui a longuement parlé avec M. Ivanov avant de partir. Et M. Ivanov a été en contact téléphonique par la suite pour s'assurer de ce qu'il pouvait dire ou non.
Pourquoi considérons-nous que nous avons créé un nouveau contexte qui fait que l'on peut maintenant signer cette charte ? Nous avons obtenu dans ce texte une référence aux normes de l'OSCE, nous avons obtenu une référence aux caractères essentiels d'une solution politique, nous avons obtenu une référence à la relance du dialogue politique et au rôle de l'OSCE dans le dialogue politique, au mandat existant de l'OSCE, ce qui n'est pas négligeable parce que ce mandat n'est pas qu'humanitaire. A l'origine, il y avait le volet du cessez-le-feu, la recherche d'une solution politique et le volet humanitaire et nous avons obtenu une référence à l'accord de la Russie pour une visite du président de l'OSCE dans la région.
Q - Autour de la Tchétchénie ou en Tchétchénie ?
R - La région englobe la Tchétchénie.
Q - C'est humanitaire ?
R - Non, ce n'est pas humanitaire, nous sommes bien sur le terrain du dialogue, de la solution politique.
Q - La date de la visite est-elle fixée ?
R - Non, mais nous avons réfléchi, nous nous sommes consultés, nous n'apportons pas de solution immédiate aux problèmes, mais il nous semble que nous ne sommes pas dans la situation où nous aurions été si nous avions signé la charte seulement parce qu'elle avait été préparée, et parce qu'à long terme, elle peut avoir de bons effets, bref que nous ayons signé comme si de rien n'était.
Q - Vous allez signer les deux documents demain, la charte et le traité CFE adopté ?
R - Je ne vous parle pas du volet CFE, le fait est, je pense que nous aurons l'occasion de revenir là-dessus pour parler du traité parce qu'il y a quelques discussions qui se poursuivent avec certains des pays qui ont encore de problèmes par rapport au traité. Moi, je ne vous parle que de la situation dans laquelle nous aurions été si nous avions signé la charte comme si de rien était alors qu'il y avait des contradictions majeures entre son contenu et les nouveaux éléments sur le terrain que nous connaissons. C'est une situation que la France a refusé et c'est la France qui a pris l'initiative de cette position à la fois très ferme et très claire, et en même temps c'est une position qui est parfaitement responsable par rapport aux relations que l'on peut avoir avec la Russie, et au type d'influence que l'on peut avoir avec la Russie.
Q - La Tchétchénie est bien mentionnée nommément dans le paragraphe ?
R - Oui cela ne porte que là-dessus. C'est en rapport avec les récents événements qui se sont produits dans le nord Caucase.
Q - Il y a des normes qui font que la nouvelle charte de sécurité européenne s'appliquera également ?
R - Non, il y a des normes de l'OSCE qui sont antérieures à la charte, la charte est un perfectionnement. L'OSCE repose sur un certain nombre de principes, sur les relations entre Etats, il y a même un certain nombre de principes qui vont au-delà des relations entre Etats. C'est un rappel, ce n'est pas l'essentiel du texte, il se fait que dans ce contexte, nous avons rappelé le principe de respect des normes.
Q - Et sur le volet humanitaire ?
R - Bien sûr il est mentionné, mais ce n'était pas le coeur de la discussion même si c'est très important. Le coeur de la discussion c'est la solution politique, c'est la différence entre une solution militaire et une solution politique. Pour une solution politique, il faut savoir qui commande, qui intervient, l'OSCE joue-t-elle un rôle et c'est là où on les a fait bouger. Entre le discours de M. Eltsine ce matin et la discussion dont je sors, je vous confirme qu'il y a eu un mouvement, un mouvement dont vous apprécierez la portée mais il y a eu mouvement.
Q - Vous l'interprétez comment ce mouvement ?
R - Je pense qu'à la faveur de ce sommet, les Russes sont un peu sortis d'un certain enfermement, ils sont dans cette crise terrible pour eux, terrible compte tenu du fait qu'ils ont le sentiment que c'est l'intégrité du pays qui est en jeu, le terrorisme et en même temps, vous en connaissez les effets en matière de politique intérieure russe, vous lisez les sondages en Russie et tout cela débrouille un peu la situation. Ils n'ont pas eu énormément de contacts avec le monde extérieur au cours des dernières semaines, M. Ivanov a fait quelques voyages en Europe et je vous rappelle qu'à l'occasion de son passage à Paris, il a fait une déclaration sur le dialogue politique. Cela n'a pas été confirmé après. Donc, les Russes sont dans ce drame, dans cette tragédie nationale, se parlent entre eux et ont un peu rapidement considéré que les déclarations occidentales étaient une sorte de machine antirusse ; ce n'est évidemment pas le cas. Aucun pays occidental n'a l'intention de mettre en péril ses relations à long terme avec la Russie, tout simplement parce que c'est notre intérêt de contribuer à ce que la Russie devienne un grand pays moderne, démocratique et pacifique, etc. C'est notre intérêt bien compris simplement, il y a une contradiction difficile. Nous sortons de ce contexte ; le président Eltsine a fait un discours carré, a quand même écouté les autres discours, les entretiens avec le président Clinton, Chirac, le chancelier allemand, d'autres... Et ce que je disais ces derniers temps, et je l'ai dit plusieurs fois à l'Assemblée, que nous espérons et nous pensons qu'à la faveur d'Istanbul, les Russes comprendront qu'ils ne peuvent pas plus longtemps encore s'abstraire complètement de la réaction internationale qui ne leur est pas hostile mais qui veut les amener à se retirer d'un guêpier, de sortir d'une erreur tragique, s'est vérifié je crois. Je crois que cet effet a joué.
Q - L'attitude du président Eltsine tout l'heure, lorsqu'il est parti au bout de 10 minutes après avoir convoqué en quelque sorte le président Chirac et le chancelier Schröder à Paris, à la date qui lui convenait n'est-elle pas beaucoup plus forte que ces concessions, qui restent quand même au niveau de principes très vagues ? Ce sont des principes, de bonnes intentions, mais à part la visite du président de l'OSCE, vous le dites vous-même, on appréciera comme on le veut cette avancée. Cela en est une mais, eu égard à l'attitude-même d'Eltsine, n'est-ce pas peu de choses ?
R - Non, je ne crois pas. Concernant les textes, il faut trouver le bon niveau pour apprécier, on peut penser que ce sont des paroles verbales et que, de l'autre, c'est un non, mais en fait la position russe est quelque part entre les deux. On sait très bien que dans ce genre d'affaires, le travail politique ou diplomatique ne s'arrête jamais. Notre travail à Istanbul, par rapport à cette question de la Tchétchénie, c'est de construire la suite et sur chacun des points que je vous ai cités, il y a un travail à faire, à l'intérieur d'un dialogue avec la Russie, un dialogue exigeant, un dialogue qui vise vraiment à leur faire comprendre qu'ils ne peuvent pas se soustraire aux engagements qu'ils viennent de prendre. C'est un premier pas, on ne va pas s'arrêter, pour trouver la bonne mesure. Il ne faut pas considérer que ce n'est rien si ce n'était rien, on ne voit pas pourquoi ils auraient refusé obstinément les différents engagements ou les mots clefs que je viens de citer. Jusqu'à hier, et ce matin, c'était impossible. Il n'y avait aucun de ces mots dans le discours d'Eltsine. Si c'était facile comme cela de donner quelques concessions verbales pour que les Occidentaux les laissent tranquilles, ils l'auraient fait avant. Durant la journée, le président Eltsine a du rentrer plus tôt pour différentes raisons. Il a quand même eu des entretiens, il n'est pas parti brusquement, il a vu le président Chirac et le chancelier Schröder en même temps. A cette occasion, il a lancé l'idée d'une nouvelle rencontre fin décembre, le président vous dira lui-même que ce sera une bonne occasion pour faire le point sur ce qui aura été dit aujourd'hui. Donc, tout cela n'est pas contradictoire, cela n'infirme rien, il est parti en ayant donné un mandat à M. Ivanov.
Q - Mais, l'amplitude du mouvement que vous avez évoqué est très étroite, est-ce que dans les discussions à venir, cette amplitude va permettre de vous appuyer sur ce texte pour le faire progresser ?
R - C'est un effort sans fin mais il faut comparer avec la situation dans laquelle nous serions si nous avions signé la charte comme si de rien était, ce qui était la position d'à peu près tous nos partenaires, si la France n'avait pas posé ce problème. Est-on dans une meilleure situation aujourd'hui pour maintenir notre pression, pour nous montrer exigeants, pour continuer notre effort, pour convaincre les Russes qu'il faut procéder autrement ? Je crois que oui. D'autre part, cela s'est passé à Istanbul, il y a donc une grande résonance, les échanges ont eu lieu devant ce rassemblement considérable de 54 Etats. D'une certaine façon, l'affaire de la Tchétchénie n'a pas été traitée comme une affaire strictement intérieure, même par le président russe. Lorsqu'il décide de saisir l'occasion de cette audience et de ce public pour expliquer pourquoi les Russes ont raison d'agir ainsi, il prouve bien lui-même, par sa propre démarche, il démontre bien qu'il éprouve le besoin d'expliquer, de convaincre ou de se justifier. Tout cela laissera des traces et il me semble que dans cette crise tchétchène, nous avons quand franchi un palier et que ce sommet aura été sur ce plan positif.
Q - Est-ce que de toute façon, il y avait un paragraphe sur la Tchétchénie qui était prévu mais que les Russes auraient voulu très édulcoré, ou est-ce que le seul fait d'introduire un passage sur la Tchétchénie, c'est une avancée ?
R - Il y avait quelques lignes sur la Tchétchénie.
Q - Mais, avec qui peut-on négocier en Tchétchénie ?
R - Notre rôle n'est pas de nous substituer aux Russes, nous ne sommes pas en train de dire que nous allons faire les choses à leur place, nous n'allons pas leur dicter de plan. Nous disons que l'idée d'une solution purent militaire durable est une illusion, une illusion tragique avec les conséquences humaines que cela entraîne pour les populations. On leur dit en plus que c'est en contradiction avec leurs orientations de politique générale, avec les textes qu'ils ont déjà signés, avec ceux que nous allons signer ensemble en espérant que ce sera la base de progrès nouveaux. Il y a donc une contradiction majeure, il faut en sortir. Mais, ce n'est pas à nous de leur dicter les conditions de la négociation. Mais, lorsque nous sommes dans des situations comme cela, même si je ne compare avec aucune autre, on entend toujours des arguments selon lesquels il n'y a pas d'interlocuteur. Ce n'est pas possible : d'abord, il y a un président tchétchène dont la légalité n'est pas contestable et ce n'est pas à nous d'entrer dans les considérations du fait de savoir s'il est représentatif ou non, il est président, c'est une république autonome il n'y a pas de souveraineté internationale. On ne peut pas se laisser arrêter par cet argument trop utilisé, trop usé, de l'absence d'interlocuteur. La solution politique est dans l'intérêt de la Russie, dans l'intérêt des Tchétchènes et de toute la région et s'ils cherchent une nouvelle méthode militaire, ce n'est pas la bonne.
Q - Lorsque le président Eltsine est parti, il avait ce sentiment de l'imminence d'un dénouement heureux, lorsqu'il va arriver à Moscou dans deux heures, ne changera-t-il pas ?
R - Non, il a retenu un long moment Igor Ivanov avant de partir et M. Ivanov je crois a eu des contacts avec le premier ministre russe.
Q - Concernant la visite du président de l'OSCE, y a-t-il une date ? Un délai ?
R - Non, c'est totalement ouvert et cela veut dire que nous allons poursuivre notre travail sur chacun des points. je ne cherche pas à vous dire que l'on a réglé le problème tchétchène, on ne vous dira certainement pas cela demain, je dis simplement que nous étions au sommet d'Istanbul et nous ne pouvions pas l'aborder comme si de rien était. Cette question de la charte posait un problème très particulier et nous nous sommes servi de cette circonstance et je crois que nous aurons atteint des résultats que l'on ne mesurera qu'avec un peu de recul, y compris sans doute, les perceptions par les Russes, qui ont entendu qu'ils doivent tenir compte, de cette pression internationale très forte.
Q - Peut-on avoir un commentaire sur l'accord gazier et pétrolier signé, certes en marge, mais qui s'inscrit dans ce contexte ?
R - Il est trop en marge pour que je vous le commente. Cela nous renvoie aux multiples dimensions des affaires du Caucase./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 novembre 1999)