Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, à "LCI" le 11 juillet 2002, sur la réalisation du TGV Est, les conflits dans les transports aériens et notamment sur la question d'une mise en concurrence des contrôleurs aériens.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser Vous êtes le seul ministre UDF de ce Gouvernement...
- "Je vous rappelle que J.-P. Raffarin vient de l'UDF."
Oui, mais il est UMP aujourd'hui ; vous êtes UDF "pur sucre", si je puis dire. Dès votre entrée en fonction, vous aviez émis des réserves sur l'amnistie ; vous êtes content que vos amis politique aient voté contre ?
- "Ce qui est dit est dit. Il y avait une coutume et à la suite de cette coutume, il y a eu une promesse, il faut la respecter. Après la promesse, il y a eu un débat, c'est celui de l'Assemblée nationale, avec une restriction de cette amnistie. Je suis sûr que l'amnistie a vécu. C'est probablement la dernière fois qu'il y aura une amnistie. Donc, il y a eu un cheminement des pensées, des promesses et des textes législatifs qui, aujourd'hui, aboutissent à une restriction, et probablement à la dernière amnistie en France et du Parlement."
Si vous aviez été UDF, vous auriez voté contre ?
- "Je n'étais pas député, mais avant d'être ministre, je me suis exprimé contre cette amnistie. Par conséquent, je n'ai pas varié, surtout en tant que ministre de la Sécurité routière, j'avais aussi le devoir de rappeler qu'il y avait beaucoup de morts sur les routes à cause des infractions, à cause de la prévision d'amnistie."
Un mot sur la majorité : la pluralité existe-t-elle vraiment ? Est-ce que vous arrivez à vous faire entendre ?
- "Bien entendu, sinon pourquoi venir au Gouvernement ? J.-P. Raffarin n'était pas obligé de me demander de rentrer au Gouvernement. J'espère simplement apporter une petite valeur ajoutée, une petite plus-value, à cause de ma famille politique."
Sur quoi ?
-"Sur ma sensibilité, on n'est pas des clones au Gouvernement, ni dans la majorité. Donc il y a une certaine diversité."
On ne voit pas bien quelle est la différence...
- "Si vous ne la voyez pas, vous la verrez peut-être au cours des cinq années qui viennent."
On attend... On commence avec une mauvaise nouvelle ce matin, puisque le TGV Est prend du retard. On invoque bien sûr les problèmes financiers...
- "Il a pris du retard. Ce n'est pas depuis que nous sommes au Gouvernement, les uns et les autres, qu'il a pris du retard. C'est depuis des années qu'il prend chaque année un peu de retard."
Cela peut continuer indéfiniment...
- "Non, cela ne va pas continuer indéfiniment. Aujourd'hui, l'objectif est qu'il soit terminé en juin 2007."
Mais terminé comment et avec quel argent ?
- "Avec, hélas, de l'argent public, qu'il vienne des régions, des départements, de l'Etat, c'est toujours le contribuable qui paie. Il y a des surcoûts - c'est un des héritages de mon ministère - de l'ordre de 10 % et il y a un an de retard. Néanmoins, j'espère qu'on oubliera tout cela quand il ouvrira, parce que je crois qu'il rendra énormément de services pour relier l'est de la France à la capitale."
La volonté politique existe pour réaliser cet ouvrage ?
- "Oui, elle existe, on peut vraiment dire qu'il n'y aurait pas eu de TGV Est s'il n'y avait pas d'abord eu la volonté, la puissance de conviction des élus locaux, des régions Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne. D'ailleurs, ils participent à cet ouvrage. Et s'ils n'y avaient pas leur volonté et leur participation, il n'aurait pas pu se faire."
Est-ce que ce n'est pas un peu le mauvais côté de la décentralisation, c'est-à-dire, "si vous le voulez, payez" ?
- "Je crois que c'est le bon côté de la décentralisation. S'il n'y avait pas les coparticipants régionaux et quelquefois départementaux, l'Etat ne pourrait pas à lui seul faire des infrastructures aussi lourdes que le TGV Est. Toute la problématique à venir pour les grands équipements, est de savoir à quel point localement - au sens large - on en veut, à quelle hauteur on peut participer pour abonder les crédits d'Etat, les fonds publics."
On a le sentiment que la donne change un peu en cours de route et cela m'amène à poser la question sur votre budget : est-ce que vous serez obligé de tailler dedans comme tous les ministres, puisque votre ministère ne relève pas de la sécurité ni de la justice ?
- "Je sais tailler dans les budgets et j'ai démontré dans ma ville que je savais tailler dans le fonctionnement pour pouvoir faire de l'investissement. Mon budget est énormément tourné vers l'investissement, les infrastructures, les équipements, les transports, le logement. Je sais bien qu'il y a une priorité aujourd'hui en France qui est la sécurité, la justice et les emplois des jeunes. Mais si on arrêtait les investissements en France ou si on les freinait, alors que ce sont beaucoup d'investissements locaux, régionaux fait avec des fonds d'Etat, régionaux et départementaux, je crois que ce serait gravissime pour l'emploi et la croissance, parce que tous ces travaux portent et boostent la croissance et donc, cela serait gravissime pour l'Etat, qui, avec moins de croissance, aurait moins de recettes pour faire de la sécurité, de la justice et de l'emploi pour les jeunes."
Vous êtes en campagne pour votre budget !
- "C'est une règle économique évidente, ce n'est pas une règle comptable. Comptablement, on pourrait dire qu'il n'y a qu'à tailler dans tous les budgets ; je suis prêt à tailler aussi dans le mien, là où il a trop de fonctionnement le cas échéant. Je dis simplement que quand on taille dans l'investissement, que ce soit dans mon ministère ou dans un autre, on a moins de croissance au bout, moins d'emplois et moins de recettes ."
Est-il prudent de prendre l'avion aujourd'hui ? Il y a le problème des agents de sécurité qui se mettent en grève au moment des vacances, on découvre que ces agents de sécurité sont des agents de services extérieurs et il y a la question plus grave des aiguilleurs du ciel.
- "Il y a plus de sécurité aujourd'hui qu'hier, c'est-à-dire qu'avant le 11 septembre. On confie cela à des sociétés qui ont une formation bien spécifique. Ces agents-là sont irremplaçables pendant plusieurs semaines s'il fallait en former d'autres. Donc, aujourd'hui, je n'ai pas voulu tailler dans la sécurité, j'ai préféré, au contraire que les gens - hélas et je compatis pour eux - attendent plutôt un quart d'heure ou vingt minutes de plus, parce que je veux maintenir la sécurité. Il aurait été facile, devant cette grève du zèle de dire de vérifier moins de personnes, plus rapidement etc... Non, je ne veux pas réduire la sécurité. Par contre, les files d'attente dans les aéroports aujourd'hui, sont dues un peu en partie à cette grève du zèle mais surtout, c'est parce qu'on a pris des mesures exceptionnelles depuis le 11 septembre, les files d'attente existent au moment du départ en vacances. On a connu cela aux vacances de Pâques, on le voit à nouveau, parce qu'on est au début de juillet. C'est donc essentiellement à cause des départs qu'il y a des files d'attente de trois quart d'heure, parfois une heure, à Orly ou Roissy."
Ce n'est pas la grève du zèle ?
- "La grève du zèle augmente l'attente de dix minutes ou d'un quart d'heure. Mais je ne veux pas réduire la sécurité, c'est trop important, par rapport au quart d'heure de plus que l'on demande aux utilisateurs et aux clients."
Une fois dans les airs, on n'est plus sûr de rien, puisque les aiguilleurs du ciel n'arrivent pas à s'entendre...
- "Ne faites pas de catastrophisme ! Les aiguilleurs du ciel s'entendent et parfois, effectivement, il y a des défaillances humaines. Mais il y en a partout, on ne peut pas s'en satisfaire. Il faut de plus en plus harmoniser les règles européennes, sans tomber dans des mises en concurrence qui n'apportent pas plus de sécurité. Le grand débat, aujourd'hui en Europe, c'est le "ciel unique". Qu'est-ce que c'est ? C'est la gestion de tout le ciel européen avec une mise en concurrence des aiguilleurs du ciel. Je suis d'accord pour l'harmonisation du ciel européen, pour qu'il soit géré de façon harmonieuse, bien phasée et linguistique. Mais dire qu'il faut ouvrir à la concurrence chacune des tours de contrôle, avec des aiguilleurs qui seraient choisis au fur et à mesure que l'appel d'offre donnerait telle préférence à l'un ou à l'autre, pour des questions uniquement financières, cela n'apporterait pas plus de sécurité. Je suis donc opposé à cette concurrence."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 juillet 2002)