Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Un mot d'abord pour remercier Paris Europlace d'avoir de nouveau organisé cette rencontre annuelle, qui nous permet de faire le point sur les questions d'intérêt commun.
Mon intervention devant vous aujourd'hui se place sous le signe de la compétitivité et de l'attractivité de notre territoire, dans le cadre rappelé la semaine dernière par le Premier Ministre.
La France créative et au travail repose sur trois piliers fondamentaux :
D'abord, un environnement macro économique favorable. Les perspectives actuelles sont encourageantes, même si les facteurs de risque restent et resteront présents.
Ensuite, une régulation favorable à la confiance des acteurs. Nous devons tirer les conséquences des accidents qui affectent la vie des entreprises et des marchés pour rendre ce cadre plus sûr.
Enfin, un environnement juridique et fiscal qui conforte la compétitivité et l'attractivité du site France.
1. Quel est le cadre économique de notre action ?
La présentation du collectif budgétaire a été l'occasion de rappeler nos perspectives à court terme que traduisent les conclusions de l'audit des finances publiques avec une dégradation significative des comptes publics dans une fourchette de 2,3% à 2,6% du PIB. Le gouvernement a retenu par prudence le haut de cette fourchette. Je préciserai simplement ici que ces données ne modifient pas le programme d'emprunt de l'Etat à moyen / long terme, en cohérence avec notre stratégie générale de gestion de la dette : le surcroît de déficit sera financé par des émissions à court terme.
L'indispensable vigilance sur les comptes publics, qui est notre premier devoir, ne doit pas casser la reprise de la croissance qui est la clé de l'avenir.
Quelques mots sur ce point. Le climat actuel est entaché d'une grande incertitude, mais, au-delà de la volatilité excessive des marchés, il ne faut pas perdre de vue quelques fondamentaux. Depuis le creux de la fin de l'année dernière, la reprise a été rapide, notamment dans l'industrie ; elle pourrait se traduire dès ce printemps par un rythme de croissance annuel autour de 2,5%. L'amélioration du moral des chefs d'entreprise laisse espérer que la reprise se consolidera dans les mois à venir, par une reprise de l'investissement dans la seconde partie de l'année. De la même manière, moral et consommation des ménages restent satisfaisants. Les conditions me paraissent donc remplies pour que la croissance, proche de 1,5% en 2002, retrouve un rythme de 3% en 2003.
J'ajouterai deux commentaires sur les évolutions des marchés boursiers et des changes, car j'entends des inquiétudes quant à leur impact éventuel sur la croissance.
La correction en cours est sévère sur des marchés boursiers qui avaient remonté après la baisse qui avait fait suite aux attentats du 11 septembre. Elle atteint environ 20 % depuis le début de l'année en Europe, et touche également les États-Unis. Il y a aussi une volatilité extrême, voire excessive, qui n'épargne pratiquement aucun secteur.
Cet accès de fièvre traduit principalement la nervosité du marché à l'égard des problèmes de transparence et de sincérité des comptes de certaines sociétés, partie des États-Unis. Dans une deuxième phase, je crois que les investisseurs sauront prêter une plus grande attention aux fondamentaux, qui sont bons. J'ai dit que les perspectives étaient encourageantes en France, elles le sont également aux États-Unis. Le système financier global a montré sa résistance aux chocs depuis septembre dernier, et nous connaissons tous la grande robustesse de notre système financier national, qu'il s'agisse de nos autorités de régulation, de nos banques ou de nos compagnies d'assurance.
Faut-il craindre l'impact macro économique de la chute des marchés financiers sur la croissance ? En France deux raisons conduisent à en relativiser les conséquences. Au cours des années où les valorisations boursières ont fortement augmenté, le taux d'épargne des ménages a peu baissé et leur patrimoine boursier y reste proportionnellement moins élevé que dans les pays anglo-saxons. Le recul actuel de la bourse ne devrait donc pas avoir d'effet majeur sur leur consommation.
L'immobilier, qui est dans la majorité des pays et notamment en France un élément essentiel du patrimoine, est un important facteur de stabilité puisque les prix de l'immobilier ne sont pas affectés par les fluctuations de la bourse, même aux États-Unis. Quant aux entreprises, les taux d'intérêt restent favorables à leurs investissements.
D'autres interrogations portent sur les mouvements des changes. La hausse de l'euro n'est pas à proprement parler une surprise ; tout le monde s'attendait à ce qu'elle arrive un jour ou l'autre et il ne faut pas avoir peur d'un rééquilibrage des parités qui contribue à réduire les grands déséquilibres internationaux.
Son impact sur la compétitivité est limité pour deux raisons :
la première, c'est que l'euro est un grand facteur de stabilité ; la grande majorité de nos débouchés est dans la zone euro, la plupart de nos concurrents sont européens, et les variations du dollar, même si elles sont rapides, ne concernent donc qu'une partie marginale de nos échanges.
la seconde, c'est que nous partons d'une position compétitive satisfaisante de l'économie française et il n'y a pas de raison qu'elle se détériore car nous saurons gommer les incidences les plus négatives de la réduction du temps de travail sur la réactivité de nos entreprises.
Ce rééquilibrage des parités, s'il reste dans des limites raisonnables, devrait en fait avoir des effets plutôt favorables car son effet positif sur l'inflation dans la zone euro est bienvenu. Rien n'est en effet plus favorable à la poursuite d'une reprise forte et durable que de pouvoir bénéficier de taux d'intérêts réels bas sans encourir de risque d'inflation.
2. J'ai parlé de poussée de fièvre sur les marchés financiers. Celle-ci pose un défi renouvelé à la régulation de notre système, ce sera mon deuxième point.
Worldcom nous a rappelé que nous ne devons pas relâcher notre vigilance suite à l'affaire Enron, dont les effets secondaires se manifestent puissamment. La période récente soulève en effet des questions de fond.
Nous devons procéder à un examen attentif et sans complaisance. La crédibilité des comptes des entreprises est aujourd'hui mise en cause. A défaut d'une action déterminée, c'est la crédibilité même de notre système économique qui pourrait être menacée.
Face à ce qu'il faut bien appeler une crise de confiance, nous devons éviter deux écueils :
Le premier consisterait à tirer argument du temps de la réflexion nécessaire pour ne rien faire. Cette tentation a pu en séduire certains, Enron pouvant il y a quelques mois apparaître comme un cas exceptionnel. Les évènements plus récents survenus aux États-Unis nous ont montré que ce n'était malheureusement pas le cas.
Le second écueil consisterait à " jeter le bébé avec l'eau du bain ", en considérant qu'il y a décidément quelque chose de pourri au royaume du capitalisme, et que l'édiction d'un corps de règles radicalement différent est indispensable pour y restaurer l'ordre nécessaire. Je ne partage pas non plus cette opinion car il serait profondément injuste que les faiblesses des systèmes comptables condamnent les efforts de l'immense majorité de ceux qui travaillent avec intelligence et honnêteté dans nos entreprises. Mais il faut tirer rapidement les leçons des échecs et des lacunes constatés pour renforcer la sécurité de fonctionnement d'un système économique qui a clairement démontré son efficacité pour contribuer au développement de tous et de chacun.
Cette sécurité renforcée me paraît devoir reposer sur trois piliers : une gouvernance d'entreprise exigeante, des règles de comptabilité et d'audit claires, des autorités de régulation puissantes et efficaces.
Mais je crois d'abord que la principale responsabilité est entre vos mains, vous, les acteurs du système. Je suis heureux que les entreprises aient confié à un groupe éminent conduit par Daniel Bouton la tâche de réexaminer les règles de gouvernement d'entreprise en France. Tous ici, nous savons qu'il y a bien sûr la lettre des textes, mais qu'il y a surtout l'esprit dans lequel on les applique. Au sein des conseils d'administration et des comités des comptes, les administrateurs doivent pleinement jouer leur rôle. De ce point de vue, des règles strictes de cumul des mandats sont bonnes, même si elles méritent quelques clarifications. Mais elles ne sont pas suffisantes car il est indispensable que les notions d'indépendance de certains administrateurs, de compétence, de vigilance et d'évaluation recouvrent une pratique effective au sein des entreprises.
Et il n'est tout simplement pas acceptable, même si c'est une minorité, que des entreprises du CAC 40 ne soient toujours pas dotées de comités des comptes ou de comités des rémunérations, en dépit des recommandations déjà anciennes des rapports de Marc Viénot, notre hôte aujourd'hui que je suis heureux de saluer.
Je prendrai donc connaissance avec intérêt des conclusions de ces travaux de place car a priori je préfère que l'initiative vienne des acteurs responsables. La règle ne s'applique bien que si elle est endossée par ses auteurs. Sachez cependant que la tentation de la réglementation naît toujours de l'absence d'initiative du terrain. Je ne souhaite pas avoir à édicter des règles, mais je ne m'interdirai pas d'y recourir si nécessaire. Soyez donc ambitieux dans vos propositions.
Deuxièmement, je voudrais m'arrêter plus spécifiquement sur les normes comptables et l'organisation des métiers de l'audit. De manière générale, sur ce dernier point, l'organisation française a mis en place depuis de nombreuses années plusieurs dispositions qui visent à assurer l'indépendance et la qualité des travaux des commissaires aux comptes. Mais ce constat globalement positif ne doit pas exclure une grande vigilance. La loi française pose le principe de la séparation des missions d'audit et de conseil. Chacun sait qu'en raison de la structuration juridique des grands réseaux d'audit, la réalité est plus ambiguë, et pourrait éventuellement laisser la place à des arrangements qui ne sont pas dans l'intérêt commun. Je me félicite donc que la profession travaille avec la COB sur la transparence des rémunérations, et que les échanges de vues existent au sein du comité de déontologie sur l'indépendance des commissaires aux comptes. Mais je considère qu'une séparation plus claire serait un gage de sécurité dont nous ne pouvons plus aujourd'hui faire l'économie. Un même cabinet ne doit pas pouvoir offrir simultanément à son client des prestations d'audit et de conseil. Par ailleurs, la rotation interne des auditeurs doit être obligatoire. Les travaux en cours sur cette question, y compris au niveau communautaire, pêchent par un excès de précaution. Je souhaite que la France reprenne l'initiative dans ce domaine, et je pense qu'un renforcement de notre législation sera nécessaire.
Lorsque l'on s'interroge sur les comptes des entreprises, il est évidemment nécessaire de s'interroger en amont sur la fiabilité des normes elles-mêmes et donc sur le processus d'élaboration et d'adoption de ces normes. C'est un sujet austère qui mobilise en général peu les dirigeants, quels qu'ils soient. Ceci est regrettable. Je voudrais ici insister sur l'importance de cette question, et vous inciter à vous y impliquer davantage. L'entrée en vigueur des IAS pour les sociétés cotées, grandes ou petites, est pour 2005 c'est-à-dire demain. Plusieurs instances joueront un rôle clé : le conseil de l'IAS, bien sûr, la Commission européenne, les États membres au comité de réglementation comptable, et l'EFRAG, qui devra exercer son influence en amont. Les entreprises doivent consacrer à ces sujets l'attention et le temps nécessaires, elles doivent s'impliquer fortement et professionnellement dans ces débats, à tous les niveaux. C'est ce que je compte faire pour ma part, y compris en soutenant les efforts de la Commission européenne pour obtenir un rapprochement des différentes normes au niveau international. Je veillerai à la légitime implication des gouvernements dans le processus d'adoption des IAS en Europe mais la puissance publique ne peut pas se substituer totalement aux acteurs économiques dans ces débats. Vous aussi vous devez vous sentir concernés et vous impliquer.
Tirer tous les enseignements du passé est donc une priorité. Les réflexions se poursuivent dans diverses enceintes internationales (G7, forum de stabilité financière, organisation internationale des bourses de valeurs, comité européen des régulateurs). La France y fera entendre sa voix et plaidera pour une meilleure régulation des acteurs de marché : analystes, agences de notation, fonds à effet de levier. La réflexion devra être poursuivie sur les facteurs qui conduisent à une volatilité extrême des marchés. Face au risque d'arbitrage entre les secteurs régulés et les autres, face au manque de transparence, il est aussi indispensable de structurer précisément les relations que nous acceptons ou maintenons avec ces centres financiers qui revendiquent, parfois agressivement, la qualité de centres offshore.
Plus de sécurité passe aussi dans notre pays par des autorités de régulation puissantes et efficaces. Non pas qu'elles soient aujourd'hui faibles ou pusillanimes. Mais elles doivent être mieux armées pour faire face aux défis de demain. Je proposerai donc au Premier ministre à la fin de l'été une loi de réforme des autorités de régulation, qui a trop attendu. La création d'une autorité unique de contrôle des marchés financiers, autorité publique dotée d'un statut et de pouvoirs lui permettant d'agir résolument en faveur de la transparence et de l'intégrité du marché, doit être menée à bien. Le dispositif prévu par le précédent gouvernement, qui avait été préparé en un temps record avant de tomber dans l'oubli, pourra sur ce point être clarifié et rendu plus efficace. Le dispositif doit être cohérent, juridiquement solide, notamment s'agissant du régime de sanctions, et doté d'une autorité indiscutable. J'ai demandé au directeur du Trésor de reprendre les concertations sur ce point. D'autre part, le renforcement de la coopération entre superviseurs du secteur bancaire et du secteur des assurances doit être poursuivi et rationalisé.
La sécurité passe enfin par le renforcement de la protection des épargnants et des assurés. Je souhaite que cette loi de sécurité financière puisse intégrer cette préoccupation. La réforme du démarchage financier et la création d'une profession de conseillers en investissements financiers sont nécessaires. La création d'un fonds de garantie contre la défaillance des sociétés d'assurance dommages l'est également. L'absence de protection des assurés dans ce domaine n'est pas acceptable dans un pays comme le nôtre.
3. Je voudrais maintenant évoquer les mesures que je proposerai pour renforcer l'attractivité de notre territoire et de notre place financière.
Jean Pierre Raffarin a rappelé l'objectif du gouvernement, celui d'une France créative, d'une France au travail.
Les " 1ères rencontres de la compétitivité " qu'Europlace a organisées la semaine dernière participent à la prise de conscience qu'il est nécessaire d'agir. De nombreuses études ou rapports suggèrent que notre pays se serait quelque peu endormi depuis 10 ans. C'est ce que traduit par exemple le baromètre 2002 " Attractivité du site France " d'Ernst Young, dont il ressort que les décideurs tolèrent de moins en moins les contraintes de tous ordres qui leur sont imposées. On sait le caractère parfois arbitraire de ce type d'étude, mais les questions soulevées n'en restent pas moins pertinentes. Les clés de la compétitivité sont connues. Reste à mieux communiquer sur nos atouts, qui sont réels, mais surtout à agir.
La compétitivité passe d'abord par la baisse des impôts et la baisse des charges. La baisse de l'impôt sur le revenu est une première réponse à ce défi. Il faut corriger une surfiscalisation du travail dont les effets négatifs ne sont plus à démontrer.
Ce n'est pas aux habitués des rencontres d'Europlace que je rappellerai l'importance particulière du défi de l'attractivité pour les activités à haute valeur ajoutée. Le diagnostic a été fait plusieurs fois, et bien fait, mais beaucoup reste à faire pour en tirer les conséquences. Il est indispensable d'attirer et d'enraciner dans notre pays ces activités, qui ont un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie et augmentent notre potentiel de croissance. Ceci vise aussi bien les entreprises industrielles à haute technologie ou les centres de recherche que les services financiers. C'est ce qu'ont compris les élus d'Ile de France qui demandent à juste titre que soit mieux prise en compte cette préoccupation dans la définition des politiques publiques.
Avec la baisse de l'impôt sur le revenu, il faut réfléchir à d'autres dispositifs qui encouragent à venir travailler en France. Les chercheurs ou les salariés de haut niveau de l'industrie, notamment financière, ne doivent plus être dissuadés de venir en France par une fiscalité ressentie comme punitive. A cette fin, la plupart de nos partenaires ont d'ailleurs mis en place des dispositifs spécifiques. La naïveté, réelle ou apparente, peut être une qualité, mais elle est aussi une faiblesse. Nous ne devons pas être les seuls, ou presque les seuls, à subir les conséquences d'une concurrence fiscale à laquelle il faudra bien s'attaquer un jour sérieusement.
Il faut également que toutes nos entreprises, dans tous les secteurs industriels, se trouvent dans une situation de compétitivité normale au regard de leurs concurrentes en Europe et dans le monde. C'est un sujet majeur pour l'attractivité de notre territoire et nous allons nous y atteler. Ceci suppose notamment que nous tenions compte de la fiscalité propre à certains secteurs d'activité. C'est particulièrement vrai pour les entreprises financières, où une fiscalité spécifique héritée des années 80 pèse sur l'emploi et l'investissement. Chez tous nos voisins et compétiteurs l'on a, parfois depuis très longtemps, compris que l'industrie financière est une industrie comme les autres et qu'elle joue un rôle de premier plan dans le développement de l'économie. Il nous faut progressivement mettre fin à cette exception française aberrante qui consiste à instaurer des taxes spécifiques sur l'emploi, qu'on ne trouve nulle par ailleurs en Europe. Mais il faut adopter un raisonnement dynamique et s'inscrire dans la durée. Un allègement de certaines de ces charges est la condition du maintien dans notre pays d'une activité économique majeure, et a fortiori de son développement. Nous arrêterons rapidement, dans le cadre général que nous voulons tracer pour favoriser notre compétitivité industrielle, les mesures concrètes qui seront mises en oeuvre à compter de 2003, dont certaines concerneront l'industrie financière. Le programme d'action de Paris Europlace visant à ancrer ces activités sur notre territoire, notamment dans le domaine de la recherche/formation, témoigne de cette préoccupation. Je souhaite bien sûr son plein succès dans cette optique de partenariat dynamique que je vous propose.
La compétitivité passe aussi par la libération des énergies. C'est le sens des dispositions que nous préparons, avec Renaud Dutreil, pour favoriser les créations d'entreprises. C'est aussi le sens des assouplissements nécessaires aux 35 heures ou à la loi dite de modernisation sociale, ou encore de la nécessaire réforme de nos régimes de retraite, trop longtemps repoussée. La solidarité entre les générations exige la sauvegarde du régime par répartition pour assurer un bon revenu à tous les retraités, et chacun devra pouvoir compléter sa pension, grâce à une incitation fiscale, par un revenu d'épargne. Libérer les énergies, c'est encore réfléchir à l'orientation des flux d'épargne, pour les tourner résolument vers la préparation de l'avenir en favorisant la prise de risque, l'investissement, l'innovation. C'est enfin faire évoluer nos entreprises publiques, dans leur intérêt comme dans celui de leurs clients. Nous nous y attacherons avec Nicole Fontaine.
Compétitivité et attractivité supposent aussi de favoriser l'initiative en matière financière. L'accélération de l'innovation dans ce domaine est en effet une caractéristique importante du fonctionnement de nos économies et nous savons tous que le développement des services financiers fait partie intégrante de toute politique économique axée sur la croissance.
C'est particulièrement vrai dans le secteur de la gestion financière française, qui occupe une place de tout premier rang en Europe. Le cadre réglementaire doit permettre les évolutions tout en régulant les niches innovantes, la gestion alternative, l'usage des produits financiers complexes, les fonds à formule, ou les fonds communs de placement à risque. Transposer rapidement les directives européennes sur les OPCVM est nécessaire. Il s'agira également de refondre le droit des valeurs mobilières, pour simplifier et rendre plus efficaces les procédures d'émission d'actions et d'obligations, dans le respect des droits des investisseurs. Enfin, je transmettrai dans les prochains jours aux instances compétentes des textes proposant de réformer le régime des obligations foncières, qui doit être adapté pour tenir compte de l'expérience acquise depuis leur création.
En matière d'innovation, le marché de la dette est un autre point fort de la Place. Paris est leader sur le " papier commercial ", dont le marché continuera à s'ouvrir, grâce notamment à certains assouplissements dans les conditions d'émission. La France est aussi, vous le savez, leader sur le marché de la dette euro. J'ai demandé à l'Agence France Trésor de continuer à développer les obligations indexées sur l'inflation européenne (OATi). Je me félicite également de la création, annoncée ce matin même, de l'Association des marchés de taux en euros (AMTE), qui prend la succession de l'Association des spécialistes en valeurs du Trésor (ASVT). L'ASVT avait rendu de grands services dans la modernisation de nos marchés en France. Je souhaite à l'AMTE tout le succès possible pour faire entendre et prendre en compte les vues de tous les acteurs des marchés de taux de la zone euro.
Notre pays ne doit pas avoir peur de s'ouvrir au monde. Et pourtant, il subordonne encore à autorisation ministérielle l'introduction sur son territoire de titres émis par des émetteurs n'appartenant pas à l'OCDE. Cette procédure archaïque, héritée du contrôle des changes, ne répond plus à aucun objectif et sera donc abrogée. De même, je prendrai également acte de la décision de la Cour de Justice et supprimerai l'action spécifique que l'Etat détenait encore dans Total Fina Elf.
Mesdames et Messieurs, nous militons ensemble pour la création d'un marché financier européen véritablement intégré, régi par des règles communes, sanctionnées de manière homogène : normes comptables, régulation des acteurs et des infrastructures de marché, droit des sociétés, OPA. Les entreprises bénéficieront ainsi de coûts de financement plus favorables à leur croissance. Mais il ne s'agit pas de menacer la stabilité du système financier par une dérégulation naïve, qui ferait la part belle aux systèmes les plus laxistes, et qui compromettrait la protection des épargnants. Nous devons sans hésiter inscrire notre action dans ce cadre européen, c'est l'ambition de ce gouvernement, c'est la condition de notre influence en Europe. Mais nous savons aussi, particulièrement depuis six mois, combien ces questions dépassent le seul cadre de l'Union européenne, et nous nous efforcerons avec nos partenaires de promouvoir les bases internationales d'une sécurité réelle pour les entreprises, pour les investisseurs, pour les épargnants. Je sais qu'Europlace continuera à apporter sa pierre à cet édifice qui, pour être solide, demande la mobilisation de toutes les énergies et la confiance entre tous les partenaires. Construisons ensemble !
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 15 juillet 2002
Un mot d'abord pour remercier Paris Europlace d'avoir de nouveau organisé cette rencontre annuelle, qui nous permet de faire le point sur les questions d'intérêt commun.
Mon intervention devant vous aujourd'hui se place sous le signe de la compétitivité et de l'attractivité de notre territoire, dans le cadre rappelé la semaine dernière par le Premier Ministre.
La France créative et au travail repose sur trois piliers fondamentaux :
D'abord, un environnement macro économique favorable. Les perspectives actuelles sont encourageantes, même si les facteurs de risque restent et resteront présents.
Ensuite, une régulation favorable à la confiance des acteurs. Nous devons tirer les conséquences des accidents qui affectent la vie des entreprises et des marchés pour rendre ce cadre plus sûr.
Enfin, un environnement juridique et fiscal qui conforte la compétitivité et l'attractivité du site France.
1. Quel est le cadre économique de notre action ?
La présentation du collectif budgétaire a été l'occasion de rappeler nos perspectives à court terme que traduisent les conclusions de l'audit des finances publiques avec une dégradation significative des comptes publics dans une fourchette de 2,3% à 2,6% du PIB. Le gouvernement a retenu par prudence le haut de cette fourchette. Je préciserai simplement ici que ces données ne modifient pas le programme d'emprunt de l'Etat à moyen / long terme, en cohérence avec notre stratégie générale de gestion de la dette : le surcroît de déficit sera financé par des émissions à court terme.
L'indispensable vigilance sur les comptes publics, qui est notre premier devoir, ne doit pas casser la reprise de la croissance qui est la clé de l'avenir.
Quelques mots sur ce point. Le climat actuel est entaché d'une grande incertitude, mais, au-delà de la volatilité excessive des marchés, il ne faut pas perdre de vue quelques fondamentaux. Depuis le creux de la fin de l'année dernière, la reprise a été rapide, notamment dans l'industrie ; elle pourrait se traduire dès ce printemps par un rythme de croissance annuel autour de 2,5%. L'amélioration du moral des chefs d'entreprise laisse espérer que la reprise se consolidera dans les mois à venir, par une reprise de l'investissement dans la seconde partie de l'année. De la même manière, moral et consommation des ménages restent satisfaisants. Les conditions me paraissent donc remplies pour que la croissance, proche de 1,5% en 2002, retrouve un rythme de 3% en 2003.
J'ajouterai deux commentaires sur les évolutions des marchés boursiers et des changes, car j'entends des inquiétudes quant à leur impact éventuel sur la croissance.
La correction en cours est sévère sur des marchés boursiers qui avaient remonté après la baisse qui avait fait suite aux attentats du 11 septembre. Elle atteint environ 20 % depuis le début de l'année en Europe, et touche également les États-Unis. Il y a aussi une volatilité extrême, voire excessive, qui n'épargne pratiquement aucun secteur.
Cet accès de fièvre traduit principalement la nervosité du marché à l'égard des problèmes de transparence et de sincérité des comptes de certaines sociétés, partie des États-Unis. Dans une deuxième phase, je crois que les investisseurs sauront prêter une plus grande attention aux fondamentaux, qui sont bons. J'ai dit que les perspectives étaient encourageantes en France, elles le sont également aux États-Unis. Le système financier global a montré sa résistance aux chocs depuis septembre dernier, et nous connaissons tous la grande robustesse de notre système financier national, qu'il s'agisse de nos autorités de régulation, de nos banques ou de nos compagnies d'assurance.
Faut-il craindre l'impact macro économique de la chute des marchés financiers sur la croissance ? En France deux raisons conduisent à en relativiser les conséquences. Au cours des années où les valorisations boursières ont fortement augmenté, le taux d'épargne des ménages a peu baissé et leur patrimoine boursier y reste proportionnellement moins élevé que dans les pays anglo-saxons. Le recul actuel de la bourse ne devrait donc pas avoir d'effet majeur sur leur consommation.
L'immobilier, qui est dans la majorité des pays et notamment en France un élément essentiel du patrimoine, est un important facteur de stabilité puisque les prix de l'immobilier ne sont pas affectés par les fluctuations de la bourse, même aux États-Unis. Quant aux entreprises, les taux d'intérêt restent favorables à leurs investissements.
D'autres interrogations portent sur les mouvements des changes. La hausse de l'euro n'est pas à proprement parler une surprise ; tout le monde s'attendait à ce qu'elle arrive un jour ou l'autre et il ne faut pas avoir peur d'un rééquilibrage des parités qui contribue à réduire les grands déséquilibres internationaux.
Son impact sur la compétitivité est limité pour deux raisons :
la première, c'est que l'euro est un grand facteur de stabilité ; la grande majorité de nos débouchés est dans la zone euro, la plupart de nos concurrents sont européens, et les variations du dollar, même si elles sont rapides, ne concernent donc qu'une partie marginale de nos échanges.
la seconde, c'est que nous partons d'une position compétitive satisfaisante de l'économie française et il n'y a pas de raison qu'elle se détériore car nous saurons gommer les incidences les plus négatives de la réduction du temps de travail sur la réactivité de nos entreprises.
Ce rééquilibrage des parités, s'il reste dans des limites raisonnables, devrait en fait avoir des effets plutôt favorables car son effet positif sur l'inflation dans la zone euro est bienvenu. Rien n'est en effet plus favorable à la poursuite d'une reprise forte et durable que de pouvoir bénéficier de taux d'intérêts réels bas sans encourir de risque d'inflation.
2. J'ai parlé de poussée de fièvre sur les marchés financiers. Celle-ci pose un défi renouvelé à la régulation de notre système, ce sera mon deuxième point.
Worldcom nous a rappelé que nous ne devons pas relâcher notre vigilance suite à l'affaire Enron, dont les effets secondaires se manifestent puissamment. La période récente soulève en effet des questions de fond.
Nous devons procéder à un examen attentif et sans complaisance. La crédibilité des comptes des entreprises est aujourd'hui mise en cause. A défaut d'une action déterminée, c'est la crédibilité même de notre système économique qui pourrait être menacée.
Face à ce qu'il faut bien appeler une crise de confiance, nous devons éviter deux écueils :
Le premier consisterait à tirer argument du temps de la réflexion nécessaire pour ne rien faire. Cette tentation a pu en séduire certains, Enron pouvant il y a quelques mois apparaître comme un cas exceptionnel. Les évènements plus récents survenus aux États-Unis nous ont montré que ce n'était malheureusement pas le cas.
Le second écueil consisterait à " jeter le bébé avec l'eau du bain ", en considérant qu'il y a décidément quelque chose de pourri au royaume du capitalisme, et que l'édiction d'un corps de règles radicalement différent est indispensable pour y restaurer l'ordre nécessaire. Je ne partage pas non plus cette opinion car il serait profondément injuste que les faiblesses des systèmes comptables condamnent les efforts de l'immense majorité de ceux qui travaillent avec intelligence et honnêteté dans nos entreprises. Mais il faut tirer rapidement les leçons des échecs et des lacunes constatés pour renforcer la sécurité de fonctionnement d'un système économique qui a clairement démontré son efficacité pour contribuer au développement de tous et de chacun.
Cette sécurité renforcée me paraît devoir reposer sur trois piliers : une gouvernance d'entreprise exigeante, des règles de comptabilité et d'audit claires, des autorités de régulation puissantes et efficaces.
Mais je crois d'abord que la principale responsabilité est entre vos mains, vous, les acteurs du système. Je suis heureux que les entreprises aient confié à un groupe éminent conduit par Daniel Bouton la tâche de réexaminer les règles de gouvernement d'entreprise en France. Tous ici, nous savons qu'il y a bien sûr la lettre des textes, mais qu'il y a surtout l'esprit dans lequel on les applique. Au sein des conseils d'administration et des comités des comptes, les administrateurs doivent pleinement jouer leur rôle. De ce point de vue, des règles strictes de cumul des mandats sont bonnes, même si elles méritent quelques clarifications. Mais elles ne sont pas suffisantes car il est indispensable que les notions d'indépendance de certains administrateurs, de compétence, de vigilance et d'évaluation recouvrent une pratique effective au sein des entreprises.
Et il n'est tout simplement pas acceptable, même si c'est une minorité, que des entreprises du CAC 40 ne soient toujours pas dotées de comités des comptes ou de comités des rémunérations, en dépit des recommandations déjà anciennes des rapports de Marc Viénot, notre hôte aujourd'hui que je suis heureux de saluer.
Je prendrai donc connaissance avec intérêt des conclusions de ces travaux de place car a priori je préfère que l'initiative vienne des acteurs responsables. La règle ne s'applique bien que si elle est endossée par ses auteurs. Sachez cependant que la tentation de la réglementation naît toujours de l'absence d'initiative du terrain. Je ne souhaite pas avoir à édicter des règles, mais je ne m'interdirai pas d'y recourir si nécessaire. Soyez donc ambitieux dans vos propositions.
Deuxièmement, je voudrais m'arrêter plus spécifiquement sur les normes comptables et l'organisation des métiers de l'audit. De manière générale, sur ce dernier point, l'organisation française a mis en place depuis de nombreuses années plusieurs dispositions qui visent à assurer l'indépendance et la qualité des travaux des commissaires aux comptes. Mais ce constat globalement positif ne doit pas exclure une grande vigilance. La loi française pose le principe de la séparation des missions d'audit et de conseil. Chacun sait qu'en raison de la structuration juridique des grands réseaux d'audit, la réalité est plus ambiguë, et pourrait éventuellement laisser la place à des arrangements qui ne sont pas dans l'intérêt commun. Je me félicite donc que la profession travaille avec la COB sur la transparence des rémunérations, et que les échanges de vues existent au sein du comité de déontologie sur l'indépendance des commissaires aux comptes. Mais je considère qu'une séparation plus claire serait un gage de sécurité dont nous ne pouvons plus aujourd'hui faire l'économie. Un même cabinet ne doit pas pouvoir offrir simultanément à son client des prestations d'audit et de conseil. Par ailleurs, la rotation interne des auditeurs doit être obligatoire. Les travaux en cours sur cette question, y compris au niveau communautaire, pêchent par un excès de précaution. Je souhaite que la France reprenne l'initiative dans ce domaine, et je pense qu'un renforcement de notre législation sera nécessaire.
Lorsque l'on s'interroge sur les comptes des entreprises, il est évidemment nécessaire de s'interroger en amont sur la fiabilité des normes elles-mêmes et donc sur le processus d'élaboration et d'adoption de ces normes. C'est un sujet austère qui mobilise en général peu les dirigeants, quels qu'ils soient. Ceci est regrettable. Je voudrais ici insister sur l'importance de cette question, et vous inciter à vous y impliquer davantage. L'entrée en vigueur des IAS pour les sociétés cotées, grandes ou petites, est pour 2005 c'est-à-dire demain. Plusieurs instances joueront un rôle clé : le conseil de l'IAS, bien sûr, la Commission européenne, les États membres au comité de réglementation comptable, et l'EFRAG, qui devra exercer son influence en amont. Les entreprises doivent consacrer à ces sujets l'attention et le temps nécessaires, elles doivent s'impliquer fortement et professionnellement dans ces débats, à tous les niveaux. C'est ce que je compte faire pour ma part, y compris en soutenant les efforts de la Commission européenne pour obtenir un rapprochement des différentes normes au niveau international. Je veillerai à la légitime implication des gouvernements dans le processus d'adoption des IAS en Europe mais la puissance publique ne peut pas se substituer totalement aux acteurs économiques dans ces débats. Vous aussi vous devez vous sentir concernés et vous impliquer.
Tirer tous les enseignements du passé est donc une priorité. Les réflexions se poursuivent dans diverses enceintes internationales (G7, forum de stabilité financière, organisation internationale des bourses de valeurs, comité européen des régulateurs). La France y fera entendre sa voix et plaidera pour une meilleure régulation des acteurs de marché : analystes, agences de notation, fonds à effet de levier. La réflexion devra être poursuivie sur les facteurs qui conduisent à une volatilité extrême des marchés. Face au risque d'arbitrage entre les secteurs régulés et les autres, face au manque de transparence, il est aussi indispensable de structurer précisément les relations que nous acceptons ou maintenons avec ces centres financiers qui revendiquent, parfois agressivement, la qualité de centres offshore.
Plus de sécurité passe aussi dans notre pays par des autorités de régulation puissantes et efficaces. Non pas qu'elles soient aujourd'hui faibles ou pusillanimes. Mais elles doivent être mieux armées pour faire face aux défis de demain. Je proposerai donc au Premier ministre à la fin de l'été une loi de réforme des autorités de régulation, qui a trop attendu. La création d'une autorité unique de contrôle des marchés financiers, autorité publique dotée d'un statut et de pouvoirs lui permettant d'agir résolument en faveur de la transparence et de l'intégrité du marché, doit être menée à bien. Le dispositif prévu par le précédent gouvernement, qui avait été préparé en un temps record avant de tomber dans l'oubli, pourra sur ce point être clarifié et rendu plus efficace. Le dispositif doit être cohérent, juridiquement solide, notamment s'agissant du régime de sanctions, et doté d'une autorité indiscutable. J'ai demandé au directeur du Trésor de reprendre les concertations sur ce point. D'autre part, le renforcement de la coopération entre superviseurs du secteur bancaire et du secteur des assurances doit être poursuivi et rationalisé.
La sécurité passe enfin par le renforcement de la protection des épargnants et des assurés. Je souhaite que cette loi de sécurité financière puisse intégrer cette préoccupation. La réforme du démarchage financier et la création d'une profession de conseillers en investissements financiers sont nécessaires. La création d'un fonds de garantie contre la défaillance des sociétés d'assurance dommages l'est également. L'absence de protection des assurés dans ce domaine n'est pas acceptable dans un pays comme le nôtre.
3. Je voudrais maintenant évoquer les mesures que je proposerai pour renforcer l'attractivité de notre territoire et de notre place financière.
Jean Pierre Raffarin a rappelé l'objectif du gouvernement, celui d'une France créative, d'une France au travail.
Les " 1ères rencontres de la compétitivité " qu'Europlace a organisées la semaine dernière participent à la prise de conscience qu'il est nécessaire d'agir. De nombreuses études ou rapports suggèrent que notre pays se serait quelque peu endormi depuis 10 ans. C'est ce que traduit par exemple le baromètre 2002 " Attractivité du site France " d'Ernst Young, dont il ressort que les décideurs tolèrent de moins en moins les contraintes de tous ordres qui leur sont imposées. On sait le caractère parfois arbitraire de ce type d'étude, mais les questions soulevées n'en restent pas moins pertinentes. Les clés de la compétitivité sont connues. Reste à mieux communiquer sur nos atouts, qui sont réels, mais surtout à agir.
La compétitivité passe d'abord par la baisse des impôts et la baisse des charges. La baisse de l'impôt sur le revenu est une première réponse à ce défi. Il faut corriger une surfiscalisation du travail dont les effets négatifs ne sont plus à démontrer.
Ce n'est pas aux habitués des rencontres d'Europlace que je rappellerai l'importance particulière du défi de l'attractivité pour les activités à haute valeur ajoutée. Le diagnostic a été fait plusieurs fois, et bien fait, mais beaucoup reste à faire pour en tirer les conséquences. Il est indispensable d'attirer et d'enraciner dans notre pays ces activités, qui ont un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie et augmentent notre potentiel de croissance. Ceci vise aussi bien les entreprises industrielles à haute technologie ou les centres de recherche que les services financiers. C'est ce qu'ont compris les élus d'Ile de France qui demandent à juste titre que soit mieux prise en compte cette préoccupation dans la définition des politiques publiques.
Avec la baisse de l'impôt sur le revenu, il faut réfléchir à d'autres dispositifs qui encouragent à venir travailler en France. Les chercheurs ou les salariés de haut niveau de l'industrie, notamment financière, ne doivent plus être dissuadés de venir en France par une fiscalité ressentie comme punitive. A cette fin, la plupart de nos partenaires ont d'ailleurs mis en place des dispositifs spécifiques. La naïveté, réelle ou apparente, peut être une qualité, mais elle est aussi une faiblesse. Nous ne devons pas être les seuls, ou presque les seuls, à subir les conséquences d'une concurrence fiscale à laquelle il faudra bien s'attaquer un jour sérieusement.
Il faut également que toutes nos entreprises, dans tous les secteurs industriels, se trouvent dans une situation de compétitivité normale au regard de leurs concurrentes en Europe et dans le monde. C'est un sujet majeur pour l'attractivité de notre territoire et nous allons nous y atteler. Ceci suppose notamment que nous tenions compte de la fiscalité propre à certains secteurs d'activité. C'est particulièrement vrai pour les entreprises financières, où une fiscalité spécifique héritée des années 80 pèse sur l'emploi et l'investissement. Chez tous nos voisins et compétiteurs l'on a, parfois depuis très longtemps, compris que l'industrie financière est une industrie comme les autres et qu'elle joue un rôle de premier plan dans le développement de l'économie. Il nous faut progressivement mettre fin à cette exception française aberrante qui consiste à instaurer des taxes spécifiques sur l'emploi, qu'on ne trouve nulle par ailleurs en Europe. Mais il faut adopter un raisonnement dynamique et s'inscrire dans la durée. Un allègement de certaines de ces charges est la condition du maintien dans notre pays d'une activité économique majeure, et a fortiori de son développement. Nous arrêterons rapidement, dans le cadre général que nous voulons tracer pour favoriser notre compétitivité industrielle, les mesures concrètes qui seront mises en oeuvre à compter de 2003, dont certaines concerneront l'industrie financière. Le programme d'action de Paris Europlace visant à ancrer ces activités sur notre territoire, notamment dans le domaine de la recherche/formation, témoigne de cette préoccupation. Je souhaite bien sûr son plein succès dans cette optique de partenariat dynamique que je vous propose.
La compétitivité passe aussi par la libération des énergies. C'est le sens des dispositions que nous préparons, avec Renaud Dutreil, pour favoriser les créations d'entreprises. C'est aussi le sens des assouplissements nécessaires aux 35 heures ou à la loi dite de modernisation sociale, ou encore de la nécessaire réforme de nos régimes de retraite, trop longtemps repoussée. La solidarité entre les générations exige la sauvegarde du régime par répartition pour assurer un bon revenu à tous les retraités, et chacun devra pouvoir compléter sa pension, grâce à une incitation fiscale, par un revenu d'épargne. Libérer les énergies, c'est encore réfléchir à l'orientation des flux d'épargne, pour les tourner résolument vers la préparation de l'avenir en favorisant la prise de risque, l'investissement, l'innovation. C'est enfin faire évoluer nos entreprises publiques, dans leur intérêt comme dans celui de leurs clients. Nous nous y attacherons avec Nicole Fontaine.
Compétitivité et attractivité supposent aussi de favoriser l'initiative en matière financière. L'accélération de l'innovation dans ce domaine est en effet une caractéristique importante du fonctionnement de nos économies et nous savons tous que le développement des services financiers fait partie intégrante de toute politique économique axée sur la croissance.
C'est particulièrement vrai dans le secteur de la gestion financière française, qui occupe une place de tout premier rang en Europe. Le cadre réglementaire doit permettre les évolutions tout en régulant les niches innovantes, la gestion alternative, l'usage des produits financiers complexes, les fonds à formule, ou les fonds communs de placement à risque. Transposer rapidement les directives européennes sur les OPCVM est nécessaire. Il s'agira également de refondre le droit des valeurs mobilières, pour simplifier et rendre plus efficaces les procédures d'émission d'actions et d'obligations, dans le respect des droits des investisseurs. Enfin, je transmettrai dans les prochains jours aux instances compétentes des textes proposant de réformer le régime des obligations foncières, qui doit être adapté pour tenir compte de l'expérience acquise depuis leur création.
En matière d'innovation, le marché de la dette est un autre point fort de la Place. Paris est leader sur le " papier commercial ", dont le marché continuera à s'ouvrir, grâce notamment à certains assouplissements dans les conditions d'émission. La France est aussi, vous le savez, leader sur le marché de la dette euro. J'ai demandé à l'Agence France Trésor de continuer à développer les obligations indexées sur l'inflation européenne (OATi). Je me félicite également de la création, annoncée ce matin même, de l'Association des marchés de taux en euros (AMTE), qui prend la succession de l'Association des spécialistes en valeurs du Trésor (ASVT). L'ASVT avait rendu de grands services dans la modernisation de nos marchés en France. Je souhaite à l'AMTE tout le succès possible pour faire entendre et prendre en compte les vues de tous les acteurs des marchés de taux de la zone euro.
Notre pays ne doit pas avoir peur de s'ouvrir au monde. Et pourtant, il subordonne encore à autorisation ministérielle l'introduction sur son territoire de titres émis par des émetteurs n'appartenant pas à l'OCDE. Cette procédure archaïque, héritée du contrôle des changes, ne répond plus à aucun objectif et sera donc abrogée. De même, je prendrai également acte de la décision de la Cour de Justice et supprimerai l'action spécifique que l'Etat détenait encore dans Total Fina Elf.
Mesdames et Messieurs, nous militons ensemble pour la création d'un marché financier européen véritablement intégré, régi par des règles communes, sanctionnées de manière homogène : normes comptables, régulation des acteurs et des infrastructures de marché, droit des sociétés, OPA. Les entreprises bénéficieront ainsi de coûts de financement plus favorables à leur croissance. Mais il ne s'agit pas de menacer la stabilité du système financier par une dérégulation naïve, qui ferait la part belle aux systèmes les plus laxistes, et qui compromettrait la protection des épargnants. Nous devons sans hésiter inscrire notre action dans ce cadre européen, c'est l'ambition de ce gouvernement, c'est la condition de notre influence en Europe. Mais nous savons aussi, particulièrement depuis six mois, combien ces questions dépassent le seul cadre de l'Union européenne, et nous nous efforcerons avec nos partenaires de promouvoir les bases internationales d'une sécurité réelle pour les entreprises, pour les investisseurs, pour les épargnants. Je sais qu'Europlace continuera à apporter sa pierre à cet édifice qui, pour être solide, demande la mobilisation de toutes les énergies et la confiance entre tous les partenaires. Construisons ensemble !
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 15 juillet 2002