Interview de Mme Dominique Voynet, secrétaire nationale des Verts, à RTL le 27 août 2002, sur l'enjeu politique des journées d'été des Verts, sur le rôle de l'Etat face à la mondialisation et sur le sommet de Johannesburg.

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Circonstance : Journées d'été des Verts à Saint-Jean-de-Monts (Vendée) du 27 au 30 août 2002

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Elkrief.- Cela fait plusieurs semaines qu'on ne vous pas entendue. Vous n'êtes plus ministre, vous n'avez pas été élue députée. Comment allez-vous ?
- "Je vais très bien et les Verts ne vont pas si mal que cela en cette rentrée. C'est la première occasion qui nous est donnée de travailler, réfléchir, débattre ensemble. Je crois que la plupart des partis vont le faire dans cette période. Pour ce qui nous concerne, nous aurons le souci, au-delà de l'analyse de ce qui s'est passé, de tracer des perspectives pour l'avenir et de répondre aux questions lancinantes qui se posent à l'ensemble des partis politiques."
Justement, il y en a une en tout cas qui agitait ces dernières semaines les Verts, c'est le bilan de la participation au gouvernement, les relations avec le PS. Par exemple, N. Mamère, le candidat à la présidentielle, a dit : "Nous avons perdu notre crédibilité à cette participation au gouvernement". Vous êtes d'accord ?
- "Je ne pense pas que les Verts avaient d'autres possibilités que la prise de responsabilités. Occasion de mettre en oeuvre nos propositions, occasion de peser sur nos partenaires de la majorité plurielle. Cela dit, le bilan est contrasté, il est mitigé. Nous avons à le faire ensemble ce matin et nous le ferons sans aucun faux-fuyant. Il serait tout à fait déraisonnable de réduire l'enjeu des Journées d'été à la question de savoir, quelle doit être la bonne distance avec le PS, puisque pendant plusieurs années, nous aurons à résister à un gouvernement de droite. Nous n'aurons pas à trancher de façon très pratique la question d'alliance politique. Pour ce qui me concerne, je crois que les Verts sont ancrés à gauche et que c'est très bien comme cela."
Il y au PS des gens qui souhaitent peut-être vous absorber et faire une fédération, une confédération, un grand parti de la gauche, justement pour contrer ce nouveau parti de la droite, l'UMP ?
- "Je crois que ce n'est pas un sujet, en tout cas pas pour nous. La question du fond doit aujourd'hui être traitée en priorité. Je constate que, face à un gouvernement qui ne perd pas son temps, qui ne se contente pas d'un discours autoritaire sur le terrain de la société mais qui fait ce qu'il avait annoncé, à savoir, réduire le rôle de l'Etat et en finir avec le type de contrat social, politique et démocratique avec lequel fonctionnait notre pays depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, comme cela se fait d'ailleurs dans plusieurs pays d'Europe, il est urgent de répondre à des questions sur lesquelles les partis politiques sont secs en général. Je pense à la mondialisation, je pense aux questions de développement et de qualité de l'environnement - on est en train d'en parler à Johannesburg aujourd'hui. Et personne finalement ne fait le lien ici entre la sécheresse en Inde et son coût extraordinaire pour la société indienne. Et puis les inondations en Europe Centrale et le coût que cela aura, pour le Chancelier Schröder par exemple, qui voit ainsi manger sa marge en termes de baisse d'impôt. Donc, c'est une question démocratique, la démocratie qui préoccupe beaucoup la société."
Un mot sur Johannesburg : on voit que J. Chirac en fait un peu son affaire personnelle, qu'il lance plusieurs appels pour que tout le monde y participe et qu'il y ait des résultats. On se souvient, vous aviez dit souvent, que L. Jospin n'était pas très sensible aux questions écologiques. J. Chirac l'est-il plus ?
- "Pour ce qui concerne les discours, rien ne manquera, je suis tout à fait tranquille. La prise de conscience depuis le Sommet de Rio, il y a dix ans, a eu lieu. Et dans les discours officiels, chaque bouton de guêtre sera poli comme il convient. Cela dit, quand il s'agit de passer à l'acte, il n'y a plus personne. Et la dégradation de la situation sur le terrain est bien réelle, que ce soit aux Etats-Unis, où c'est assumé de façon assez cynique ; que ce soit dans les pays du Tiers-Monde, où l'on n'a manifestement pas les moyens de résister aux attentes de la population, et cette attente c'est consommer et voir s'améliorer la situation de centaines de millions de personnes qui vivent dans la misère, qui n'ont même pas d'eau potable. Et puis en Europe, on n'assume pas toujours."
Donc J. Chirac pas plus écolo franchement pour vous que L. Jospin. Mais pour ce qui vous concerne...
- "Les discours seront parfaits. La capacité à résister aux lobbies, que ce soit le lobby de l'agriculture productiviste ou des constructeurs de voitures, sera proche de zéro, j'en prends le pari."
Revenons à vous, D. Voynet. Je vous demandais comment vous alliez après cet été, peut-être un peu plus difficile que d'autres, parce qu'on lit, ici et là, que vous souhaitez sans doute respirer, prendre un peu de champ et sans doute quitter votre siège de numéro 1 des Verts. C'est pour bientôt ?
- "Comme vous le savez, l'exécutif des Verts est collégial, nous sommes 15 - c'est sans doute excessif - à gérer ce parti. Donc j'ai fait effectivement état d'une certaine insatisfaction par rapport à ce fonctionnement collégial, par rapport à la lourdeur de ce fonctionnement au regard du nombre que sont les Verts - nous sommes 10.000. Et c'est vrai que cela pourrait se passer de façon plus simple et plus amicale entre nous. Cela dit, mon sort personnel n'est pas en question ce matin. C'est bien de l'état de la France et de la société française dont on va discuter."
En même temps, vous allez peut-être annoncer que vous changez de rôle ou que vous vous impliquez dans d'autres tâches, non ?
- "Je pense que ça n'intéresserait personne à cette heure de savoir quelles sont mes intentions personnelles. En revanche..."
La personnalisation du pouvoir et des rôles font que vous avez été l'emblème des Verts, vous avez été ministre, les gens vous connaissent... C'est normal qu'on vous pose la question.
- "Les Verts sont certainement le parti politique dans le champ politique qui se préoccupe le moins de cette personnalisation excessive des rôles. Nous cherchons encore à rénover les règles du jeu en politique. Nous le faisons de façon brouillonne et souvent maladroite. Mais nous y tenons quand même très fort..."
Je vais peut-être poser la question autrement : est-ce que, lorsqu'on ne se fait pas réélire, lorsqu'éventuellement on a eu une stratégie qui est très contestée, peut-on rester à la tête d'un parti ?
- "Vous pourrez choisir toutes les façons que vous voudrez de me faire dire ce que je n'ai pas envie de dire, je ne le dirai pas R. Elkrief. Et ce n'est pas en étant caricaturale et à peine désagréable que ça pourra se faire de façon plus simple. Pour ce qui me concerne aujourd'hui, je vous le dis, je crois que la stratégie n'est pas contestée et je n'ai entendu d'ailleurs personne formuler une autre stratégie. Un splendide isolement des Verts, qui se seraient contentés, sur leur Aventin, de commenter de l'extérieur le travail de la majorité plurielle, n'aurait pas été plus apprécié par nos militants. C'est ce débat que nous allons avoir ensemble et j'en tirerai pour ma part les conséquences qui devront l'être."
Loin de moi l'idée d'être désagréable, même à 7h50. C'est simplement mon travail de journaliste que d'essayer d'avoir l'information qui est par ailleurs dans certains journaux ce matin, et que j'essaie de faire confirmer. Donc, ce ne sera peut-être pas pour aujourd'hui. Merci D. Voynet.
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 août 2002)