Texte intégral
Le processus que nous avons lancé ensemble à Barcelone, voici bientôt un an et demi, a fait naître un immense espoir.
Cet espoir était justifié parce que, pour la première fois je crois, nous avions tous fait preuve d'une même volonté de faire de cette Méditerranée qui nous est commune un véritable "espace de paix et de prospérité".
Ce n'était pas de notre part un simple voeu. Nous nous sommes donné, avec la Déclaration de Barcelone et ses trois volets, qui forment un toutindissociable, un projet cohérent, et les moyens nécessaires.
Je voudrais pendant les quelques minutes dont je dispose, souligner devant vousce qui, du point de vue de la France, me paraît essentiel pour sa réussite, enayant bien sûr présentes à l'esprit, comme chacun de vous, les difficultés dela situation actuelle et les préoccupations qu'elles suscitent.
Première observation : notre projet euro-méditerranéen est effectivement porteur d'une grande ambition, une ambition fondamentale pour l'avenir des nations méditerranéennes. Cela exigera, à l'évidence, du temps, de la patience et de la détermination. Beaucoup de détermination, pas de trop de patience. Je
comprends ceux qui sont impatients.
Nous y sommes prêts, car c'est la condition de 1a réussite. On peut certes regretter que tout ne soit pas allé aussi vite et aussi loin quenous l'aurions souhaité. Je le comprends d'autant mieux, qu'il m'est arrivé, àmoi aussi, de m'inquiéter de certaines lenteurs en matière de coopération, parexemple. Le vice-président Marin le sait bien. Mais nous devons nous montrerpositifs. Nous devons continuer d'avancer, d'accélérer notre mouvement. Je souhaite, pour ma part, que notre réunion soit l'occasion d'un premie rbilan, dont nous puissions tirer des enseignements utiles et qu'elle nous permette ainsi d'aller de l'avant.
Le deuxième point, que l'on comprendrait mal que je passe sous silence, concerne la situation politique présente dans la région. Comme plusieurs d'entre vous l'ont déjà souligné, elle comporte un élément très préoccupant et très alarmant qui tient à l'état du processus de paix au Proche-Orient. Nous ne sommes, certes, pas ici pour en discuter sur le fond. Vous me permettez cependant de rappeler la position de la France, qui s'articule en trois éléments :
- le processus de paix et le processus de Barcelone sont deux exercices différents et séparés. Nous sommes ensemble convenus à Barcelone que l'on ne mènerait pas les deux démarches. J'insiste pour que nous soyons stricts à ceteffet. Toute autre politique aurait des effets désastreux.
il reste que le blocage du processus de paix exerce par contagion des effets dommageables sur Barcelone. Pour coopérer, il faut d'abord faire la paix. C'est pourquoi nous condamnons le blocage du processus de paix, parce qu'il entrave l'émergence d'une communauté de vues et d'action entre nos pays méditerranéens.
La position des Quinze est bien connue : elle a été définie à Bruxelles, il y a quelques jours. L'Union européenne appelle à une reprise immédiate des négociations sur la base des dix points de la lettre européenne au secrétaire d'Etat américain. Nous avons défini ensemble un code de bonne conduite.- engager et mener à bien le processus de Barcelone contribuera à créer un climat de compréhension et renforcera notre aptitude à faire avancer le processus de paix.
Je ne doute pas que nous saurons trouver ensemble la meilleure manière de
formuler les points de vue qui sont les nôtres.
Concernant le contenu même de notre partenariat et ce sera là ma dernière observation - j'ajouterai qu'il faut en effet veiller à son équilibre et à la progression parallèle de l'ensemble de ses volets. Parce qu'ils diffèrent assez profondément dans leurs procédures d'examen et de décision, l'on croit parfois devoir en conclure à un inégal intérêt de notre part. Cette perception est, je tiens à le souligner, tout à fait inexacte.
Ce qui est vrai, c'est que dans chacun des trois domaines dont il s'agit, beaucoup reste à faire.
Le volet économique et financier, qui doit rester au coeur de notre partenariat, exige assurément des efforts encore plus importants. Notamment pour traduire concrètement les engagements considérables définis à Cannes en1995 que ce soit pour la mise en place des financements - qui restent soumis à des délais trop longs - ou bien pour l'adoption de plus de projets ayant une dimension proprement multilatérale. Il faut aussi veiller à mettre en perspective notre projet de zone de libre-échange : il ne doit pas être une fin en soi, mais un moyen de stimuler le développement de la région.
Selon une démarche concertée dans le cadre de nos accords d'association. Dans le troisième volet, les initiatives envisagées, en matière d'échanges de jeunes, de santé, d'audiovisuel ou d'enseignement supérieur, doivent aussi occuper désormais une place importante dans notre coopération. Dans le même temps, il est nécessaire de traiter de manière progressive les sujets qui correspondent à ce qu'on appelle au sein de l'Union européenne le "troisième pilier" et qui représentent des enjeux majeurs dans les relations entre les deux rives de la Méditerranée.
J'appuie, à cet égard, la proposition de l'Egypte d'une conférence culturelle. C'est une excellente proposition.
S'agissant du partenariat politique et de sécurité, vous savez l'importance que le président de la République française et moi-même attachons à l'idée d'une charte euro-méditerranéenne. Elle devrait avoir pour objectif principal de consolider notre dialogue et de créer, grâce à celui-ci, un climat de confiance et de coopération qui permette à l'Europe d'assurer progressivement, comme elle en a le devoir, des responsabilités pour le maintien de la stabilité et de la paix dans la région. Il me paraîtrait souhaitable pour cette raison que, même si nous ne pouvons pas prendre de décision sur ce projet dans l'immédiat, un travail soit rapidement entrepris par les hauts fonctionnaires pour élaborer une proposition à l'aide de celle déjà présentée en octobre par l'Union européenne et des contributions apportées depuis lors par certains de nos partenaires méditerranéens.
Enfin, le partenariat que nous avons l'ambition d'instaurer doit mieux se refléter dans les procédures de mise en oeuvre de la coopération. Il conviendra à l'avenir d'établir un véritable dialogue sur les orientations de la coopération.
Il nous faut aussi fixer notre programme de travail. Je pense qu'un premier moyen, pragmatique, de le faire sera de renforcer le rôle du comité euro-méditarranéen, qui doit voir sa vocation de suivi, de contrôle et d'impulsion réaffirmée.
Le calendrier doit également être précisé. J'aimerais, à cet égard, suggérer que le Comité puisse, avant 1999, tenir une de ses réunions au niveau ministériel, afin d'affirmer son rôle et sa volonté politiques. Je propose que cette réunion se tienne, si cela est utile, à Marseille.
L'Allemagne a proposé d'accueillir la prochaine conférence euro-méditérranéenne au début de 1999. C'est une bonne idée.
Il est important, pour la crédibilité de notre rapprochement, que l'espérance de Barcelone ne soit pas déçue. Je forme donc le voeu que notre Conférence, que le gouvernement maltais a su organiser avec tant d'hospitalité et de compétence, et je tiens à l'en remercier, marque une nouvelle avancée vers la réalisation de notre ambition commune..
Le processus de Barcelone, c'est quelque chose d'extrêmement important. Cette démarche, que nous avons engagée en 1995 sous la présidence espagnole, mais avec une très forte implication française et préparée sous la présidence française, peut paraître décevante, longue à prendre forme, ce qui est vrai d'ailleurs. Il n'en demeure pas moins que c'est sans doute une des plus grandes initiatives diplomatiques que l'Europe n'ait jamais prise, puisqu'il s'agit pour nous d'un processus qui, pour la première fois, organise un projet commun entre l'ensemble des pays de la Méditerranée sous l'impulsion de l'Union européenne. Il ne s'agit pas en effet d'une conférence ordinaire, comme il y en a beaucoup. Il s'agit bien d'un projet ambitieux, puisqu'il a pour objet à la fois d'élaborer un cadre politique de travail, avec la prise en considération des éléments de stabilité politique et de sécurité, à quoi la France a consacré comme vous le savez beaucoup d'efforts, mais aussi d'engager un projet économique s'appuyant à la fois sur la liberté des échanges et sur le soutien européen pour le développement des économies du sud de la Méditerranée, et enfin d'un projet culturel qui a l'ambition de rapprocher enfin les pays qui sont issus de trois grandes religions, de civilisations très différentes les unes des autres, mais qui ont toutes en commun d'être nées au bord de la Méditerranée. C'est un vrai projet politique et du point de vue européen, c'est en plus l'ambition d'une sorte de rééquilibrage politique de l'Europe afin que, sans cesser de regarder vers l'Est, c'est-à-dire vers l'Europe centrale et orientale, elle consacre plus d'efforts vers le Sud, où se trouvent ses intérêts vitaux. C'est donc vraiment une grande affaire, et naturellement, comme tous les grands projets, ça ne s'épanouit pas comme cela, le blé pousse en un an, les chênes mettent 300 ans à se développer, j'espère que ça ne mette pas 300 ans naturellement, mais je veux dire qu'il est vrai que ce processus très ambitieux, cette démarche à vocation historique, si réussie, prend du temps. Par surcroît, c'est un projet qui a été imaginé à un moment où le processus de paix paraissait engagé dans sa dernière phase, et au fond on peut dire que le processus de Barcelone était un processus de l'après-paix. De ce point de vue, le blocage du processus de paix constitue un élément de freinage qu'on ne peut pas contester. Alors ça, c'est le cadre général, mais sur lequel je dois insister auprès de vous parce que je sais bien que les journalistes sont condamnés en quelque sorte à l'actualité et que la philosophie des choses n'attire pas toujours votre attention, mais je trouve que c'est suffisamment important pour que je vous le dise.
Q - Peut-on dire que Malte est un échec ?
R - On ne peut pas dire ça. Regardons les choses d'un peu plus près. Le premier fait remarquable, c'est que précisément, la crise du processus de paix, la crise grave, la plus grave que le processus de paix ait jamais connu, n'a pas empêché la Conférence de Malte de se tenir. Et en dépit du fait qu'entre Israël, les Palestiniens, la Syrie et le Liban, et maintenant entre Israël et l'ensemble des pays arabes, existe une situation de tension, n'a pas empêché l'ensemble des ministres des Affaires étrangères d'être présents. Je me souviens de 1995, pour la première Conférence de Barcelone, quelles difficultés nous avons eu pour avoir la présence de tous les ministres des Affaires étrangères. Cette fois-ci, je dirais que ça n'a pas été plus difficile, et que finalement, des pays dont on aurait pu douter le plus qu'ils viennent compte-tenu de cette situation de crise, sont venus, et sont activement présents : la Syrie, le Liban. Donc, Malte ne peut pas être un échec, parce que Malte a lieu. Le fait que la Conférence de Malte se soit tenue est déjà un succès.
Q - Malte devait quand même permettre de rebondir...
R - Tout d'abord, on n'en est qu'au premier soir, il faut attendre. Je dois le dire parce que je le pense que, l'Europe ne s'est pas assez investie depuis Barcelone, dans l'activation du processus de Barcelone. Je pense notamment aux aspects économiques des choses, la mise en oeuvre des programmes financiers, la négociation des accords d'association. Les pays méditerranéens se plaignent des lenteurs de la procédure d'attribution des fonds, je ne suis pas loin de penser qu'ils ont raison. De même, il me semble qu'il n'a pas été donné assez d'ambition à la recherche de projets à caractère multilatéral, en dépit des pressions de toutes sortes qui s'exercent plutôt contre cette idée. Mais cette idée reste au centre de l'idée que nous nous faisons du volet économique du processus de Barcelone. Donc, on peut dire qu'au cours de ces deux années, il y a eu sans doute une certaine lourdeur du dispositif, et il faut en tirer la leçon, et par conséquent faire en sorte qu'après Malte, ces aspects économiques et culturels prennent plus d'ampleur, aillent plus vite, bref qu'on surmonte les handicaps observés.
Q - Vous avez eu toute une série d'entretiens bilatéraux avec des représentants arabes cet après-midi. Vous avez parlé principalement du processus de paix, j'imagine. Qu'est-ce que vous leur avez dit et que vous ont-ils répondu ?
R - J'ai rencontré longuement le président Arafat à deux reprises, j'ai rencontré M. Chara a ce soir avant dîner, je me suis entretenu avec M. Attaf ministre des Affaires étrangères algérien, j'ai parlé avec le ministre égyptien.
Q - M. Arafat vous a-t-il demandé des explications ou des raisons pour
lesquelles la rencontre que vous souhaitiez...
R - De quelle rencontre parlez-vous ?
Q - La rencontre israélo-palestinienne que l'Union souhaitait...
R - C'est un projet qu'avait lancé en effet la présidence néerlandaise. Nous n'y avons pas été directement associés, donc je n'ai pas participé directement à cet exercice, j'espère qu'il aura lieu... Mais enfin, je voudrais préciser les choses : la Conférence de Barcelone, le processus de Barcelone, et le processus de paix, sont deux processus séparés. Et à vouloir les mélanger, on est assuré d'encourir à des difficultés. Ce sont deux processus qui doivent se poursuivre chacun sur sa propre ligne, sur sa propre logique, avec ses partenaires. Bien entendu, il y a des effets de contagion : les difficultés du processus de paix retentissent sur le processus de Barcelone, il n'y a pas de doute à cela. Et pour que le processus de Barcelone puisse s'épanouir, et prendre sa pleine dimension, il est tout à fait évident qu'il faut que le processus de paix se déroule normalement. Le fait qu'il y ait un blocage, une crise, a des effets de contagion qui sont des effets de freinage, des effets négatifs. Mais pour autant, il ne faut pas les mélanger. Je répète qu'à mélanger les deux processus on s'exposerait à de graves inconvénients.
Q - Il y a une grave crise de conscience entre Israël et ses voisins, cela va peser lourdement dans les moins à venir, le processus va être bloqué...
R - Il l'est en tout cas, mais je répète que le processus de Barcelone s'est poursuivi. J'espère qu'il continuera, je crois d'ailleurs qu'il continuera à se poursuivre.
Q - Avez-vous discuté avec le président Arafat du plan européen. Comment le plan a-t-il été accueilli ici ?
R - Le président Arafat m'a paru tout à fait favorable.
Q - Y compris sur la partie de condamnation de faire plus d'efforts encore sur le terrorisme ?
R - Il m'a paru favorable au caractère équilibré de ce document.
Q - Avez-vous parlé avec David Lévy ?
R - Je n'ai pas rencontré encore David Lévy. Je dois le voir demain matin.
Q - A propos de votre rencontre avec M. Charaa ?
R - Vous savez que les relations franco-syriennes sont des relations confiantes, que je peux qualifier d'excellentes. J'ai eu le plus grand plaisir à retrouver M. Charaa. Nous avons parlé ensemble du processus de paix, pour constater d'ailleurs qu'il était très préoccupant qu'il n'y ait aucune conversation, aucun contact, aucune prise sur le volet syro-libanais. Mais en même temps vous savez que nous sommes en contact permanent, lui et moi, sur ce sujet.
Q - En est-on toujours à deux projets de déclaration unilatérale plus un projet commun, ou bien a-t-on réduit le fossé...?
R - Il y aura un projet, il y aura un relevé de conclusions, un document final à cette Conférence, ou bien alors vous pourrez écrire échec... Mais s'il y a un document final, comme je le pense, comme je l'espère, cela veut dire que nous avons fait notre travail. Le débat porte sur un paragraphe, celui qui fait état du processus de paix. Cette question s'était déjà posée pratiquement dans les mêmes termes à Barcelone. Je me rappelle très exactement les difficultés que nous avions rencontrées, l'atmosphère de tension qu'il y avait par exemple entre M. Barak, ministre israélien des Affaires étrangères et le ministre syrien, M. Charaa. L'atmosphère était beaucoup plus lourde, finalement et paradoxalement, qu'elle ne l'est aujourd'hui, parce que c'était la première fois que tous les pays méditerranéens se trouvaient autour de la même table, sans pays tiers. Ceci vous parait aujourd'hui normal, établi, mais c'est la première fois qu'ils se retrouvent, comme des gens qui se connaissent et qui se pratique. A Barcelone, nous avions été harcelés par toutes sortes de pays tiers qui voulaient de toute force être présents, ils étaient nombreux.
Q - Les Etats-Unis ?
R - Toutes sortes... Les Etats-Unis, les Russes, les Japonais, le monde entier voulait être là. Ce qui était d'ailleurs assez sympathique en soi, mais il avait fallu beaucoup s'accrocher pour qu'on maintienne l'esprit que nous espérions être celui de Barcelone, c'est-à-dire que les pays de la Méditerranée ensemble traitent leurs propres affaires. Et bien aujourd'hui tout cela paraît naturel, personne n'en parle plus, à aucun moment la question ne s'est posée...Il y a quelque chose qui existe désormais. Mais je répète que le problème portait sur ce paragraphe. Alors, on en a discuté pendant des heures. Je me rappelle être allé avec Javier Solana dans un bureau avec mes collaborateurs et les siens pour discuter ensemble de la façon de rédiger cette phrase, qui était le coeur du débat. Evidemment, cette question se pose à nouveau, la proposition européenne, c'est de reprendre ce même texte. Il a valeur de principe, valeur de référence, valeur permanente. La question qui se pose est de savoir si cela suffit ou s'il faut faire autre chose, ou davantage de choses. Il n'y a pas de contestation sur ce paragraphe. Faut-il rajouter quelque chose qui soit en
rapport avec le blocage du processus de paix ?
Q - Est-ce qu'il est possible de refuser qu'il y ait mention de ce paragraphe
faisant état du processus de paix ?
R - Non, c'est impossible. Le texte de Barcelone sera dans le texte, ça va de soi. La question est : faut-il compléter par une référence au blocage ? Nous avons un texte qui parle du processus, faut-il compléter par une référence au blocage ? A partir de là, il y a plusieurs solutions possibles. Il vaut mieux en trouver une qui puisse avoir l'accord général. Alors, où en est-on, franchement ? Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment.
Q - Comment sont vos entretiens avec votre homologue algérien ?
Depuis août dernier, vous n'avez pas eu beaucoup de contacts...
R - Nous avons quand même eu des conversations téléphoniques. Je l'ai rencontré à New York. Je le vois ici. Je vais le voir dans deux mois à Zeralda. Et donc nous en avons profité pour faire le point des relations franco-algériennes. Nous avons confirmé que l'objectif de la France et de l'Algérie était que ces relations soient cordiales, denses et si possible chaleureuse; Ce sont des relations d'Etat à Etat fondées sur le respect mutuel, la non-ingérence, et l'intérêt des deux parties. Nous avons exprimé notre satisfaction de l'heureux aboutissement du débat sur l'escale parisienne d'Air Algérie, dont je me réjouis vivement, et dans lequel nous avons, M. Attaf et moi, joué personnellement un rôle très actif. Nous sommes donc convenus de renforcer les relations bilatérales, notamment de développer les échanges de visite intéressant les différents secteurs de l'activité gouvernementale. Je lui ai annoncé que Mme Idrac en particulier, était disponible pour se rendre prochainement en Algérie pour visiter son homologue algérien. D'autres visites auront lieu. Les deux secrétaires généraux de nos deux ministères vont reprendre entre eux des consultations régulières.
Q - Le protocole financier, l'avez-vous abordé ?
R - Nous n'avons pas abordé cette question qui relève du ministre des Finances, pour autant d'ailleurs que la partie algérienne y soit intéressée.
Q - A-t-il été question des élections en Algérie ?
R - Non.
Q - Le processus de paix au Proche-Orient s'est un peu invité à la tables des 27 qui pourtant, n'avait pas vocation à discuter de cela ici...
R - En effet, le processus de Barcelone, c'est un projet que nous avons lancé en 1995 sous l'institution des Espagnols et des Français pour réunir autour de la même table l'ensemble des pays de la Méditerranée, ceux du nord de l'Europe, ceux du sud, les pays arabes, Israël, la Turquie, Malte, tout le monde. Et avec trois idées en tête : premièrement, organiser ensemble un dialogue politique et fixer ensemble des règles de stabilité et de paix pour l'avenir, pour faire en sorte que cette Méditerranée soit une zone de prospérité et de développement, à la fois par les accords d'association aux pays de la Méditerranée du Sud avec l'Europe, mais aussi par l'organisation progressive d'échanges plus ouverts entre le Nord et le Sud. Enfin et troisièmement, un volet culturel portant sur la formation, la jeunesse, les universités, l'audiovisuel, bref sur tous les grands sujets de notre vie culturelle.
Q - Tout cela est occulté par le blocage du processus de paix au Proche-Orient...
R - On ne peut pas dire cela parce que nous avons fait ce travail-là aujourd'hui, nous avons poursuivi et approfondi notre démarche et je crois qu'on pourra dire que cette Conférence a rempli son mandat. Mais c'est vrai que chacun a en tête le blocage du processus de paix, et que vous, les observateurs, vous êtes tenté de ne regarder que cela. L'opinion publique, sans doute, fera de même, et nous sommes d'accord pour considérer le caractère déterminant du processus de paix, qui est une sorte de caillou qui grippe tous les rouages. Mais encore une fois, le processus de paix entre Israël et ses voisins, c'est une chose. La grande communauté des peuples de la Méditerranée que nous voulons construire, c'est encore un autre projet.
Q - Pourquoi les Européens n'acceptent-ils pas de modifier le paragraphe politique dans le préambule, dans un sens qui refléterait le fait qu'il y a eu une modification, une détérioration du processus de paix ?
R - Le fait qu'il y ait un blocage du processus de paix, personne ne le conteste et certainement pas la France. Simplement, dans le texte commun qui va sortir de cette Conférence, il faut que tout ce qu'on écrit puisse être signé par toutes les parties, et donc nous cherchons comment nous allons exprimer en pratique, à la fois notre attachement au processus de paix, et ensuite notre inquiétude devant la situation que vous constatez, c'est le travail des diplomates.
Q - Est-ce que vous pensez que vous pourrez dégager un seul document, qu'il n'y aura pas de document annexe ?
R - Il y aura peut-être des documents annexes, mais l'essentiel est qu'il y aura un document qui constituera les conclusions de cette Conférence de Malte et qui va permettre de travailler pendant l'année 1997 et 1998 à la poursuite de ce projet, avec une charte de stabilité que la France propose, mais aussi sur le terrain économique pour la relance des relations, et pour l'activation des négociations des accords d'association entre l'Europe et les pays du Sud de la Méditerranée, en particulier l'Egypte, la Jordanie et l'Algérie, et enfin pour que quelques projets culturels auxquels la France s'intéresse spécialement, en particulier pour la télévision, puissent voir le jour. Il esttrès important qu'il y ait des programmes en langue arabe qui viennent de chez nous, qui puissent ouvrir des espaces de culture et d'information.
Q - Et donc jeter un pont culturel... R - Voilà. Le président Chirac, au Caire, a dit qu'après avoir détruit un mur à l'Est, il fallait que les Européens construisent un pont au Sud. Il s'agit d'établir entre les pays de la Méditerranée et nous, un dialogue, une base de travail en commun, de compréhension mutuelle qui sera absolution nécessaire. La Méditerranée, c'est le grand enjeu.
Q - Enfin, si le blocage dans le processus de paix devait se poursuivre dans tous les volets, syro-israéliens, palestino-israéliens, libano-israéliens, est-ce que vous pensez que l'établissement d'une coopération régionale en matière de sécurité, d'un pacte de stabilité, est vraiment une option réaliste
?
R - Il faut regarder la carte avec optimisme, le processus de paix connaît aujourd'hui un temps de crise, nous allons travailler à la surmonter dans les mois qui viennent, et c'est naturellement une fois que le processus de paix sera reparti sur un rythme normal, et qu'on en verra l'issue, que le projet d'une pacte de stabilité pourra s'établir..
Je voudrais vous rendre compte des discussions qui ont eu lieu depuis maintenant un certain temps, et qui avaient pour objet de mettre au point le texte de la déclaration finale de la Conférence euro-méditerranéenne de Malte.
Nous sommes parvenus à un texte commun, qui constitue par conséquent l'achèvement positif de cette Conférence euro-méditerranéenne. C'est la deuxième fois que les pays méditerranéens se retrouvent ensemble. La première fois, c'était à Barcelone, à l'initiative de la présidence européenne, sous la responsabilité du gouvernement espagnol, qui assumait alors la présidence, et la France avait apporté un concours important, à la fois pour lancer l'idée, au cours de sa présidence lors du premier semestre 1995, et pour parvenir à un document final qui ait l'accord de toutes les parties.
Et bien, une fois encore, c'est le même scénario qui s'est reproduit. Je suis satisfait aujourd'hui, parce que nous confirmons l'engagement des Européens et des pays de la Méditerranée pour un processus qui est à la fois politique, économique et culturel, et qui engage la totalité des pays du pourtour méditerranéen dans une démarche à long terme dont l'objectif est de faire de la Méditerranée un lieu de paix, de stabilité et de développement.
C'est pourquoi dans le document final, comme à Barcelone, s'expriment les trois volets de notre engagement.
D'abord le volet politique et de stabilité. Nous avons pris acte des travaux qui ont été conduits par nos experts depuis la Conférence de Barcelone. Ce sont des travaux très importants, très utiles. Nous sommes convenus de leur demander de les poursuivre, de les achever, en vue d'élaborer une Charte de stabilité et de sécurité en Méditerranée, de telle sorte que, le moment venu, elle puisse être approuvée par les ministres. Vous le savez, c'est une idée à laquelle la France a attaché son nom, à laquelle nous sommes particulièrement attachés parce que nous pensons que, à la base de tout, il doit y avoir un dialogue politique approfondi entre les partenaires méditerranéens de façon à agir ensemble pour nos intérêts communs, nos intérêts politiques et nos intérêts de sécurité.
La Méditerranée est pour nous l'enjeu de nos intérêts vitaux, pour les uns et pour les autres. La paix, et la stabilité dans cette région constituent pour nous tous un objectif fondamental.
Ensuite, nous avons convenu de poursuivre l'engagement économique qui est le nôtre, et dont vous savez que l'essence, c'est la détermination européenne à contribuer de façon décisive au développement économique des pays du Sud de la Méditerranée. Ce volet économique comprend plusieurs aspects.
Il comprend l'idée de libérer les échanges entre nous, non pas par esprit dogmatique, mais parce que nous pensons que l'accroissement des échanges économiques entre nos peuples est la meilleure source de leur développement. Pour encourager ce mouvement, l'Europe a pris l'initiative de négocier, de signer des accords d'association avec les pays du Sud de la Méditerranée. Un certain nombre d'entre eux sont déjà signés, d'autres sont en cours de négociation. Nous souhaitons les uns et les autres que ces accords soient, pour ceux qui sont signés, ratifiés - certains le sont -, pour que ceux qui sont en cours de négociation soient achevés, que cette négociation soit finalisée rapidement.
Il en est ainsi, comme vous le savez, en particulier avec la Jordanie, avec l'Egypte et avec l'Algérie. Les trois processus que je viens d'évoquer n'en sont pas exactement au même point, les uns et les autres, mais je sais que des difficultés subsistent ici ou là, et naturellement notre engagement c'est aussi de trouver des réponses concrètes, acceptables par les uns et par les autres, puisque ces accords d'association ont pour objectif de contribuer au développement des échanges et à l'accroissement de la production pour les uns et pour les autres.
A l'appui de ce volet économique du Processus de Barcelone, il y a aussi, je voudrais le rappeler, l'engagement très important de l'Union européenne de participer financièrement au soutien du développement économique des pays du Sud de la Méditerranée. A l'initiative de la France, sous la présidence française, à Cannes, nous avons fixé, non sans mal, une enveloppe extrêmement importante qui montre ainsi la détermination européenne à contribuer aufinancement du développement des pays du Sud de la Méditerranée.
Enfin, le volet culturel est extrêmement important : dans la déclaration finale sont évoquées nos préoccupations dans le domaine de la culture, de la formation, dans le domaine de l'audiovisuel, dans le domaine de la santé, cette liste n'est pas exhaustive mais elle marque quelques-unes de nos préoccupations centrales. Là encore, les pays du pourtour méditerranéen s'engagent ainsi, avec l'aide financière de l'Europe, à organiser des projets bilatéraux ou multilatéraux permettant d'accroître le dialogue et les échanges, non seulement entre les Etats ou entre nos entreprises, mais aussi entre les peuples. C'est donc une dimension très importante du processus de Barcelone.
Enfin, le débat, comme vous le savez, ne pouvait pas laisser à l'écart les difficultés que connaît aujourd'hui le processus de paix. Comme je l'ai dit devant la Conférence en séance plénière hier, comme je crois chacun en convient, le Processus de Barcelone est une chose, le processus de paix au Proche-Orient en est une autre. Nous sommes tous d'accord pour constater que ce sont des processus différents qui ne doivent pas, dans la mesure du possible, interférer l'un sur l'autre. C'est d'ailleurs ce que nous avons écrit en toutes lettres dans le texte de Barcelone, et ce passage-là sera repris à l'identique dans le texte qui sera issue de la Conférence de Malte.
Néanmoins, entre Barcelone et Malte, il s'est passé beaucoup d'événements, beaucoup d'événements, il faut bien le dire, négatifs, qui ont montré, hélas, une aggravation de la situation au Proche-Orient et une augmentation de la tension entre les parties et j'oserais dire aussi, sans doute, une profonde perte de confiance, qui est à nos yeux une préoccupation majeure.
Pour négocier, pour parvenir à la paix, il faut sans doute de bons diplomates, et il faut avant tout un climat de confiance entre les dirigeants et entre les peuples. Il nous est apparu nécessaire, dans ces conditions, d'évoquer dans ce texte, dans le préambule de ce texte, la situation du processus de paix, pour exprimer notre profonde inquiétude devant les obstacles qui entravent le processus de paix au Proche-Orient et pour exprimer la nécessité que soit réalisé un règlement juste, compréhensif et durable de la situation au Proche-Orient dans le cadre du processus de paix agréé à Madrid le 31 octobre 1991. Sur cette base, l'ensemble des partenaires a convenu de se mettre d'accord. C'est ainsi qu'en séance plénière, sauf obstacle de dernière minute, nous devrions agréer en commun le texte que je viens d'évoquer devant vous.
Ainsi va s'achever la Conférence de Malte. Elle confirmera la volonté à long terme, l'engagement stratégique des pays de la Méditerranée pour créer entre eux un partenariat multiforme, la volonté de s'engager à long terme, malgré les difficultés de l'heure, dans une action qui les concerne et qui doit permettre à nos peuples de franchir de nouvelles étapes. Voilà ce que je voulais vous dire au terme de cette Conférence que, dans ces conditions, je considère comme
réussie.
Q - ( sur la rencontre entre MM. Arafat et Levy)
R - Je me félicite qu'en effet, ce matin M. Yasser Arafat, M. David Levy, entourés de mon collègue Hans Van Mierlo, président de l'Union européenne pour le semestre en cours, ainsi que de mon collègue Amr Moussa, ministre égyptien, et moi-même, aient pu se rencontrer. Comme vous le savez, il y a eu d'abord une partie qui était destinée à ce que vous puissiez, tels Saint-Thomas, toucher les choses par l'image et constater qu'en effet, ils étaient bien ensemble. Mais ensuite, nous avons échangé, nous avons dialogué.
Et, je crois que cette rencontre, si elle ne constitue pas un engagement propre à nous assurer d'un redémarrage prochain du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, du moins est-ce un signe positif que le dialogue est possible, qu'il peut continuer. C'est déjà un premier signe, et c'est aussi le signe que l'Europe est non seulement utile, mais qu'elle est indispensable au Proche-Orient pour permettre le bon déroulement du processus de paix.
L'Europe et la France ont, dans ce domaine, vous le savez, une détermination
forte, qui s'est déjà exprimée abondamment depuis dix-huit mois, et je puis
vous donner, pour ce qui me concerne, l'assurance que cela se poursuivra.
Q - De quelle manière la Déclaration finale a-t-elle mentionné la coopération
parlementaire entre les Etats euro-méditerranéens ?
R - Je crois que les rencontres parlementaires entre les pays euro-méditerranéens sont évidemment un objectif positif, et qu'on ne peut qu'encourager à tous égards. Tout ce qui permet de multiplier les rencontres, les occasions de se connaître, de se parler, parfois de se découvrir, est utile.
Le Processus de Barcelone ne concerne pas simplement les gouvernements, il concerne aussi la société civile. Le développement du partenariat en Méditerranée est une affaire qui concerne l'ensemble des peuples et donc tous les moyens qui peuvent être utilisés dans cette voie, y compris naturellement les rencontres parlementaires, ont une très grande importance.
Q - Est-ce qu'il y a des différences entre le document final de Barcelone et le document final de Malte ?
R - Je croyais m'en être expliqué. Oui. Il y a progrès en ce qui concerne la Charte de stabilité et le partenariat politique, puisque des travaux ont été accomplis depuis dix-huit mois, que nous avons pris acte de ces travaux et que nous avons demandé aux hauts fonctionnaires de les poursuivre pour élaborer une Charte de sécurité.
Je crois aussi que, sur le plan économique, je vous avais indiqué tous les progrès qui ont été accomplis, puisque les accords d'association, non seulement sont en cours de négociation, mais les négociations vont être, je l'espère, accélérées dans la foulée de l'Accord de Malte. Et, enfin sur le plan culturel, nous avons confirmé, mais aussi développé, nos orientations.
Q - (sur le préambule)
R - Ce n'est pas un préambule séparé. Le texte des conclusions finales est un texte continu avec néanmoins, en effet, un début qui a l'allure d'un préambule et ensuite des conclusions qui concernent les trois volets. Ce qui concerne le processus de paix se trouve dans le préambule comme cela était d'ailleurs déjà dans le document de Barcelone. Le texte a changé, puisqu'il y a à la fois le texte de Barcelone, plus le complément que je viens de vous indiquer.
Q - (sur les différences entre le texte de Barcelone et celui de Malte)
R - Je veux bien encore recommencer une troisième fois, autant de fois d'ailleurs que ce sera nécessaire pour convaincre.
Sur le plan politique, d'abord, je rappelle que la France avait lancé à Barcelone, non sans peine, parce qu'il y avait beaucoup de réticences sur ce sujet, l'idée de travailler sur une Charte. Depuis un an et demi, il y a des travaux qui ont été accomplis, assez importants, ils sont d'ailleurs développés dans une des annexes du document final.
Ces travaux doivent être poursuivis et nous avons donné instruction aux hauts fonctionnaires de les poursuivre en vue d'achever la Charte en question. Alors cette Charte, naturellement, ne pourra être adoptée que, lorsque la situation politique le permettra, en toute hypothèse, mais encore une fois, je trouve tout à fait remarquable que, dans la situation présente, qui est ce qu'elle est, l'ensemble des Etats participants aient convenu de poursuivre ce travail.
Q - La Déclaration finale inclut-elle l'élargissement à d'autres pays du processus euro-méditerranéen ?
R - Non, le Processus de Barcelone pour l'instant comprend l'ensemble des pays que vous connaissez, présents à cette Conférence, et il n'y a pas de projet actuel d'en étendre le nombre
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)
Cet espoir était justifié parce que, pour la première fois je crois, nous avions tous fait preuve d'une même volonté de faire de cette Méditerranée qui nous est commune un véritable "espace de paix et de prospérité".
Ce n'était pas de notre part un simple voeu. Nous nous sommes donné, avec la Déclaration de Barcelone et ses trois volets, qui forment un toutindissociable, un projet cohérent, et les moyens nécessaires.
Je voudrais pendant les quelques minutes dont je dispose, souligner devant vousce qui, du point de vue de la France, me paraît essentiel pour sa réussite, enayant bien sûr présentes à l'esprit, comme chacun de vous, les difficultés dela situation actuelle et les préoccupations qu'elles suscitent.
Première observation : notre projet euro-méditerranéen est effectivement porteur d'une grande ambition, une ambition fondamentale pour l'avenir des nations méditerranéennes. Cela exigera, à l'évidence, du temps, de la patience et de la détermination. Beaucoup de détermination, pas de trop de patience. Je
comprends ceux qui sont impatients.
Nous y sommes prêts, car c'est la condition de 1a réussite. On peut certes regretter que tout ne soit pas allé aussi vite et aussi loin quenous l'aurions souhaité. Je le comprends d'autant mieux, qu'il m'est arrivé, àmoi aussi, de m'inquiéter de certaines lenteurs en matière de coopération, parexemple. Le vice-président Marin le sait bien. Mais nous devons nous montrerpositifs. Nous devons continuer d'avancer, d'accélérer notre mouvement. Je souhaite, pour ma part, que notre réunion soit l'occasion d'un premie rbilan, dont nous puissions tirer des enseignements utiles et qu'elle nous permette ainsi d'aller de l'avant.
Le deuxième point, que l'on comprendrait mal que je passe sous silence, concerne la situation politique présente dans la région. Comme plusieurs d'entre vous l'ont déjà souligné, elle comporte un élément très préoccupant et très alarmant qui tient à l'état du processus de paix au Proche-Orient. Nous ne sommes, certes, pas ici pour en discuter sur le fond. Vous me permettez cependant de rappeler la position de la France, qui s'articule en trois éléments :
- le processus de paix et le processus de Barcelone sont deux exercices différents et séparés. Nous sommes ensemble convenus à Barcelone que l'on ne mènerait pas les deux démarches. J'insiste pour que nous soyons stricts à ceteffet. Toute autre politique aurait des effets désastreux.
il reste que le blocage du processus de paix exerce par contagion des effets dommageables sur Barcelone. Pour coopérer, il faut d'abord faire la paix. C'est pourquoi nous condamnons le blocage du processus de paix, parce qu'il entrave l'émergence d'une communauté de vues et d'action entre nos pays méditerranéens.
La position des Quinze est bien connue : elle a été définie à Bruxelles, il y a quelques jours. L'Union européenne appelle à une reprise immédiate des négociations sur la base des dix points de la lettre européenne au secrétaire d'Etat américain. Nous avons défini ensemble un code de bonne conduite.- engager et mener à bien le processus de Barcelone contribuera à créer un climat de compréhension et renforcera notre aptitude à faire avancer le processus de paix.
Je ne doute pas que nous saurons trouver ensemble la meilleure manière de
formuler les points de vue qui sont les nôtres.
Concernant le contenu même de notre partenariat et ce sera là ma dernière observation - j'ajouterai qu'il faut en effet veiller à son équilibre et à la progression parallèle de l'ensemble de ses volets. Parce qu'ils diffèrent assez profondément dans leurs procédures d'examen et de décision, l'on croit parfois devoir en conclure à un inégal intérêt de notre part. Cette perception est, je tiens à le souligner, tout à fait inexacte.
Ce qui est vrai, c'est que dans chacun des trois domaines dont il s'agit, beaucoup reste à faire.
Le volet économique et financier, qui doit rester au coeur de notre partenariat, exige assurément des efforts encore plus importants. Notamment pour traduire concrètement les engagements considérables définis à Cannes en1995 que ce soit pour la mise en place des financements - qui restent soumis à des délais trop longs - ou bien pour l'adoption de plus de projets ayant une dimension proprement multilatérale. Il faut aussi veiller à mettre en perspective notre projet de zone de libre-échange : il ne doit pas être une fin en soi, mais un moyen de stimuler le développement de la région.
Selon une démarche concertée dans le cadre de nos accords d'association. Dans le troisième volet, les initiatives envisagées, en matière d'échanges de jeunes, de santé, d'audiovisuel ou d'enseignement supérieur, doivent aussi occuper désormais une place importante dans notre coopération. Dans le même temps, il est nécessaire de traiter de manière progressive les sujets qui correspondent à ce qu'on appelle au sein de l'Union européenne le "troisième pilier" et qui représentent des enjeux majeurs dans les relations entre les deux rives de la Méditerranée.
J'appuie, à cet égard, la proposition de l'Egypte d'une conférence culturelle. C'est une excellente proposition.
S'agissant du partenariat politique et de sécurité, vous savez l'importance que le président de la République française et moi-même attachons à l'idée d'une charte euro-méditerranéenne. Elle devrait avoir pour objectif principal de consolider notre dialogue et de créer, grâce à celui-ci, un climat de confiance et de coopération qui permette à l'Europe d'assurer progressivement, comme elle en a le devoir, des responsabilités pour le maintien de la stabilité et de la paix dans la région. Il me paraîtrait souhaitable pour cette raison que, même si nous ne pouvons pas prendre de décision sur ce projet dans l'immédiat, un travail soit rapidement entrepris par les hauts fonctionnaires pour élaborer une proposition à l'aide de celle déjà présentée en octobre par l'Union européenne et des contributions apportées depuis lors par certains de nos partenaires méditerranéens.
Enfin, le partenariat que nous avons l'ambition d'instaurer doit mieux se refléter dans les procédures de mise en oeuvre de la coopération. Il conviendra à l'avenir d'établir un véritable dialogue sur les orientations de la coopération.
Il nous faut aussi fixer notre programme de travail. Je pense qu'un premier moyen, pragmatique, de le faire sera de renforcer le rôle du comité euro-méditarranéen, qui doit voir sa vocation de suivi, de contrôle et d'impulsion réaffirmée.
Le calendrier doit également être précisé. J'aimerais, à cet égard, suggérer que le Comité puisse, avant 1999, tenir une de ses réunions au niveau ministériel, afin d'affirmer son rôle et sa volonté politiques. Je propose que cette réunion se tienne, si cela est utile, à Marseille.
L'Allemagne a proposé d'accueillir la prochaine conférence euro-méditérranéenne au début de 1999. C'est une bonne idée.
Il est important, pour la crédibilité de notre rapprochement, que l'espérance de Barcelone ne soit pas déçue. Je forme donc le voeu que notre Conférence, que le gouvernement maltais a su organiser avec tant d'hospitalité et de compétence, et je tiens à l'en remercier, marque une nouvelle avancée vers la réalisation de notre ambition commune..
Le processus de Barcelone, c'est quelque chose d'extrêmement important. Cette démarche, que nous avons engagée en 1995 sous la présidence espagnole, mais avec une très forte implication française et préparée sous la présidence française, peut paraître décevante, longue à prendre forme, ce qui est vrai d'ailleurs. Il n'en demeure pas moins que c'est sans doute une des plus grandes initiatives diplomatiques que l'Europe n'ait jamais prise, puisqu'il s'agit pour nous d'un processus qui, pour la première fois, organise un projet commun entre l'ensemble des pays de la Méditerranée sous l'impulsion de l'Union européenne. Il ne s'agit pas en effet d'une conférence ordinaire, comme il y en a beaucoup. Il s'agit bien d'un projet ambitieux, puisqu'il a pour objet à la fois d'élaborer un cadre politique de travail, avec la prise en considération des éléments de stabilité politique et de sécurité, à quoi la France a consacré comme vous le savez beaucoup d'efforts, mais aussi d'engager un projet économique s'appuyant à la fois sur la liberté des échanges et sur le soutien européen pour le développement des économies du sud de la Méditerranée, et enfin d'un projet culturel qui a l'ambition de rapprocher enfin les pays qui sont issus de trois grandes religions, de civilisations très différentes les unes des autres, mais qui ont toutes en commun d'être nées au bord de la Méditerranée. C'est un vrai projet politique et du point de vue européen, c'est en plus l'ambition d'une sorte de rééquilibrage politique de l'Europe afin que, sans cesser de regarder vers l'Est, c'est-à-dire vers l'Europe centrale et orientale, elle consacre plus d'efforts vers le Sud, où se trouvent ses intérêts vitaux. C'est donc vraiment une grande affaire, et naturellement, comme tous les grands projets, ça ne s'épanouit pas comme cela, le blé pousse en un an, les chênes mettent 300 ans à se développer, j'espère que ça ne mette pas 300 ans naturellement, mais je veux dire qu'il est vrai que ce processus très ambitieux, cette démarche à vocation historique, si réussie, prend du temps. Par surcroît, c'est un projet qui a été imaginé à un moment où le processus de paix paraissait engagé dans sa dernière phase, et au fond on peut dire que le processus de Barcelone était un processus de l'après-paix. De ce point de vue, le blocage du processus de paix constitue un élément de freinage qu'on ne peut pas contester. Alors ça, c'est le cadre général, mais sur lequel je dois insister auprès de vous parce que je sais bien que les journalistes sont condamnés en quelque sorte à l'actualité et que la philosophie des choses n'attire pas toujours votre attention, mais je trouve que c'est suffisamment important pour que je vous le dise.
Q - Peut-on dire que Malte est un échec ?
R - On ne peut pas dire ça. Regardons les choses d'un peu plus près. Le premier fait remarquable, c'est que précisément, la crise du processus de paix, la crise grave, la plus grave que le processus de paix ait jamais connu, n'a pas empêché la Conférence de Malte de se tenir. Et en dépit du fait qu'entre Israël, les Palestiniens, la Syrie et le Liban, et maintenant entre Israël et l'ensemble des pays arabes, existe une situation de tension, n'a pas empêché l'ensemble des ministres des Affaires étrangères d'être présents. Je me souviens de 1995, pour la première Conférence de Barcelone, quelles difficultés nous avons eu pour avoir la présence de tous les ministres des Affaires étrangères. Cette fois-ci, je dirais que ça n'a pas été plus difficile, et que finalement, des pays dont on aurait pu douter le plus qu'ils viennent compte-tenu de cette situation de crise, sont venus, et sont activement présents : la Syrie, le Liban. Donc, Malte ne peut pas être un échec, parce que Malte a lieu. Le fait que la Conférence de Malte se soit tenue est déjà un succès.
Q - Malte devait quand même permettre de rebondir...
R - Tout d'abord, on n'en est qu'au premier soir, il faut attendre. Je dois le dire parce que je le pense que, l'Europe ne s'est pas assez investie depuis Barcelone, dans l'activation du processus de Barcelone. Je pense notamment aux aspects économiques des choses, la mise en oeuvre des programmes financiers, la négociation des accords d'association. Les pays méditerranéens se plaignent des lenteurs de la procédure d'attribution des fonds, je ne suis pas loin de penser qu'ils ont raison. De même, il me semble qu'il n'a pas été donné assez d'ambition à la recherche de projets à caractère multilatéral, en dépit des pressions de toutes sortes qui s'exercent plutôt contre cette idée. Mais cette idée reste au centre de l'idée que nous nous faisons du volet économique du processus de Barcelone. Donc, on peut dire qu'au cours de ces deux années, il y a eu sans doute une certaine lourdeur du dispositif, et il faut en tirer la leçon, et par conséquent faire en sorte qu'après Malte, ces aspects économiques et culturels prennent plus d'ampleur, aillent plus vite, bref qu'on surmonte les handicaps observés.
Q - Vous avez eu toute une série d'entretiens bilatéraux avec des représentants arabes cet après-midi. Vous avez parlé principalement du processus de paix, j'imagine. Qu'est-ce que vous leur avez dit et que vous ont-ils répondu ?
R - J'ai rencontré longuement le président Arafat à deux reprises, j'ai rencontré M. Chara a ce soir avant dîner, je me suis entretenu avec M. Attaf ministre des Affaires étrangères algérien, j'ai parlé avec le ministre égyptien.
Q - M. Arafat vous a-t-il demandé des explications ou des raisons pour
lesquelles la rencontre que vous souhaitiez...
R - De quelle rencontre parlez-vous ?
Q - La rencontre israélo-palestinienne que l'Union souhaitait...
R - C'est un projet qu'avait lancé en effet la présidence néerlandaise. Nous n'y avons pas été directement associés, donc je n'ai pas participé directement à cet exercice, j'espère qu'il aura lieu... Mais enfin, je voudrais préciser les choses : la Conférence de Barcelone, le processus de Barcelone, et le processus de paix, sont deux processus séparés. Et à vouloir les mélanger, on est assuré d'encourir à des difficultés. Ce sont deux processus qui doivent se poursuivre chacun sur sa propre ligne, sur sa propre logique, avec ses partenaires. Bien entendu, il y a des effets de contagion : les difficultés du processus de paix retentissent sur le processus de Barcelone, il n'y a pas de doute à cela. Et pour que le processus de Barcelone puisse s'épanouir, et prendre sa pleine dimension, il est tout à fait évident qu'il faut que le processus de paix se déroule normalement. Le fait qu'il y ait un blocage, une crise, a des effets de contagion qui sont des effets de freinage, des effets négatifs. Mais pour autant, il ne faut pas les mélanger. Je répète qu'à mélanger les deux processus on s'exposerait à de graves inconvénients.
Q - Il y a une grave crise de conscience entre Israël et ses voisins, cela va peser lourdement dans les moins à venir, le processus va être bloqué...
R - Il l'est en tout cas, mais je répète que le processus de Barcelone s'est poursuivi. J'espère qu'il continuera, je crois d'ailleurs qu'il continuera à se poursuivre.
Q - Avez-vous discuté avec le président Arafat du plan européen. Comment le plan a-t-il été accueilli ici ?
R - Le président Arafat m'a paru tout à fait favorable.
Q - Y compris sur la partie de condamnation de faire plus d'efforts encore sur le terrorisme ?
R - Il m'a paru favorable au caractère équilibré de ce document.
Q - Avez-vous parlé avec David Lévy ?
R - Je n'ai pas rencontré encore David Lévy. Je dois le voir demain matin.
Q - A propos de votre rencontre avec M. Charaa ?
R - Vous savez que les relations franco-syriennes sont des relations confiantes, que je peux qualifier d'excellentes. J'ai eu le plus grand plaisir à retrouver M. Charaa. Nous avons parlé ensemble du processus de paix, pour constater d'ailleurs qu'il était très préoccupant qu'il n'y ait aucune conversation, aucun contact, aucune prise sur le volet syro-libanais. Mais en même temps vous savez que nous sommes en contact permanent, lui et moi, sur ce sujet.
Q - En est-on toujours à deux projets de déclaration unilatérale plus un projet commun, ou bien a-t-on réduit le fossé...?
R - Il y aura un projet, il y aura un relevé de conclusions, un document final à cette Conférence, ou bien alors vous pourrez écrire échec... Mais s'il y a un document final, comme je le pense, comme je l'espère, cela veut dire que nous avons fait notre travail. Le débat porte sur un paragraphe, celui qui fait état du processus de paix. Cette question s'était déjà posée pratiquement dans les mêmes termes à Barcelone. Je me rappelle très exactement les difficultés que nous avions rencontrées, l'atmosphère de tension qu'il y avait par exemple entre M. Barak, ministre israélien des Affaires étrangères et le ministre syrien, M. Charaa. L'atmosphère était beaucoup plus lourde, finalement et paradoxalement, qu'elle ne l'est aujourd'hui, parce que c'était la première fois que tous les pays méditerranéens se trouvaient autour de la même table, sans pays tiers. Ceci vous parait aujourd'hui normal, établi, mais c'est la première fois qu'ils se retrouvent, comme des gens qui se connaissent et qui se pratique. A Barcelone, nous avions été harcelés par toutes sortes de pays tiers qui voulaient de toute force être présents, ils étaient nombreux.
Q - Les Etats-Unis ?
R - Toutes sortes... Les Etats-Unis, les Russes, les Japonais, le monde entier voulait être là. Ce qui était d'ailleurs assez sympathique en soi, mais il avait fallu beaucoup s'accrocher pour qu'on maintienne l'esprit que nous espérions être celui de Barcelone, c'est-à-dire que les pays de la Méditerranée ensemble traitent leurs propres affaires. Et bien aujourd'hui tout cela paraît naturel, personne n'en parle plus, à aucun moment la question ne s'est posée...Il y a quelque chose qui existe désormais. Mais je répète que le problème portait sur ce paragraphe. Alors, on en a discuté pendant des heures. Je me rappelle être allé avec Javier Solana dans un bureau avec mes collaborateurs et les siens pour discuter ensemble de la façon de rédiger cette phrase, qui était le coeur du débat. Evidemment, cette question se pose à nouveau, la proposition européenne, c'est de reprendre ce même texte. Il a valeur de principe, valeur de référence, valeur permanente. La question qui se pose est de savoir si cela suffit ou s'il faut faire autre chose, ou davantage de choses. Il n'y a pas de contestation sur ce paragraphe. Faut-il rajouter quelque chose qui soit en
rapport avec le blocage du processus de paix ?
Q - Est-ce qu'il est possible de refuser qu'il y ait mention de ce paragraphe
faisant état du processus de paix ?
R - Non, c'est impossible. Le texte de Barcelone sera dans le texte, ça va de soi. La question est : faut-il compléter par une référence au blocage ? Nous avons un texte qui parle du processus, faut-il compléter par une référence au blocage ? A partir de là, il y a plusieurs solutions possibles. Il vaut mieux en trouver une qui puisse avoir l'accord général. Alors, où en est-on, franchement ? Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment.
Q - Comment sont vos entretiens avec votre homologue algérien ?
Depuis août dernier, vous n'avez pas eu beaucoup de contacts...
R - Nous avons quand même eu des conversations téléphoniques. Je l'ai rencontré à New York. Je le vois ici. Je vais le voir dans deux mois à Zeralda. Et donc nous en avons profité pour faire le point des relations franco-algériennes. Nous avons confirmé que l'objectif de la France et de l'Algérie était que ces relations soient cordiales, denses et si possible chaleureuse; Ce sont des relations d'Etat à Etat fondées sur le respect mutuel, la non-ingérence, et l'intérêt des deux parties. Nous avons exprimé notre satisfaction de l'heureux aboutissement du débat sur l'escale parisienne d'Air Algérie, dont je me réjouis vivement, et dans lequel nous avons, M. Attaf et moi, joué personnellement un rôle très actif. Nous sommes donc convenus de renforcer les relations bilatérales, notamment de développer les échanges de visite intéressant les différents secteurs de l'activité gouvernementale. Je lui ai annoncé que Mme Idrac en particulier, était disponible pour se rendre prochainement en Algérie pour visiter son homologue algérien. D'autres visites auront lieu. Les deux secrétaires généraux de nos deux ministères vont reprendre entre eux des consultations régulières.
Q - Le protocole financier, l'avez-vous abordé ?
R - Nous n'avons pas abordé cette question qui relève du ministre des Finances, pour autant d'ailleurs que la partie algérienne y soit intéressée.
Q - A-t-il été question des élections en Algérie ?
R - Non.
Q - Le processus de paix au Proche-Orient s'est un peu invité à la tables des 27 qui pourtant, n'avait pas vocation à discuter de cela ici...
R - En effet, le processus de Barcelone, c'est un projet que nous avons lancé en 1995 sous l'institution des Espagnols et des Français pour réunir autour de la même table l'ensemble des pays de la Méditerranée, ceux du nord de l'Europe, ceux du sud, les pays arabes, Israël, la Turquie, Malte, tout le monde. Et avec trois idées en tête : premièrement, organiser ensemble un dialogue politique et fixer ensemble des règles de stabilité et de paix pour l'avenir, pour faire en sorte que cette Méditerranée soit une zone de prospérité et de développement, à la fois par les accords d'association aux pays de la Méditerranée du Sud avec l'Europe, mais aussi par l'organisation progressive d'échanges plus ouverts entre le Nord et le Sud. Enfin et troisièmement, un volet culturel portant sur la formation, la jeunesse, les universités, l'audiovisuel, bref sur tous les grands sujets de notre vie culturelle.
Q - Tout cela est occulté par le blocage du processus de paix au Proche-Orient...
R - On ne peut pas dire cela parce que nous avons fait ce travail-là aujourd'hui, nous avons poursuivi et approfondi notre démarche et je crois qu'on pourra dire que cette Conférence a rempli son mandat. Mais c'est vrai que chacun a en tête le blocage du processus de paix, et que vous, les observateurs, vous êtes tenté de ne regarder que cela. L'opinion publique, sans doute, fera de même, et nous sommes d'accord pour considérer le caractère déterminant du processus de paix, qui est une sorte de caillou qui grippe tous les rouages. Mais encore une fois, le processus de paix entre Israël et ses voisins, c'est une chose. La grande communauté des peuples de la Méditerranée que nous voulons construire, c'est encore un autre projet.
Q - Pourquoi les Européens n'acceptent-ils pas de modifier le paragraphe politique dans le préambule, dans un sens qui refléterait le fait qu'il y a eu une modification, une détérioration du processus de paix ?
R - Le fait qu'il y ait un blocage du processus de paix, personne ne le conteste et certainement pas la France. Simplement, dans le texte commun qui va sortir de cette Conférence, il faut que tout ce qu'on écrit puisse être signé par toutes les parties, et donc nous cherchons comment nous allons exprimer en pratique, à la fois notre attachement au processus de paix, et ensuite notre inquiétude devant la situation que vous constatez, c'est le travail des diplomates.
Q - Est-ce que vous pensez que vous pourrez dégager un seul document, qu'il n'y aura pas de document annexe ?
R - Il y aura peut-être des documents annexes, mais l'essentiel est qu'il y aura un document qui constituera les conclusions de cette Conférence de Malte et qui va permettre de travailler pendant l'année 1997 et 1998 à la poursuite de ce projet, avec une charte de stabilité que la France propose, mais aussi sur le terrain économique pour la relance des relations, et pour l'activation des négociations des accords d'association entre l'Europe et les pays du Sud de la Méditerranée, en particulier l'Egypte, la Jordanie et l'Algérie, et enfin pour que quelques projets culturels auxquels la France s'intéresse spécialement, en particulier pour la télévision, puissent voir le jour. Il esttrès important qu'il y ait des programmes en langue arabe qui viennent de chez nous, qui puissent ouvrir des espaces de culture et d'information.
Q - Et donc jeter un pont culturel... R - Voilà. Le président Chirac, au Caire, a dit qu'après avoir détruit un mur à l'Est, il fallait que les Européens construisent un pont au Sud. Il s'agit d'établir entre les pays de la Méditerranée et nous, un dialogue, une base de travail en commun, de compréhension mutuelle qui sera absolution nécessaire. La Méditerranée, c'est le grand enjeu.
Q - Enfin, si le blocage dans le processus de paix devait se poursuivre dans tous les volets, syro-israéliens, palestino-israéliens, libano-israéliens, est-ce que vous pensez que l'établissement d'une coopération régionale en matière de sécurité, d'un pacte de stabilité, est vraiment une option réaliste
?
R - Il faut regarder la carte avec optimisme, le processus de paix connaît aujourd'hui un temps de crise, nous allons travailler à la surmonter dans les mois qui viennent, et c'est naturellement une fois que le processus de paix sera reparti sur un rythme normal, et qu'on en verra l'issue, que le projet d'une pacte de stabilité pourra s'établir..
Je voudrais vous rendre compte des discussions qui ont eu lieu depuis maintenant un certain temps, et qui avaient pour objet de mettre au point le texte de la déclaration finale de la Conférence euro-méditerranéenne de Malte.
Nous sommes parvenus à un texte commun, qui constitue par conséquent l'achèvement positif de cette Conférence euro-méditerranéenne. C'est la deuxième fois que les pays méditerranéens se retrouvent ensemble. La première fois, c'était à Barcelone, à l'initiative de la présidence européenne, sous la responsabilité du gouvernement espagnol, qui assumait alors la présidence, et la France avait apporté un concours important, à la fois pour lancer l'idée, au cours de sa présidence lors du premier semestre 1995, et pour parvenir à un document final qui ait l'accord de toutes les parties.
Et bien, une fois encore, c'est le même scénario qui s'est reproduit. Je suis satisfait aujourd'hui, parce que nous confirmons l'engagement des Européens et des pays de la Méditerranée pour un processus qui est à la fois politique, économique et culturel, et qui engage la totalité des pays du pourtour méditerranéen dans une démarche à long terme dont l'objectif est de faire de la Méditerranée un lieu de paix, de stabilité et de développement.
C'est pourquoi dans le document final, comme à Barcelone, s'expriment les trois volets de notre engagement.
D'abord le volet politique et de stabilité. Nous avons pris acte des travaux qui ont été conduits par nos experts depuis la Conférence de Barcelone. Ce sont des travaux très importants, très utiles. Nous sommes convenus de leur demander de les poursuivre, de les achever, en vue d'élaborer une Charte de stabilité et de sécurité en Méditerranée, de telle sorte que, le moment venu, elle puisse être approuvée par les ministres. Vous le savez, c'est une idée à laquelle la France a attaché son nom, à laquelle nous sommes particulièrement attachés parce que nous pensons que, à la base de tout, il doit y avoir un dialogue politique approfondi entre les partenaires méditerranéens de façon à agir ensemble pour nos intérêts communs, nos intérêts politiques et nos intérêts de sécurité.
La Méditerranée est pour nous l'enjeu de nos intérêts vitaux, pour les uns et pour les autres. La paix, et la stabilité dans cette région constituent pour nous tous un objectif fondamental.
Ensuite, nous avons convenu de poursuivre l'engagement économique qui est le nôtre, et dont vous savez que l'essence, c'est la détermination européenne à contribuer de façon décisive au développement économique des pays du Sud de la Méditerranée. Ce volet économique comprend plusieurs aspects.
Il comprend l'idée de libérer les échanges entre nous, non pas par esprit dogmatique, mais parce que nous pensons que l'accroissement des échanges économiques entre nos peuples est la meilleure source de leur développement. Pour encourager ce mouvement, l'Europe a pris l'initiative de négocier, de signer des accords d'association avec les pays du Sud de la Méditerranée. Un certain nombre d'entre eux sont déjà signés, d'autres sont en cours de négociation. Nous souhaitons les uns et les autres que ces accords soient, pour ceux qui sont signés, ratifiés - certains le sont -, pour que ceux qui sont en cours de négociation soient achevés, que cette négociation soit finalisée rapidement.
Il en est ainsi, comme vous le savez, en particulier avec la Jordanie, avec l'Egypte et avec l'Algérie. Les trois processus que je viens d'évoquer n'en sont pas exactement au même point, les uns et les autres, mais je sais que des difficultés subsistent ici ou là, et naturellement notre engagement c'est aussi de trouver des réponses concrètes, acceptables par les uns et par les autres, puisque ces accords d'association ont pour objectif de contribuer au développement des échanges et à l'accroissement de la production pour les uns et pour les autres.
A l'appui de ce volet économique du Processus de Barcelone, il y a aussi, je voudrais le rappeler, l'engagement très important de l'Union européenne de participer financièrement au soutien du développement économique des pays du Sud de la Méditerranée. A l'initiative de la France, sous la présidence française, à Cannes, nous avons fixé, non sans mal, une enveloppe extrêmement importante qui montre ainsi la détermination européenne à contribuer aufinancement du développement des pays du Sud de la Méditerranée.
Enfin, le volet culturel est extrêmement important : dans la déclaration finale sont évoquées nos préoccupations dans le domaine de la culture, de la formation, dans le domaine de l'audiovisuel, dans le domaine de la santé, cette liste n'est pas exhaustive mais elle marque quelques-unes de nos préoccupations centrales. Là encore, les pays du pourtour méditerranéen s'engagent ainsi, avec l'aide financière de l'Europe, à organiser des projets bilatéraux ou multilatéraux permettant d'accroître le dialogue et les échanges, non seulement entre les Etats ou entre nos entreprises, mais aussi entre les peuples. C'est donc une dimension très importante du processus de Barcelone.
Enfin, le débat, comme vous le savez, ne pouvait pas laisser à l'écart les difficultés que connaît aujourd'hui le processus de paix. Comme je l'ai dit devant la Conférence en séance plénière hier, comme je crois chacun en convient, le Processus de Barcelone est une chose, le processus de paix au Proche-Orient en est une autre. Nous sommes tous d'accord pour constater que ce sont des processus différents qui ne doivent pas, dans la mesure du possible, interférer l'un sur l'autre. C'est d'ailleurs ce que nous avons écrit en toutes lettres dans le texte de Barcelone, et ce passage-là sera repris à l'identique dans le texte qui sera issue de la Conférence de Malte.
Néanmoins, entre Barcelone et Malte, il s'est passé beaucoup d'événements, beaucoup d'événements, il faut bien le dire, négatifs, qui ont montré, hélas, une aggravation de la situation au Proche-Orient et une augmentation de la tension entre les parties et j'oserais dire aussi, sans doute, une profonde perte de confiance, qui est à nos yeux une préoccupation majeure.
Pour négocier, pour parvenir à la paix, il faut sans doute de bons diplomates, et il faut avant tout un climat de confiance entre les dirigeants et entre les peuples. Il nous est apparu nécessaire, dans ces conditions, d'évoquer dans ce texte, dans le préambule de ce texte, la situation du processus de paix, pour exprimer notre profonde inquiétude devant les obstacles qui entravent le processus de paix au Proche-Orient et pour exprimer la nécessité que soit réalisé un règlement juste, compréhensif et durable de la situation au Proche-Orient dans le cadre du processus de paix agréé à Madrid le 31 octobre 1991. Sur cette base, l'ensemble des partenaires a convenu de se mettre d'accord. C'est ainsi qu'en séance plénière, sauf obstacle de dernière minute, nous devrions agréer en commun le texte que je viens d'évoquer devant vous.
Ainsi va s'achever la Conférence de Malte. Elle confirmera la volonté à long terme, l'engagement stratégique des pays de la Méditerranée pour créer entre eux un partenariat multiforme, la volonté de s'engager à long terme, malgré les difficultés de l'heure, dans une action qui les concerne et qui doit permettre à nos peuples de franchir de nouvelles étapes. Voilà ce que je voulais vous dire au terme de cette Conférence que, dans ces conditions, je considère comme
réussie.
Q - ( sur la rencontre entre MM. Arafat et Levy)
R - Je me félicite qu'en effet, ce matin M. Yasser Arafat, M. David Levy, entourés de mon collègue Hans Van Mierlo, président de l'Union européenne pour le semestre en cours, ainsi que de mon collègue Amr Moussa, ministre égyptien, et moi-même, aient pu se rencontrer. Comme vous le savez, il y a eu d'abord une partie qui était destinée à ce que vous puissiez, tels Saint-Thomas, toucher les choses par l'image et constater qu'en effet, ils étaient bien ensemble. Mais ensuite, nous avons échangé, nous avons dialogué.
Et, je crois que cette rencontre, si elle ne constitue pas un engagement propre à nous assurer d'un redémarrage prochain du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, du moins est-ce un signe positif que le dialogue est possible, qu'il peut continuer. C'est déjà un premier signe, et c'est aussi le signe que l'Europe est non seulement utile, mais qu'elle est indispensable au Proche-Orient pour permettre le bon déroulement du processus de paix.
L'Europe et la France ont, dans ce domaine, vous le savez, une détermination
forte, qui s'est déjà exprimée abondamment depuis dix-huit mois, et je puis
vous donner, pour ce qui me concerne, l'assurance que cela se poursuivra.
Q - De quelle manière la Déclaration finale a-t-elle mentionné la coopération
parlementaire entre les Etats euro-méditerranéens ?
R - Je crois que les rencontres parlementaires entre les pays euro-méditerranéens sont évidemment un objectif positif, et qu'on ne peut qu'encourager à tous égards. Tout ce qui permet de multiplier les rencontres, les occasions de se connaître, de se parler, parfois de se découvrir, est utile.
Le Processus de Barcelone ne concerne pas simplement les gouvernements, il concerne aussi la société civile. Le développement du partenariat en Méditerranée est une affaire qui concerne l'ensemble des peuples et donc tous les moyens qui peuvent être utilisés dans cette voie, y compris naturellement les rencontres parlementaires, ont une très grande importance.
Q - Est-ce qu'il y a des différences entre le document final de Barcelone et le document final de Malte ?
R - Je croyais m'en être expliqué. Oui. Il y a progrès en ce qui concerne la Charte de stabilité et le partenariat politique, puisque des travaux ont été accomplis depuis dix-huit mois, que nous avons pris acte de ces travaux et que nous avons demandé aux hauts fonctionnaires de les poursuivre pour élaborer une Charte de sécurité.
Je crois aussi que, sur le plan économique, je vous avais indiqué tous les progrès qui ont été accomplis, puisque les accords d'association, non seulement sont en cours de négociation, mais les négociations vont être, je l'espère, accélérées dans la foulée de l'Accord de Malte. Et, enfin sur le plan culturel, nous avons confirmé, mais aussi développé, nos orientations.
Q - (sur le préambule)
R - Ce n'est pas un préambule séparé. Le texte des conclusions finales est un texte continu avec néanmoins, en effet, un début qui a l'allure d'un préambule et ensuite des conclusions qui concernent les trois volets. Ce qui concerne le processus de paix se trouve dans le préambule comme cela était d'ailleurs déjà dans le document de Barcelone. Le texte a changé, puisqu'il y a à la fois le texte de Barcelone, plus le complément que je viens de vous indiquer.
Q - (sur les différences entre le texte de Barcelone et celui de Malte)
R - Je veux bien encore recommencer une troisième fois, autant de fois d'ailleurs que ce sera nécessaire pour convaincre.
Sur le plan politique, d'abord, je rappelle que la France avait lancé à Barcelone, non sans peine, parce qu'il y avait beaucoup de réticences sur ce sujet, l'idée de travailler sur une Charte. Depuis un an et demi, il y a des travaux qui ont été accomplis, assez importants, ils sont d'ailleurs développés dans une des annexes du document final.
Ces travaux doivent être poursuivis et nous avons donné instruction aux hauts fonctionnaires de les poursuivre en vue d'achever la Charte en question. Alors cette Charte, naturellement, ne pourra être adoptée que, lorsque la situation politique le permettra, en toute hypothèse, mais encore une fois, je trouve tout à fait remarquable que, dans la situation présente, qui est ce qu'elle est, l'ensemble des Etats participants aient convenu de poursuivre ce travail.
Q - La Déclaration finale inclut-elle l'élargissement à d'autres pays du processus euro-méditerranéen ?
R - Non, le Processus de Barcelone pour l'instant comprend l'ensemble des pays que vous connaissez, présents à cette Conférence, et il n'y a pas de projet actuel d'en étendre le nombre
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)