Texte intégral
J.-P. Elkabbach.-Les inondations sont un vrai drame. Vous n'y allez pas ?
- "Le Premier ministre y est. Le ministre de l'Intérieur, chargé de la Sécurité civile, est là-bas. Bien entendu que j'irais, et déjà, tous les services du ministère sont mobilisés, notamment à la direction de l'équipement."
Car ce sont les routes, les trains, l'équipement, l'EDF...
- "Tout à fait. Et on fait le point, on suit cela évidemment heure par heure. Et j'irai lorsqu'il sera utile que j'y aille, pour faire le point, le chiffrage et rencontrer tous les élus locaux pour voir comment on répare. Ce sera alors effectivement à ce moment-là ma place."
D'autant plus que vous avez personnellement l'expérience des inondations dans la Somme...
- "Pas le même type d'inondations. Dans la Somme, c'est une nappe phréatique qui est montée progressivement, très lentement et très longtemps, alors que là-bas, ce sont des éléments orageux, la rencontre de l'air frais et de l'air chaud qui, d'un seul coup, a fait des précipitations exceptionnelles."
Vous êtes bon en météo. Chaque fin d'été, il y a, dit la météo, un "phénomène cévenol", mais pas de "fatalité cévenole". Est-ce que l'on est impuissant face à de tels phénomènes ?
- "Il ne faut jamais dire que l'on est impuissant. On peut certainement améliorer les choses. Des précipitations comme celles-là sont attendues, peut-être quelques minutes ou quelques heures avant. Il y a un rôle de prévention très important. C'est vrai que la météo a bien annoncé, je l'ai moi-même écouté autour de 17, 18 et 19h00, c'est-à-dire avant les éléments, qu'il allait se produire quelque chose de très grave. Les gens devaient être prévenus. J'espère que le maximum a été fait en tout cas pour transmettre cette nouvelle à ceux qui n'avaient pas de radio. Ensuite, quand les éléments se déchaînent, à ce moment-là, il y a effectivement des équipements qui doivent être peut-être encore améliorés, pour que les précipitations n'arrivent pas toutes au même endroit, peut-être des évacuations plus rapides, peut-être que la nature a été trop chamboulée.."
Cela fait beaucoup de "peut-être". Mais quand vous irez sur place, quand on effectuera le montant des dégâts, que faut-il faire ? Reloger, reconstruire rapidement ?
- "A effet immédiat, il y a effectivement un problème de relogement d'urgence, après les salles de classe et les gymnases. Deuxièmement, il y a la réparation des routes et donc rétablir les circulations, rétablir le courant électrique, le train qui, aujourd'hui, ne passe plus, l'A7 qui est bloquée. Tout cela fait partie des attributions de mes services."
L'Etat promet - on va entendre J.-P. Raffarin et N. Sarkozy - un effort supplémentaire des plans d'aide d'urgence. De quelle nature et quel montant ? Vous en avez déjà une idée ?
- "Pour cela, il faut chiffrer. Cela veut dire que dans les jours qui viennent, tous mes services vont chiffrer les dégâts sur les routes, sur les ponts, les dégâts sur les ouvrages et éventuellement sur les voies ferrées. Nous ferons le point sur tout cela et nous prendrons des accords avec les collectivités locales, qui ont un très grand rôle à jouer et qui sont les plus efficaces sur le terrain."
Les pilotes d'Air France arrêtent leur grève, mais annoncent de nouvelles grèves fin septembre. En quatre jours, ils ont fait perdre près de 100 millions d'euros, la moitié du bénéfice de trois mois. Le président d'Air France, Spinetta, aurait-il dû concéder les augmentations réclamées ?
- "Je trouve que redéposer un préavis de grève, aujourd'hui, surtout en cette veille du 11 septembre, cela ne m'apparaît pas la meilleure façon de se rappeler et de se souvenir du drame qui a eu lieu il y a un an. Deuxièmement, sur le plan de l'entreprise, qui marchait bien, qui remarchait bien, qui reprenait des parts de marché, c'est une entreprise modèle et c'est la mettre en difficulté. J'estime qu'après les augmentations que les pilotes ont eu il y a deux ans, la distribution de 8 % du capital qu'ils ont reçu, ils ont le droit de discuter bien sûr avec les directions - c'est leur droit au dialogue social, c'est un principe -, mais il faut être raisonnable. Finalement, aujourd'hui, avec la baisse des cours d'Air France à cause de la grève, ils font perdre beaucoup d'argent à eux-mêmes, aux personnels au sol et en même temps à l'entreprise et à l'ensemble des actionnaires."
D'autant qu'il pourrait y avoir un effet de contagion légitime chez les autres personnels d'Air France ?
- "Qui n'ont pas eu les mêmes taux d'augmentation..."
Vous ne m'avez pas répondu : J.-C. Spinetta aurait-il dû céder ?
- "J.-C. Spinetta est le patron d'Air France. Je respecte totalement le dialogue social à l'intérieur d'Air France. C'est à eux - entreprise, direction et salariés - à négocier. C'est une entreprise dont l'Etat a, certes, une grand partie du capital..."
55 % encore...
- "C'est ça. Mais la logique de l'entreprise doit jouer et nous accompagnons, nous sommes en relation en permanence bien sûr avec la direction d'Air France, pour avoir son point de vue. Ce n'est pas à l'Etat à se substituer aux partenaires sociaux."
L'Etat ne peut pas être neutre. Ce n'est pas un actionnaire banal ?
- "Dans une entreprise, ce ne sont pas les actionnaires qui négocient avec les salariés."
Vous allez, aujourd'hui, à Roissy : est-ce que cela veut dire que vous allez lancer à tous les gens que vous allez voir un appel à la responsabilité ?
- "Je ne vais pas à Roissy pour voir Air France ni pour discuter avec les partenaires sociaux - néanmoins si je les rencontre, je sais quoi leur dire -, j'y vais surtout parce que c'est la veille du 11 septembre. Je veux tirer un coup de chapeau et vraiment rendre hommage à l'ensemble du personnel qui s'occupe des transports aériens. Je veux rendre un hommage particulier et saluer les équipages américains d'American Airlines, que je rencontrerai pour leur transmettre un message de solidarité avec leurs collègues américains et avec l'ensemble des Américains. Et, en même temps, j'estime qu'aujourd'hui, l'ensemble du monde aérien a fait des efforts considérables en matière de sécurité."
Il est en crise aussi pour d'autres raisons...
- "De façon très inégale. Il y a des entreprises qui sont en crise et d'autres qui fonctionnent bien. On vient de parler d'Air France. Air France était jusqu'à présent une entreprise qui fonctionnait bien."
Est-ce que vous confirmez la marche d'Air France vers la privatisation ?
- "Oui."
A quelles conditions ?
- "Aux conditions du marché."
Quand ?
- "Dans les semaines qui viennent. Effectivement, il y aura un texte de loi à l'Assemblée nationale et au Sénat. Ce texte de loi, lorsqu'il sera promulgué, permettra au Gouvernement, au moment qu'il choisira, de mettre une partie du capital sur le marché."
Combien ?
- "C'est à déterminer dans le cadre du texte de loi. Le pourcentage n'est pas encore fixé par le Gouvernement."
Mais l'Etat ne disparaîtra pas complètement ? Il gardera au moins 20 ou 25 % ?
- "Probablement."
La CGT et Sud n'en veulent pas. Ils vont manifester demain et faire grève...
- "Ils ne veulent pas de quoi ? Du développement d'Air France ?"
Ils ne veulent pas de la privatisation.
- "Il s'agit de l'ouverture du capital, il s'agit d'avoir des partenaires plus nombreux, plus puissants et donc assurer le développement d'Air France, pour tenir une place de plus en plus grande dans le monde. C'est le pavillon français en même temps que l'on développe. C'est l'emploi que l'on développe, c'est l'entreprise qu'on développe et qu'on pérennise."
D'autant plus que vous avez l'air de croire à un développement à long terme du trafic aérien au niveau mondial, des grands transporteurs, des A 380 dans l'avenir ?
- "Il est certain qu'actuellement, on constate une baisse du trafic aérien. Mais à terme, il est probable, voire même certain, que le trafic aérien reprendra une croissance soutenue et, à ce moment-là, il faut qu'Air France soit en pleine forme."
Vous en parlerez, demain, dans un article du Figaro. Sur la sécurité, il y a beaucoup de Français - et même de voyageurs étrangers - qui considèrent qu'il y a encore beaucoup de dysfonctionnements, de maladresses et des contrôles mal faits dans les aéroports français à Orly et à Roissy et qu'il y a une impression d'insécurité. On peut la réduire ?
- "L'impression d'insécurité, oui."
Pas seulement l'impression, mais l'insécurité...
- "Depuis un an, jusqu'à présent, on considérait que le transport aérien était uniquement un moyen de rapprocher les peuples, les gens et les marchandises. On s'est aperçu que maintenant, cela devient une arme. Il y a des efforts considérables qui ont été pris depuis le 11 septembre, depuis un an. On a doublé les personnels de sécurité. Il y a des mesures sur la fermeture des cockpits. On pourrait comme cela citer la litanie des mesures qui ont été prises. Mais la sécurité, ce n'est jamais 100 %. Je demande donc à la fois la compréhension des passagers, qui ont à venir un peu plus tôt dans les aéroports, parce qu'ils ont des fouilles un peu plus précises, que les bagages passent maintenant systématiquement aux contrôles. Tout cela est une servitude mais, en même temps, c'est de la sécurité en plus. Je remercie tous les personnels qui le font avec beaucoup de conscience."
Le président Bush avait ordonné, à partir du 11 septembre, que les avions de chasse américains abattent tout avion civil piraté, dont on aurait perdu le contrôle et qui menacerait le coeur des villes et des citoyens. Est-ce que vous souhaitez du président de la République, en France, le même type de décisions ?
- "C'est à lui de la prendre. C'est au président de la République à prendre une telle décision."
Vous êtes aussi le ministre de la RATP, le métro dépend de vous. La RATP va perdre demain son président, J.-P. Bailly. Qui va prendre son poste ?
- "Il y a au moins quatre ou cinq ou six personnes très compétentes qui sont aujourd'hui citées en réunion interministérielle. Il y a des hommes et des femmes et dans ce choix-là, la RATP aura rapidement un très grand dirigeant."
"Un" et pas "une" ?
- "Je dis "un dirigeant", parce qu'en général, quand il y a homme et femme, encore maintenant - et ce n'est pas du machisme -, c'est le masculin qui l'emporte. Il y aura un très bon dirigeant ou une très bonne dirigeante."
Dans votre budget, vous serez victime de combien ? Combien d'emplois ne seront pas renouvelés dans votre ministère ?
- "Il y aura les moyens qu'il faut pour fonctionner l'année prochaine. Et s'il y des pertes de postes, il y aura en tout cas, au moins, autant de gens au travail."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 sept 2002)