Déclarations de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, point de presse et interview à RFI à Luanda le 19 juillet 2002, sur l'appui de la France au processus de paix et de réconciliation en Angola, son engagement en faveur de la reconstruction et du développement du pays, l'aide financière, médicale et alimentaire d'urgence aux personnes déplacées, le poids de l'Angola en Afrique.

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Circonstance : Visite de M. de Villepin, en Angola et au Mozambique les 19 et 20 juillet 2002 : visite du camp de Sambo (province de Huambo) et entretiens avec le président angolais Dos Santos et son homologue angolais, M. Miranda, le 19 juillet à Luanda

Média : Radio France Internationale

Texte intégral

(Allocution au camp de Sambo à Luanda, le 19 juillet 2002) :
Aujourd'hui je suis heureux de venir vous saluer au nom de la France.
La plupart d'entre vous n'ont jamais connu que la guerre. Pour faire la paix il faut un coeur grand comme ça. Ce coeur là, c'est le vôtre.
Aujourd'hui en vous amenant des médicaments, en participant à l'aide alimentaire dont vous avez besoin, nous voulons vous permettre à vous, à chacun d'entre vous, de retrouver la terre qui est la vôtre, cette terre fraternelle qui va vous nourrir.
Une nouvelle page de l'histoire de l'Angola est en train de s'ouvrir et je sais quel est l'esprit de réconciliation et de reconstruction qui règne dans ce pays et dont vous témoignez tous. La France est à vos côtés pour écrire cette nouvelle page tout au long des prochains mois qui seront difficiles, pour vous aider particulièrement à préparer la prochaine campagne agricole. Notre coeur aujourd'hui bat au même rythme que le vôtre. Merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juillet 2002)
(Déclaration à Luanda, le 19 juillet 2002) :
Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour ce retard considérable, tout à fait indépendant de notre volonté. Nous étions dans la Province de Huambo et c'est ce qui explique le retard que nous avons pris.
Je voudrai tout d'abord remercier les autorités angolaises pour leur accueil, le président Dos Santos, le ministre des Affaires étrangères, M. Miranda, qui nous a fait l'amitié de venir. Il est arrivé très tôt ce matin, il a fait un gros effort, 5 heures du matin, c'est dire que la vie des ministres des Affaires étrangères est parfois difficile. En tout cas, c'est un grand plaisir et une grande émotion pour moi d'être ici ce soir, de remercier tant de membres du gouvernement angolais, les responsables de la vie politique angolaise, de la majorité, de l'opposition, les membres éminents de la société civile. Nous sommes très touchés de votre présence ici ce soir. Je suis d'autant plus heureux de cette visite en Angola qu'il s'agit de l'une de mes premières visites, quelques semaines après ma nomination au gouvernement français, et c'est l'occasion pour moi de saluer, dans ce pays, le retour à la paix.
Enfin la paix. Après près de 27 années de guerre civile, plus de 40 années de conflits, beaucoup d'Angolais n'ont jamais connu autre chose que la guerre, c'est donc une étape formidable, une étape historique pour ce pays. L'Angola a été profondément meurtri par cette tragédie, près d'un million de victimes civiles et militaires, 4 millions de personnes déplacées, c'est-à-dire un tiers de la population, 100 000 mutilés, 50 000 orphelins, le défi est immense.
Défi de la réconciliation, défi de la reconstruction. Je veux rendre hommage ce soir à l'esprit vivant du peuple angolais sous la direction du président Dos Santos, au gouvernement, aux forces armées angolaises et aux responsables de l'UNITA, à leurs troupes qui ont choisi de rejeter la violence, à toute la classe politique angolaise, majorité et opposition, à la société civile, aux églises réunies dans le Comité inter-écclésial pour la paix présidé par Monseigneur Kamwenho, archevêque de Lubango, prix Sakharov de la paix du Parlement européen, assisté du Pasteur Nzinga, secrétaire général, tous ont contribué, chacun à la mesure de ses moyens, à ce succès qui est celui à la fois celui de la raison et de la justice.
En me rendant cet après-midi dans la région de Huambo, au cantonnement de Sambo, j'ai pu mesurer l'effort engagé sur le terrain, la volonté de recréer la confiance, de travailler ensemble et de reconstruire en commun. La tâche est immense : réinsertion des forces de l'UNITA dans la vie civile, réinstallation des personnes déplacées, achèvement du processus de réconciliation politique avec la perspective d'élections générales.
Je suis le premier ministre des Affaires étrangères à venir en Angola depuis 1995 et je tiens ici à confirmer à l'Angola l'amitié et la solidarité du peuple français, à l'assurer de notre appui, appui au processus de réconciliation et de reconstruction, à témoigner aussi de notre confiance, confiance dans le processus qui a été engagé, confiance dans la capacité et la volonté de l'Angola de retrouver toute la place qui est doit être la sienne sur la scène africaine et sur la scène internationale. Aujourd'hui le continent africain a besoin de l'Angola, d'un Angola qui occupe son rang dans ce continent et je me réjouis qu'en septembre l'Angola puisse prendre la présidence de la SADC, l'organisation économique de l'Afrique australe et que, très vite, au début de l'année prochaine, l'Angola puisse, si sa candidature est retirée, occuper un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité, confirmant ainsi sa vocation dans la communauté internationale.
Notre appui vis à vis de votre pays s'adresse d'abord et, c'est normal, aux besoins les plus immédiats. C'est pour cela que nous avons voulu doubler notre aide alimentaire, passer à 7 millions d'euros, et envoyer une aide humanitaire d'urgence. A titre symbolique, j'ai amené à Sambo un premier kit chirurgical, qui sera complété dans les semaines qui viennent.
En même temps, j'ai décidé de renforcer l'effort de la France en faveur de la réinstallation immédiate des personnes déplacées, et ce avant l'époque des semences, c'est-à-dire avant septembre. Un premier projet d'1,5 million d'euros sera immédiatement complété par un deuxième d'un million d'euros. Pour 2003, nous réfléchirons à une aide plus importante qui pourrait englober l'ensemble des aspects de santé et d'éducation.
Parallèlement, pour accompagner la réinstallation des personnes déplacées, nous voulons prendre en compte, avant la fin de l'année, le problème très particulier et douloureux du déminage, et nous mettrons donc en oeuvre une aide de 3 millions d'euros dans ce domaine. En Angola aujourd'hui il y a une mine pour près de trois habitants. Or il n'y a pas de développement possible, durable, sans sécurité, sans déminage.
Enfin nous appuierons le processus de consolidation démocratique en Angola en intervenant très en amont des élections afin d'aider à leur préparation dans les meilleures conditions choisies avec le président Dos Santos.
Mais, face à l'ampleur des défis, l'effort doit être multiple, collectif et partagé. Dans un premier temps nous appuierons donc la tenue d'une table ronde des bailleurs de fonds réunie autour de l'Angola pour définir les besoins humanitaires et les moyens d'y remédier. Mais nous appuierons la volonté de l'Angola de dépasser le simple stade de l'aide humanitaire, lié à une si longue guerre, pour trouver toute la place qui doit être la sienne à l'égard de l'aide financière internationale à la mesure de ses besoins. Après le défi de la paix, le défi du développement.
Je veux vous dire ce soir, vous redire, à quel point la France souhaite être à vos côtés pour vous aider dans cette période difficile, exemplaire, exemplaire pour l'Angola, exemplaire pour l'Afrique d'un pays qui retrouve enfin la paix. Je veux saluer tout particulièrement ici ce soir tous les membres de la communauté française qui sont le témoignage vivant d'une action, d'une action au service de l'amitié entre la France et l'Angola, d'un désir de partager ensemble l'espoir d'un grand Angola en Afrique. Merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juillet 2002)
(Interview à RFI à Luanda, le 19 juillet 2002) :
Q - Qu'est-ce qui vous amène cette fois en Afrique ? Deux pays de l'Afrique lusophone, deux pays de l'Afrique de l'ouest francophone ?
R - En deux mois, c'est ma troisième visite en Afrique. C'est dire tout l'intérêt que la France porte au continent africain, qui l'unit par des liens à la fois de fidélité et d'amitié, la volonté de développer une relation avec ce continent. En venant en Angola, au Mozambique, puis au Burkina Faso et en Côte d'Ivoire, je marque clairement la volonté de la France de s'intéresser d'abord à deux pays qui ont connu les épreuves terribles de la guerre, qui doivent faire face à la reconstruction, à la réconciliation, qui doivent chercher les voies de la reprise du développement économique et puis au Burkina Faso, marquer l'appui à un processus démocratique, un processus bien engagé ainsi qu'en Côte d'Ivoire où il faut encourager les évolutions récentes.
Je voulais souligner aussi en passant, à Yamoussoukro, l'attachement de la France à l'une des grandes figures de l'Afrique, le président Houphouët-Boigny, et j'ai tenu donc à marquer la mémoire et l'attachement de la France à la fidélité d'un grand africain.
Q - Il y a non seulement des militaires mais aussi des ex-rebelles cantonnés, en vous déplaçant à Huambo c'est là la priorité aujourd'hui ?
R - L'Angola sort aujourd'hui d'une quarantaine d'années de conflits. Vous parlez de drame humain, vous avez raison, le pays est confronté à près de quatre millions de personnes déplacées et 500 000 qui sont dans un état de très grande détresse qu'on découvre maintenant seulement, isolés, oubliés dans certaines poches du pays, il faut donc faire face à cet immense problème. Je me rends à Huambo pour rencontrer un certain nombre de ces soldats aujourd'hui cantonnés de l'UNITA, qu'il s'agit de permettre de rendre à la vie civile. Certains d'entre eux sont d'ailleurs intégrés dans la nouvelle armée angolaise. Je veux rencontrer aussi toutes ces personnes civiles qui font partie de ces personnes déplacées dans un autre camp. Il y a là une urgence qui doit mobiliser la communauté internationale. La France apporte une aide humanitaire importante, une aide d'urgence, une aide médicale aussi à ces personnes déplacées, il y a là un grand défi pour la communauté internationale même si l'Angola dispose de grandes richesses. C'est une économie de guerre et il faut faire en sorte que cette économie de guerre très rapidement puisse devenir une économie de paix, qui retrouve avec les moyens qui sont les siens, la capacité de bénéficier d'une aide financière internationale au-delà de l'aide humanitaire que nous lui adressons aujourd'hui, et nous voulons l'aider à faire ce passage, à faire ce saut.
Q - En venant à Luanda, pour vous, y avait-il besoin de réchauffer les relations entre Paris et Luanda, suite à l'affaire Falcone qui avait irrité de manière publique ici, à Luanda ?
R - Je crois qu'il ne faut pas confondre les choses. Il y a d'un coté une procédure judiciaire franco-française et de l'autre côté, il y a les relations entre la France et l'Angola, qui sont des relations anciennes que nous souhaitons intensifier. L'Angola à un grand rôle à jouer dans la région, un rôle stabilisateur, c'est le cas dans la crise de l'Afrique des Grands Lacs N'oublions pas, l'Angola va, en septembre, occuper la présidence de la SADC, la communauté économique de l'Afrique Australe. L'Angola va l'année prochaine, vraisemblablement, occuper un siège au Conseil de sécurité. Il y a là un grand pays de l'Afrique, et c'est ce partenariat nouveau avec l'Angola que nous voulons développer. Merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juillet 2002)
(Point de presse à Luanda, le 19 juillet 2002) :
Permettez-moi tout d'abord de remercier les autorités angolaises, le président Dos Santos, mon collègue et ami, le ministre des Affaires étrangères, M. Miranda, l'ensemble des autorités angolaises, pour la chaleur de l'accueil que j'ai reçu à Luanda.
Il n'y avait pas eu de visite d'un ministre des Affaires étrangères français à Luanda depuis 1995 et, donc, c'est une occasion très importante pour nous d'être présents à un moment historique pour l'Angola, puisque comme vous le savez, il y a quelques mois, une ère nouvelle s'est ouverte pour ce grand pays. C'est la volonté de la France que d'être aux côtés des angolais dans cette tâche difficile. Après plus de 40 années de guerre, près de 27 ans de guerre civile, c'est enfin la paix, une paix durable, une paix solide qui permettra véritablement d'offrir un nouvel avenir à l'ensemble du peuple angolais.
Vous connaissez tous la situation difficile que traverse encore aujourd'hui l'Angola avec près de 4 millions de personnes déplacées, encore 500.000 en situation très critique qui doivent mobiliser la conscience de la communauté internationale, et c'est pour cela que nous souhaitons apporter une aide exceptionnelle, une aide humanitaire d'urgence de 9 millions d'euros : 7 millions d'euros d'aide alimentaire, soit près de 10 000 tonnes de farine de maïs qui doivent permettre justement de faire face à ces besoins très urgents ; elle sera complétée par un projet de 2 millions d'euros pour aider à la réinstallation des personnes déplacées. Il y a là clairement la volonté de la France d'être aux côtés de l'Angola dans cette période difficile.
J'ai pu avoir un entretien très détaillé, très amical, en français, avec le président Dos Santos qui nous a permis justement de faire le point sur le processus de paix tel qu'il a été engagé. Nous saluons l'esprit de réconciliation qui, aujourd'hui, préside à l'évolution à Luanda. Il est évidemment très important d'aborder dans cet esprit d'ouverture, d'initiative, la nouvelle situation, et nous soutenons l'ensemble des efforts qui sont faits évidemment dans le cadre luandais et aux Nations unies. Il y a là un enjeu très important.
De la même façon, nous avons abordé l'ensemble des problèmes régionaux. Comme vous le savez, l'Angola occupe une place très importante en Afrique, il s'agit d'un des grands pays d'Afrique. L'Angola exercera, au mois de septembre, la présidence de la SADEC, la communauté économique de l'Afrique australe ; il y a là une responsabilité particulière et nous soutenons la volonté de l'Angola d'être partie au Conseil de sécurité des Nations unies, comme membre non permanent, l'année prochaine ; il y a là aussi, dans la responsabilité de l'Angola, une étape importante.
Nous avons fait un large tour d'horizon de la situation africaine, dans les Grands Lacs, au Congo, à Madagascar. C'était l'occasion aussi de faire le point sur les perspectives de l'Union africaine quelques semaines après le Sommet de Durban.
Q - Vous avez transmis une invitation au président à venir en France ?
R - Tout à fait. Comme vous le savez, le président de la République française était ici en 1998 et j'ai été heureux de pouvoir transmettre une invitation au président Dos Santos à se rendre en 2003 à Paris.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juillet 2002)