Déclarations de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur les relations entre la France et le Gabon notamment en matière culturelle, Libreville le 29 et le 30 juillet 1994.

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Circonstance : Voyage en Afrique de M. Edouard Balladur du 27 au 31 juillet 1994-inauguration du centre culturel franco-gabonais, déclaration devant la communauté française, Libreville les 29 et 30 juillet 1994

Texte intégral

C'est un grand plaisir pour moi de participer en votre compagnie, Messieurs les Présidents des pays membres de l'UDEAC, à l'inauguration du Centre culturel français de Libreville.
L'ouverture de ce nouveau centre témoigne du dynamisme des échanges culturels entre la France et l'Afrique, et de notre engagement commun à rendre ces échanges toujours plus vivants et plus actifs.
"La culture, a écrit Léopold Sedar Senghor, est l'esprit de la civilisation". Au moment où les frontières de la pensée et de la communication s'effacent et où les impératifs du développement et de la croissance mobilisent les énergies, il nous faut veiller à ce que ce message ne soit pas oublié. Car une nation ne peut aborder l'avenir avec confiance si elle ne s'attache pas à préserver et à promouvoir la richesse de sa culture, qui est le fondement de son identité.
Elle ne peut réussir son développement que dans le plein respect de sa spécificité culturelle, enrichie par l'ouverture sur le monde moderne ; comment mobiliser un peuple pour le progrès économique et social sans prendre en compte son attachement légitime à son histoire, et son souci de rester lui-même ? Comment assurer pleinement son rôle sur la scène internationale sans le relais indispensable de la culture ?
Vous connaissez l'action que mon gouvernement a menée pour que cette spécificité de la culture soit prise en compte dans l'organisation des échanges internationaux. La France amené avec succès ce combat, grâce notamment à l'appui de l'Afrique francophone, pour que chaque peuple ait la possibilité de développer et d'enrichir son identité culturelle, malgré le déséquilibre des moyens et des influences dans le monde.
La France, vous le savez, est particulièrement attachée à cette nécessité, sans doute parce que sa culture est un élément essentiel de sa cohésion nationale et de son rayonnement à l'étranger.
Son action a été particulièrement comprise et appuyée en Afrique ; pouvait-il en être autrement, alors que la langue et la culture sont au coeur de la relation qui unit la France et le continent africain ? Il est en effet peu d'exemple dans l'histoire où deux cultures, celle de la France et celle de l'Afrique, pourtant si différentes, se soient tellement enrichies mutuellement.
Tout parait séparer la tradition culturelle française et celle de votre continent ; quoi de commun entre l'approche cartésienne, fondée sur le primat de la raison, qui a modelé la pensée française, et la vision africaine du monde, où la sensibilité et le symbole occupent une place si essentielle ? Que de différences entre les modes d'expression de nos cultures !
A l'inverse, la culture africaine a trouvé dans le français un relais lui permettant de faire mieux partager toute sa richesse et sa créativité au reste du monde. Elle s'est ouverte, bien souvent avec le français, à de nouveaux modes d'expression, comme le roman ou le cinéma.
Sans rien perdre de leur caractère, sans se dénaturer, la culture française et celle de l'Afrique ont découvert, en se rencontrant, qu'elles étaient complémentaires ; nul doute que la relation franco-africaine ne pourrait avoir la profondeur et la chaleur qui la caractérisent sans la richesse de notre dialogue culturel. C'est pourquoi le gouvernement français est déterminé à poursuivre son action en faveur de nos échanges dans ce domaine.
Telle est la vocation des centres culturels français, chargés de promouvoir non seulement la création artistique et scientifique en langue française, mais également de donner aux artistes locaux, dans leurs langues, une véritable audience internationale. Ces centres sont le lieu privilégié du dialogue inter-culturel que la France est fière d'avoir mis en place. Ils sont des relais vivants pour la francophonie qui est notre richesse commune. Vous savez combien je suis attaché à ce que cette communauté de culture se renforce et témoigne dans de nombreux domaines d'une solidarité active entre les pays qui la composent.
Je me félicite de ce que désormais, à Libreville, nos liens si étroits dans le domaine culturel avec le Gabon puissent s'épanouir avec l'appui du Centre Saint-Exupéry.
La France veillera à poursuivre son effort en faveur de la promotion et de la diffusion de la culture africaine. En plein accord avec vous, elle s'emploie à élargir son audience, que ce soit dans les pays occidentaux, ou ici, en Afrique même, en favorisant la découverte et la connaissance de vos créations dans les plus grands festivals de théâtre, de cinéma ou de musique. De Cannes à Ouagadougou, d'Avignon à Cotonou, la France est le partenaire de la culture de l'Afrique.
Notre action dans ce domaine connaît des résultats encourageants : la création artistique africaine, qu'elle soit musicale, littéraire ou cinématographique, est aujourd'hui reconnue au-
delà des limites de l'Afrique, et son audience ne cesse de s'accroître.
Cette ouverture de la culture africaine sur le monde est un motif de grande satisfaction pour mon pays ; elle témoigne de ce que, au-delà des difficultés économiques et des conflits qui l'affectent, l'Afrique a un autre visage : celui de l'imagination, celui de la création et de l'humanisme.
Au-delà de cette relation si profonde qui unit nos cultures, la France et vos pays partagent, au sein de l'ensemble francophone, un horizon culturel qui s'étend sur tous les continents, de l'Amérique à l'Océanie.
Plus de 50 pays, avec leur diversité et leur génie proche, concourent à faire de la francophonie un lieu privilégié d'échanges culturels. Faisons en sorte que la communauté de langue qui nous unit soit l'instrument de nos cultures et de leurs rencontres. Il vous revient, à vous pays membres de la francophonie, de mettre en oeuvre des projets concrets pour atteindre ces objectifs.
Je suis personnellement très attaché à ce que les pays francophones agissent par priorité dans le domaine si important aujourd'hui de la radio et de la télévision. Les techniques modernes leur donnent les moyens d'être présents sur les ondes et les écrans. A nous de favoriser les organisations qui, comme TV5, assurent le rayonnement de la francophonie. A nous de fournir aux créateurs de programmes originaux, la capacité de s'exprimer.
Je me félicite que le dernier sommet des pays francophones à l'Ile Maurice, ait permis de progresser dans cette direction.
Messieurs les Présidents,
Dévaluation du franc CFA - coopération franco-
Je n'ignore pas les difficultés auxquelles sont confrontées les activités culturelles en Afrique, du fait de la faiblesse des ressources et l'importance des besoins dans les autres secteurs. La France s'emploie, vous le savez, à atténuer ces difficultés.
Mais, le rétablissement des économies africaines et le retour à la croissance sont indispensables pour que la culture en Afrique puisse s'épanouir pleinement ; les pays de la zone franc ont pris des décisions courageuses en ce sens, avec l'appui de la France. J'ai la conviction que ces mesures créeront les conditions pour un renouveau économique, et permettront à l'Afrique francophone de retrouver le chemin du développement tant économique que social et culturel.
La France a témoigné de sa confiance en l'Afrique en apportant tout son concours aux efforts que vous avez entrepris pour atteindre cet objectif. Elle sera à vos côtés pour que la culture africaine, si riche et si diverse, continue de rayonner en Afrique et dans le reste du monde.