Texte intégral
Q - Bonjour M. de Villepin. La Xème conférence des ambassadeurs s'est donc terminée hier par un discours du président Jacques Chirac devant les ambassadeurs de France. Elle a été l'occasion de tracer les grands axes de la politique étrangère française, notamment dans votre premier discours, vous avez parlé dans ce discours de "rénovation de la diplomatie". Pourquoi est-ce que cette "rénovation de la diplomatie" française vous paraît urgente ?
R - Tout simplement parce que le monde bouge extrêmement vite, il est marqué par l'urgence. On le voit tous les matins, en vous écoutant et en faisant le point des crises régionales, qui continuent de peser sur la planète. C'est vrai au Proche-Orient, c'est vrai dans la situation en Afghanistan, c'est vrai toujours dans les Balkans, c'est vrai en Afrique. Et tout ceci doit donc nous mobiliser. Il y a une interdépendance du monde, c'est la marque de fabrique du monde d'aujourd'hui.
Q - Et cette mobilisation était insuffisante jusqu'à présent ?
R - Non, c'est le contexte international qui justifie une mobilisation beaucoup plus grande, parce que, et c'est le deuxième point, au-delà de l'urgence, il y a une interdépendance. Ce qui se passe à l'extrême bout de la planète aujourd'hui modifie les équilibres généraux du monde, modifie notre vie quotidienne, pèse sur le destin de chacun, et c'est cette prise de conscience qui fait que nous devons essayer de cicatriser, et non pas seulement de geler des situations douloureuses. C'est vrai, évidemment, des menaces anciennes, c'est vrai des grands fléaux : la maladie, les problèmes de guerres et de paix, mais c'est vrai aussi des difficultés nouvelles. On le voit dans le domaine de l'environnement : le Sommet de Johannesburg traite de problèmes qui hier ne mobilisaient pas suffisamment la communauté internationale, il faut le faire désormais.
Q - Dominique de Villepin, cette "rénovation de la diplomatie", elle est dans la stratégie, ou en tout cas dans la formulation d'un certain nombre de choses. Elle est aussi quelquefois dans les moyens. Quelle forme va prendre cette rénovation ?
R - Elle est dans l'organisation d'un schéma diplomatique beaucoup plus mobilisé. Nous voulons rationaliser les moyens, c'est-à-dire, faire en sorte que chaque ambassade, que chaque outil - consulat, institut culturel - dispose d'une capacité stratégique d'action. Nous voulons faire en sorte véritablement que dans chaque pays nous ayons une vision de l'ensemble des moyens disponibles, que chaque ambassadeur, chaque chef de poste puisse prendre les décisions en liaison, évidemment, avec Paris pour assurer les missions qui doivent être remplies dans chacun des pays. Au-delà de la rationalisation, il est très important de faire en sorte aussi que notre réseau soit adapté aux besoins. Il y a des priorités, nous voulons prendre en compte le fait régional. Le monde bouge, il s'organise selon des régions, et à partir de là nous devons aussi mieux prendre en compte ce fait-là. Il n'y a pas seulement le rapport et le suivi avec des Etats, des Etats nations, il y a aussi la prise en compte de phénomènes globaux, comme ceux des régions.
Q - Alors sur ce thème justement, M. de Villepin, certains quand ils vous entendent dire cela, entendent fermeture, peut-être, de représentation diplomatique dans certains Etats.
R - Non, plus de souplesse. Nous devons avoir des effectifs et des moyens qui permettent justement de mieux répondre aux urgences. Quand il y a une crise dans une région, nous devons pouvoir mobiliser les moyens par ailleurs, les mettre à disposition de ces régions pour traiter les difficultés. Nous devons avoir des agents qui peuvent ponctuellement venir à la rescousse dans telle et telle ambassade, en fonction d'une donnée particulière, d'une situation humanitaire. Prenons le cas des inondations en Europe centrale. Il est important de pouvoir mobiliser notre appareil diplomatique, notre appareil consulaire, pour mieux répondre à la demande. Nous avons une crise ouverte en Afrique, il faut pouvoir ponctuellement faire en sorte que notre réseau diplomatique puisse se mobiliser au cas par cas, et à partir de là, il faut une organisation infiniment plus souple. Dans le monde d'aujourd'hui, ce principe de souplesse s'applique évidemment aux entreprises, aux ambassades. C'est la communauté humaine qui doit évoluer.
Q - Est-ce que le réseau des ambassades françaises en Europe ne fait pas doublon aujourd'hui avec tout ce qui se fait et se dit à Bruxelles ?
R - Vous avez raison de le souligner, au cur de la volonté de réforme, il y a, bien évidemment la prise en compte de cette organisation dans l'Europe des Quinze, bientôt dans l'Europe des Vingt-cinq. Nous avons aujourd'hui besoin d'outils beaucoup mieux intégrés. Il faut que l'ensemble des services qui travaillent dans nos ambassades puissent répondre beaucoup plus rapidement, donc il est souhaitable de les regrouper géographiquement, de les organiser dans une collégialité stratégique, qui permet au cas par cas d'avoir une vision globale de chacun des problèmes et de chacun des Etats.
Q - Dominique de Villepin, vous avez également beaucoup insisté cette semaine sur le devoir de solidarité de la France. Notamment, vers l'Afrique, vous avez rappelé, le président Chirac l'a rappelé encore hier, l'engagement d'augmenter à 0,5 % du PIB l'aide publique au développement dans les cinq ans qui viennent, cependant est-ce que cette solidarité peut résister à un ralentissement de la croissance et aux arbitrages budgétaires que cela impose ?
R - C'est extrêmement difficile, mais c'est un engagement qui a été pris par le président de la République, qui a été confirmé par le Premier ministre dans la préparation du budget 2003, et nous honorerons cet engagement. Il est très important dans l'engagement multilatéral qu'est le nôtre, dans l'engagement de l'aide bilatérale, et nous avons le souci d'augmenter cette aide bilatérale car nous pouvons ainsi agir avec plus de liberté, plus de souplesse, au cas par cas, mais c'est une volonté française. La solidarité aujourd'hui fait partie intégrante de la nécessité. La mondialisation, cela signifie aussi mondialisation de la solidarité, et nous devons à ce titre donner l'exemple.
Q - Parce que si la France n'a pas tenu ses promesses ces dernières années, depuis une dizaine d'années, c'est aussi parce qu'elle s'est retrouvée confrontée à des difficultés budgétaires. Vous pensez que vous arriverez à imposer lors des arbitrages que l'on continue à augmenter ?
R - Cela participe de la vision globale qui est celle de notre pays. Les problèmes auxquels sont confrontés la planète, l'immigration, la sécurité, trouvent aussi en grande partie leurs origines dans ce défaut de solidarité internationale. Je l'ai dit et répété aux ambassadeurs ; l'une des grandes clés aujourd'hui, c'est le partage, partage de la sécurité, partage de la culture. Le dialogue et l'échange deviennent la loi internationale, et c'est en se projetant, en s'ouvrant au dialogue avec les autres que l'on peut réduire considérablement cette montée de l'intolérance et du fanatisme qui sont la source de tant de préoccupations. Quand on voit le terrorisme, la menace de la prolifération des armes de destruction massive, il y a là une mobilisation de la communauté, mais qui ne peut pas se faire sans générosité et sans ouverture.
Q - Alors, justement, vous faites allusion à la menace de prolifération d'armes de destruction massive. Il y a actuellement, dans l'actualité, la question autour de la situation de l'Iraq, hier le vice-président américain Dick Cheney a à nouveau plaidé, peut-être en des termes un peu différents, pour une action préventive contre l'Iraq. Il estime que les risques de l'inaction sont plus forts que ceux qu'entraîneraient le passage à l'acte. Est- ce qu'il faudra en arriver au passage à l'acte si l'Iraq confirme son refus de voir revenir les inspecteurs de l'ONU ?
R - Vous avez entendu le président de la République hier, il l'a dit très fermement. Il y a une détermination française très claire à lutter contre le terrorisme, contre la prolifération des armes de destruction massive. Dans ce contexte, évidemment, nous insistons pour que l'Iraq se conforme aux obligations internationales. Nous ne pouvons pas accepter qu'un pays prenne en otage sa population, constitue une menace pour la sécurité, notamment régionale, et nous sommes donc très désireux, nous insistons, nous marquons de toute notre force, nous voulons que la communauté internationale se mobilise pour que les inspecteurs des Nations unies puissent revenir dans le cadre qui est le leur pour effectuer véritablement leur travail de contrôle en Iraq. A partir de là, bien évidemment, il faut continuer d'évaluer les choses. Si cela n'est pas possible, il faudra en tirer toutes les conclusions. La conviction française, c'est qu'il faut le faire dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies, et dans ce cadre seulement. Il y a une collégialité, une légitimité de l'action internationale qui est indispensable. Nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait des doutes sur les motivations de l'action de cette communauté, donc les choses doivent se faire en transparence, en responsabilité, en légitimité et en collégialité, et le Conseil de sécurité des Nations unies constitue le cadre le plus approprié pour ce faire, sans exclure évidemment aucune option.
Q - Cela veut dire que si l'Iraq persiste dans son refus, on ne peut pas exclure, à l'heure où l'on parle, une opération militaire collective contre l'Iraq ?
R - Nous examinerons toutes les options. Le principe de responsabilité, pour la diplomatie française est un principe essentiel, mais il a pour corollaire celui de la légitimité, et c'est pour cela que nous voulons agir dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - L'attitude des Nations unies, qui donne l'impression de vouloir agir seules vous parait-elle irresponsable, agaçante, je prends les mots à mon compte, je ne les mets pas dans votre bouche ?
R - Vous savez les Etats-Unis ont été frappés de façon terrible et douloureuse le 11 septembre, ils ont découvert la vulnérabilité qui était celle de leur propre territoire. A partir de là, ils ont une réaction qui veut prendre en compte toute menace, où que cette menace s'organise à travers la planète. Nous avons des échanges très forts, très réguliers avec les Américains et nous sommes chacun amenés à évoluer, à adapter notre position en fonction des informations et en fonction de la situation internationale.
Q - Mais ce traumatisme ne les a pas amenés à un peu de "simplisme", c'est votre prédécesseur qui avait employé ce mot ?
R - Je crois que l'Amérique est parfaitement consciente des enjeux, et je crois que dans le dialogue que nous avons avec eux, et au-delà du débat - qui est évidemment une donnée essentielle dans la démocratie américaine - l'Amérique est engagée dans un débat qui a une importante vocation à l'échelon du pays lui-même. Je crois que vis-à-vis de la communauté internationale, vous rappeliez les déclarations de Dick Cheney hier, il y a bien aujourd'hui le souci de prendre en compte les conséquences de tout cela et de partager les informations avec les autres membres de la communauté internationale. Donc je pense que cette concertation, cette collégialité s'exerceront.
Q - Et quand les Américains, notamment George Bush n'est pas présent à Johannesburg, lorsqu'il refuse la Cour pénale internationale, il n'y a pas une volonté de regarder que leurs propres intérêts et pas les intérêts mondiaux ?
R - La diplomatie française est très soucieuse que ces grands problèmes comme l'avenir de la planète, les problèmes de l'environnement, soient mieux pris en compte, et c'est pour cela que le président Jacques Chirac sera lui-même là-bas et fera entendre très fortement la voix de la France. Nous avons une grande délégation là-bas. Tokia Saïfi y est depuis plusieurs jours, Roselyne Bachelot y est depuis hier soir avec Pierre-André Wiltzer. La France veut être à la pointe du combat sur ces questions d'environnement, du développement durable, qui sont des grands enjeux. Chaque pays, aujourd'hui, a une responsabilité, mais la France veut être aux avant-postes de ce combat.
Q - Une responsabilité qu'on va exercer peut-être davantage vers l'Afrique ?
R - Qu'on exercera bien sûr davantage vers l'Afrique, parce qu'il y a une fidélité de cur, de l'histoire, vis-à-vis de l'Afrique, mais il y a aussi une connaissance et une affection réciproque entre la France et l'Afrique. Nous avons donc vocation, et sur les crises et sur les problèmes généraux du continent. Mais ce n'est pas une relation unilatérale, l'Afrique n'est pas un fardeau pour nous. C'est véritablement une communauté. L'Afrique fait partie de notre avenir, et nous considérons que, de ce point de vue, notre responsabilité doit pleinement s'exercer.
Q - On vous a vu aller en Afrique sur des crises particulières, que ce soit au moment de l'affaire de Madagascar ou à d'autres moments. Est-ce que vous voulez revenir, pour l'Afrique, à une diplomatie peut-être plus interventionniste de la part de la France ?
R - Notre souci, c'est d'être actifs, présents et utiles en Afrique.
C'est l'objectif principal. Je serai prochainement dans la région des Grands lacs, là où il y a une crise, encore, qui est préoccupante. Nous voulons apporter la contribution de la France. Notre souci, c'est de faire avancer les choses, et l'Afrique a fait beaucoup d'efforts et a connu certains succès, on le voit en Afrique australe, dans la région des Grands lacs. La négociation progresse, la paix progresse en Afrique, et nous voulons évidemment être partie prenante de ces évolutions.
Q - La France ne l'a pas été assez ces dernières années ?
R - Certainement pas. Nous avons toujours la possibilité d'avancer et de progresser, et c'est évidemment le défi qui est le nôtre aujourd'hui.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 septembre 2002)
R - Tout simplement parce que le monde bouge extrêmement vite, il est marqué par l'urgence. On le voit tous les matins, en vous écoutant et en faisant le point des crises régionales, qui continuent de peser sur la planète. C'est vrai au Proche-Orient, c'est vrai dans la situation en Afghanistan, c'est vrai toujours dans les Balkans, c'est vrai en Afrique. Et tout ceci doit donc nous mobiliser. Il y a une interdépendance du monde, c'est la marque de fabrique du monde d'aujourd'hui.
Q - Et cette mobilisation était insuffisante jusqu'à présent ?
R - Non, c'est le contexte international qui justifie une mobilisation beaucoup plus grande, parce que, et c'est le deuxième point, au-delà de l'urgence, il y a une interdépendance. Ce qui se passe à l'extrême bout de la planète aujourd'hui modifie les équilibres généraux du monde, modifie notre vie quotidienne, pèse sur le destin de chacun, et c'est cette prise de conscience qui fait que nous devons essayer de cicatriser, et non pas seulement de geler des situations douloureuses. C'est vrai, évidemment, des menaces anciennes, c'est vrai des grands fléaux : la maladie, les problèmes de guerres et de paix, mais c'est vrai aussi des difficultés nouvelles. On le voit dans le domaine de l'environnement : le Sommet de Johannesburg traite de problèmes qui hier ne mobilisaient pas suffisamment la communauté internationale, il faut le faire désormais.
Q - Dominique de Villepin, cette "rénovation de la diplomatie", elle est dans la stratégie, ou en tout cas dans la formulation d'un certain nombre de choses. Elle est aussi quelquefois dans les moyens. Quelle forme va prendre cette rénovation ?
R - Elle est dans l'organisation d'un schéma diplomatique beaucoup plus mobilisé. Nous voulons rationaliser les moyens, c'est-à-dire, faire en sorte que chaque ambassade, que chaque outil - consulat, institut culturel - dispose d'une capacité stratégique d'action. Nous voulons faire en sorte véritablement que dans chaque pays nous ayons une vision de l'ensemble des moyens disponibles, que chaque ambassadeur, chaque chef de poste puisse prendre les décisions en liaison, évidemment, avec Paris pour assurer les missions qui doivent être remplies dans chacun des pays. Au-delà de la rationalisation, il est très important de faire en sorte aussi que notre réseau soit adapté aux besoins. Il y a des priorités, nous voulons prendre en compte le fait régional. Le monde bouge, il s'organise selon des régions, et à partir de là nous devons aussi mieux prendre en compte ce fait-là. Il n'y a pas seulement le rapport et le suivi avec des Etats, des Etats nations, il y a aussi la prise en compte de phénomènes globaux, comme ceux des régions.
Q - Alors sur ce thème justement, M. de Villepin, certains quand ils vous entendent dire cela, entendent fermeture, peut-être, de représentation diplomatique dans certains Etats.
R - Non, plus de souplesse. Nous devons avoir des effectifs et des moyens qui permettent justement de mieux répondre aux urgences. Quand il y a une crise dans une région, nous devons pouvoir mobiliser les moyens par ailleurs, les mettre à disposition de ces régions pour traiter les difficultés. Nous devons avoir des agents qui peuvent ponctuellement venir à la rescousse dans telle et telle ambassade, en fonction d'une donnée particulière, d'une situation humanitaire. Prenons le cas des inondations en Europe centrale. Il est important de pouvoir mobiliser notre appareil diplomatique, notre appareil consulaire, pour mieux répondre à la demande. Nous avons une crise ouverte en Afrique, il faut pouvoir ponctuellement faire en sorte que notre réseau diplomatique puisse se mobiliser au cas par cas, et à partir de là, il faut une organisation infiniment plus souple. Dans le monde d'aujourd'hui, ce principe de souplesse s'applique évidemment aux entreprises, aux ambassades. C'est la communauté humaine qui doit évoluer.
Q - Est-ce que le réseau des ambassades françaises en Europe ne fait pas doublon aujourd'hui avec tout ce qui se fait et se dit à Bruxelles ?
R - Vous avez raison de le souligner, au cur de la volonté de réforme, il y a, bien évidemment la prise en compte de cette organisation dans l'Europe des Quinze, bientôt dans l'Europe des Vingt-cinq. Nous avons aujourd'hui besoin d'outils beaucoup mieux intégrés. Il faut que l'ensemble des services qui travaillent dans nos ambassades puissent répondre beaucoup plus rapidement, donc il est souhaitable de les regrouper géographiquement, de les organiser dans une collégialité stratégique, qui permet au cas par cas d'avoir une vision globale de chacun des problèmes et de chacun des Etats.
Q - Dominique de Villepin, vous avez également beaucoup insisté cette semaine sur le devoir de solidarité de la France. Notamment, vers l'Afrique, vous avez rappelé, le président Chirac l'a rappelé encore hier, l'engagement d'augmenter à 0,5 % du PIB l'aide publique au développement dans les cinq ans qui viennent, cependant est-ce que cette solidarité peut résister à un ralentissement de la croissance et aux arbitrages budgétaires que cela impose ?
R - C'est extrêmement difficile, mais c'est un engagement qui a été pris par le président de la République, qui a été confirmé par le Premier ministre dans la préparation du budget 2003, et nous honorerons cet engagement. Il est très important dans l'engagement multilatéral qu'est le nôtre, dans l'engagement de l'aide bilatérale, et nous avons le souci d'augmenter cette aide bilatérale car nous pouvons ainsi agir avec plus de liberté, plus de souplesse, au cas par cas, mais c'est une volonté française. La solidarité aujourd'hui fait partie intégrante de la nécessité. La mondialisation, cela signifie aussi mondialisation de la solidarité, et nous devons à ce titre donner l'exemple.
Q - Parce que si la France n'a pas tenu ses promesses ces dernières années, depuis une dizaine d'années, c'est aussi parce qu'elle s'est retrouvée confrontée à des difficultés budgétaires. Vous pensez que vous arriverez à imposer lors des arbitrages que l'on continue à augmenter ?
R - Cela participe de la vision globale qui est celle de notre pays. Les problèmes auxquels sont confrontés la planète, l'immigration, la sécurité, trouvent aussi en grande partie leurs origines dans ce défaut de solidarité internationale. Je l'ai dit et répété aux ambassadeurs ; l'une des grandes clés aujourd'hui, c'est le partage, partage de la sécurité, partage de la culture. Le dialogue et l'échange deviennent la loi internationale, et c'est en se projetant, en s'ouvrant au dialogue avec les autres que l'on peut réduire considérablement cette montée de l'intolérance et du fanatisme qui sont la source de tant de préoccupations. Quand on voit le terrorisme, la menace de la prolifération des armes de destruction massive, il y a là une mobilisation de la communauté, mais qui ne peut pas se faire sans générosité et sans ouverture.
Q - Alors, justement, vous faites allusion à la menace de prolifération d'armes de destruction massive. Il y a actuellement, dans l'actualité, la question autour de la situation de l'Iraq, hier le vice-président américain Dick Cheney a à nouveau plaidé, peut-être en des termes un peu différents, pour une action préventive contre l'Iraq. Il estime que les risques de l'inaction sont plus forts que ceux qu'entraîneraient le passage à l'acte. Est- ce qu'il faudra en arriver au passage à l'acte si l'Iraq confirme son refus de voir revenir les inspecteurs de l'ONU ?
R - Vous avez entendu le président de la République hier, il l'a dit très fermement. Il y a une détermination française très claire à lutter contre le terrorisme, contre la prolifération des armes de destruction massive. Dans ce contexte, évidemment, nous insistons pour que l'Iraq se conforme aux obligations internationales. Nous ne pouvons pas accepter qu'un pays prenne en otage sa population, constitue une menace pour la sécurité, notamment régionale, et nous sommes donc très désireux, nous insistons, nous marquons de toute notre force, nous voulons que la communauté internationale se mobilise pour que les inspecteurs des Nations unies puissent revenir dans le cadre qui est le leur pour effectuer véritablement leur travail de contrôle en Iraq. A partir de là, bien évidemment, il faut continuer d'évaluer les choses. Si cela n'est pas possible, il faudra en tirer toutes les conclusions. La conviction française, c'est qu'il faut le faire dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies, et dans ce cadre seulement. Il y a une collégialité, une légitimité de l'action internationale qui est indispensable. Nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait des doutes sur les motivations de l'action de cette communauté, donc les choses doivent se faire en transparence, en responsabilité, en légitimité et en collégialité, et le Conseil de sécurité des Nations unies constitue le cadre le plus approprié pour ce faire, sans exclure évidemment aucune option.
Q - Cela veut dire que si l'Iraq persiste dans son refus, on ne peut pas exclure, à l'heure où l'on parle, une opération militaire collective contre l'Iraq ?
R - Nous examinerons toutes les options. Le principe de responsabilité, pour la diplomatie française est un principe essentiel, mais il a pour corollaire celui de la légitimité, et c'est pour cela que nous voulons agir dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - L'attitude des Nations unies, qui donne l'impression de vouloir agir seules vous parait-elle irresponsable, agaçante, je prends les mots à mon compte, je ne les mets pas dans votre bouche ?
R - Vous savez les Etats-Unis ont été frappés de façon terrible et douloureuse le 11 septembre, ils ont découvert la vulnérabilité qui était celle de leur propre territoire. A partir de là, ils ont une réaction qui veut prendre en compte toute menace, où que cette menace s'organise à travers la planète. Nous avons des échanges très forts, très réguliers avec les Américains et nous sommes chacun amenés à évoluer, à adapter notre position en fonction des informations et en fonction de la situation internationale.
Q - Mais ce traumatisme ne les a pas amenés à un peu de "simplisme", c'est votre prédécesseur qui avait employé ce mot ?
R - Je crois que l'Amérique est parfaitement consciente des enjeux, et je crois que dans le dialogue que nous avons avec eux, et au-delà du débat - qui est évidemment une donnée essentielle dans la démocratie américaine - l'Amérique est engagée dans un débat qui a une importante vocation à l'échelon du pays lui-même. Je crois que vis-à-vis de la communauté internationale, vous rappeliez les déclarations de Dick Cheney hier, il y a bien aujourd'hui le souci de prendre en compte les conséquences de tout cela et de partager les informations avec les autres membres de la communauté internationale. Donc je pense que cette concertation, cette collégialité s'exerceront.
Q - Et quand les Américains, notamment George Bush n'est pas présent à Johannesburg, lorsqu'il refuse la Cour pénale internationale, il n'y a pas une volonté de regarder que leurs propres intérêts et pas les intérêts mondiaux ?
R - La diplomatie française est très soucieuse que ces grands problèmes comme l'avenir de la planète, les problèmes de l'environnement, soient mieux pris en compte, et c'est pour cela que le président Jacques Chirac sera lui-même là-bas et fera entendre très fortement la voix de la France. Nous avons une grande délégation là-bas. Tokia Saïfi y est depuis plusieurs jours, Roselyne Bachelot y est depuis hier soir avec Pierre-André Wiltzer. La France veut être à la pointe du combat sur ces questions d'environnement, du développement durable, qui sont des grands enjeux. Chaque pays, aujourd'hui, a une responsabilité, mais la France veut être aux avant-postes de ce combat.
Q - Une responsabilité qu'on va exercer peut-être davantage vers l'Afrique ?
R - Qu'on exercera bien sûr davantage vers l'Afrique, parce qu'il y a une fidélité de cur, de l'histoire, vis-à-vis de l'Afrique, mais il y a aussi une connaissance et une affection réciproque entre la France et l'Afrique. Nous avons donc vocation, et sur les crises et sur les problèmes généraux du continent. Mais ce n'est pas une relation unilatérale, l'Afrique n'est pas un fardeau pour nous. C'est véritablement une communauté. L'Afrique fait partie de notre avenir, et nous considérons que, de ce point de vue, notre responsabilité doit pleinement s'exercer.
Q - On vous a vu aller en Afrique sur des crises particulières, que ce soit au moment de l'affaire de Madagascar ou à d'autres moments. Est-ce que vous voulez revenir, pour l'Afrique, à une diplomatie peut-être plus interventionniste de la part de la France ?
R - Notre souci, c'est d'être actifs, présents et utiles en Afrique.
C'est l'objectif principal. Je serai prochainement dans la région des Grands lacs, là où il y a une crise, encore, qui est préoccupante. Nous voulons apporter la contribution de la France. Notre souci, c'est de faire avancer les choses, et l'Afrique a fait beaucoup d'efforts et a connu certains succès, on le voit en Afrique australe, dans la région des Grands lacs. La négociation progresse, la paix progresse en Afrique, et nous voulons évidemment être partie prenante de ces évolutions.
Q - La France ne l'a pas été assez ces dernières années ?
R - Certainement pas. Nous avons toujours la possibilité d'avancer et de progresser, et c'est évidemment le défi qui est le nôtre aujourd'hui.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 septembre 2002)