Interview de M. Denis Kessler, vice-président délégué du MEDEF à Europe 1 le 28 mai 2000, sur le renouvellement de la convention Unédic, l'allocation chômage et le taux de croissance et les 35 heures.

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Média : Europe 1

Texte intégral

CATHERINE NAY : Denis Kessler, bonsoir. Le " Club de la Presse " vous remercie d'être avec nous ce soir dans notre studio. Monsieur le vice-président délégué du MEDEF, mercredi, après huit heures de négociation, les cinq syndicats et les trois organisations patronales ont approuvé un projet de préambule en 6 points, relatif à la future convention d'assurance chômage, l'Unedic. Ils se sont accordés pour promouvoir, entre autres, l'aide au retour à l'emploi. Les partenaires sociaux n'ont pas encore apposé leur signature au bas d'un texte, néanmoins, il y a eu un accord général sur des principes, ce qui n'était pas arrivé, dit-on, depuis 50 ans. Alors, monsieur Kessler, vous nous direz en quoi il fait avancer la refondation sociale que le MEDEF appelle de ses vux et vous nous direz vos espoirs et vos craintes pour la suite et en quoi cette réforme de l'Unedic ferait-elle table rase du passé. Nous évoquerons avec vous la situation économique en général. La croissance est bonne, même s'il y a eu un petit fléchissement lors de ce premier trimestre. Mais que vous disent les patrons que vous rencontrez chaque semaine sur le terrain, puisque, apparemment, le gouvernement n'entend pas la même chose que vous. Vous menez campagne contre les 35 heures généralisées, quel bilan faites-vous de leur application ? Et puis nous parlerons de la baisse de l'euro. Est-ce que cela vous inquiète et à quoi l'attribuez-vous ? Nous parlerons aussi des dossiers qui sont un peu votre " dada " - les assurances, les retraites, la Sécu - puisque vous êtes président de la Fédération Française des Sociétés d'Assurances, lesquelles viennent de dire qu'il allait falloir réévaluer l'ampleur des dégâts de la tempête de décembre. Alors, pour vous interroger, sont réunis ce soir Bruno Frappat de LA CROIX, Serge July de LIBERATION et pour EUROPE 1, c'est Jean-Louis Gombeaud qui vous pose la première question.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD : Monsieur Kessler, mercredi prochain, vous retrouvez les partenaires sociaux pour le renouvellement de la convention Unedic dont il faut rappeler qu'elle s'achève fin juin. Est-ce que mercredi 31 on aura un accord définitif ?
DENIS KESSLER : Nous l'espérons puisque mercredi dernier, nous sommes parvenus à arrêter 6 grands principes et que tout le monde s'est rallié à ces 6 grands principes, les 5 organisations syndicales et les trois organisations d'employeurs. Et puis nous avons clairement affiché dans ces principes que nous souhaitions mettre un nouveau dispositif en place. Un nouveau dispositif qui donne la priorité au retour à l'emploi. C'est fondamental, c'est comme ça qu'on arrivera à aller durablement en dessous des taux de chômage actuels et de retrouver des taux que d'autres pays connaissent déjà, c'est-à-dire inférieurs à 5 %, 4 %, 3 % comme par exemple aux Pays-Bas. Nous avons posé ces principes, tout le monde s'est rallié, nous allons maintenant les décliner, ça se fait mercredi. Et les employeurs vont faire des propositions, conformes à ces principes qui, si elles sont retenues par les organisations syndicales, après discussion et négociation bien entendu, eh bien permettront d'envisager une nouvelle convention le 1er juillet prochain. Le temps presse, toutes nos propositions, je crois, sont réalistes, innovantes, devraient permettre de résoudre ce problème lancinant du chômage de longue durée, du chômage des jeunes en France. Ca devrait permettre de réduire la durée du chômage, de diminuer ce que l'on appelle le taux de chômage récurrent, ceux qui reviennent plusieurs fois au chômage. C'est la raison pour laquelle nous sommes confiants, je dois vous dire, confiants que les propositions qui ont été faites, qui ont maintenant été prises en compte par les partenaires sociaux, devraient pouvoir aboutir à un accord.
BRUNO FRAPPAT : Vous dites que vous allez faire des propositions. Alors, est-ce que c'est les propositions que vous aviez déjà faites ou bien est-ce que vous allez les modifier ? Je pense particulièrement à ce que vous appelez le Care, c'est-à-dire le contrat d'aide au retour à l'emploi, qui a été vivement critiqué par les syndicats. Le chapeau dont vous venez de parler là, le préambule, est un document assez général, cuménique, si je puis me permettre, mais vous allez entrer dans le vif du sujet avec le fameux contrat.
DENIS KESSLER : Ecoutez, bien entendu, le contrat d'aide au retour à l'emploi reste le dispositif qui est soumis à la négociation et qui sera, après discussion, mis en place. Autrement, eh bien, il faudra envisager un autre scénario. Donc, le contrat d'aide au retour à l'emploi, c'est le dispositif central de notre nouvelle approche. Pourquoi ? Parce que c'est un contrat formidable. C'est un contrat qui, de manière très moderne, allie quoi ? Bilan de compétences ; il correspond également à une volonté de trouver les formations adaptées à des emplois existants qui, bien entendu, aident le demandeur d'emploi à trouver des offres d'emploi, des offres d'embauche ; dans certains cas, permettent la création d'entreprise sans rupture ; dans d'autres enfin, le retour dans le système productif avec
BRUNO FRAPPAT : Oui, mais si c'était aussi beau, tout le monde l'aurait déjà approuvé ce contrat.
DENIS KESSLER : Mais ce contrat, quand vous le regarder bien, dans les principes, il y a marqué que le nouveau dispositif doit combiner retour à l'emploi et évolution des conditions d'indemnisation. Et le mot clef, c'est évidemment : un système de droits et devoirs. Ce système de droits et devoirs sera ensuite transcris dans un contrat dont les termes seront fixés par convention. Voilà ce dont il s'agit. Et je pense que c'est effectivement quelque chose tellement à l'avantage des salariés que je n'arriverais pas à comprendre pourquoi on ne s'y rallierait pas.
SERGE JULY : Sur ce sujet, on a quand même entendu Nicole Notat vous trouver spécialement maladroit en proposant ce contrat d'aide au retour à l'emploi en disant - c'est elle, je la cite quasi in extenso - : c'est une idée de la CFDT, ça aurait été plus simple si ça avait été la CFDT qui l'avait proposé, plutôt que le MEDEF en fasse sa proposition.
DENIS KESSLER : Je suis heureux de remarquer qu'il avait plus de recherche en paternité pour les bonnes idées que pour les mauvaises. Donc, que madame Notat ait considéré que ce que nous avons mis sur la table correspond
SERGE JULY : Oui, mais comme elle avait déjà fait un plan à la Sécurité sociale déjà une fois
DENIS KESSLER : Monsieur July, si madame Notat considère que ce que nous avons mis sur la table correspond à ce qui est souhaitable par la CFDT, nous nous en réjouissons. Bien au contraire. Ca veut dire qu'il y a sans doute là la possibilité de discuter au fond de nos propositions. Et ce que nous souhaitons maintenant, c'est qu'effectivement, après les principes qui ont été arrêtés, qu'on passe, j'aillais dire, aux travaux pratiques et que l'on trouve comment décliner tout ceci dans des dispositions très concrètes.
SERGE JULY : Et pour un chômeur, quand même, sur la dégressivité
DENIS KESSLER : Mais sur la dégressivité, c'est déjà là. Je vais commencer quand même par une autre remarque si vous me permettez. A l'heure actuelle, il faut savoir que chaque salarié français
SERGE JULY : Moins 17 % tous les 6 mois
DENIS KESSLER : Attendez, attendez, chaque salarié français consacre à l'heure actuelle 10 000 francs par an, 10 000 francs par an, à l'assurance chômage. Chaque salarié français consacre de son revenu 10 000 francs par an. Quand vous prenez quelqu'un qui est rémunéré au Smic, ça représente pour lui 5 000 francs net, c'est-à-dire un mois de salaire net, consacré à l'assurance chômage. Je crois qu'il faut bien entendu faire en sorte que cet argent qui est prélevé, qui représente globalement plus de 120 milliards de francs sur l'ensemble des salariés et des entreprises, soit utilisé de la meilleure manière. Donc, ça, c'est le premier point sur lequel nous sommes, en ce qui nous concerne, très attentifs. Deuxième point : ce que nous allons dire, c'est qu'il faut tout faire pour aider le demandeur d'emploi à retrouver un emploi ou une formation, créer une entreprise, pour trouver une entreprise qui l'accueille, de façon, dans les cas les plus difficiles, à le remettre dans le système productif. Voilà. Alors, vous allez me dire, la dégressivité, la dégressivité, elle existe à l'heure actuelle ! Elle existe ! Non seulement elle existe, mais quand vous lisez attentivement le code du Travail, je suis sûr que vous lisez attentivement le code du Travail, l'article
SERGE JULY : Tous les matins, tous les soirs ;
DENIS KESSLER : L'article R 311. Il n'y a pas besoin de toucher le code du Travail puisque l'article R 311 du code du Travail dit que l'on peut radier un chômeur pour refus d'emploi ou absence d'acte positif de recherche d'emploi, refus de formation, absence à une convocation ou une visite médicale ou fausse déclaration. Et les conséquences ? C'est la suspension des prestations. Il n'y a pas à changer un iota du code du Travail. Et donc ça existe.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD : D'ailleurs, on en radie tous les ans des chômeurs
DENIS KESSLER : Il y en a 189 000 par an, sauf que c'est fait de manière, bien entendu, comment dire, discrète, opaque, de manière aveugle j'allais dire. Prenons le cas par exemple de l'allocation unique dégressive. Au bout de 6 mois, c'est moins 17 %. Moins 17 %. Alors, ce moins 17 %, il s'applique à tout le monde. Il s'applique à des gens pour lesquels on n'a trouvé aucun travail, aucune offre d'emploi.
SERGE JULY : Ca, c'est ce qui s'applique aujourd'hui
DENIS KESSLER : C'est ce qui se passe aujourd'hui. Et il s'applique aussi à des gens qui auront refusé un, deux ou trois emplois pendant cette période là. Je trouve cela inéquitable et injuste. C'est la raison pour laquelle dans notre système, bien entendu, quelqu'un pour lequel on ne trouve pas d'emploi ne verra pas son allocation diminuer.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD : Même au bout d'un certain temps, un an par exemple ?
DENIS KESSLER : Mais non, au contraire. Nous proposons, au bout d'un an
SERGE JULY : Elle va augmenter
DENIS KESSLER : Mais pas du tout. Nous proposons, au bout d'un an - et c'est une proposition que le président Seillière avait faite lors de la création du MEDEF à Strasbourg - nous avons dit qu'au bout d'un an, il va y avoir déclenchement d'un nouveau mécanisme qui permettra à cette personne demandeur d'emploi de retourner dans une entreprise, avec un chèque emploi, il sera rémunéré comme les autres salariés, mais il y aura une aide dégressive de façon à ce que l'employeur soit incité à le former, à le garder dans l'entreprise, pour lui remettre le pied à l'étrier. Donc, notre dispositif, c'est un dispositif, très honnêtement, formidable. Qu'il n'y a pas de novation parce que, à l'heure actuelle, la dégressivité existe, sauf que là, elle est dans un cadre de droit contractuel. Je trouve, pour ma part, que c'est formidable. Toute la vie on signe des contrats, le monde avance.
CATHERINE NAY : Quand vous avez parlé de devoirs du chômeur, tout le monde a crié : mais c'est révolutionnaire, comment peut-on parler comme ça. Or, si je vous ai bien compris, c'est déjà dans le code du Travail ?
DENIS KESSLER : Sauf que ce n'est pas appliqué ou lorsque c'est appliqué, ça l'est de manière, comme je l'ai dit, implicite ou opaque. Là, il s'agit vraiment, vous savez, de changer la philosophie du dispositif. Mais ce que nous proposons
CATHERINE NAY : C'est quoi ce changement de philosophie
DENIS KESSLER : Un peu révolutionnaire, mais ça a été mis en place dans plein de pays. On prend le cas des Pays-Bas, on prend le cas du Danemark, on prend le cas de la Suède, le cas du Royaume-Uni, de la Suisse. Tous ces pays, alors que leurs traditions sont plutôt sociales-démocrates, ont mis en place des dispositifs analogues. Et c'est comme ça qu'ils ont réussi à vraiment casser le taux de chômage structurel et à aboutir à des taux qui sont de l'ordre de 5 % au Royaume-Uni à l'heure actuelle, de 2,8 % aux Pays-Bas ou de 5 % au Danemark. Sans ce dispositif là, nous n'arriverons pas à obtenir une baisse
BRUNO FRAPPAT : On a beaucoup dit que vous vouliez culpabiliser les chômeurs. Enfin que vous vouliez, le résultat, c'est de culpabiliser les chômeurs.
DENIS KESSLER : Mais certainement pas ! Certainement pas ! Dans un système de droits et devoirs, on voit bien qu'il faut respecter ses engagements. Et ceci vaut pour un chômeur. Je rappelle que quelqu'un qui à l'heure actuelle signe un contrat de travail et va travailler dans l'entreprise, eh bien, il faut qu'il respecte les conditions du contrat de travail. Donc, soyons sérieux. Soyons sérieux. N'allons pas chercher des tas de raisons, etc. Je pense que cette philosophie d'aide au retour à l'emploi est une philosophie formidable qui va dans le sens à la fois de l'intérêt des cotisants - que ce soit les salariés cotisants, que ce soit les entreprises cotisantes -, ça dans l'intérêt du demandeur d'emploi parce que, là, vraiment, il va être accompagné, d'ailleurs le terme clef, c'est l'accompagnement pendant toute cette pédiode-là. Ca va aussi dans le sens du lien entre formation, compétences et emploi. Ceci n'a pas été fait jusqu'à présent. Là, il y a vraiment, vous savez, ces chaînages, dynamiques, dans lesquels, d'un statut à un autre, eh bien on va tout faire pour que l'association pour la formation professionnelle pour adultes, l'Anpe, l'Unedic, tout le monde monte sur le pont, les branches professionnelles, pour faire qu'il y ait ces passerelles entre les différents statuts : créateur d'entreprise à salarié, grande entreprise à petite entreprise, entre les bassins d'emploi. Nous prévoyons, sans obligation par exemple, que lorsqu'il y a un bassin d'emploi dans lequel il y a des fortes demandes d'emploi non satisfaites alors que de l'autre côté, ce n'est pas le cas, eh bien que le système Unedic incite et prenne à sa charge les frais de déménagement et de relocalisation, de façon à rééquilibrer les bassins d'emploi.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD : Mais ce que vous proposez, en quoi c'est différent des contrats de conversion qui existent d'ores et déjà sur une base volontaire et que certains syndicats disent, la CFTC notamment : il n'y a qu'à élargir et étendre, généraliser ces systèmes de contrats de conversion qui existe d'ores et déjà.
DENIS KESSLER : Est-ce bien ce que nous faisons
JEAN-LOUIS GOMBEAUD :Eh bien, eh bien
DENIS KESSLER : Parce qu'il y a des éléments des contrats de conversion que l'on reprend bien entendu dans notre proposition, mais nous souhaitons que le dispositif mis en place soit un dispositif universel qui s'applique à tous les demandeurs d'emploi. Puisque c'est un service qu'on leur rend. Et je ne vois pas pourquoi
JEAN-LOUIS GOMBEAUD : Obligatoire
DENIS KESSLER : Ce n'est pas obligatoire, c'est universel. Et c'est la raison pour laquelle on ne comprendrait pas que certains syndicats souhaitent que ces nouveaux services, ce nouvel accompagnement, eh bien que certains demandeurs d'emploi en soient privés. Ca ne correspond pas à l'idée d'ailleurs des droits sociaux. Nous avons des garanties collectives, nous avons des conventions pour l'ensemble qui se déclinent dans des contrats individuels. C'est une approche, je crois, dans laquelle chaque chômeur, et c'est ça qui est important, chaque demandeur d'emploi, non pas les chômeurs en général, chaque demandeur d'emploi, on doit lui trouver son trajet individualisé qui le remettra le plus rapidement possible sur le marché du travail, au sens de retrouver un emploi correspondant à ses compétences et au niveau de salaire qu'il avait avant de perdre son emploi.
SERGE JULY : Oui, chacun a le souci, finalement Il y a 4 chômeurs sur 10 qui ne sont pas indemnisés. Il y a 41 %, donc 6 sur 10 qui le sont mais il y en a 41 % qui ne le sont pas. Donc, ce sont les précaires, ce sont les jeunes, ce sont les, etc Est-ce que sur cette question, vous pensez progresser ? Parce que les syndicats, si j'ai bien compris, sont assez demandeurs sur le fait qu'il y ait une indemnisation du chômage qui soit étudiée pourquand même, 40 %, c'est beaucoup
BRUNO FRAPPAT : Pour les jeunes de moins de 25 %
SERGE JULY : Notamment, mais il n'y a pas qu'eux.
DENIS KESSLER : D'abord, un, le dispositif d'assurance chômage en France, il est basé sur ce que l'on appelle la philosophie commutative occurentielle : il faut avoir cotisé auparavant et c'est le fait d'avoir cotisé qui ouvre plus tard les droits lorsque l'on perd son emploi. C'est la philosophie sur laquelle il repose depuis 1958. Si une partie des chômeurs ne sont pas indemnisés, c'est parce qu'ils n'ont pas cotisé auparavant.
SERGE JULY : Absolument, ce n'est pas par discrimination
DENIS KESSLER : Donc, ce n'est pas par discrimination et je tenais simplement à le rappeler. Maintenant, nous avons un problème spécifique avec les jeunes pour lesquels, si vous voulez, l'introduction sur le marché du travail se fait avec une séquence un CDD puis un autre CDD, un contrat à durée déterminée, une période d'intérim, puis un bout d'essai, puis un bout de chômage et autre. Et on voit bien que pendant ces périodes, on n'accumule pas suffisamment de droits pour pouvoir avoir droit au chômage. De même que l'on a des curriculum vitae totalement bigarrés dans lesquels on passe d'un petit poste à un autre. C'est la raison pour laquelle nous allons, sans doute avec les organisations syndicales, je souhaiterai négocier d'aborder et avant tout avec elles, nous allons discuter avec elles de façon à ce que, si vous voulez, on prenne mieux en compte les trajets à l'heure actuelle, ce que l'on appelle la période de référence, de cotisation. Mais nous avons la conviction, notamment pour les primo-demandeurs d'emploi et pour les gens qui ont déjà cette séquence, qu'il faut mettre en place des nouveaux contrats de travail, c'est-à-dire des contrats de trois ans ou quatre ans, parce que là, vraiment
CATHERINE NAY : Cinq ans même..
DENIS KESSLER : On a dit jusqu'à cinq ans
CATHERINE NAY : C'est le quinquennat dans les CCD
SERGE JULY : Le quinquennat d'ailleurs est une mode quoi
DENIS KESSLER : Eh bien, écoutez, ça montre que le Président de la République a un CDD de cinq ans renouvelable, bon. Là, il s'agit de trouver des formes de contrats qui soient plus longues bien entendu que le CDD, qu'il y ait des droits, notamment au titre de la formation, et qui permettent vraiment de stabiliser l'entrée dans la vie active avec une véritable formation dans l'entreprise. On a besoin de cet instrument-là parce que le CDD de 6 mois est trop court et abouti à ces ruptures dans le développement des carrières. Alors, on nous dit toujours : c'est impossible, c'est insupportable, que se passe-t-il, etc. Je rappelle que l'Etat, toute la journée à l'heure actuelle, fait la même chose. Il a fait 240 000 emplois-jeunes à cinq ans. Il ne s'est pas posé la question. Et à l'époque, personne n'a rien dit !
BRUNO FRAPPAT : Vous, vous les avez critiqués quand même
DENIS KESSLER : Attendez, on a critiqué parce que ces emplois n'étaient pas des emplois et c'était, pour les trois quarts des bacheliers - nous le savons maintenant - qui, plutôt que d'aller dans l'entreprise, dans le secteur productif, on va dans des emplois que l'on peut considérer de temps en temps comme un peu tirés par les cheveux. Agent d'ambiance, etc. Non. Ce que nous souhaitions, c'était que ces gens-là rentrent dans le système productif. Les bacheliers doivent y être, doivent y aller. Mais alors, quand on regarde ce que fait l'armée à l'heure actuelle, ce n'est pas uniquement pour des gens déshérités.
SERGE JULY : " Qu'est-ce que vous avez à faire dans les 30 mois qui viennent " : c'est la publicité
DENIS KESSLER : Alors, écoutez, vous défense.gouv.fr.terre.retraite, c'est pour l'armée, c'est sur le site Internet de l'armée, vous pouvez tous y accéder, il y a marqué : après votre premier contrat, entre parenthèses trois ou cinq ans, vous pourrez, sous certaines conditions, renouveler votre contrat par contrats successifs, et ce jusqu'à quinze ans de service, voire 22 ans. Trois ans, cinq ans, jusqu'à 22 ans. J'ajoute : logé et nourri, votre rémunération sera d'environ 5 500 francs
SERGE JULY : Ne dites pas que c'est un modèle qui vous fait rêver.
DENIS KESSLER : Ce n'est pas un modèle. Quand l'Etat se permet des choses, en justifiant ceci par le fait qu'il est difficile d'engager des gens à long terme, je crois qu'il faut reconnaître aux entreprises du secteur privé qui financent leurs emplois, elles, avec leurs recettes, de pouvoir le faire.
BRUNO FRAPPAT : On vient de parler des négociations sur l'assurance chômage qui reprennent la semaine prochaine et dont vous nous dites qu'elles vont aboutir, grosso modo. On observe que le trou de la Sécu n'existe plus, on va apprendre la semaine prochaine qu'il y a moins de 10 % de chômeurs en France. Est-ce qu'au fond, votre positivité ne s'explique pas principalement par la reprise de la croissance, il y a moins de chômeurs, il y a plus d'argent dans les caisses de l'Unedic, il y a plus de travailleurs, il y a plus d'argent dans les caisses de la Sécu ? Au fond, vive la croissance et vive Jospin ?
DENIS KESSLER : Alors, attendez, beaucoup de remarques dans votre question
BRUNO FRAPPAT :C'est surtout sur la chute que je voudrais vous interroger.
DENIS KESSLER : Oui, on a regardé très attentivement les chiffres de croissance de la France depuis mi-1997, depuis juin 1997 jusqu'à nos jours. C'est simple : la croissance est identique à celle de la zone euro, c'est-à-dire des onze pays qui appartiennent à la zone euro. C'est la même croissance. Au cours des deux derniers trimestres 1999, même taux de croissance. Maintenant, c'est même un peu plus bas depuis le début de l'année, mais enfin, bon, je ne vais pas commenter les variations à 0,1 point. Quand on regarde la baisse du taux de chômage dans la zone euro depuis la même date, juin 1997, c'est exactement, en points, la même baisse en France, moins 2,3 points, par rapport à celle qui a concerné l'ensemble des pays de la zone euro, moins 2,3 points.
SERGE JULY : Les 35 heures n'ont pas eu d'effet.
DENIS KESSLER : Les 35 heures n'ont pas eu d'effet
SERGE JULY : Ni positif, ni négatif
DENIS KESSLER : Attendez monsieur July. Parce que depuis juin 1997, nous sommes dans une économie à 39 heures. En 1999, où nous avons eu un fort taux de croissance, on ne l'a pas eu avec 35 heures, on l'a eu parce que les Français ont travaillé 39 heures. Ce n'est que maintenant que les 35 heures rentrent en application très progressivement. Il n'y a que 30 000 accords signés. 30 000 accords signés, c'est à peu près le nombre de créations d'entreprises en un mois et demi. Donc, vous voyez, sur 1,2 million d'entreprises, il faut relativiser le nombre d'accords signés. Nous ne sommes pas dans une économie à 35 heures et au fur et à mesure où les 35 heures s'appliquent dans l'entreprise, on en voit déjà tous les effets pervers. Tous ! On les voit ! Ca se montre partout. On voit quoi ? On voit, grand 1, une hausse du coût de salaire horaire : + 5 %, source Insee. On voit à l'heure actuelle quelque chose qui est vraiment très clair, c'est l'augmentation des contentieux et des conflits lors de l'application des 35 heures. C'est tout-à-fait visible. On voit des phénomènes de délocalisation d'un certain nombre d'entreprises françaises et de non-localisation d'entreprises étrangères en France. Et puis on voit la désorganisation d'un certain nombre d'entreprises : vous téléphonez, est-ce que je pourrais parler à madame Michu, ah, non, elle est en RTT. Ah, est-ce que vous pourriez me passer son remplaçant ? Ah, bien non, rappelez la semaine prochaine, parce que pour le moment, on ne sait pas exactement le remplaçant de madame Michu, etc. Les réunions dans les entreprises ne peuvent se tenir plus que le mardi à l'heure actuelle et le jeudi parce que les lundi et les vendredi et souvent le mercredi, c'est les jours dits RTT. Donc, il y a une véritable désorganisation. Et puis, bien pire que cela, il y a beaucoup de goulets d'étranglement dans les entreprises, c'est-à-dire que les entreprises ont des carnets de commandes remplis, peuvent se développer à l'heure actuelle et pourraient développer leur activité, pourraient tirer la croissance davantage et n'y parviennent pas, tout simplement parce que les gens, pour le moment, travaillent moins. Et donc, nous avons un véritable problème : aujourd'hui, les 35 heures, ça pince et demain, ça coince. Ca va véritablement coincer.
SERGE JULY : Je voudrais comprendre ce que vous dites. Donc, ça va, d'une certaine manière, le chômage va remonter ?
DENIS KESSLER : Non. Non, non. Ce qui va se passer, c'est que le taux de croissance de la France, par rapport au taux de croissance potentiel que la France pourrait avoir, sera inférieur à ce que l'on pourrait espérer. Sachant que la situation de départ de la France est moins bonne à l'heure actuelle que celle de ses concurrents. Je vous rappelle qu'en dépit de la croissance, monsieur Frappat évoquait tout-à-l'heure le déficit, nous avons toujours 200 milliards de déficit public ; en l'espace de ces trois dernières années, la dette publique a augmenté de 600 milliards ; nous sommes encore dans une situation dans laquelle nous avons 10 % de chômeurs, beaucoup de nos concurrents, au contraire, ont des taux de chômage bien inférieurs. Quand vous regardez la situation française, nous n'avons pas vraiment à pavoiser. Nous faisons plutôt bien à l'heure actuelle et nous nous en réjouissons, nous sommes heureux de la croissance, les entrepreneurs disent " youpi ", sur le fond, nous espérons que cela va continuer. Pour que cela continue, je crois qu'il faudra, effectivement, sans doute, revenir comme nous l'avons demandé et comme, avec beaucoup d'instance, Ernest-Antoine Seillière l'a dit au Premier ministre, il va falloir réviser la loi des 35 heures, il faudra sans doute éviter de l'appliquer, bien entendu aux entreprises de moins de 21 salariés parce qu'autrement, c'est de la désorganisation la plus totale, et puis il faut libérer les forces de croissance plutôt que de les brider. Voilà un petit peu l'idée qui est la nôtre.
SERGE JULY : Quand le Premier ministre, s'adressant aux jeunes dirigeants d'entreprise dit : nous devons ensemble conclure un pacte pour la société de plein emploi. Nous avons besoin de vous, dit-il. Aux entreprises, il dit : nous avons besoin de vous. Est-ce que vous dites " chiche " ?
BRUNO FRAPPAT : Et il est applaudi par le CJD.
DENIS KESSLER : Moi je trouve cela d'abord merveilleux que le Premier ministre considère à l'heure actuelle important de prendre en considération ce que disent les entrepreneurs en France. Ca fait trois ans qu'on l'attend. Donc, bonne nouvelle, bonne nouvelle. Parce que depuis 3 ans, j'avais l'impression qu'on légiférait à tour de bras, je veux dire sur tous les sujets, il faut voir un petit peu les textes à l'heure actuelle en discussion au Parlement sur la régulation économique ou sur la modernisation sociale, que sais-je encore. On légifère à tour de bras, on impose les 35 heures sans concertation, on n'arrive même pas à se l'imposer à soi-même - je parle de l'Etat qui est incapable de le faire - et puis, tout d'un coup, au bout de trois ans, on découvre qu'il faut revoir les entrepreneurs, ah, tiens, c'est intéressant. Mais oui, monsieur Jospin découvre ce que monsieur Schröder a découvert en six mois lorsqu'il a commencé à arrêter sa politique complètement aventureuse avec monsieur Lafontaine pour commencer à trouver un nouveau deal, une nouvelle donne avec les entrepreneurs. C'est ce que fait monsieur Tony Blair lorsqu'il dit : il faut célébrer les entrepreneurs comme les footballeurs. Bref, oui, nous revenons doucement dans la norme, mais maintenant, nous avons un chantier prioritaire monsieur July : c'est la refondation sociale. Nous avons le chantier de la refondation sociale, ça c'est important. Nous l'avons lancé par une déclaration d'Ernest-Antoine Seillière le 2 novembre 1999. Nous avons ouvert 8 chantiers. Fondamentaux. La retraite, on a parlé du chômage, les lieux de négociation, les formes de la négociation, la formation, sujets essentiels pour nous dans les années qui viennent. Nous sommes en train de discuter avec les partenaires sociaux, nous espérons que ça va avancer et si l'échéance de mercredi vainaudibleNous verrons après. Nous nous tournerons, partenaires sociaux et nous, vers les pouvoirs publics, sans doute pour établir une nouvelle relation. Et d'ailleurs, dans la déclaration de mercredi, nous disons à la fin : nous souhaitons que de nouvelles relations soient établies entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD : Mais est-ce que vous pourriez nous définir ce que c'est, en deux phrases, cette refondation sociale. Qu'est-ce qui a besoin de refondation ? Pouvez-vous me la définir en deux phrases ? Ou en trois.
DENIS KESSLER : Oui, en deux phrases. Alors, c'est relativement clair : on a un système social, au sens aussi bien de système de protection sociale, la retraite, le chômage, la formation, que sais-je encore, que de relations sociales, c'est-à-dire les conventions collectives, le droit du travail, qui a été mis en place après la guerre, grosso modo. Et qui, depuis, a été enrichi par de nombreux accords interprofessionnels. On s'est rendu compte, à la fin du siècle dernier, de ce siècle, d'une extraordinaire confusion. Confusion des responsabilités, l'Etat légifère sur le temps de casse-croûte, on invalide des accords qui sont signés en bonne et due forme par les partenaires sociaux, le juge s'immisce partout dans la vie sociale de l'entreprise, on ne sait pas ce qui relève de la branche et ce qui relève d'entreprise On a dit : on ne peut pas continuer comme ça, il faut clarifier qui fait quoi. Au nom de qui, qui signe quoi. Et ça, c'est ce qui relève de l'Etat de ce qui relève des partenaires sociaux. C'est un débat fondamental. Nous le menons. Et puis, dans le domaine de la protection sociale, un constat selon lequel les organismes de Sécurité sociale existants, le système de protection sociale reflète le monde ancien. Il n'a pas intégré les évolutions de l'euro, la construction européenne, les nouvelles technologies, la nouvelle économie. Il n'a pas intégré les nouvelles aspirations des salariés, il n'a pas intégré le vieillissement de la population. Ce que nous avons dit au MEDEF, et ça a été vraiment l'axe prioritaire poursuivi par Ernest-Antoine Seillière, c'est de dire : nous devons rebâtir un système de protection sociale qui assure durablement, dans notre pays le progrès social, dans une économie qui s'inscrit dans l'Europe et qui s'inscrit dans le monde et qui reposera demain sur des techniques et sur des technologies nouvelles. C'est notre devoir à nous, entrepreneurs, de trouver pour l'ensemble de nos salariés, des systèmes qui garantissent le progrès social.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD : Est-ce que votre système vise à mettre l'Etat de côté dans les relations sociales ? C'est-à-dire que est-ce que votre refondation sociale, c'est une affaire entre vous et les syndicats et l'Etat, si je puis dire, out.
DENIS KESSLER : Attendez, l'Etat, pour le moment
SERGE JULY : L'Etat, pas la loi quoiPour le dire autrement. Pour faire un peu simplet.
DENIS KESSLER : Oui, faisons simplet Bon, c'est simple, d'un côté, il y a la sphère de ce que l'on appelle la démocratie sociale, je crois que c'est le terme approprié, elle est gouvernée par des gens qui ne peuvent rien faire d'autre que de négocier. Ca aboutit à quoi ? A des contrats, des conventions, des accords. Et c'est ce que je suis en train de faire sous la direction d'Ernest-Antoine Seillière, d'essayer de trouver un accord. Eh bien, si je n'y arrive pas, on trouvera, on assumera nos responsabilités, je ne veux pas envisager le scénario. C'est la sphère de la démocratie sociale. Ca, ca ne repose que sur des partenaires sociaux motivés, qui ont des ambitions politiques, qui assument leurs responsabilités. De l'autre côté, il y a ce que l'on appelle la démocratie politique. Là, ce n'est pas du tout le contrat, la convention ou l'accord. C'est quoi ? C'est la loi. C'est le décret, c'est la circulaire et la responsabilité politique, puisque c'est un gouvernement qui utilise sa majorité et le Parlement pour imposer des dispositions à l'ensemble des acteurs. Nous disons que l'équilibrage, en France, entre ce qui relève de la démocratie sociale et ce qui relève de la démocratie politique n'est pas bon. Et nous souhaitons effectivement un renforcement de la démocratie sociale. Notre projet, c'est bien entendu de respecter l'Etat qui doit fixer les cadres, ce que l'on appelle les dispositions fondamentales en matière de droit du travail ou de protection sociale. Il appartient ensuite aux partenaires sociaux, bien entendu aux acteurs de la société civile, de décliner ces principes, de les mettre en uvre et d'assumer leurs responsabilités. Ca, c'est fondamental, non pas nous entrepreneurs, pour la société dans sa totalité. Parce que si nous arrivons, justement, à cette réorganisation fondamentale de la société française, je crois que nous aurons là les possibilités d'avoir un développement beaucoup plus harmonieux que par le passé.
BRUNO FRAPPAT : Je ne comprends pas bien la cohérence entre votre projet de refondation sociale où il y a un chantier sur les retraites par exemple, parmi les 8, il y a un chantier sur les retraites
DENIS KESSLER : Absolument
BRUNO FRAPPAT : Et au même moment, on apprend qu'il y a un Conseil d'orientation sur les retraites qui est réuni demain par Lionel Jospin. Et vous refusez d'y participer.
DENIS KESSLER : Attendez
BRUNO FRAPPAT : L'Etat n'a pas à s'occuper des retraites ? Ou bien c'est vous qui n'avez pas à vous occuper des retraites ?
DENIS KESSLER : Monsieur Frappat, monsieur Frappat, nous nous occupons des retraites. Nous n'avons pas attendu le Conseil d'orientation des retraites. Nous nous occupons des retraites tous les jours puisque nous cogérons l'Agirc et l'Arrco qui couvrent tous les salariés de nos entreprises, les 15 millions de salariés de nos entreprises, que nous avons pris déjà, depuis 1994, 1996, des dispositions courageuses pour essayer d'assurer la pérennité de ces régimes et que nous assumons nos responsabilités dans ces régimes. Donc, nous n'avons pas attendu le rapport
BRUNO FRAPPAT : Mais pourquoi vous boycottez les
DENIS KESSLER : Et nous n'avons pas attendu ce Conseil pour prendre des décisions. Pourquoi nous le boycottons ? Pour la raison suivante. On crée, après un énième rapport une nouvelle commission. Commission d'orientation des retraites. Tenez-vous bien : 33 personnes conseillent. 33 personnes ! Sur ces 33, ceux qui représentent finalement les gens concernés, et je parle des salariés et des entreprises, c'est la minorité. On met des personnalités qualifiées, beaucoup de hauts fonctionnaires, on met un fonctionnaire pour le présider. Et puis, surtout, on leur dit : qu'est-ce que vous allez faire, vous, Conseil d'orientation des retraites ? Ernest-Antoine Seillière lit la lettre qu'on lui envoie et on a : la charge de ce Conseil d'orientation des retraites est de préparer un rapport. Et pendant deux ans. Alors, nous sommes mai 2000, plus deux ans, ça fait mai 2002. Suivez mon regard. Et donc, créer un Conseil d'orientation des retraites, dont l'objet est de préparer un nouveau rapport, alors que nous avons le rapport Charpin, dans deux ans, alors que nous savons que le constat est fait, qu'il faut agir aujourd'hui dans le domaine des retraites publiques, des retraites de la Fonction publique, nous savons qu'il faut aujourd'hui préparer l'avenir, c'est aujourd'hui qu'il faut prendre des décisions, nous n'allons pas aller cautionner un Conseil, tant qu'on n'aura pas vu quelle est sa véritable mission. Là, pour le moment, très honnêtement, si c'est pour aller, 1 sur 33 ou 2 sur 33, pour aller vaguement discuter d'une vague orientation, pourquoi pas un rapport, non, soyons sérieux ! Place à l'action. Place à l'action. Et nous, en ce qui nous concerne, c'est pour ça que, avec les partenaires sociaux, dans le cadre de notre grand exercice de refondation sociale, nous avons proposé une réforme Agirc et Arrco qui permettra d'anticiper quoi ? Les 20 prochaines années. Eh bien, ça, c'est de la responsabilité, c'est comme ça que l'on pourra dire à tous les salariés : nous avons résolu le problème de l'évolution des régimes complémentaires de retraite sur 2 ans. Que l'Etat fasse la même chose. Je crois que les Français seraient rassurés. Pour le moment, foin, foin de commission, foin de rapport. Allez, place à l'action !
BRUNO FRAPPAT : Votre refondation sociale, le calendrier, c'est de tout terminer avant le 31 décembre 2000, hein.
DENIS KESSLER : Quand il y a une volonté politique, monsieur Frappat, quand on a envie, enfin, regardez le monde dans lequel on vit. On rassemble des très grandes entreprises en trois mois, nous prenons des décisions.
BRUNO FRAPPAT : Monsieur Kessler, ça veut dire qu'on ne parle plus de quitter les organismes paritaires ?
DENIS KESSLER : Mais si. Attendez, on parle Attendez, d'abord, il faut deux scénario. Le scénario
BRUNO FRAPPAT : La menace s'est éloignée quand même
DENIS KESSLER : Ce n'est pas une menace. Attendez, je vais vous expliquer. Pour le moment, notre volonté, c'est bien entendu de réussir tout ceci lorsqu'on s'y engage. Et Dieu sait si on s'y engage. Je veux dire qu'on met les moyens, on met des propositions, on accepte la négociation, on y va. Bon. Si ça marche, tant mieux. Mais, mais, mais, nous avons dit : évidemment, si ça ne marche pas, c'est-à-dire que si nous ne trouvons pas de partenaires pour pouvoir participer à ce gigantesque chantier de remettre le système de protection sociale sur pied, bon, bref, si ça n'avance pas, et si ça n'avance pas pour l'Unedic alors que nos propositions sont extrêmement favorables je crois au traitement du chômage, bien entendu, ça veut dire que nous n'avons pas d'interlocuteurs. Mais ce serait dramatique pour notre pays ! C'est-à-dire que nous n'avons pas d'interlocuteurs pour pouvoir poursuivre ces chantiers. Et ça, ça serait un constat terrible ! Or, je l'écarte. Pour le moment, tout doit être mis pour trouver des accords. Et dès qu'on aura terminé le chômage, eh bien nous allons fouetter le cheval pour pouvoir faire les retraites et surtout l'énorme chantier de la formation. Parce que, très honnêtement, c'est là, on le sait, au nom de la société du savoir, de la connaissance, nous devons là innover complètement pour pouvoir faire en sorte que les salariés disposent des compétences et des connaissances pour pouvoir anticiper l'évolution du monde.
JEAN-LOUIS GOMBEAUD : Mais les discussions de vos partenaires, que représentent-ils ? Comment pouvez-vous proposer des contrats qui refondent complètement le social en France avec des gens, je ne parle pas du MEDEF qui représente les entreprises, mais avec des gens qui ont 2 %
SERGE JULY :Il ne représente pas toutes les entreprises non plus
JEAN-LOUIS GOMBEAUD : Peut-être pas parce qu'il y a d'autres syndicats, mais enfin, en tous cas, les syndicats de salariés représentent une infime minorité des salariés français. Donc, le contrat a quelle valeur ?
DENIS KESSLER : Alors, sur l'intervention, incidente, de Serge July
SERGE JULY : Incidente ?
DENIS KESSLER : Incidente, incidente. Je me permets de dire quand même que, pour le moment, les propositions que nous faisons sont faites au nom des trois organisations d'employeurs et nous nous réjouissons de cette très grande convergence entre le MEDEF, la CGPME et l'Union patronale artisanale. Nous nous présentons face aux organisations syndicales avec un discours unique et, je crois, des propositions qui sont soutenues par les très petites entreprises et les toutes les entreprises de France. Donc, ça, c'est un point qui me semble important. Pour moi, vous voyez monsieur Gombeaud, je crois que la bonne attitude lorsque vous acceptez le débat comme nous le faisons, nous avons proposé cela aux organisations syndicales : nous ne leur posons pas de questions sur leur légitimité et leur représentativité. Nous, nous avons une relation dans laquelle ils sont légitimes et ils sont tout-à-fait des interlocuteurs de plein exercice. Et la preuve qu'ils vont nous apporter de cette qualité, de cette capacité de négocier et de conclure, elle va nous être apportée, je l'espère, dès le mois de juin. Le premier acte, c'est quand même cette déclaration importante du 3 février où toutes les organisations syndicales ont décidé de s'engager dans la refondation sociale. Le second acte, c'est celui de mercredi dernier où les cinq organisations syndicales ont décidé d'adopter des principes communs. Nous ne désespérons pas d'obtenir, je dis bien, un consensus très large pour cette refondation. Donc, je questionne pas et je ne le ferai pas, la représentativité, la légitimité de mes interlocuteurs. Parce que si je l'avais fait, dans ce cas-là, je ne vois pas l'intérêt d'engager avec eux toutes ces discussions, toutes ces négociations. Une négociation marche bien lorsqu'elle est d'abord et avant tout posée dans les termes du respect réciproque et du non-cautionnement d'autrui. Maintenant, les questions qu'a posées madame Notat il y a 15 jours, ce sont des questions qu'elle pose aux organisations syndicales. Ce n'est pas nous qui les posons. C'est elle qui les a posées à l'ensemble des organisations syndicales. Quelle est notre représentativité, dit-elle ? Quelle est vraiment notre force de proposition ? Quelle est notre légitimité dans le secteur notamment concurrentiel que je représente ? Eh bien, ces questions qu'a posées madame Notat avec beaucoup de courage sont des questions que les organisations syndicales vont devoir affronter. C'est à elles de se les poser, c'est à elles de trouver les réponses. Et nous, dans le chantier que l'on appelle les voies et moyens du dialogue social, nous allons voir comment intensifier le dialogue social, notamment, comme vous le savez, dans les petites et moyennes entreprises, parce que c'est là où, sans doute, le bât blesse.
SERGE JULY : Alors, je vous entendais tout-à-l'heure parler de l'augmentation du coût horaire. Comment vous expliquez quand même que la croissance ne tire pas les salaires ? Parce qu'il y a une certaine stagnation des salaires.
DENIS KESSLER : Oh, monsieur July, c'est grâce aux 35 heures ! Mais oui, c'est très simple. On est payé soit en temps soit en argent. Normalement, on voit bien dans les entreprises, lors de discussions que l'on appelle salariales, les discussions avec les partenaires, on les laisse libres de choisir comment l'arbitrage entre l'augmentation des salaires directs et l'augmentation de la protection sociale dans l'entreprise, je pense aux plans d'épargne entreprise, je pense à des régimes de retraite supplémentaires, je pense à d'autres avantages. Et puis, troisième point, il y a l'organisation ou la réduction du temps de travail définie par l'entreprise. Ca, c'est le jeu normal des partenaires sociaux dans l'entreprise. L'Etat a décidé que ce jeu normal, ils ne pouvaient plus le jouer. Puisqu'ils nous ont dit : non, les gains de productivité sont affectés à la réduction du temps de travail. Donc, ils nous ont contraints à payer malheureusement les gains de productivité à nos salariés sous la forme d'une réduction d'horaires. Y compris pour les salariés qui ne le souhaitaient pas. Alors, ce qui se passe à l'heure actuelle, c'est bien entendu les entreprises qui voient l'augmentation du coût unitaire de travail, horaire, chaque heure, travaillée, ont, comme réaction de dire : écoutez, malheureusement, voilà, vous avez été payés par quelques heures supplémentaires de, j'allais dire, de loisirs en plus, eh bien, dans ces cas-là, vous n'aurez pas une augmentation générale des salaires. Mais ce n'est pas notre choix. C'est le choix qui a été contraint par la loi sur les 35 heures. Vous voyez bien, quand l'Etat s'immisce dans tout et notamment dans la relation normale, dans la négociation qui doit se faire au niveau de l'entreprise, il perturbe des équilibres et des dialogues naturels. Sans doute beaucoup de salariés à l'heure actuelle souhaiteraient des augmentations de salaires plutôt que des réductions du temps de travail. Ils souhaiteraient sans doute faire des heures supplémentaires parce qu'il y a de l'emploi lorsqu'il y a des bons de commandes qui sont là. Et à la place de ça, on leur dit : ah non, ah non, l'inspecteur du travail est là, vous n'avez pas le droit, etc. Mais enfin, la liberté du travail, c'est fondamental ! Vous avez pu noter notamment que le responsable des syndicats allemands, monsieur Schulte, demande que, notamment pour les entreprises des nouvelles technologies, la durée du travail en Allemagne passe à 50 heures. En disant autrement : il faut laisser la liberté du travail. Un raisonnement extraordinaire de la part d'un syndicaliste allemand qui dit : attendez, si les gens veulent travailler, quelle est notre légitimité à les empêcher. Si pour mettre au point ces nouvelles technologies et rester dans le circuit mondial, il faut y aller, surtout - syndicaliste -, pourquoi les interdire et leur dire de faire 40 heures. Vous voyez, les évolutions sont là chez nos concurrents. Nous, nous espérons très honnêtement, je le dis avec beaucoup de fermeté, au nom du MEDEF : nous souhaitons que l'Etat rende aux partenaires sociaux, rende aux partenaires sociaux, tout ce qui concerne l'aménagement et la durée du travail aux entreprises. Que l'on refasse confiance aux partenaires sociaux. Monsieur Jospin a parlé d'un pacte avec les entreprises. Eh bien pourquoi pas nous rendre ce qui pour le moment a été approprié par la loi, ce déplacement de la frontière entre la démocratie sociale et la démocratie politique au détriment de la démocratie sociale. Nous souhaitons qu'on nous rende cette possibilité de fixer, avec nous partenaires, donc ce n'est pas une décision unilatérale de l'employeur, dans le cadre des branches et des entreprises, le soin de dire : bon, il y a de la commande, à l'heure actuelle, on est sous concurrence très forte de tel ou pays, nous avons besoin de travailler davantage. Eh bien, laissons confiance aux partenaires sociaux. Voyez : restaurons cette confiance. Redonnons-nous à l'heure actuelle les moyens de mener une politique sociale décentralisée au niveau de l'entreprise.
BRUNO FRAPPAT : Du temps où Dominique Strauss-Kahn était à Bercy on avait l'impression que vous aviez là un interlocuteur compréhensif par rapport à votre logique. Est-ce que vous diriez la même chose de monsieur Fabius ?
DENIS KESSLER : Ecoutez, on ne juge pas les hommes, on juge les mesures qu'ils prennent, j'ai quand même remarqué que tout ministre est la plupart du temps quand même un peu soumis à sa majorité, à son électorat. Et donc bien souvent on peut partager l'analyse et puis après au moment de passer à l'acte on le voit d'ailleurs lorsqu'un texte arrive au Parlement, ce texte la plupart du temps gauchit et aboutit à des situations absolument incroyables. La preuve, la preuve, la preuve
BRUNO FRAPPAT : Vous dites ça pour Strauss-Kahn ou pour Fabius ?
DENIS KESSLER : Non, non N'importe quel ministre lorsqu'on selaisse un peu, j'almlais dire, dominer par les évènements. La preuve, on prend une décision courageuse dans le sens de la transparence, puisque dans notre nouvelle économie la transparence est nécessaire. Nous avons pris la décision au MEDEF de décider de publier les rémunérations des mandataires sociaux sous leur responsabilité, les publier, plutôt de les rendre publiques aux actionnaires dans le cadre des assemblées générales, ce qui se fait dans d'autres pays. C'est une décision, j'allais dire, une décision éthique qui renvoie à un code de bonne conduite de la part des dirigeants d'entreprise et, vous le savez, c'est Ernest-Antoine Seillière qui a été parmi les premiers à rendre public son salaire. Débat au sein de la majorité. On dit : ah on va appliquer cette mesure dans le cadre de la nouvelle régulation économique, ce qu'aucun pays n'a fait, aux dix premiers salariés et mandataires sociaux dans les entreprises. Bon, pourquoi ? c'est la loi qui nous oblige, c'était normalement une décision de code de bonne conduite et c'était devant les actionnaires. Tenez-vous bien, c'est sorti de l'Assemblée et c'est voté à l'heure actuelle sous la forme selon laquelle c'est dans toutes les entreprises de France qu'il faut publier les salaires des dix principaux salariés.
SERGE JULY : Cotées ou pas cotées
DENIS KESSLER : Entreprises cotées ou pas cotées, entreprises de 10 salariés, de 12 salariés, de 25, de 300, 3 000 ou 300 000, on impose cette loi ! On voit là, on voit ce qui se passe, vous comprenez ? Aucun pays ne s'est engagé dans cette voie !
BRUNO FRAPPAT : Comme quoi il faut se méfier quand on lance de bonnes idées, hein ?
DENIS KESSLER :Pas du tout ! ça veut dire justement, qu'on laisse, c'est exactement le sens de mon propos, qu'on laisse les entreprises parce que ça fait partie d'une décision concernant les entreprises cotées, qu'on laisse les entreprises l'appliquer ! On veut tout de suite légiférer, on légifère n'importe comment, pof on se retrouve avec une loi complètement
SERGE JULY : Oui, mais enfin on peut penser que le Sénat va intervenir sur le texte tel qu'il est sorti de l'Assemblée et que très vraisemblablement, comme ils le font d'habitude, le texte arrivera sous une forme différente et une commission de conciliation
CATHERINE NAY :Malheureusement ce Club de la Presse est terminé
SERGE JULY : C'est dommage
CATHERINE NAY : Vous pourrez réécouter ce Club de la Presse ce soir à 23 heures. Monsieur Kessler, le Club de la Presse vous remercie.
DENIS KESSLER : Merci.
(source http://www.medef.fr, le 31 mai 2000)