Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Directeur général,
Messieurs les Professeurs,
Messieurs les Directeurs,
C'est pour moi un plaisir et un honneur de vous rencontrer aujourd'hui, la plupart d'entre vous pour la première fois, à l'occasion de l'installation de la commission de réflexion sur la lutte contre le cancer que Jean François Mattéi, Ministre en charge de la santé, et moi-même, Ministre en charge de la recherche, avons récemment d'un commun accord décidé de constituer.
Je vous remercie tout d'abord chaleureusement d'avoir accepté de vous mobiliser pour participer à cette action d'intérêt national et d'avoir rapidement dégagé, dans des agendas que je sais bien contraints en raison de vos hautes responsabilités scientifiques ou médicales, souvent doublées de lourdes responsabilités administratives, un temps commun pour que nous puissions vous installer dans ces fonctions nouvelles aujourd'hui.
Urgence du renforcement de la lutte contre le cancer
Le grand chantier du renforcement de la lutte contre le cancer, voulu par le Président de la République et évoqué dans sa déclaration du 14 juillet dernier, vise à répondre aux attentes fondamentales des Français, en raison des ravages et des souffrances liés à cette terrible et encore si fréquente maladie. Les compétences que vous représentez sont volontairement diverses, car seule une approche sous de multiples angles des problèmes posés permettra de réduire l'impact néfaste du cancer dans notre société. Votre contribution individuelle sera essentielle.
Il ne fait aucun doute, et Jean-François Mattéi y reviendra certainement plus en détail, que cette approche multiple passe d'abord par une amélioration de la prévention, du dépistage et de l'organisation des soins. Nous savons tous que de très nombreuses vies pourraient être préservées par des mesures énergiques visant à diminuer la consommation de tabac ou par la mise en place, comme cela a déjà été fait dans de nombreux pays européens, d'un dépistage à grande échelle du cancer du sein.
Cependant, pour de nombreux cancers, des facteurs environnementaux déterminants ne sont pas clairement identifiés ou bien il n'existe pas encore de méthode de dépistage techniquement ou économiquement envisageable. Ainsi, la survenue, chez des femmes et des hommes, de très nombreux cancers à des stades avancés, pour lesquels des traitements lourds sont indispensables, reste d'une actualité alarmante.
A tous ces niveaux d'intervention, de prévention, de dépistage et de traitement, il m'apparaît que le renforcement des programmes de recherche pour la lutte contre le cancer est une priorité, si nous souhaitons réduire ensemble de manière soutenue la mortalité liée à cette maladie. Certes nous ne partons pas de rien et nous avons déjà des équipes remarquables dans de nombreux domaines. Elles ne suffisent pourtant pas à répondre à l'ampleur des besoins de recherche et de transfert de ses résultats vers l'hôpital, les centres de dépistages, les entreprises spécialisées.
Missions de la commission
Thèmes prioritaires de recherche
L'un des objectifs de la commission que vous constituez est donc précisément de nous aider à établir les priorités sur les actions de recherche à renforcer ou les nouvelles actions à lancer. Celles-ci ne se limiteront pas au seul champ de la recherche biomédicale stricto sensu : les sciences humaines et sociales, les sciences chimiques, physiques, de l'imagerie, du traitement du signal doivent aussi se mobiliser de manière coordonnée. Nous souhaitons que vos propositions mettent d'abord en avant les domaines thématiques sur lesquels plus de moyens doivent être mobilisés.
Un secteur qui me paraît par exemple aujourd'hui incontournable est l'analyse individuelle des différentes tumeurs à l'aide des outils moléculaires génomiques et protéomiques. Les connaissances considérables ainsi accumulées seront essentielles à plusieurs niveaux :
Tout d'abord pour la meilleure compréhension des facteurs environnementaux qui interagissent avec les facteurs génétiques et épigénétiques, dans le déterminisme des tumeurs ;
la cartographie d'identité tumorale sera aussi déterminante pour la recherche de nouveaux marqueurs spécifiques, utilisables pour le dépistage, pour la mise au point de nouvelles thérapeutiques et pour la meilleure adaptation des traitements à chaque patient.
L'essor nécessaire de ces approches de cartographie génomique et fonctionnelle des cancers a déjà été anticipé par la création récente du Groupement d'Intérêt Scientifique dénommé "Institut National de Génomique du Cancer". Il nous appartiendra de le mettre en place prochainement, en l'adaptant éventuellement au nouvel élan donné par le chantier présidentiel.
Une autre voie, très dépendante aussi des nouvelles technologies, dans laquelle il me semble nécessaire d'engager votre réflexion est le développement des recherches utilisant les techniques les plus avancées d'imagerie. Ces recherches conduites au niveau cellulaire seront complémentaires des approches fonctionnelles moléculaires évoquées précédemment. A un niveau plus intégré, l'imagerie médicale utilisant de nouveaux marqueurs moléculaires me semble un outil de progrès essentiel pour le dépistage et le suivi thérapeutique, mais aussi pour la recherche pré-clinique chez l'animal, en particulier sur les modèles murins.
D'autres thèmes de recherche, par exemple dans l'épidémiologie moléculaire ou dans les approches thérapeutiques anti-angiogéniques, doivent certainement être privilégiés et il vous appartient dans les semaines qui viennent de nous aider à les identifier. Dans cette réflexion, il me semble essentiel d'analyser, en parallèle avec les priorités de recherche en termes de thèmes scientifiques, les modalités pratiques d'organisation qui accroissent la probabilité de rendre ces recherches plus fructueuses.
Recherche d'une meilleure articulation entre chercheurs et cliniciens au niveau national et régional
Je pense ici d'abord à une meilleure articulation entre les activités des laboratoires, des universités, de l'Inserm, du CNRS ou du CEA et le monde clinique. Cette question de fond, qui concerne bien d'autres pathologies que le cancer, ne sera pas réglée en quelques mois et devra certainement être abordée dès l'étape de la formation des chercheurs et des médecins. Je suis cependant convaincue que le chantier de la lutte contre le cancer est l'occasion de tester, rapidement et à grande échelle, des mesures concrètes facilitant les échanges entre ces deux mondes qui ne peuvent que s'enrichir mutuellement.
Cette mobilisation commune des chercheurs et des cliniciens doit s'envisager simultanément à deux niveaux. Tout d'abord, à une échelle nationale, il me semble indispensable de réfléchir ensemble à une meilleure utilisation coordonnée des moyens investis dans la recherche sur le cancer. Pour prendre un exemple concret, qui fait écho à la cartographie génomique et fonctionnelle des tumeurs déjà évoquée, il me paraît impensable de privilégier une telle approche sans développer en parallèle une politique nationale sur les tumorothèques, en harmonie avec les critères définis pour les centres de ressources biologiques, au niveau de l'OCDE. Un autre exemple, qui s'articule avec le précédent, est bien sûr la gestion nationale de grandes cohortes de patients pour des études épidémiologiques plus ambitieuses.
Dans mon esprit, ce niveau d'organisation national doit s'appuyer sur un second niveau de mobilisation, cette fois régional et aussi sur un niveau européen. La structuration de l'espace européen de la recherche rend indispensable l'émergence dans notre pays de pôles régionaux d'excellence visibles sur un plan international. Une initiative francilienne de "Cancéropôle" d'ambition européenne existe déjà et je crois que ce modèle d'intégration d'une recherche et d'une activité clinique de hauts niveaux à une échelle régionale pourrait être étendu à quelques autres régions. Par exemple, la région Rhône-Alpes par la voie du Préfet de région m'a fait part de sa volonté de s'engager résolument dans un projet de cette nature, qui nous semble prometteur. Il sera utile que vous examiniez comment de telles masses critiques pourront faciliter les échanges entre les chercheurs et les cliniciens, qui doivent s'envisager sur le terrain et au quotidien et comment une coordination nationale de tels pôles régionaux, dédiés à la recherche sur le cancer, pourrait être envisagée.
Au niveau européen, vous savez que la lutte accrue contre le cancer a été affichée au titre des thèmes prioritaires retenus pour le 6ème PCRD.
Monsieur le Ministre, Messieurs les Professeurs, Messieurs les Directeurs,
Je vous ai livré ici quelques pistes de réflexion, à l'occasion de notre première rencontre, mais cette brève contribution ne doit surtout pas vous limiter dans vos explorations. A ce stade encore préliminaire de mise en place de ce nouveau plan de lutte contre le cancer, vos compétences de cliniciens, de scientifiques, de gestionnaires de la recherche et de la santé, doivent trouver à s'exprimer très ouvertement dans les propositions que vous nous communiquerez d'ici quelques semaines, c'est-à-dire par exemple à la fin du mois d'octobre, après éventuellement la remise d'un premier document d'étapes.
Je vous encourage donc à l'audace et vous assure de mon entière adhésion pour porter auprès du gouvernement le plan d'action concret qui résultera de vos propositions avec les conséquences de moyens supplémentaires qu'il comportera immanquablement et de mobilisation prioritaire des moyens existants.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 10 septembre 2002)
Monsieur le Directeur général,
Messieurs les Professeurs,
Messieurs les Directeurs,
C'est pour moi un plaisir et un honneur de vous rencontrer aujourd'hui, la plupart d'entre vous pour la première fois, à l'occasion de l'installation de la commission de réflexion sur la lutte contre le cancer que Jean François Mattéi, Ministre en charge de la santé, et moi-même, Ministre en charge de la recherche, avons récemment d'un commun accord décidé de constituer.
Je vous remercie tout d'abord chaleureusement d'avoir accepté de vous mobiliser pour participer à cette action d'intérêt national et d'avoir rapidement dégagé, dans des agendas que je sais bien contraints en raison de vos hautes responsabilités scientifiques ou médicales, souvent doublées de lourdes responsabilités administratives, un temps commun pour que nous puissions vous installer dans ces fonctions nouvelles aujourd'hui.
Urgence du renforcement de la lutte contre le cancer
Le grand chantier du renforcement de la lutte contre le cancer, voulu par le Président de la République et évoqué dans sa déclaration du 14 juillet dernier, vise à répondre aux attentes fondamentales des Français, en raison des ravages et des souffrances liés à cette terrible et encore si fréquente maladie. Les compétences que vous représentez sont volontairement diverses, car seule une approche sous de multiples angles des problèmes posés permettra de réduire l'impact néfaste du cancer dans notre société. Votre contribution individuelle sera essentielle.
Il ne fait aucun doute, et Jean-François Mattéi y reviendra certainement plus en détail, que cette approche multiple passe d'abord par une amélioration de la prévention, du dépistage et de l'organisation des soins. Nous savons tous que de très nombreuses vies pourraient être préservées par des mesures énergiques visant à diminuer la consommation de tabac ou par la mise en place, comme cela a déjà été fait dans de nombreux pays européens, d'un dépistage à grande échelle du cancer du sein.
Cependant, pour de nombreux cancers, des facteurs environnementaux déterminants ne sont pas clairement identifiés ou bien il n'existe pas encore de méthode de dépistage techniquement ou économiquement envisageable. Ainsi, la survenue, chez des femmes et des hommes, de très nombreux cancers à des stades avancés, pour lesquels des traitements lourds sont indispensables, reste d'une actualité alarmante.
A tous ces niveaux d'intervention, de prévention, de dépistage et de traitement, il m'apparaît que le renforcement des programmes de recherche pour la lutte contre le cancer est une priorité, si nous souhaitons réduire ensemble de manière soutenue la mortalité liée à cette maladie. Certes nous ne partons pas de rien et nous avons déjà des équipes remarquables dans de nombreux domaines. Elles ne suffisent pourtant pas à répondre à l'ampleur des besoins de recherche et de transfert de ses résultats vers l'hôpital, les centres de dépistages, les entreprises spécialisées.
Missions de la commission
Thèmes prioritaires de recherche
L'un des objectifs de la commission que vous constituez est donc précisément de nous aider à établir les priorités sur les actions de recherche à renforcer ou les nouvelles actions à lancer. Celles-ci ne se limiteront pas au seul champ de la recherche biomédicale stricto sensu : les sciences humaines et sociales, les sciences chimiques, physiques, de l'imagerie, du traitement du signal doivent aussi se mobiliser de manière coordonnée. Nous souhaitons que vos propositions mettent d'abord en avant les domaines thématiques sur lesquels plus de moyens doivent être mobilisés.
Un secteur qui me paraît par exemple aujourd'hui incontournable est l'analyse individuelle des différentes tumeurs à l'aide des outils moléculaires génomiques et protéomiques. Les connaissances considérables ainsi accumulées seront essentielles à plusieurs niveaux :
Tout d'abord pour la meilleure compréhension des facteurs environnementaux qui interagissent avec les facteurs génétiques et épigénétiques, dans le déterminisme des tumeurs ;
la cartographie d'identité tumorale sera aussi déterminante pour la recherche de nouveaux marqueurs spécifiques, utilisables pour le dépistage, pour la mise au point de nouvelles thérapeutiques et pour la meilleure adaptation des traitements à chaque patient.
L'essor nécessaire de ces approches de cartographie génomique et fonctionnelle des cancers a déjà été anticipé par la création récente du Groupement d'Intérêt Scientifique dénommé "Institut National de Génomique du Cancer". Il nous appartiendra de le mettre en place prochainement, en l'adaptant éventuellement au nouvel élan donné par le chantier présidentiel.
Une autre voie, très dépendante aussi des nouvelles technologies, dans laquelle il me semble nécessaire d'engager votre réflexion est le développement des recherches utilisant les techniques les plus avancées d'imagerie. Ces recherches conduites au niveau cellulaire seront complémentaires des approches fonctionnelles moléculaires évoquées précédemment. A un niveau plus intégré, l'imagerie médicale utilisant de nouveaux marqueurs moléculaires me semble un outil de progrès essentiel pour le dépistage et le suivi thérapeutique, mais aussi pour la recherche pré-clinique chez l'animal, en particulier sur les modèles murins.
D'autres thèmes de recherche, par exemple dans l'épidémiologie moléculaire ou dans les approches thérapeutiques anti-angiogéniques, doivent certainement être privilégiés et il vous appartient dans les semaines qui viennent de nous aider à les identifier. Dans cette réflexion, il me semble essentiel d'analyser, en parallèle avec les priorités de recherche en termes de thèmes scientifiques, les modalités pratiques d'organisation qui accroissent la probabilité de rendre ces recherches plus fructueuses.
Recherche d'une meilleure articulation entre chercheurs et cliniciens au niveau national et régional
Je pense ici d'abord à une meilleure articulation entre les activités des laboratoires, des universités, de l'Inserm, du CNRS ou du CEA et le monde clinique. Cette question de fond, qui concerne bien d'autres pathologies que le cancer, ne sera pas réglée en quelques mois et devra certainement être abordée dès l'étape de la formation des chercheurs et des médecins. Je suis cependant convaincue que le chantier de la lutte contre le cancer est l'occasion de tester, rapidement et à grande échelle, des mesures concrètes facilitant les échanges entre ces deux mondes qui ne peuvent que s'enrichir mutuellement.
Cette mobilisation commune des chercheurs et des cliniciens doit s'envisager simultanément à deux niveaux. Tout d'abord, à une échelle nationale, il me semble indispensable de réfléchir ensemble à une meilleure utilisation coordonnée des moyens investis dans la recherche sur le cancer. Pour prendre un exemple concret, qui fait écho à la cartographie génomique et fonctionnelle des tumeurs déjà évoquée, il me paraît impensable de privilégier une telle approche sans développer en parallèle une politique nationale sur les tumorothèques, en harmonie avec les critères définis pour les centres de ressources biologiques, au niveau de l'OCDE. Un autre exemple, qui s'articule avec le précédent, est bien sûr la gestion nationale de grandes cohortes de patients pour des études épidémiologiques plus ambitieuses.
Dans mon esprit, ce niveau d'organisation national doit s'appuyer sur un second niveau de mobilisation, cette fois régional et aussi sur un niveau européen. La structuration de l'espace européen de la recherche rend indispensable l'émergence dans notre pays de pôles régionaux d'excellence visibles sur un plan international. Une initiative francilienne de "Cancéropôle" d'ambition européenne existe déjà et je crois que ce modèle d'intégration d'une recherche et d'une activité clinique de hauts niveaux à une échelle régionale pourrait être étendu à quelques autres régions. Par exemple, la région Rhône-Alpes par la voie du Préfet de région m'a fait part de sa volonté de s'engager résolument dans un projet de cette nature, qui nous semble prometteur. Il sera utile que vous examiniez comment de telles masses critiques pourront faciliter les échanges entre les chercheurs et les cliniciens, qui doivent s'envisager sur le terrain et au quotidien et comment une coordination nationale de tels pôles régionaux, dédiés à la recherche sur le cancer, pourrait être envisagée.
Au niveau européen, vous savez que la lutte accrue contre le cancer a été affichée au titre des thèmes prioritaires retenus pour le 6ème PCRD.
Monsieur le Ministre, Messieurs les Professeurs, Messieurs les Directeurs,
Je vous ai livré ici quelques pistes de réflexion, à l'occasion de notre première rencontre, mais cette brève contribution ne doit surtout pas vous limiter dans vos explorations. A ce stade encore préliminaire de mise en place de ce nouveau plan de lutte contre le cancer, vos compétences de cliniciens, de scientifiques, de gestionnaires de la recherche et de la santé, doivent trouver à s'exprimer très ouvertement dans les propositions que vous nous communiquerez d'ici quelques semaines, c'est-à-dire par exemple à la fin du mois d'octobre, après éventuellement la remise d'un premier document d'étapes.
Je vous encourage donc à l'audace et vous assure de mon entière adhésion pour porter auprès du gouvernement le plan d'action concret qui résultera de vos propositions avec les conséquences de moyens supplémentaires qu'il comportera immanquablement et de mobilisation prioritaire des moyens existants.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 10 septembre 2002)