Texte intégral
Chers amis, chers camarades,
Quel bonheur de se retrouver ici à la Fête de l'Humanité.
Cette chaleur humaine dans les allées de la Courneuve, cette fraternité, ces débats, ces musiques, ces rencontres, nous en avions besoin. Cette solidarité, nous la dédions particulièrement aujourd'hui aux habitants du Gard, du Vaucluse et de l'Hérault, victimes de terribles inondations. Nous pensons à eux. Comme nous pensons aux familles des pompiers décédés, cette nuit.
Depuis un an, les épreuves ne nous ont pas épargnés, notre monde connaît des dérives qui parfois nous laissent démunis. Chaque jour, le capitalisme produit son lot d'injustices et d'inégalités. En Europe, chez nous, l'extrême droite est menaçante. La droite au pouvoir en France nous promet de tristes lendemains. La gauche est défaite et le Parti communiste en grande difficulté.
Tout cela me fait mal comme à vous.
Mais, si nous sommes rassemblés ici, si nombreux, c'est parce que nous ne voulons pas renoncer. Nous sommes debout, prêts à faire face, nous savons que l'espérance tient à notre engagement. Notre peuple, le monde du travail recèlent un potentiel humain remarquable. Ils doivent surprendre, ils doivent faire irruption sur le devant de la scène.
Rappelons-nous il y a un an. Le drame effroyable du 11 septembre secouait la planète. Les images de cette tragédie me restent encore dans la tête, comme celles de la guerre qui l'a suivie. Rappelons-nous l'émotion, rappelons-nous notre besoin d'échanger. Le 11 septembre, c'était un peu comme si le monde nous échappait, comme s'il se dérobait sous nos pieds.
Il y a un an, ici, nous avons dit la nécessité de démanteler les réseaux terroristes, ces groupes fanatiques auxquels tout nous oppose. Nous avons dit aussi la nécessité de s'attaquer au désordre mondial, aux inégalités qui se creusent. Nous avons refusé que la lutte antiterroriste serve l'affirmation d'un nouvel impérialisme. Rien ne serait plus inacceptable que d'instrumentaliser le drame qu'a connu le peuple américain pour justifier la folie d'une nouvelle guerre. Aujourd'hui, les Etats-Unis visent l'Irak. La communauté internationale doit réagir. Si nous combattons sans état d'âme le régime de fer de Saddam Hussein, nous savons que la guerre apportera d'immenses souffrances à son peuple, elle embrasera la région et le monde. Tout doit être fait pour l'éviter. La France ne doit pas céder. Non vraiment, nulle part la guerre ne peut être la solution. Le 21 septembre est la journée mondiale de la paix. Déjà, nous prenons des contacts dans toute l'Europe pour faire de cette journée un moment fort de mobilisation avec tous ceux et toutes celles qui disent comme vous ici: Non à la guerre.
Nous ne pouvons pas accepter qu'une puissance s'autoproclame la milice du monde. Le monde n'a pas besoin de milice. Il a besoin de justice.
Au Moyen Orient, une guerre se poursuit qui ne veut pas dire son nom. Le peuple palestinien est assiégé, occupé, humilié. Chaque jour, des cris de douleur montent de ces terres d'Israël et de Palestine. Des enfants meurent. La guerre s'intensifie, les attentats se poursuivent. Et là, toutes les résolutions de l'ONU restent lettre morte. Les populations en payent le prix fort.
Ici, nous voulons arrêter cet engrenage de la violence, nous voulons la paix. Il est urgent de mettre en place une force de protection internationale. Que cesse la colonisation. Que soit reconnu un Etat palestinien souverain, que les peuples palestinien et israélien puissent vivre en paix et en sécurité.
La communauté internationale doit prendre toutes ses responsabilités. Elle doit être forte et démocratique ! Et elle sera forte si elle est démocratique ! Aujourd'hui le désordre du monde appelle à l'intervention des citoyens et des citoyennes. Parce que le monde est à eux !
En Argentine, le peuple écrasé par la misère demande justice au FMI et à la banque mondiale. Aux Etats-Unis, le socle du système boursier est ébranlé par les affaires. Les dangers des fonds de pension se lisent sur le visage des retraités ruinés. Ils demandent justice ! Le capitalisme montre sa vraie nature. Les inégalités s'aggravent entre le Nord et le Sud, entre les riches et les pauvres. Ils demandent justice ! Faire l'aumône, messieurs les possédants, ne suffira pas.
Face au capitalisme mondialisé, un mouvement est en route, il bouscule les sommets officiels, il est porteur d'exigences fortes pour construire un développement durable et solidaire.
Ici, nous ne voulons pas d'un monde malmené au gré de la volonté du plus fort, nous voulons un monde où chaque peuple, chaque individu est respecté. Et, dans ce monde, l'Union européenne doit changer et compter. Marquée par l'ultra libéralisme, son seul objectif est d'effacer tous les acquis sociaux, tout ce qui préserve l'intérêt général pour laisser libre champ à la libre concurrence, à la course aux profits.
La voix de l'Europe est faible, son fonctionnement est opaque. Demain, dix nouveaux pays vont rejoindre les quinze. Quel accueil leur proposerons-nous ? Certains rêvent de les laisser à la porte. Nous, les communistes, nous allons leur dire "bienvenue". Bienvenue en nous battant dès aujourd'hui pour reconstruire l'Europe. Il y en a assez de Maastricht, assez de l'Europe de la désespérance et du recul social, nous voulons un nouveau traité pour une nouvelle Europe fondée sur le progrès social et la démocratie pour tous.
En France comme en Europe, nous devons nous mobiliser. La droite a pris les commandes, et par-delà le marketing et l'agitation, le gouvernement a commencé un travail de sape qui vise les fondements de notre société. Ce que la droite entend bâtir avec les patrons, c'est, comme jamais, une société d'insécurité sociale et démocratique déroulant le tapis rouge au capitalisme mondialisé. Nous n'en voulons pas !
La droite nous parle beaucoup d'ordre. Mais l'ordre qu'elle veut conforter c'est celui qui permet à la France d'en haut d'exploiter le monde du travail. Alors qu'il y a urgence à s'attaquer au mal-vivre dans les cités, aux conditions de travail difficiles, aux salaires dérisoires, aux retraites de misère, à la précarité et aux licenciements, Jean-Pierre Raffarin se met aux ordres du Medef. Ses contrats-jeunes vont procurer aux entreprises de la main d'uvre bon marché exploitable et corvéable à merci. Les salaires sont bloqués. La santé est malmenée. L'école est en train de devenir la dernière roue du carrosse et les enfants sont menacés de prison. Les emplois-jeunes sont abandonnés. Quelle est cette société qui délaisse ses enfants pour pouvoir bâtir un deuxième porte-avions ?
L'allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes âgées est jugée trop chère. De 7 à 77 ans, nous sommes dans le collimateur du gouvernement.
Terminées les 35 H pour les salariés modestes. La droite, avec un beau cynisme, leur dit : vous voulez un salaire qui vous permette de vivre, alors travaillez plus ! Le code du travail est ébranlé. Le patronat peut se réjouir. Le baron Seillière, mauvais comédien, hausse le ton, il veut que ça aille plus vite, plus loin. Il veut licencier en toute liberté. Il veut la privatisation des entreprises publiques pour ouvrir de nouveaux marchés aux multinationales. Tant pis si le droit de chaque individu à l'énergie, aux communications, aux transports est mis en cause. L'argent doit faire régner sa loi.
Eh bien, nous n'accepterons pas ce bradage. Nous allons multiplier les initiatives, ouvrir des chantiers de transformation sociale. Dès aujourd'hui, j'appelle toutes les forces de progrès, toutes les initiatives en cours à fonder une coordination de luttes contre les privatisations. Ensemble, nous allons défendre les services, les entreprises publiques.
Dans nos combats, nous ne céderons pas à l'intimidation, à la répression qui s'organise contre celles et ceux qui agissent. Nous sommes aux côtés de José Bové, d'Alain Hébert, d'Ahmed Meguini, d'Arlette Edelhauzer et Isabelle de Prévost, déléguées syndicales de Cerruti. Non, nous ne laisserons pas la droite bafouer la démocratie dans l'entreprise ou dans la cité. Non, nous ne laisserons pas la droite bafouer le suffrage universel en tripatouillant les modes de scrutin, en installant au forceps le bipartisme pour cadrer le débat d'idées. Je lance aujourd'hui un appel solennel à tous les démocrates, rassemblons-nous pour faire échec à ces lois scélérates, mobilisons-nous pour la démocratie comme nous avons su le faire au printemps. Ensemble, nous pouvons y arriver.
Régression sociale, régression démocratique. On ne peut laisser faire. On ne peut pas laisser s'installer une société où une classe dominante a les mains libres pour maintenir la tête sous l'eau à celles et ceux qui vivent de leur travail ou qui en sont privés.
Oui, nous sommes du parti de la riposte. Oui, je vous le dis ici, les communistes vont s'engager de toutes leurs forces dans cette résistance. Avec vous toutes et tous, la droite n'aura pas les mains libres.
Face à cette droite musclée, il faut immédiatement faire face ! Se contenter d'attendre confortablement l'alternance serait une démission. Attendre, c'est laisser notre peuple subir des ravages décuplés. Attendre, c'est repousser d'autant une possible transformation sociale. Attendre, enfin, c'est faire le terreau d'une extrême-droite en embuscade. Je ne dis pas cela comme on agite un épouvantail. D'ici cinq ans, si dans l'action, nous n'avons pas construit une nouvelle alternative, devant les désillusions, les souffrances, qu'aura provoqués la droite, nul ne sait jusqu'où ira l'extrême droite. Partout en Europe, les populismes rencontrent de l'écho : ils encouragent le repli sur soi, le rejet de l'autre, l'égoïsme, le racisme. De ce côté là, il n'y a aucune solution ! En vous voyant ici rassemblés, dans votre diversité, je le sais, non la haine ne passera pas !
Les communistes sont déterminés à prendre dès maintenant toutes leurs responsabilités. Un peu partout, nombreux sont les hommes et les femmes qui se refusent à baisser les bras. Nous voulons être à leurs côtés pour résister, nous voulons travailler avec eux à l'avenir. Avec les salariés de France Télécom, avec ceux de Daewoo, avec ceux d'Alcatel, avec les salariés d'EDF et de GDF, avec les cheminots, avec les sans papiers qui poursuivent leur lutte pour être respectés dans leur dignité. Mais nous sommes aussi et toujours avec ceux et celles de Moulinex ou de Lu qui restent sans travail, en souffrance. Nous ne laisserons pas le silence se faire sur leurs luttes. Oui, vraiment, j'en suis convaincue. C'est à une véritable contre-offensive progressiste qu'appelle la situation du monde du travail.
Pour cela, la gauche doit regarder son échec en face. Elle doit affronter la déception qu'elle a engendré. Elle doit renouer avec tous ceux et celles qui l'ont abandonnée parce qu'elle les a abandonnés.
La dispersion des voix n'est pas une explication suffisante. S'en tenir là serait une insulte aux électeurs et électrices. Si la "gauche plurielle" a été sanctionnée, c'est pour des raisons beaucoup plus profondes : ses abandons, son refus d'entendre le peuple, son refus de s'attaquer au cur du système, à la puissance de l'argent, à une Europe du recul social.
Dans cet échec, le Parti communiste a sa part. Et nous ne fuirons pas nos responsabilités en rejetant la faute sur les autres. Les communistes ne reculeront pas, ils ont envie d'aller jusqu'au bout de la réflexion critique nécessaire. Nous devons retrouver le chemin de ceux et celles qui sont notre raison d'être, le plus grand nombre : les salariés, les ouvriers, celles et ceux qui sont touchés par la précarité et l'exclusion, les jeunes qui voient leur avenir bouché, ceux et celles qui pensent que nous nous étions éloignés d'eux. Nous devons retrouver le chemin de ceux qui pensent que nous sommes devenus un parti " comme les autres " en portant plus haut nos valeurs sans crainte d'être à contre-courant. Il nous faut retrouver le chemin de celles et ceux qui pensent que nous sommes devenus simplement l'aile gauche de la social démocratie, en portant plus haut notre idéal communiste. Je garde en mémoire cette parole d'une femme de la cité du Moulin Neuf à quelques lieues d'ici : "Madame Buffet, il faut que vous soyez plus avec nous sur le terrain, il faut de nouveau que vous nous fassiez rêver". Il y a des pierres dans notre jardin. Le message est entendu. Je l'ai entendu et je suis décidée à assumer les remises en cause nécessaires.
D'énormes défis sont devant nous. Il nous faut être plus et mieux communiste, proche de notre peuple. Il nous faut retrouver des repères, des messages clairs. Il nous faut retrouver les chemins de l'espoir par l'engagement.
Chers amis, chers camarades,
Le communisme, c'est le contraire de la résignation, le contraire de la fatalité. Nous n'avons pas le droit de baisser les bras. Le traumatisme démocratique du printemps doit être fondateur. Il ne nous suffira pas de protester et de nous indigner ! Nous voulons travailler à des rassemblements politiques efficaces pour aujourd'hui et pour demain. Ce que nous devons préparer ce n'est pas l'alternance, c'est l'alternative. Nous savons que nous ne la bâtirons pas tout seuls, mais avec toutes les forces de progrès disponibles. Nous croyons aussi qu'elle ne pourra exister, sans une force dynamique qui vise le dépassement du capitalisme. Aussi, nous allons défendre nos idées avec indépendance et liberté d'esprit, nous allons porter l'espoir d'un monde profondément différent. Nous allons le rêver, nous allons le dessiner.
Dans les mois qui viennent, le parti communiste devra être à la hauteur de la gravité de la situation. Nous avons l'ambition d'ouvrir le débat largement, de prendre un nouveau départ. Nous entendons ouvrir les portes et les fenêtres, pousser les tables et ajouter des chaises. Nous voulons aller à la rencontre, écouter, réfléchir à l'avenir. C'est le sens du congrès que le Parti communiste tiendra au printemps. Un congrès audacieux, enraciné dans la vie, prenant toutes les questions et ayant le courage de trancher. Les forums que nous allons tenir ensemble dans toutes les villes de France seront ouverts à tous ceux et celles qui veulent inventer une alternative. Le chantier est immense, il est devant nous.
A l'image de notre camarade Henri Rol-Tanguy, le communiste, le brigadiste en Espagne, le résistant, le libérateur de Paris, pour qui j'ai aujourd'hui une pensée très émue, nous voulons une humanité libérée. Libérée de toute exploitation, libérée de toute domination. Libérée du capitalisme.
Dans notre histoire, nous avons fait des erreurs, mais ces hommes, ces femmes, les communistes recherchaient un monde meilleur. La fin du XXème siècle a été marquée par l'effondrement d'une conception dévoyée du communisme qui nous colle encore à la peau et par de grandes victoires du capitalisme. Les révolutionnaires en sont sortis affaiblis, le monde en est sorti meurtri. On nous explique aujourd'hui qu'il faut renoncer, qu'il ne faut plus y croire, qu'il ne faut plus rêver. On nous explique qu'il n'y a plus d'avenir pour le communisme.
C'est vrai, la question est posée. Mais, si être communiste c'est refuser un système, le capitalisme, qui creuse les inégalités et bafoue les individus, alors le communisme doit avoir de l'avenir.
Si c'est refuser de s'accommoder du système pour ne l'aménager qu'à la marge, alors le communisme a de l'avenir.
Si être communiste, c'est se battre jusqu'au bout pour la paix ; si c'est ne pas accepter la misère, ne pas tolérer les inégalités, ne pas supporter les injustices ; alors le communisme a de l'avenir.
Si être communiste, c'est être féministe, lutter pour la dignité de chaque homme, de chaque femme et de chaque peuple, si c'est défendre des valeurs de générosité, de solidarité, de partage.
Si être communiste, c'est vouloir changer le monde, contrecarrer la loi du plus fort, faire échec à la loi du profit. Alors le communisme a de l'avenir.
Si être communiste, c'est toujours se révolter contre l'ordre imposé, toujours se battre, toujours inventer le meilleur ; si c'est avoir confiance en l'homme et la femme, avoir confiance dans le co-développement et les coopérations, si être communiste, c'est ne jamais renoncer, ne jamais se résigner ; alors vraiment, le communisme a de l'avenir.
Parce que nous croyons en un monde où chacun a sa place, nous prenons le parti des exploités, nous prenons le parti du plus grand nombre. Parce que nous croyons en l'avenir de l'humanité, nous croyons en un communisme. Plus que jamais, le monde en a besoin. Un communisme capable de se régénérer, un communisme qui revient à sa source, un communisme qui se replonge dans l'espérance et l'idéal des origines, un communisme qui se nourrit des originalités de sa tradition dans notre pays, un communisme impertinent et responsable, utopiste et crédible.
Etre communiste, pour moi, c'est vivre libre.
Chers amis, chers camarades,
Vous le voyez, nous avons de l'audace mais c'est avec vous, qui, chaque jour, cherchez à changer votre vie, qui, chaque jour, êtes attentifs aux autres, ici et aux quatre coins du monde, que nous allons réinventer l'avenir.
Parce que je suis révolutionnaire, et utopiste, j'ai envie de dire : Ensemble, ayons l'ambition de changer le monde, de changer le quotidien !
(source http://www.pcf.fr, le 16 septembre 2002)
Quel bonheur de se retrouver ici à la Fête de l'Humanité.
Cette chaleur humaine dans les allées de la Courneuve, cette fraternité, ces débats, ces musiques, ces rencontres, nous en avions besoin. Cette solidarité, nous la dédions particulièrement aujourd'hui aux habitants du Gard, du Vaucluse et de l'Hérault, victimes de terribles inondations. Nous pensons à eux. Comme nous pensons aux familles des pompiers décédés, cette nuit.
Depuis un an, les épreuves ne nous ont pas épargnés, notre monde connaît des dérives qui parfois nous laissent démunis. Chaque jour, le capitalisme produit son lot d'injustices et d'inégalités. En Europe, chez nous, l'extrême droite est menaçante. La droite au pouvoir en France nous promet de tristes lendemains. La gauche est défaite et le Parti communiste en grande difficulté.
Tout cela me fait mal comme à vous.
Mais, si nous sommes rassemblés ici, si nombreux, c'est parce que nous ne voulons pas renoncer. Nous sommes debout, prêts à faire face, nous savons que l'espérance tient à notre engagement. Notre peuple, le monde du travail recèlent un potentiel humain remarquable. Ils doivent surprendre, ils doivent faire irruption sur le devant de la scène.
Rappelons-nous il y a un an. Le drame effroyable du 11 septembre secouait la planète. Les images de cette tragédie me restent encore dans la tête, comme celles de la guerre qui l'a suivie. Rappelons-nous l'émotion, rappelons-nous notre besoin d'échanger. Le 11 septembre, c'était un peu comme si le monde nous échappait, comme s'il se dérobait sous nos pieds.
Il y a un an, ici, nous avons dit la nécessité de démanteler les réseaux terroristes, ces groupes fanatiques auxquels tout nous oppose. Nous avons dit aussi la nécessité de s'attaquer au désordre mondial, aux inégalités qui se creusent. Nous avons refusé que la lutte antiterroriste serve l'affirmation d'un nouvel impérialisme. Rien ne serait plus inacceptable que d'instrumentaliser le drame qu'a connu le peuple américain pour justifier la folie d'une nouvelle guerre. Aujourd'hui, les Etats-Unis visent l'Irak. La communauté internationale doit réagir. Si nous combattons sans état d'âme le régime de fer de Saddam Hussein, nous savons que la guerre apportera d'immenses souffrances à son peuple, elle embrasera la région et le monde. Tout doit être fait pour l'éviter. La France ne doit pas céder. Non vraiment, nulle part la guerre ne peut être la solution. Le 21 septembre est la journée mondiale de la paix. Déjà, nous prenons des contacts dans toute l'Europe pour faire de cette journée un moment fort de mobilisation avec tous ceux et toutes celles qui disent comme vous ici: Non à la guerre.
Nous ne pouvons pas accepter qu'une puissance s'autoproclame la milice du monde. Le monde n'a pas besoin de milice. Il a besoin de justice.
Au Moyen Orient, une guerre se poursuit qui ne veut pas dire son nom. Le peuple palestinien est assiégé, occupé, humilié. Chaque jour, des cris de douleur montent de ces terres d'Israël et de Palestine. Des enfants meurent. La guerre s'intensifie, les attentats se poursuivent. Et là, toutes les résolutions de l'ONU restent lettre morte. Les populations en payent le prix fort.
Ici, nous voulons arrêter cet engrenage de la violence, nous voulons la paix. Il est urgent de mettre en place une force de protection internationale. Que cesse la colonisation. Que soit reconnu un Etat palestinien souverain, que les peuples palestinien et israélien puissent vivre en paix et en sécurité.
La communauté internationale doit prendre toutes ses responsabilités. Elle doit être forte et démocratique ! Et elle sera forte si elle est démocratique ! Aujourd'hui le désordre du monde appelle à l'intervention des citoyens et des citoyennes. Parce que le monde est à eux !
En Argentine, le peuple écrasé par la misère demande justice au FMI et à la banque mondiale. Aux Etats-Unis, le socle du système boursier est ébranlé par les affaires. Les dangers des fonds de pension se lisent sur le visage des retraités ruinés. Ils demandent justice ! Le capitalisme montre sa vraie nature. Les inégalités s'aggravent entre le Nord et le Sud, entre les riches et les pauvres. Ils demandent justice ! Faire l'aumône, messieurs les possédants, ne suffira pas.
Face au capitalisme mondialisé, un mouvement est en route, il bouscule les sommets officiels, il est porteur d'exigences fortes pour construire un développement durable et solidaire.
Ici, nous ne voulons pas d'un monde malmené au gré de la volonté du plus fort, nous voulons un monde où chaque peuple, chaque individu est respecté. Et, dans ce monde, l'Union européenne doit changer et compter. Marquée par l'ultra libéralisme, son seul objectif est d'effacer tous les acquis sociaux, tout ce qui préserve l'intérêt général pour laisser libre champ à la libre concurrence, à la course aux profits.
La voix de l'Europe est faible, son fonctionnement est opaque. Demain, dix nouveaux pays vont rejoindre les quinze. Quel accueil leur proposerons-nous ? Certains rêvent de les laisser à la porte. Nous, les communistes, nous allons leur dire "bienvenue". Bienvenue en nous battant dès aujourd'hui pour reconstruire l'Europe. Il y en a assez de Maastricht, assez de l'Europe de la désespérance et du recul social, nous voulons un nouveau traité pour une nouvelle Europe fondée sur le progrès social et la démocratie pour tous.
En France comme en Europe, nous devons nous mobiliser. La droite a pris les commandes, et par-delà le marketing et l'agitation, le gouvernement a commencé un travail de sape qui vise les fondements de notre société. Ce que la droite entend bâtir avec les patrons, c'est, comme jamais, une société d'insécurité sociale et démocratique déroulant le tapis rouge au capitalisme mondialisé. Nous n'en voulons pas !
La droite nous parle beaucoup d'ordre. Mais l'ordre qu'elle veut conforter c'est celui qui permet à la France d'en haut d'exploiter le monde du travail. Alors qu'il y a urgence à s'attaquer au mal-vivre dans les cités, aux conditions de travail difficiles, aux salaires dérisoires, aux retraites de misère, à la précarité et aux licenciements, Jean-Pierre Raffarin se met aux ordres du Medef. Ses contrats-jeunes vont procurer aux entreprises de la main d'uvre bon marché exploitable et corvéable à merci. Les salaires sont bloqués. La santé est malmenée. L'école est en train de devenir la dernière roue du carrosse et les enfants sont menacés de prison. Les emplois-jeunes sont abandonnés. Quelle est cette société qui délaisse ses enfants pour pouvoir bâtir un deuxième porte-avions ?
L'allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes âgées est jugée trop chère. De 7 à 77 ans, nous sommes dans le collimateur du gouvernement.
Terminées les 35 H pour les salariés modestes. La droite, avec un beau cynisme, leur dit : vous voulez un salaire qui vous permette de vivre, alors travaillez plus ! Le code du travail est ébranlé. Le patronat peut se réjouir. Le baron Seillière, mauvais comédien, hausse le ton, il veut que ça aille plus vite, plus loin. Il veut licencier en toute liberté. Il veut la privatisation des entreprises publiques pour ouvrir de nouveaux marchés aux multinationales. Tant pis si le droit de chaque individu à l'énergie, aux communications, aux transports est mis en cause. L'argent doit faire régner sa loi.
Eh bien, nous n'accepterons pas ce bradage. Nous allons multiplier les initiatives, ouvrir des chantiers de transformation sociale. Dès aujourd'hui, j'appelle toutes les forces de progrès, toutes les initiatives en cours à fonder une coordination de luttes contre les privatisations. Ensemble, nous allons défendre les services, les entreprises publiques.
Dans nos combats, nous ne céderons pas à l'intimidation, à la répression qui s'organise contre celles et ceux qui agissent. Nous sommes aux côtés de José Bové, d'Alain Hébert, d'Ahmed Meguini, d'Arlette Edelhauzer et Isabelle de Prévost, déléguées syndicales de Cerruti. Non, nous ne laisserons pas la droite bafouer la démocratie dans l'entreprise ou dans la cité. Non, nous ne laisserons pas la droite bafouer le suffrage universel en tripatouillant les modes de scrutin, en installant au forceps le bipartisme pour cadrer le débat d'idées. Je lance aujourd'hui un appel solennel à tous les démocrates, rassemblons-nous pour faire échec à ces lois scélérates, mobilisons-nous pour la démocratie comme nous avons su le faire au printemps. Ensemble, nous pouvons y arriver.
Régression sociale, régression démocratique. On ne peut laisser faire. On ne peut pas laisser s'installer une société où une classe dominante a les mains libres pour maintenir la tête sous l'eau à celles et ceux qui vivent de leur travail ou qui en sont privés.
Oui, nous sommes du parti de la riposte. Oui, je vous le dis ici, les communistes vont s'engager de toutes leurs forces dans cette résistance. Avec vous toutes et tous, la droite n'aura pas les mains libres.
Face à cette droite musclée, il faut immédiatement faire face ! Se contenter d'attendre confortablement l'alternance serait une démission. Attendre, c'est laisser notre peuple subir des ravages décuplés. Attendre, c'est repousser d'autant une possible transformation sociale. Attendre, enfin, c'est faire le terreau d'une extrême-droite en embuscade. Je ne dis pas cela comme on agite un épouvantail. D'ici cinq ans, si dans l'action, nous n'avons pas construit une nouvelle alternative, devant les désillusions, les souffrances, qu'aura provoqués la droite, nul ne sait jusqu'où ira l'extrême droite. Partout en Europe, les populismes rencontrent de l'écho : ils encouragent le repli sur soi, le rejet de l'autre, l'égoïsme, le racisme. De ce côté là, il n'y a aucune solution ! En vous voyant ici rassemblés, dans votre diversité, je le sais, non la haine ne passera pas !
Les communistes sont déterminés à prendre dès maintenant toutes leurs responsabilités. Un peu partout, nombreux sont les hommes et les femmes qui se refusent à baisser les bras. Nous voulons être à leurs côtés pour résister, nous voulons travailler avec eux à l'avenir. Avec les salariés de France Télécom, avec ceux de Daewoo, avec ceux d'Alcatel, avec les salariés d'EDF et de GDF, avec les cheminots, avec les sans papiers qui poursuivent leur lutte pour être respectés dans leur dignité. Mais nous sommes aussi et toujours avec ceux et celles de Moulinex ou de Lu qui restent sans travail, en souffrance. Nous ne laisserons pas le silence se faire sur leurs luttes. Oui, vraiment, j'en suis convaincue. C'est à une véritable contre-offensive progressiste qu'appelle la situation du monde du travail.
Pour cela, la gauche doit regarder son échec en face. Elle doit affronter la déception qu'elle a engendré. Elle doit renouer avec tous ceux et celles qui l'ont abandonnée parce qu'elle les a abandonnés.
La dispersion des voix n'est pas une explication suffisante. S'en tenir là serait une insulte aux électeurs et électrices. Si la "gauche plurielle" a été sanctionnée, c'est pour des raisons beaucoup plus profondes : ses abandons, son refus d'entendre le peuple, son refus de s'attaquer au cur du système, à la puissance de l'argent, à une Europe du recul social.
Dans cet échec, le Parti communiste a sa part. Et nous ne fuirons pas nos responsabilités en rejetant la faute sur les autres. Les communistes ne reculeront pas, ils ont envie d'aller jusqu'au bout de la réflexion critique nécessaire. Nous devons retrouver le chemin de ceux et celles qui sont notre raison d'être, le plus grand nombre : les salariés, les ouvriers, celles et ceux qui sont touchés par la précarité et l'exclusion, les jeunes qui voient leur avenir bouché, ceux et celles qui pensent que nous nous étions éloignés d'eux. Nous devons retrouver le chemin de ceux qui pensent que nous sommes devenus un parti " comme les autres " en portant plus haut nos valeurs sans crainte d'être à contre-courant. Il nous faut retrouver le chemin de celles et ceux qui pensent que nous sommes devenus simplement l'aile gauche de la social démocratie, en portant plus haut notre idéal communiste. Je garde en mémoire cette parole d'une femme de la cité du Moulin Neuf à quelques lieues d'ici : "Madame Buffet, il faut que vous soyez plus avec nous sur le terrain, il faut de nouveau que vous nous fassiez rêver". Il y a des pierres dans notre jardin. Le message est entendu. Je l'ai entendu et je suis décidée à assumer les remises en cause nécessaires.
D'énormes défis sont devant nous. Il nous faut être plus et mieux communiste, proche de notre peuple. Il nous faut retrouver des repères, des messages clairs. Il nous faut retrouver les chemins de l'espoir par l'engagement.
Chers amis, chers camarades,
Le communisme, c'est le contraire de la résignation, le contraire de la fatalité. Nous n'avons pas le droit de baisser les bras. Le traumatisme démocratique du printemps doit être fondateur. Il ne nous suffira pas de protester et de nous indigner ! Nous voulons travailler à des rassemblements politiques efficaces pour aujourd'hui et pour demain. Ce que nous devons préparer ce n'est pas l'alternance, c'est l'alternative. Nous savons que nous ne la bâtirons pas tout seuls, mais avec toutes les forces de progrès disponibles. Nous croyons aussi qu'elle ne pourra exister, sans une force dynamique qui vise le dépassement du capitalisme. Aussi, nous allons défendre nos idées avec indépendance et liberté d'esprit, nous allons porter l'espoir d'un monde profondément différent. Nous allons le rêver, nous allons le dessiner.
Dans les mois qui viennent, le parti communiste devra être à la hauteur de la gravité de la situation. Nous avons l'ambition d'ouvrir le débat largement, de prendre un nouveau départ. Nous entendons ouvrir les portes et les fenêtres, pousser les tables et ajouter des chaises. Nous voulons aller à la rencontre, écouter, réfléchir à l'avenir. C'est le sens du congrès que le Parti communiste tiendra au printemps. Un congrès audacieux, enraciné dans la vie, prenant toutes les questions et ayant le courage de trancher. Les forums que nous allons tenir ensemble dans toutes les villes de France seront ouverts à tous ceux et celles qui veulent inventer une alternative. Le chantier est immense, il est devant nous.
A l'image de notre camarade Henri Rol-Tanguy, le communiste, le brigadiste en Espagne, le résistant, le libérateur de Paris, pour qui j'ai aujourd'hui une pensée très émue, nous voulons une humanité libérée. Libérée de toute exploitation, libérée de toute domination. Libérée du capitalisme.
Dans notre histoire, nous avons fait des erreurs, mais ces hommes, ces femmes, les communistes recherchaient un monde meilleur. La fin du XXème siècle a été marquée par l'effondrement d'une conception dévoyée du communisme qui nous colle encore à la peau et par de grandes victoires du capitalisme. Les révolutionnaires en sont sortis affaiblis, le monde en est sorti meurtri. On nous explique aujourd'hui qu'il faut renoncer, qu'il ne faut plus y croire, qu'il ne faut plus rêver. On nous explique qu'il n'y a plus d'avenir pour le communisme.
C'est vrai, la question est posée. Mais, si être communiste c'est refuser un système, le capitalisme, qui creuse les inégalités et bafoue les individus, alors le communisme doit avoir de l'avenir.
Si c'est refuser de s'accommoder du système pour ne l'aménager qu'à la marge, alors le communisme a de l'avenir.
Si être communiste, c'est se battre jusqu'au bout pour la paix ; si c'est ne pas accepter la misère, ne pas tolérer les inégalités, ne pas supporter les injustices ; alors le communisme a de l'avenir.
Si être communiste, c'est être féministe, lutter pour la dignité de chaque homme, de chaque femme et de chaque peuple, si c'est défendre des valeurs de générosité, de solidarité, de partage.
Si être communiste, c'est vouloir changer le monde, contrecarrer la loi du plus fort, faire échec à la loi du profit. Alors le communisme a de l'avenir.
Si être communiste, c'est toujours se révolter contre l'ordre imposé, toujours se battre, toujours inventer le meilleur ; si c'est avoir confiance en l'homme et la femme, avoir confiance dans le co-développement et les coopérations, si être communiste, c'est ne jamais renoncer, ne jamais se résigner ; alors vraiment, le communisme a de l'avenir.
Parce que nous croyons en un monde où chacun a sa place, nous prenons le parti des exploités, nous prenons le parti du plus grand nombre. Parce que nous croyons en l'avenir de l'humanité, nous croyons en un communisme. Plus que jamais, le monde en a besoin. Un communisme capable de se régénérer, un communisme qui revient à sa source, un communisme qui se replonge dans l'espérance et l'idéal des origines, un communisme qui se nourrit des originalités de sa tradition dans notre pays, un communisme impertinent et responsable, utopiste et crédible.
Etre communiste, pour moi, c'est vivre libre.
Chers amis, chers camarades,
Vous le voyez, nous avons de l'audace mais c'est avec vous, qui, chaque jour, cherchez à changer votre vie, qui, chaque jour, êtes attentifs aux autres, ici et aux quatre coins du monde, que nous allons réinventer l'avenir.
Parce que je suis révolutionnaire, et utopiste, j'ai envie de dire : Ensemble, ayons l'ambition de changer le monde, de changer le quotidien !
(source http://www.pcf.fr, le 16 septembre 2002)