Texte intégral
LE PROGRES
En ce qui concerne sa défense, quel bilan la France peut-elle tirer de son expérience de la guerre du Kosovo?
ALAIN RICHARD
Il est équilibré. Ainsi, en ce qui concerne nos capacités techniques nationales, nous avons relevé des manques ou des disponibilités insuffisantes. Mais, au moment ou nous faisions ce bilan, nous avions la satisfaction de constater que la plupart de ces déficiences étaient en voie d'être comblées.
Avec nos partenaires européens, nous avons aussi constaté que la somme combinée de nos capacités, notamment aériennes, n'était pas encore suffisante pour traiter un tel conflit. Reste que dans cette relative faiblesse européenne, la France a été et de loin le plus gros contributeur et le seul pays capable de participer à tous les types de mission.
Notons, également, que le conseil européen à Cologne, en juin, puis à Helsinki, en décembre, a pris des décisions majeures pour constituer une force capable de traiter une crise de ce type à l'horizon 2003.
LE PROGRES
Que ce soit en France ou en Europe, les budgets vont-ils suivre ?
ALAIN RICHARD
Dans le cas de la France, le niveau d'engagement budgétaire et les moyens en acquisition de matériel sont, à mes yeux, à un bon niveau. Mais il est vrai qu'une partie de nos partenaires européens mettent plus de temps à se sortir d'une organisation de défense encore très marquée par la Guerre Froide.
Il nous reste un effort de persuasion à faire pour qu'ils accélèrent la modernisation de leurs systèmes de défense et augmentent leurs moyens financiers.
LE PROGRES
Pensez-vous que les opinions publiques soient dans le même état d'esprit ?
ALAIN RICHARD
Il faudra qu'on les aide à se souvenir que d'autres Kosovo sont possibles. Il faut éviter que notre continent, riche pacifié et démocratique mais aussi un peu vieillissant, se laisse aller à l'idée qu'au fond seule la grande puissance américaine est habilitée à rétablir la stabilité et l'équité dans les rapports internationaux.
LE PROGRES
Le Kosovo a-t-il joué un rôle prépondérant dans le renouveau de cette politique de défense européenne ?
ALAIN RICHARD
Trois choses ont joué : le souvenir de notre échec collectif en Bosnie, le Kosovo, et enfin le succès de l'Euro en démontrant aux européens que, lorsqu'il existait une volonté politique, on pouvait en se groupant changer la distribution des cartes dans l'équilibre mondial.
LE PROGRES
Comment analysez-vous la situation actuelle au Kosovo ?
ALAIN RICHARD
Nos démocraties ne doivent pas avoir une approche du problème trop fébrile. Certes l'histoire vécue par les Kosovars crée des sentiments de rejet entre communautés mais la situation était aussi difficile en Bosnie. Or, après 5 ans, il n'y plus de violences en Bosnie, la vie s'y réorganise dans le sens des principes de l'Europe. Ce qui prouve que toutes les situations d'agressivité ou de manipulations hostiles dans cet espace balkanique ne sont pas fatales.
Au Kosovo, la responsabilité politique que nous avons prise nous interdit de douter. Si nous baissons les bras devant les antagonismes locaux, non seulement nous laisserons de nouveaux drames se déclencher mais nous lancerons un signal négatif : c'est notre propre crédit politique qui est engagé.
LE PROGRES
Il a une différence entre la Bosnie et le Kosovo. La Bosnie est un Etat, pas le Kosovo. Or, les Albanophones, dans leur majorité, réclament l'indépendance ?
ALAIN RICHARD
Les pays engagés dans la résolution 1244 ont fait un autre choix qui répond aux intérêts collectifs de l'Europe. Nous ne nous sommes pas engagés pour faciliter la création de mini Etats ethniques dans une zone déjà fragilisée. Même si nous avions une hésitation, je crois que nous avons un devoir vis-à-vis de tous les leaders nationaux ou communautaires du Sud-Est européen qui sont parvenus, en assumant des risques et des déchirements, à établir des capacités de vie en commun.
LE PROGRES
Nous serons alors obligé de rester très longtemps au Kosovo ?
ALAIN RICHARD
Quelle est l'alternative ? Si nous laissons l'indépendance autoproclamée d'une communauté s'imposer en évinçant ses propres minorités, nous risquons d'être confrontés à d'autres crises dans des pays voisins. Dans notre propre intérêt, c'est un moindre effort de tenir sur les principes définis en commun.
LE PROGRES
Ces derniers temps le comportement des troupes françaises de la KFOR a été critiqué, notamment par les Américains. Quel est votre sentiment ?
ALAIN RICHARD
Dans l'opinion publique américaine, il existe une ambiguïté sur ce que doit être l'engagement américain et les relations de l'Amérique avec ses alliés. Une des incidences de cette ambiguïté consiste à chercher chez les Européens des signes de faiblesse qui justifierait une sorte de suprématie américaine. Ce facteur, parmi d'autres, conduit quelques journalistes américains à broder sur des situations pour mettre en cause l'action de certains alliés. Mais, sur le terrain, les faits vérifiables conduisant à contester le professionnalisme et l'énergie des forces armées, notamment françaises, n'existent pas.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 31 mars 2000)
En ce qui concerne sa défense, quel bilan la France peut-elle tirer de son expérience de la guerre du Kosovo?
ALAIN RICHARD
Il est équilibré. Ainsi, en ce qui concerne nos capacités techniques nationales, nous avons relevé des manques ou des disponibilités insuffisantes. Mais, au moment ou nous faisions ce bilan, nous avions la satisfaction de constater que la plupart de ces déficiences étaient en voie d'être comblées.
Avec nos partenaires européens, nous avons aussi constaté que la somme combinée de nos capacités, notamment aériennes, n'était pas encore suffisante pour traiter un tel conflit. Reste que dans cette relative faiblesse européenne, la France a été et de loin le plus gros contributeur et le seul pays capable de participer à tous les types de mission.
Notons, également, que le conseil européen à Cologne, en juin, puis à Helsinki, en décembre, a pris des décisions majeures pour constituer une force capable de traiter une crise de ce type à l'horizon 2003.
LE PROGRES
Que ce soit en France ou en Europe, les budgets vont-ils suivre ?
ALAIN RICHARD
Dans le cas de la France, le niveau d'engagement budgétaire et les moyens en acquisition de matériel sont, à mes yeux, à un bon niveau. Mais il est vrai qu'une partie de nos partenaires européens mettent plus de temps à se sortir d'une organisation de défense encore très marquée par la Guerre Froide.
Il nous reste un effort de persuasion à faire pour qu'ils accélèrent la modernisation de leurs systèmes de défense et augmentent leurs moyens financiers.
LE PROGRES
Pensez-vous que les opinions publiques soient dans le même état d'esprit ?
ALAIN RICHARD
Il faudra qu'on les aide à se souvenir que d'autres Kosovo sont possibles. Il faut éviter que notre continent, riche pacifié et démocratique mais aussi un peu vieillissant, se laisse aller à l'idée qu'au fond seule la grande puissance américaine est habilitée à rétablir la stabilité et l'équité dans les rapports internationaux.
LE PROGRES
Le Kosovo a-t-il joué un rôle prépondérant dans le renouveau de cette politique de défense européenne ?
ALAIN RICHARD
Trois choses ont joué : le souvenir de notre échec collectif en Bosnie, le Kosovo, et enfin le succès de l'Euro en démontrant aux européens que, lorsqu'il existait une volonté politique, on pouvait en se groupant changer la distribution des cartes dans l'équilibre mondial.
LE PROGRES
Comment analysez-vous la situation actuelle au Kosovo ?
ALAIN RICHARD
Nos démocraties ne doivent pas avoir une approche du problème trop fébrile. Certes l'histoire vécue par les Kosovars crée des sentiments de rejet entre communautés mais la situation était aussi difficile en Bosnie. Or, après 5 ans, il n'y plus de violences en Bosnie, la vie s'y réorganise dans le sens des principes de l'Europe. Ce qui prouve que toutes les situations d'agressivité ou de manipulations hostiles dans cet espace balkanique ne sont pas fatales.
Au Kosovo, la responsabilité politique que nous avons prise nous interdit de douter. Si nous baissons les bras devant les antagonismes locaux, non seulement nous laisserons de nouveaux drames se déclencher mais nous lancerons un signal négatif : c'est notre propre crédit politique qui est engagé.
LE PROGRES
Il a une différence entre la Bosnie et le Kosovo. La Bosnie est un Etat, pas le Kosovo. Or, les Albanophones, dans leur majorité, réclament l'indépendance ?
ALAIN RICHARD
Les pays engagés dans la résolution 1244 ont fait un autre choix qui répond aux intérêts collectifs de l'Europe. Nous ne nous sommes pas engagés pour faciliter la création de mini Etats ethniques dans une zone déjà fragilisée. Même si nous avions une hésitation, je crois que nous avons un devoir vis-à-vis de tous les leaders nationaux ou communautaires du Sud-Est européen qui sont parvenus, en assumant des risques et des déchirements, à établir des capacités de vie en commun.
LE PROGRES
Nous serons alors obligé de rester très longtemps au Kosovo ?
ALAIN RICHARD
Quelle est l'alternative ? Si nous laissons l'indépendance autoproclamée d'une communauté s'imposer en évinçant ses propres minorités, nous risquons d'être confrontés à d'autres crises dans des pays voisins. Dans notre propre intérêt, c'est un moindre effort de tenir sur les principes définis en commun.
LE PROGRES
Ces derniers temps le comportement des troupes françaises de la KFOR a été critiqué, notamment par les Américains. Quel est votre sentiment ?
ALAIN RICHARD
Dans l'opinion publique américaine, il existe une ambiguïté sur ce que doit être l'engagement américain et les relations de l'Amérique avec ses alliés. Une des incidences de cette ambiguïté consiste à chercher chez les Européens des signes de faiblesse qui justifierait une sorte de suprématie américaine. Ce facteur, parmi d'autres, conduit quelques journalistes américains à broder sur des situations pour mettre en cause l'action de certains alliés. Mais, sur le terrain, les faits vérifiables conduisant à contester le professionnalisme et l'énergie des forces armées, notamment françaises, n'existent pas.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 31 mars 2000)