Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, en réponse à une question sur la création de la société aéronautique et spatiale EADS née de la fusion entre Aerospatiale Matra et Dasa, à l'Assemblée nationale le 2 novembre 1999.

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Depuis quelques jours, a été annoncée la création de la société aéronautique et spatiale EADS, née de la fusion des groupes DASA et Aerospatiale-Matra. Ces regroupements, rendus inévitables par l'évolution mondiale dans ce secteur, confortent la position européenne. Néanmoins, les salariés du groupe Aerospatiale-Matra expriment de fortes inquiétudes quant à leur avenir. En effet, personne ne doute que la constitution de la société EADS ne conduise, à terme plus ou moins rapproché, à des recompositions ou des restructurations de la production et des bureaux d'études. Il est logique de penser que les décisions stratégiques, en la matière, prendront en compte les réalités fiscales et sociales prévalant dans chacun des pays européens. Or, la France est devenue une sorte de laboratoire social sur la réduction obligatoire du temps de travail à 35 heures, applicable à tous les salariés. Ces mesures entraîneront, nous le savons maintenant, des contraintes très importantes et susceptibles de conduire à des décisions défavorables à la pérennité ou au développement des sites français. L'inquiétude des salariés d'Aerospatiale-Matra doit être d'autant moins prise à la légère que votre gouvernement a accepté que la nouvelle société EADS soit une société de droit néerlandais afin de bénéficier de la fiscalité propre aux Pays-Bas. Cette société peut ainsi échapper à notre fiscalité. Quelle opinion vont avoir les cadres et les ouvriers de notre pays, en constatant que nous décidons la délocalisation du siège de la plus prestigieuse de nos industries pour fuir les dispositions de notre propre fiscalité ! Le gouvernement ne détiendra guère plus de 15 % du capital de l'EADS. Alors, a-t-il pris des dispositions ou reçu des assurances permettant de garantir que les contraintes qui pèseront sur le travail en France, ajoutées au poids de notre fiscalité, ne feront pas obstacle au maintien des sites industriels dans notre pays et, notamment, à l'implantation des chaînes du futur A-3XX ou de l'avion militaire ATF ?
ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DEFENSE
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.
Monsieur le député, vous avez tout à fait raison de chercher à mieux comprendre ce que sont les chances des sites situés en France dans la nouvelle organisation de l'EADS. La structure du capital de cette société donne aux actionnaires français, c'est-à-dire l'Etat, d'une part, le groupe Lagardère, d'autre part, et un groupe d'investisseurs financiers, enfin, un droit conjoint à adopter et approuver l'ensemble des décisions stratégiques. Il ne faut donc pas uniquement raisonner en pourcentage d'actionnariat. L'actionnaire public français détient, en effet, le droit de partager l'ensemble des décisions qui affectent la structure de la société.
Ensuite, votre question oublie de mentionner le gain de compétitivité et le gain potentiel de parts de marché que va gagner l'ensemble d'Aerospatiale. Ainsi, les synergies et les rapprochements d'établissements entre les deux pays aboutiront, vraisemblablement, à un solde positif d'emplois grâce aux progrès que nous sommes en train de faire sur de multiples marchés : les marchés civils avec Airbus et les marchés militaires compte tenu, notamment, des consolidations en matière de satellites et de missiles.
Si vous raisonnez en matière de coût relatif du travail, ce n'est pas avec l'Allemagne que notre comparaison se trouve la plus défavorable, loin s'en faut. Pour procéder à ces comparaisons, il faut aussi tenir compte des capacités technologiques et de la productivité des salariés dans les deux pays. De ce point de vue, vous pouvez être assuré que les composantes françaises de EADS sont certainement bien placées pour l'avenir.
(source http://www.défense.gouv.fr, le 2 décembre 1999)