Déclarations de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur l'eau potable dans le monde, Paris les 3 et 19 mars 1998.

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Circonstance : Conférence internationale sur l¿eau et le développement durable à Paris du 19 au 21 mars 1998

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
C'est une vérité simple et cruelle à la fois : l'eau est une ressource vitale, vulnérable, et rare pour l'humanité. Les chiffres sont là, têtus et dérangeants : le Water Resources Institute a comptabilisé plus de 232 millions d'être humains dans 26 pays, qui manquent d'eau !
Second constat qui aggrave encore le premier : l'eau, quand elle ne manque pas, est souvent gaspillée. La consommation ne cesse d'augmenter : elle a été multipliée par sept depuis le début du siècle, par deux au cours des vingt dernières années. Notre responsabilité, là aussi, est entière. Une telle gabegie est inadmissible.
Enfin, quand elle est présente, l'eau est souvent polluée et impropre à la consommation humaine : 20 % de la population humaine demeure toujours privée d'une alimentation en eau salubre. Le choléra, les hépatites, la dengue, le paludisme et les parasitoses diverses causent des millions de victimes par an. Au total, selon la Banque mondiale, 40 % de la population du globe souffre, à un titre ou à un autre, de problèmes d'eau.
Face à cette situation dramatique, la communauté internationale ne peut évidemment pas rester inactive. La Conférence de Paris du 19 au 21 mars, qui s'inscrit dans la dynamique qu'a rappelée Charles Josselin, doit être un moment clef de la mobilisation des nations pour un meilleur partage de la ressource entre tous les usagers.
Pour ma part, participer à la bataille de l'eau, c'est d'abord améliorer la connaissance de la ressource et de ses usages. J'évoquais cette question encore très récemment, lors de la signature du contrat de baie de la rade de Brest. On ne gère bien que ce que l'on connaît bien. Comment faire au mieux la part des différents usages de l'eau si on ne sait pas estimer le débit d'une rivière ? Comment prévenir l'assèchement des puits si on ne mesure pas les fluctuations de la nappe ? Et comment savoir si l'eau distribuée est potable si on ne l'analyse pas ?...
Dans ce domaine comme dans tant d'autres, la connaissance permet non seulement d'éviter des conflits d'usage mais aussi de prévenir bien des désastres. L'absence de dispositifs, de mesures adaptés conduit en effet encore trop souvent au mauvais dimensionnement ou à la mauvaise gestion de coûteux aménagements, par exemple hydrauliques.
En second lieu, la Conférence de Paris insistera sur les outils réglementaires et l'organisation institutionnelle susceptibles de promouvoir une gestion durable de la ressource en eau. La France dispose d'une expérience précieuse qui est une des raisons pour lesquelles notre pays était particulièrement légitime pour accueillir cette Conférence.

Certains principes font aujourd'hui l'unanimité.
Le premier, c'est celui de la planification spatiale et temporelle.
La planification géographique à l'échelle du bassin-versant est le niveau pertinent à retenir pour la ressource en eau car aucune frontière n'empêchera jamais l'eau de couler de l'amont vers l'aval !
La programmation, sur une période de 10 à 30 ans, permet de s'attaquer en priorité à la satisfaction des besoins essentiels en eau potable de toutes les populations, quels que soient leurs revenus.
La France a une longue expérience : depuis 1964, les comités de bassin et les agences de l'eau permettent la conduite d'une politique globale sur chaque bassin-versant. Une politique transparente dont les règles du jeu entre les différents usagers de l'eau sont précisées par les Schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Cette organisation est si performante qu'on nous l'envie : le projet de directive communautaire-cadre sur l'eau entend le généraliser à l'ensemble de l'Union européenne. Les pays qui se sont dotés d'organismes de bassin de ce type se sont d'ailleurs réunis en un Réseau international des organismes de bassin (RIOB) qui organisera un atelier lors de la Conférence.
Second principe : la concertation. La politique de l'eau doit se faire au plus près du terrain : la participation active des populations, en particulier des femmes, est indispensable pour assurer une gestion efficace. C'est pourquoi j'ai insisté, dans la préparation de la Conférence sur l'importance de la place que les ONG devaient y occuper. Le programme "Solidarité Eau" a recensé des exemples de projets locaux exemplaires qui vous seront présentés lors de la Conférence.
J'ai du reste tenu à ce que les ONG soient présents et puissent s'exprimer, y compris lors des débats ministériels : la Conférence de Paris sera ainsi largement ouverte à la société civile, c'est, pour moi, son meilleur gage de succès.
Tous ces conseils seraient vains si nous n'abordions pas, lors de la Conférence, la question des moyens financiers nécessaires à la gestion durable de l'eau. Ne nous méprenons pas : il s'agit en aucun cas d'une "conférence de donateurs", où les pays développés rivaliseraient d'annonces spectaculaires et d'efforts financiers exceptionnels en faveur des pays en voie de développement ! Notre objectif, plus modeste peut-être, mais plus porteur pour l'avenir, est de donner aux projets réalisés dans le domaine de l'eau les moyens d'être durablement efficaces.
Première condition : assurer l'investissement mais aussi le fonctionnement.
Sans entrer dans les détails de la mécanique financière, je tiens à préciser que cet objectif signifie que nous devons accorder une importance particulière à l'entretien, et à la couverture des coûts d'exploitation et de maintenance qui sont souvent du même ordre de grandeur que l'amortissement des investissements. Ce n'est pas à coups "d'éléphants blancs" ruineux et vite délabrés que sera atteint notre objectif d'assurer durablement l'approvisionnement en eau de l'ensemble de la population de la planète !

Seconde condition : payer l'eau
Pour couvrir ces coûts d'exploitation et de maintenance, le recours au financement par l'usager est probablement le moyen le plus efficace. Mais cette réponse ne sera crédible, ne sera acceptable pour nos partenaires du Sud, que si elle tient compte des capacités contributives de chacun, que si des mécanismes de solidarité sont mis en place au bénéfice des plus démunis.
Troisième condition : lutter contre les gaspillages
Difficile d'évoquer la question du gaspillage face à des pays où règne la pénurie. Ce sont d'abord nos pays qui sont concernés : un Africain consomme en moyenne 30 litres d'eau par jour, là où un Européen en comme 200, et un Américain 600... C'est à nous de donner l'exemple. L'importance que nous attachons à l'entretien et le financement des coûts d'exploitation par l'usager contribuent significativement à cette lutte contre le gaspillage (détection des fuites, économies de consommation...). Si je devais citer un chiffre en matière de détection des fuites, c'est peut-être celui de 15 à 20 % : le pourcentage de l'eau de nos réseaux de distribution qui est perdu en raison de défauts d'entretien et de difficultés à identifier la localisation des fuites.
Quatrième condition : appliquer le principe pollueur-payeur
Partout où il est appliqué, le principe du pollueur-payeur a montré son efficacité : il dissuade la dégradation de la ressource et pénalise la surconsommation. Le système français des agences de l'eau, qui repose sur ce principe, me paraît particulièrement intéressant.
Ces grands objectifs assignés à la Conférence se traduiront par l'adoption d'une déclaration, accompagnée de recommandations qui seront communiquées à la Commission du développement durable de l'ONU. Il ne s'agit pas donner des conseils à ceux qui ont encore tout à faire. Ces lignes de force doivent aussi guider notre action. J'ai mentionné à plusieurs reprises les forces d'un système français pour mieux souligner sa légitimité à jouer un rôle majeur dans la mobilisation internationale pour assurer un meilleur partage de la ressource en eau.
Il ne s'agit pas pour autant de se complaire dans l'autosatisfaction. Certains dysfonctionnements du système français sont incontestables. C'est pourquoi je proposerai, en avril, un projet de réforme de la politique de l'eau au Premier ministre. Sans pouvoir en dévoiler tous les mécanismes, je puis déjà vous présenter quelques grands axes de notre réflexion.
En premier lieu, cette réforme visera à assurer une meilleure transparence des mécanismes de fixation du prix de l'eau et des modalités de délégation des services publics d'eau et d'assainissement. Il faudra aussi renforcer la concertation, dont j'ai souligné l'importance, grâce à une meilleure représentation des usagers dans les instances de décision des agences.
De même, le principe "pollueur-payeur", ou plus exactement "perturbateur-payeur", devra être étendu en instaurant, par exemple, une redevance sur la modification du régime des eaux ou en prenant mieux en compte les pollutions d'origine agricole. Enfin, il faudra renforcer l'efficacité de l'action publique dans le domaine de l'eau, notamment en ce qui concerne la police de l'eau, et la connaissance de la ressource.
J'ai souhaité terminer par ces perspectives pour montrer que les enjeux internationaux de la Conférence de Paris sont indissociables de notre propre capacité à mieux gérer l'eau. Dans ce domaine, plus que dans tout autre, nos destins sont liés. J'ai tenu à dégager les lignes de force de notre système mais aussi ses faiblesses parce que je partage l'analyse de la Commission française du développement durable (CFDD) qui a apporté sa contribution à la préparation de la Conférence : "plus que la généralisation d'un modèle, fut-il français, c'est l'échange d'expériences en réseau qui doit fonder la coopération internationale dans le domaine de l'eau. Dans ce cadre, il appartient à chaque communauté locale de l'eau à mettre en oeuvre les solutions appropriées".
En favorisant l'échange d'expériences et de savoir-faire, dans le respect des principes de prévention et de précaution adoptés à Rio, la Conférence de Paris sera, je l'espère, une étape précieuse pour la gestion durable de la ressource en eau, en France, comme partout dans le monde.
Je vous remercie./.
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse de vous accueillir si nombreux, si divers. La Conférence de Paris sur l'Eau et le Développement durable est, d'ores et déjà, un succès : plus de 80 pays sont représentés ici par quelque 60 ministres et 50 organisations non gouvernementales (ONG). C'est dire l'importance de ce sujet et l'urgence qu'il y a de relever ce défi de l'eau.
Je voudrais tout particulièrement saluer M. Cielito Habito, président de la Commission du développement durable (CDD), M. Nitim Desai, Secrétaire général-adjoint des Nations unies, M. Klaus Topfer, directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE), ainsi que tous les ministres et chefs de délégation de rang ministériel qui ont bien voulu se rendre à Paris en provenance de tous les continents. Votre présence montre la diversité et l'intérêt du forum que constitue la Commission du développement durable.
Je tiens à remercier chaleureusement celles et ceux qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour organiser cette Conférence : les membres du Comité de pilotage international, et, en particulier, les présidents des groupes de travail, nos partenaires de l'Union européenne, avec lesquels nous avons mené une collaboration exemplaire, les nombreux experts qui ont participé aux travaux de la Conférence et, bien sûr, son secrétariat général sous l'autorité de l'ambassadeur Lacombe.
Il est particulièrement réconfortant que cette Conférence recueille un tel succès. Car c'est une vérité simple et cruelle à la fois, l'eau est une ressource vitale, vulnérable, et rare pour l'humanité. Les chiffres sont là, têtus et dérangeants : le Water Resources Institute a comptabilisé plus de 232 millions d'êtres humains, représentant 26 pays, qui manquent d'eau !
Second constat qui aggrave encore le premier : l'eau, quand elle ne manque pas, est souvent gaspillée. La consommation ne cesse d'augmenter : elle a été multipliée par sept depuis le début du siècle, par deux au cours des 20 dernières années. Notre responsabilité, là aussi, est entière. Une telle gabegie est inadmissible.
Enfin, quand elle est présente, l'eau est souvent polluée et impropre à la consommation humaine : 20 % de la population humaine demeure toujours privée d'une alimentation en eau salubre. Choléra, hépatites, dengue, paludisme et parasitoses diverses causent des millions de victimes par an.
Face à cette situation dramatique, la communauté internationale ne pourrait, évidemment, pas rester inactive. La gestion des ressources en eau est une préoccupation constante depuis la Conférence de Mar del Plata, en 1978, qui a lancé la décennie internationale de l'eau potable et de l'assainissement.
Cette décennie a été suivie de la Conférence de Dublin en 1992, dont les quatre grands principes demeurent le fondement de l'action de la communauté internationale.
Ces principes sont les suivants :
1 - L'eau douce - ressource fragile - est indispensable à la vie, au développement et à l'environnement ;
2 - La gestion et la mise en valeur des ressources en eau doivent associer usagers, planificateurs et décideurs à tous les échelons ;
3 - Les femmes jouent un rôle essentiel dans l'approvisionnement, la gestion et la préservation de l'eau ;
4 - Enfin, quatrième principe, l'eau, utilisée à de multiples fins, a une valeur économique et devrait donc être reconnue comme bien économique.
Un approfondissement de ces principes conduit à considérer l'eau non seulement comme un bien économique et social mais aussi comme un bien naturel et culturel. Autrement dit, l'eau ne peut être gérée comme un bien marchand car c'est un bien collectif.
Malgré une mobilisation constante, le bilan des efforts déployés jusqu'ici montre que le chemin qui reste à parcourir est encore long. Peut-être parce que les méthodes suivies n'étaient pas suffisamment adaptées aux problèmes posés ; peut-être aussi parce que les moyens financiers que nous y avons consacrés n'ont pas été utilisés avec suffisamment d'efficacité. La conséquence en est que, selon la Banque mondiale, 40 % de la population de la planète n'est pas approvisionnée en eau de manière satisfaisante.
De même, alors que le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) a fixé la consommation moyenne nécessaire à un adulte à 20 litres par jour ; elle est inférieure à 8 litres dans bien des pays. C'est dire que nous n'arriverons à rien sans une prise de conscience collective.
Lors du Sommet de la Terre de Rio, en 1992, la communauté internationale s'est saisie de la plupart des grands enjeux environnementaux. Une prise de conscience qui a débouché sur l'élaboration de résolutions internationales - Convention sur les changement climatiques, la biodiversité, ou la lutte contre la désertification - ou dans le cadre de forums internationaux où s'élaborent les règles communes d'une gestion durable, c'est le cas des forêts.
Mais la gestion de l'eau n'a pas donné lieu à ce type d'approche malgré l'enjeu essentiel que cette ressource représente pour l'avenir de l'humanité.
C'est pourquoi la Session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies, qui s'est tenue à New York en juin 1997, a fait de l'eau un thème majeur pour les cinq années à venir. En effet, à moins d'une inflexion rapide des modes de production et de consommation de l'eau, cette ressource, qui n'existe qu'en quantité limitée, deviendra un frein essentiel pour le développement économique, voire la source de conflits nouveaux et dramatiques.
Dans ce contexte particulièrement alarmant, le président de la République française a offert d'accueillir une Conférence réunissant tous les acteurs d'une politique de l'eau, organisations non gouvernementales, gouvernements, représentants des collectivités locales, organisations de solidarité internationale.
Cette Conférence de Paris prend place dans le processus de préparation de la sixième Commission du développement durable dans la suite du Sommet de la Terre de Rio. Son objectif est donc de contribuer à la mise en oeuvre de recommandations de l'Agenda 21, notamment dans son chapitre 18.
L'enjeu de cette Conférence est de montrer que, malgré les résultats limités de la Session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies, la dynamique de Rio n'est pas stoppée. Cette Conférence n'est pas l'affaire de la France mais l'affaire de tous. Elle doit nous permettre de renouer le fil d'un dialogue constructif, sous l'égide de la CDD, et de concourir à ce que les engagements pris à Rio soient tenus. L'initiative prise par le président de la République française et l'offre de tenir de cette Conférence à Paris signifient ainsi clairement que la France n'entend pas renoncer aux engagements pris à Rio.
Les travaux de la Conférence s'articulent autour de quelques principes :
- Tout d'abord, améliorer la connaissance Participer à la bataille de l'eau, c'est d'abord améliorer la connaissance de la ressource et de ses usages. En effet, on ne gère bien que ce que l'on connaît bien. Comment faire au mieux la part des différents usages de l'eau si on ne sait pas estimer le débit de la rivière ? Comment prévenir l'assèchement des puits si on ne mesure pas les fluctuations de la nappe ? Et comment savoir si l'eau distribuée est potable si on ne l'analyse pas ?...
Dans ce domaine comme dans tant d'autres, la connaissance permet non seulement d'éviter des conflits d'usage mais aussi de prévenir bien des désastres. L'absence de dispositifs de mesure adaptés conduit en effet encore trop souvent au mauvais dimensionnement ou à la mauvaise gestion de coûteux aménagements hydrauliques.
- Mettre en oeuvre des outils adaptés
En second lieu, la Conférence de Paris insistera sur les outils réglementaires et l'organisation institutionnelle susceptibles de promouvoir une gestion durable de la ressource en eau. La France dispose d'une expérience précieuse qui est une des raisons pour lesquelles notre pays était particulièrement légitime pour accueillir cette Conférence.
Certains points font aujourd'hui l'unanimité.
Le premier, c'est celui de la planification spatiale et temporelle.
La planification géographique à l'échelle du bassin-versant est le niveau pertinent à retenir pour la ressource en eau car aucune frontière n'empêchera jamais l'eau de couler de l'amont vers l'aval !
La programmation, sur une période de 10 à 30 ans, permet de s'attaquer en priorité à la satisfaction des besoins essentiels en eau potable de toutes les populations, quelles que soient leurs ressources.
La France a une longue expérience puisque, depuis 1964, les comités de bassin et les agences de l'eau permettent la conduite d'une politique globale sur chaque bassin-versant. Une politique transparente dont les règles du jeu entre les différents usagers de l'eau sont précisées par les Schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Cette organisation fait école au sein de l'Union européenne : ainsi le projet de directive communautaire-cadre sur l'eau entend le généraliser à l'ensemble de l'Union européenne. Les pays qui se sont dotés d'organismes de bassin de ce type se sont d'ailleurs réunis : le Réseau international des organismes de bassin (RIOB) organisera un atelier lors de la Conférence.
Second point : la concertation. La politique de l'eau doit se faire au plus près du terrain. C'est en effet au niveau local qu'elle peut le mieux s'intégrer dans la demande de développement durable, en s'insérant dans les pratiques culturelles et sociales des populations concernées. A cet égard, la participation active de tous, en particulier des femmes, est indispensable pour assurer une gestion efficace. C'est pourquoi les ONG occupent une place particulièrement importante dans cette Conférence. Le programme "Solidarité Eau" a ainsi recensé des exemples de projets locaux exemplaires qui vous seront présentés lors de la Conférence.
Plus généralement, les ONG sont ici présentes et pourront s'exprimer, y compris lors des débats ministériels : la Conférence de Paris sera ainsi largement ouverte à la société civile. C'est pour moi un de ses meilleurs gages de succès.
- La question du financement
Tous ces conseils seraient vains si nous n'abordions pas, lors de la Conférence, la question des moyens financiers nécessaires à la gestion durable de l'eau. Ne nous méprenons pas : il ne s'agit pas d'une "Conférence de donateurs", où seraient annoncés de spectaculaires efforts supplémentaires en matière d'aide au développement !
Notre objectif, plus modeste peut-être, mais plus porteur pour l'avenir, est de donner aux projets réalisés dans le domaine de l'eau les moyens d'être durablement efficaces. Par ce biais, nous pouvons influencer les projets à venir dans le sens d'une plus grande efficacité et nous disposons de bases pour mieux orienter les financements en faveur des projets qui seront prioritaires tout en ouvrant la voie à de nouveaux financements.
Première condition : assurer l'investissement et le fonctionnement.
Sans entrer dans les détails de la mécanique financière, je tiens à préciser que cet objectif signifie que nous devons accorder une importance particulière à l'entretien, et à la couverture des coûts d'exploitation et de maintenance qui sont souvent du même ordre de grandeur que l'amortissement des investissements. Ce n'est pas à coups "d'éléphants blancs" ruineux et vite délabrés que sera atteint notre objectif d'assurer durablement l'approvisionnement en eau de l'ensemble de la population de la planète ! La formation des personnes qui interviennent à tous niveaux dans la gestion de l'eau constitue à cet égard un enjeu essentiel.
Seconde condition : payer l'eau
Pour couvrir ces coûts d'exploitation et de maintenance, le recours au financement par l'usager est probablement le moyen le plus efficace. Mais cette réponse ne sera crédible, ne sera acceptable en particulier pour les pays du Sud, que si elle tient compte des capacités contributives de chacun, que si des mécanismes de solidarité sont mis en place au bénéfice des plus démunis.
Troisième condition : lutter contre les gaspillages.
Difficile d'évoquer la question du gaspillage face à des pays où règne la pénurie. Ce sont d'abord nos pays gaspilleurs qui sont concernés : un Africain consomme en moyenne 30 litres d'eau par jour, là où un Européen en consomme 200, et un Américain 600... Il nous faut donner l'exemple. L'importance que nous attachons à l'entretien et le financement des coûts d'exploitation par l'usager contribuent significativement à cette lutte contre le gaspillage (détection des fuites, économies de consommation...).
Quatrième condition : appliquer le principe pollueur-payeur.
Partout où il est appliqué, le principe du pollueur-payeur a montré son efficacité : il dissuade la dégradation de la ressource et pénalise la surconsommation. Or, il est évidemment plus efficace de prévenir les pollutions que de réaliser des aménagements lourds de dépollution. Le système français des agences de l'eau, qui repose sur ce principe, me paraît particulièrement intéressant.
Voilà, en quelques mots, les conditions qui permettront de gagner cette bataille de l'eau qui a déjà trop fait de victimes. Je vous souhaite bon travail pour cette Conférence en vous rappelant une des conclusions de la Commission française du développement durable (CFDD) qui a apporté sa contribution à la préparation de cette rencontre "Plus que la généralisation d'un modèle, c'est l'échange d'expériences en réseau qui doit fonder la coopération internationale dans le domaine de l'eau. Dans ce cadre, il appartient à chaque communauté locale de l'eau de mettre en oeuvre les solutions appropriées".
En favorisant l'échange d'expériences et de savoir-faire, dans le respect des principes de prévention et de précaution adoptés à Rio, la Conférence de Paris, sera, j'en suis convaincue, une étape précieuse pour la gestion durable de la ressource en eau partout dans le monde.
Je vous remercie./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2001)