Conférence de presse de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la rencontre entre le gouvernement et les élus de la Corse et les perspectives pour l'avenir de l'île, Paris le 13 décembre 1999.

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Circonstance : Fin de la réunion avec les élus corses sur l'avenir de la Corse, à l'Hôtel Matignon le 13 décembre 1999

Texte intégral

- "Je vous retrouve pour quelques instants pour laisser aussi à ceux qui sont venus à cette rencontre la possibilité de s'exprimer. J'avais invité les élus de la Corse, les présidents des exécutifs, les responsables des groupes représentés à l'Assemblée de Corse et les parlementaires à venir me retrouver à Matignon. Cette réunion vient d'avoir lieu. Je l'ai organisée parce qu'il me semblait qu'il fallait sortir d'une certaine situation de blocage, qu'il fallait le faire par le dialogue, dans la transparence. Nous nous sommes réunis pendant trois heures, avec une courte pose, de façon à parler un peu et arrêter la méthode. Ceux qui sont venus à cette réunion se sont exprimés dans leur diversité, avec une grande liberté, dans leurs différences aussi, même si ont pu apparaître un certain nombre de plages de convergence sur des préoccupations. J'ai redit bien sûr qu'en Corse, l'État condamnait et combattait la violence et continuerait à le faire, que notre démarche commune qui relevait de notre légitimité reçue du suffrage - le Gouvernement et les élus de la Corse -, impliquait que nous agissions selon les règles de la démocratie. A l'issue de cette longue discussion où chacun a pu s'exprimer, j'ai proposé une méthode de travail, chacun étant d'accord pour prolonger la démarche que j'ai suggérée.
La prochaine étape sera un travail accompli par les élus représentés à cette réunion, auxquels on peut adjoindre telle ou telle personnalité. Travail qui se fera dans la matrice de l'Assemblée de Corse. Ces élus, ces responsables, en procédant aux consultations qu'ils jugeront utiles, auront à dégager un certain nombre de thèmes, un certain nombre de problèmes, d'objectifs, de grandes têtes de chapitre, sur lesquels le Gouvernement et eux-mêmes pourront ensuite discuter. J'ai souhaité que les élus de la Corse, dans leur diversité, confrontés parfois aux contradictions ou aux divergences, mais aussi avec un même vécu de l'île et un désir de dégager des options majoritaires puissent accomplir ce travail. Il est nécessaire.
Le Gouvernement a besoin d'élus de la Corse qui prennent leurs responsabilités, qui travaillent ensemble et qui font des propositions. Nous pensons que cette prochaine rencontre, avec les ministres et moi-même, pourrait avoir lieu en février ou mars, ou à partir de février ou mars. Cela sera à leur diligence. A partir de là, et si des thèmes, des dossiers, des grandes préoccupations, des grands problèmes ont été dégagés, des groupes de travail pourront être mis en place dans le cadre d'un copilotage entre représentants du Gouvernement, et notamment du Premier ministre, et représentants de cette instance collective qui aura élaboré ces thèmes, pour que nous puissions avancer de façon plus concrète. Donc, à partir du mois de février, mars et après la réunion que nous aurons tenue ensemble.
J'ai répété aux élus de la Corse que je pensais personnellement, ainsi que le Gouvernement, qu'il était souhaitable que ce qu'on appelle les représentants de la société civile ou les forces vives de l'île puissent être associés à cette discussion et puissent avoir eux-mêmes leur débat. Mais je leur ai dit que je pensais qu'il était de leur responsabilité de l'organiser, même si le Gouvernement était à leur disposition pour les aider à mettre sur pied une telle discussion qui pourrait concerner les syndicats, les forces économiques, les mouvements associatifs et culturels de façon à ce que la démarche s'élargisse vers la diversité de la Corse. Les Corses d'une façon ou d'une autre, mais s'il est trop tôt pour en parler de façon précise, devront bien sûr avoir, à un moment ou à un autre, selon les conclusions que nous tirerons, leur mot à dire.
Voilà l'essentiel. Cette réunion qui a suscité, comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, des interrogations mais aussi un certain espoir, s'est passée dans un climat de maîtrise, de courtoisie et de liberté d'expression, qui m'a rendu plutôt confiant, pour ce qui concerne l'état d'esprit de ceux qui y participaient, du côté du Gouvernement bien sûr mais aussi du côté des élus de la Corse. Cela ne veut pas du tout dire que je me dissimule la difficulté de la tâche. Mais je voulais ouvrir une démarche, celle-ci est ouverte.
Je peux répondre à deux ou trois questions si c'est vraiment nécessaire, mais je préférerais vous libérer pour que vous puissiez entendre les autres participants à cette rencontre."
Quels sont les thèmes qui ont été abordés ?
- "Les thèmes ont été extrêmement divers. Il y en avait un certain nombre dans mon intervention. Cela a touché à peu près à tous les problèmes : la langue, la culture, les problèmes de fiscalité, les problèmes de développement, la façon de travailler ensemble, le statut, ses aménagements ou sa réforme plus profonde, l'insularité. Toutes les questions ont été présentes. Le problème est justement maintenant, et ça va être le travail que j'ai proposé aux élus corses d'accomplir, de dégager les grands dossiers sur lesquels nous puissions maintenant avancer."
Question inaudible.
- "Le propre du Premier ministre, c'est qu'il s'interroge plus au présent et à l'avenir, qu'au passé, fut-il pressant."
La balle est dans le camp des élus corses ?
- "Je ne sais pas si c'est un jeu, donc je ne sais pas si l'expression balle convient. Je pense, et je l'ai dit très clairement, que la prochaine étape de la responsabilité est nécessairement celle du travail en commun pour dégager peut-être des plages d'accord, des possibilités, des suggestions pour constater aussi des différences. J'ai écouté l'autre jour un débat organisé sur une chaîne où on entendait un certain nombre de gens s'exprimer, souvent de simples citoyens, parfois des gens plus représentatifs de courants, d'intérêts et ils ont souvent dit : mais c'est aux Corses de dire, de s'exprimer. Cette étape est absolument indispensable."
Avez-vous parlé de la violence ?
- "Naturellement. La question de la violence a été abordée et je sais quand j'en parle et comment j'en parle. Vous avez lu mon texte, il est très clair et je n'ai rien de plus à dire."
Question inaudible.
- "Certains ont évoqué le souhait, la nécessité d'avancées institutionnelles importantes, d'autres ne les ont pas jugées forcément nécessaires ou d'autres ont manifesté même des réticences à une évolution forte dans le domaine statutaire. C'était la réalité, ce soir, dans la discussion. Je pense que ce travail, que j'ai demandé, et auquel le Gouvernement n'assistera pas de façon passive - j'ai déjà dit qu'à partir de maintenant, ne serait-ce que pour affiner la méthode, mon cabinet, les ministres compétents sur tel ou tel problème sont prêts à participer à ce travail en fournissant les expertises, en organisant les contacts, en aidant aux formes d'organisation qui peuvent être utiles -, doit être accompli par les élus de la Corse."
Question inaudible.
- "Trop tôt."
Question inaudible.
- "Cela dépendra de là où nous arriverons, mais de toute façon la population corse s'exprime à l'occasion des élections. Alors nous verrons si cette question doit être abordée. Cela a été traité par certains de façon plus formelle, mais ce n'est pas une question qui nous paraît utile. Je l'évoque parce que c'est un principe que le respect de la démocratie et la référence au peuple, quel qu'il soit. Mais, il ne paraissait pas utile d'apporter aujourd'hui, ce soir, des réponses à des questions qui ne sont pas posées."
Question inaudible.
- "Le préfet Lacroix assume ses missions de représentant de l'Etat dans la région de Corse avec l'aide des autres préfets. Le préfet Lacroix pourra être aussi utile dans ce processus de discussion et de dialogue en tant que représentant de l'Etat en Corse et pour faciliter l'organisation des contacts ou prêter un concours. Il était d'ailleurs présent dans cette réunion."
Question inaudible.
- "Je n'ai réagi à la publication d'aucun communiqué. Si vous voulez avoir accès aux autres, dans l'hypothèse où cela vous intéresserait, dans la diversité bien sûr, faites-le."
(Source : http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 16 décembre 1999)