Déclaration de M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, sur les problèmes liés à l'adoption et notamment à l'adoption internationale, Paris le 28 janvier 2003.

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Circonstance : Installation du Conseil supérieur de l'adoption à Paris le 28 janvier 2003

Texte intégral

Installation le mardi 28 janvier 03
Je suis heureux d'installer aujourd'hui le conseil supérieur de l'adoption avec son nouveau président.
Pour le ministère de la famille, la question de l'adoption est l'une des thématiques essentielles de son action. Je n'oublie pas en effet qu'à côté du travail sur les modes de garde des jeunes enfants, le crédit d'impôt familles, les réformes du statut des assistantes maternelles, des tutelles et curatelles, et j'en passe, la situation de l'adoption qui concerne plusieurs dizaines de milliers de familles en France nécessite toute mon attention.
Je connais le travail fourni par le CSA depuis plusieurs années. En tant qu'instance de réflexion, de conseil et d'avis placée auprès du Premier ministre, vous avez un rôle fondamental à jouer dans l'évolution et l'accompagnement de la réglementation et des pratiques. Ce rôle vous l'avez tenu avec dynamisme depuis juillet 2000 en complémentarité avec l'autorité centrale pour l'adoption internationale et je ne doute pas qu'il en sera de même pour cette instance renouvelée.
Ainsi, et sans être exhaustif, vous avez contribué aux travaux législatifs et réglementaires des lois du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale et du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat (le CNAOP). Vous avez travaillé à une meilleure connaissance de l'adoption en invitant divers intervenants à vous présenter leurs travaux et en participant à la réflexion sur la conduite d'études sur les questions d'adoption. A ce titre, vous avez contribué au lancement de l'étude menée par l'INED dans le département des Yvelines sur les candidats à l'adoption et les enfants adoptées dont une présentation des premiers éléments à laquelle vous avez été convié a été faite en novembre dernier à la direction générale de l'action sociale. Je vous annonce d'ores et déjà que des crédits ont été alloués au sein de mon ministère afin que cette létude soit étendue cette année sur huit nouveaux départements.
J'attache une grande importance à ce que votre instance maintienne et amplifie ces réflexions. Elles permettent, grâce à vos expériences diverses, vos échanges, de faire avancer les problématiques liées à l'adoption et d'améliorer ainsi notre dispositif d'adoption dans l'intérêt en tout premier lieu des enfants.
Je souhaite, en quelques minutes, vous présenter mes priorités. Cela a été souligné aujourd'hui, mais je dois rappeler que l'adoption permet en premier lieu de répondre au besoin de tout enfant, qui en est privé, d'être inséré dans une famille et ce quels que soient son histoire, ses problèmes de santé ou ses difficultés parfois liées à un handicap. Notre priorité, notre préoccupation première, concerne donc bien l'enfant, son intérêt supérieur et le respect de ses droits fondamentaux. Certes l'adoption est la rencontre de deux espérances, de deux attentes, celle de parents, celle d'un enfant. Mais pour nous, entre ces deux espérances, c'est toujours celle de l'enfant qui prime. En clair, nous considérons, et ceci n'est pas une révélation, que l'agrément donné par les services départementaux, au terme de procédures sur lesquelles je vais revenir, ne constitue en rien un "droit à l'enfant". La mission des services, celle des organismes agréés pour l'adoption, les OAA dans notre jargon, consiste bien à trouver une famille à un enfant et non l'inverse. Il est des évidences qu'il est bon de rappeler.
Pour autant, il n'est pas possible de se satisfaire de la situation actuelle. M.C. le Boursicot, dans le rapport qu'elle vient de me remettre ainsi qu'à JF Mattei, a très bien pointé les déficiences de notre dispositif. Notre devoir est d'y remédier et je souhaite vous présenter quelques-unes de nos pistes de réflexion.
Un rappel tout d'abord: En 2001, derniers chiffres disponibles, nous avons eu en France un peu plus de 4.000 enfants adoptés, se partageant entre 1.150 enfants pupilles de l'Etat et 3.094 enfants étrangers.
Ces chiffres illustrent 2 des thèmes majeurs de notre action: 1. la difficulté de trouver en France des enfants adoptables, passez moi l'expression; 2. l'importance, qui ne cesse de croître, de l'apport de l'étranger.
L'un des problèmes de notre pays réside, et on ne saurait s'en plaindre, dans la diminution constante du nombre de pupilles de l'Etat; on sait aussi que les familles sont hésitantes à adopter des enfants relativement âgés, 4 ou 5 ans, alors qu'elles rêvent pour la plupart d'avoir un nourrisson; on sait aussi qu'elles sont très réticentes à accueillir ces enfants que l'on baptise pudiquement "différents" ou "à particularités". Et c'est bien pour faciliter les mises en relation entre ce type d'enfants et des familles prêtes à franchir le pas, mais qui résident dans d'autres départements que celui au titre duquel elles bénéficient de l'agrément, que nous avons mis en place le système d'information pour l'adoption des pupilles de l'Etat, logiciel baptisé SIAPE. Nous attendons avec beaucoup d'espoir les premiers résultats.
L'adoption internationale suscite d'autres types de problèmes. Certains ont été évoqués vendredi lors d'un colloque au Sénat, notamment dans le cadre de la construction d'une identité, à l'évidence plus difficile lorsqu'on est un enfant "né d'ailleurs". Je ne reviendrai pas sur les échanges que certains d'entre vous avez eu à ce sujet. 2 mots simplement pour souligner des axes de travail du ministère de la famille.
La question de l'accompagnement de l'adoption apparaît à nos yeux comme un enjeu majeur. Votre rapport sur ce sujet, Madame Le Boursicot, sera, je n'en doute pas, un élément important dans la poursuite de la réflexion engagée. En effet, cet accompagnement peut favoriser la qualité des projets d'apparentement réalisés pour des enfants en attente d'une famille, et à terme, la qualité de la relation parents - enfants et la réussite des adoptions. Les futurs parents doivent être préparés, sans doute de manière plus approfondie que cela se fait actuellement, à accueillir un enfant tel qu'il est, dans la réalité de son histoire personnelle, de son état de santé, de ce qu'il a vécu depuis sa naissance.
Par ailleurs, il me paraît également important que les familles adoptantes puissent trouver, dans la mesure où elles le souhaitent, des lieux d'écoute et de soutien où évoquer les questions qui se posent à elles dans leurs relations avec leurs enfants. La nécessité de trouver des conseils appropriés peut se présenter notamment dans les premier temps de l'arrivée de l'enfant au foyer, puis à l'adolescence . Aider les enfants à bien grandir auprès des familles mieux préparées à les accueillir est donc une mission essentielle de tous ceux qui concourent à la réalisation des adoptions.
Dans ce cadre, les OAA ont eux aussi un rôle important à jouer dans cet accompagnement. Ils ont une mission d'information des futurs parents adoptifs sur les caractéristiques des enfants adoptables, sur la situation des pays d'origine des enfants; ils sont aussi une aide et un relais pour les parents qui peuvent avoir besoin d'échanger sur les difficultés qu'ils rencontrent dans la réalisation de leur projet. Ainsi leur place dans le dispositif d'adoption doit être renforcée au regard des besoins des parents mais aussi du contexte actuel de l'adoption internationale. A cet effet, le décret du 18 avril 2002 a réformé la réglementation de ces structures afin de préciser leurs missions et leurs responsabilités, de renforcer leurs compétences et la qualité de leurs interventions. J'insiste à cet égard - même si je sais que cela pose quelques difficultés administratives que mes services s'efforcent de résoudre - sur l'importance de la formation des intervenants bénévoles et salariés de ces organismes au regard de la complexité des questions d'adoption et de l'enjeu que celle-ci représente pour la vie d'enfants et de familles.
Un mot sur la situation du Vietnam: 1.300 dossiers en souffrance mais plusieurs facteurs d'espoir: ma rencontre avec le PDR + ministre de la famille vietnamiens; la réunion du comité de suivi en novembre à Hanoi; la mise en place d'une autorité centrale au Vietnam depuis le 1er janvier; le déblocage de premiers dossiers ces dernières semaines; une éventuelle visite de ma part pour donner un coup de pouce.
Parmi les missions prioritaires que je souhaite vous voir remplir, il y a celle relative à la santé des enfants adoptés. L'enjeu est là aussi important. Des études menées notamment par le professeur Chicoine au Québec mais aussi au sein de l'association Médecins du Monde, montrent qu'un nombre significatif d'enfants arrivent en France avec des problèmes de santé d'une gravité variable. Celles-ci ne sont pas forcément repérées par des professionnels qui n'ont pas été sensibilisés à ces questions. Les dossiers médicaux sont d'une fiabilité variable, c'est le moins que l'on puisse dire, selon les pays. Or, apporter des soins adaptés est primordial pour l'épanouissement de l'enfant au sein de sa famille mais aussi pour son intégration dans son nouveau milieu social. Il est donc important que les familles puissent trouver un accueil de qualité à même de prendre en charge l'enfant, de répondre à leurs questions afin d'apaiser leurs inquiétudes ou de les accompagner et de les réorienter si nécessaire vers une prise en charge adaptée. Une réflexion sur ce thème est d'ores et déjà lancée au sein du cabinet, avec la participation de spécialistes de santé.
L'un des autres axes d'effort sur lequel je souhaite que le CSA puisse s'investir, je l'ai évoqué au début, c'est celui des procédures d'agrément. La compétence et le sérieux des services des conseils généraux n'est nullement remise en cause et n'est d'ailleurs sérieusement contestée par personne. Mais l'ensemble des acteurs reproche le manque de lisibilité des procédures pour les parents candidats à l'adoption, et la grande hétérogénéité des décisions d'agrément. Le mouvement de décentralisation accrue qui s'approche ne doit pas être l'occasion d'accentuer ces disparités et de faire que des dossiers d'adoptants seraient orientés artificiellement vers tel ou tel département au motif qu'il aurait la réputation d'être moins regardant sur les procédures. Non, il existe un impératif de cohérence pour rendre acceptable au sens propre du terme, ou en un mot, juste, le déroulement normal d'une procédure qui vise à confier un enfant à une famille.
Un dernier mot enfin sur le CNAOP. J'ai installé ce conseil le 12 septembre dernier avec JF Mattei. Je ne reviens pas sur les polémiques stériles qui ont accompagnées cette installation. Je retiens plusieurs choses: le conseil est présidé par une personnalité qui fait l'unanimité, le professeur Henrion (ici présent); sa secrétaire général, MC le Boursicot décidément à l'honneur, accomplit un travail considérable que tout le monde reconnaît. La tâche du conseil est difficile: appliquer un texte de loi, voté je le rappelle à l'unanimité, dans un cadre juridique complexe, et un environnement souvent passionnel. Laissons-le continuer à travailler dans la sérénité comme c'est le cas actuellement, et nous verrons qu'il sera à même de résoudre bien des causes de ces souffrances qui ont été évoquées aujourd'hui; j'en ai la ferme conviction, et je ne suis pas le seul.
Voilà en quelques mots les grandes lignes d'action de mon ministère et celles que pourrait suivre le Conseil supérieur de l'adoption. La tâche est importante, les sujets vastes, mais rappelons nous toujours que le fil conducteur qui doit guider notre action c'est l'enfant; c'est son intérêt supérieur; c'est ma priorité absolue.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 31 janvier 2003)