Déclaration de M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de l'enseignement scolaire, sur le projet de budget 2003 de l'éducation nationale, à l'Assemblée nationale le 22 octobre 2002.

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Circonstance : Présentation du projet de budget 2003 de l'éducation à l'Assemblée nationale le 22 octobre 2002

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,
J'aimerais adresser mes remerciements les plus chaleureux aux deux rapporteurs, M. Pierre-André Périssol et M. Jean-Yves Chamard, qui ont su de façon tout à fait remarquable dégager, derrière l'aridité des chiffres, les lignes de force d'un projet dont je souhaite rappeler, et Xavier Darcos le fera à son tour tout à l'heure, les principaux axes.
Je remercie également les orateurs pour la qualité de leurs interventions. Il est important - je rejoins M.Périssol sur ce point - qu'un grand débat sur les missions de l'éducation nationale se tienne le plus rapidement possible dans cette Assemblée.
Nous examinerons ensemble, si vous le voulez bien, monsieur le rapporteur pour avis, les modalités et la date de ce débat, mais il va de soi que Xavier Darcos et moi-même sommes tout à fait ouverts aux suggestions que vous pourrez nous faire, vos collègues et vous.
Vous savez sans doute, mais je le rappelle pour ceux qui l'ignoreraient que je n'appartiens nullement au clan des pessimistes. Autrement dit, je ne crois pas que l'école soit en train de faire naufrage. Je pense au contraire que, sur le terrain, mille choses excellentes se font. L'une des tâches du ministre consiste d'ailleurs souvent à prendre connaissance des initiatives des équipes pédagogiques, à les valoriser et à les étendre le plus possible, voire à les généraliser.
Cependant, la nature même des fonctions ministérielles, nous oblige à nous attaquer aux points noirs, aux difficultés du système éducatif. Dans cette perspective, je voudrais très brièvement évoquer trois séries de chiffres qui justifient, me semble-t-il, que nous ayons fait de la lutte contre l'échec scolaire notre action prioritaire.
M. Durand me demandait tout à l'heure - et je le salue, puisqu'il est arrivé entre-temps - d'indiquer des références. La première série de chiffres concerne la délicate, la douloureuse question de l'illettrisme. Pour que l'on ne m'accuse pas d'être un esprit partisan, je renvoie à un excellent rapport commandé par Mme Royal en 1998, que je tiens à votre disposition, et qui avait été rédigé par un ancien directeur des écoles de M. Lionel Jospin. J'en citerai simplement les premières lignes, sans en changer un mot : " Selon les années, ce sont entre 21 et 42 % des élèves qui, au début du cycle III (entrée au CE2), paraissent ne pas maîtriser le niveau minimal des compétences dites de base en lecture ou en calcul, ou dans les deux domaines. Ils sont entre 21 et 35 % à l'entrée au collège. " A l'époque, en 1998 - mais ce n'est pas une période si ancienne - ces chiffres émanaient de la DEP, la Direction de l'Evaluation et de la Prospective, alors dirigée par quelqu'un pour qui j'ai la plus grande estime et dont on ne sache pas qu'il ait jamais déclaré que le niveau baissait.
Les rapporteurs ont déjà cité la deuxième série de chiffres que je voulais évoquer qui sont d'ailleurs un peu en dessous de la vérité malheureusement. Il a été dit que 150 000 élèves quittaient chaque année notre système éducatif sans diplôme ou qualification. J'ai fait vérifier ces données par mes services cette semaine encore : ils sont plutôt 160 000. A l'évidence, ces chiffres sont calamiteux et ils expliquent en très grande partie la violence ou l'insécurité dont nous sommes témoins, non seulement au sein des établissements, mais dans leur environnement : quand des enfants sortent du système éducatif sans rien ou presque à l'âge de seize ans, on peut penser qu'ils ont connu l'échec pendant des années, souvent dès la fin de l'école primaire. L'échec scolaire leur a fait perdre, avec l'estime d'eux-mêmes, le respect des autres, on peut le comprendre, même si on ne peut pas l'admettre.
La troisième série de chiffres - sur laquelle Xavier Darcos reviendra tout à l'heure - concerne ces fameuses incivilités ou, plus grave, ce que, dans son jargon, l'éducation nationale appelle les incidents graves qui sont à la limite de la qualification pénale, qui seraient de l'ordre de la qualification pénale si nous avions à faire à des adultes. Ces incidents nous sont signalés, vous le savez, par le biais du logiciel SIGNA mis en place par Claude Allègre et qui fait la " remontée " des informations à partir des établissements. Le chiffre de la dernière année est très mauvais : 81 000 incidents graves ont été signalés dans nos établissements. Ces chiffres sont, eux aussi, calamiteux. Encore une fois, je ne porte pas un jugement négatif sur l'école, mais je dégage une priorité pour l'action de notre ministère, une priorité d'autant plus évidente que, comme l'ont très justement rappelé les rapporteurs et plusieurs orateurs, l'éducation nationale a consacré à ces questions des moyens qui ont augmenté de près de 25 % en dix ans sans que, sur ces trois chapitres en tout cas - il en va sans doute autrement dans d'autres domaines - les résultats soient au rendez-vous. Comme le disait, très justement Yvan Lachaud, ce qui est important, ce n'est pas tellement de dépenser plus - il le faut parfois - mais de dépenser mieux.
C'est dans cette optique que notre budget s'inscrit dès cette année, même si nous n'avons pas encore eu le temps de faire tout le travail que nous souhaitions, et qui sera poursuivi l'année prochaine. Je rappelle très brièvement les chiffres. Ce budget augmente certes de 2,2 % mais il augmente surtout là où il faut, et n'augmente pas là où il ne faut pas. Vous avez le droit de critiquer ces choix, mais nous les assumons. Ainsi, dans le premier degré, nous créons 1 000 postes d'enseignants, là où le Plan pluriannuel pour l'éducation de Jack Lang en prévoyait 800. Dans le second degré, nous créons 1 200 emplois d'ATOS. En revanche, c'est vrai et nous l'assumons, il n'y aura pas de création de postes d'enseignants dans le second degré. Non seulement en raison de la baisse des effectifs, mais - j'y reviendrai tout à l'heure car me semble-t-il, l'argument est beaucoup plus fort - en raison du rapport entre l'augmentation des postes aux concours et de la crise des vocations dans le second degré, à laquelle il faudra évidemment que nous nous attaquions.
Je voudrais néanmoins ajouter, pour que les choses soient claires et puisque nous avons été interpellés à plusieurs reprises sur ce sujet, que la résorption de l'emploi précaire dans le cadre notamment de la loi Sapin, sera poursuivie à hauteur de 3 000 postes environ, comme le prévoyait le PPE Lang, mais la résorption se fera sur emplois vacants et non par création d'emplois. On l'a dit, mais cela mérite d'être rappelé, les mesures en faveur des personnels sont fondamentales, puisqu'elles représentent une augmentation de 40 % par rapport à la LFI de 2002 : ce n'est pas rien.
Enfin, des crédits nouveaux correspondent à nos priorités pédagogiques. Il ne sont pas simplement obtenus par redéploiement, mais grâce à 30 milliards d'euros de mesures nouvelles, notamment en ce qui concerne la lutte contre la violence scolaire, la création des classes-relais et des ateliers-relais, avec la poursuite de l'apprentissage des langues vivantes à l'école primaire, mais pas dans les conditions définies par mon prédécesseur; - en effet, les recteurs ne peuvent pas équiper de force les CE2 si les enseignants formés font défaut : agir autrement serait une absurdité. Il faut donc prendre le temps de le faire.
Et, pour le faire bien, il faut prendre un peu plus de temps que prévu. Néanmoins, les crédits sont là et nous continuons dans cette voie qui n'est pas abandonnée.
Troisième mesure nouvelle : nous voulons favoriser l'accueil des élèves handicapés. M. Perrut s'est interrogé à ce sujet. Ce sont plus de 10 millions d'euros supplémentaires qui se décomposent de la façon suivante, plus de 7 millions d'euros pour acheter des matériels adaptés, notamment pour les classes d'intégration scolaire - CLIS - et les unités pédagogiques d'intégration - UPI - mais aussi 3 millions d'euros pour le transport de ces élèves. Il faudra évidemment augmenter dès la rentrée 2003, le nombre des aides-éducateurs, que nous appellerons maintenant - puisque le dispositif est nouveau - des assistants d'éducation, qui s'occupent de la scolarisation des enfants handicapés scolarisables. Je rappelle qu'ils ne sont aujourd'hui que 1 111 à temps plein - ce qui est notoirement insuffisant - et 2 000 à temps partiel. Il faut évidemment augmenter ce chiffre dès la rentrée 2003. Nous nous y engageons.
Enfin, les crédits de la jeunesse sont loin d'être oubliés. Ils correspondent à 142 millions d'euros, avec 6 millions d'euros supplémentaires pour des mesures qui touchent à la fois l'éducation nationale et la jeunesse - je pense aux ateliers relais évidemment ; trois actions spécifiques que je mentionne pour mémoire, puisqu'elles répondent à des questions qui ont été posées. Ainsi, plus de 100 nouveaux contrats éducatifs locaux seront signés l'année prochaine. On peut trouver cela insuffisant, mais c'est quand même beaucoup dans la période actuelle. En tout cas, nous indiquons clairement la voie. Nous voulons porter le nombre de contrats signés en 2003 à 3000 : une priorité sera accordée à ceux qui s'attachent soit à la prévention, soit à la lutte contre l'illettrisme.
La deuxième mesure nouvelle pour la jeunesse est une augmentation de soixante postes pour le FONJEP. Enfin, nous annoncerons, en janvier prochain, les grandes lignes du livret des engagements. La question du FNDVA (Fonds National D'aide pour la Vie Associative) a été posée : nous conservons les mesures qui étaient prévues, c'est-à-dire 8,24 millions d'euros comme en Loi de Finances Initiale 2002. Mais, au-delà des chiffres, le quantitatif et le qualitatif ne coïncident pas forcément : c'est une réalité.
Je reviens à la question des concours que j'évoquais tout à l'heure. Deux exemples, que personne ne peut raisonnablement contester montreront que les augmentations quantitatives, quand elles sont purement démagogiques et ne correspondent à aucun objectif ciblé, peuvent produire exactement le contraire de ce qui est visé, c'est-à-dire une baisse de la qualité de notre système.
Je vous donne simplement deux exemples qui me semblent importants. Je pense d'abord au problème, je dirai même au scandale, des listes complémentaires à l'école primaire. Vous savez que le nombre d'inscrits sur ces listes complémentaires a augmenté de 4000 dans les deux dernières années, pour se situer aujourd'hui à un niveau de 6 300 environ, ce qui est un paradoxe totalement incompréhensible, non seulement pour l'opinion publique, mais aussi franchement, pour nous tous. Car on met ainsi devant les élèves des nouveaux professeurs, si je puis dire, qui ont été reçus derniers aux concours ou qui n'ont pas eu le concours, pour ceux qu'on appelle un peu méchamment les "reçus collés " - je ne veux évidemment stigmatiser personne, mais c'est le système qui est en cause -, on les met devant les élèves, donc, alors même qu'ils n'ont reçu aucune formation. Je m'engage dans les deux ans qui viennent à réduire cette liste complémentaire, en la ramenant entre 3 000 et 4 000 inscrits. Car c'est inacceptable. Et c'est là qu'on voit à quel point le manque de réflexion sur la création d'emplois et le calibrage des concours conduit à des absurdités lorsque la démagogie l'emporte sur la réalité des objectifs qu'on doit se fixer.
S'agissant des listes complémentaires : le nombre d'inscrits en liste complémentaire se situera entre 3 000 et 4 000 dans les deux ans qui viennent. Engagement est pris, et je vous dirai comment nous y parviendrons.
Autre exemple, lui aussi très parlant : on a augmenté les postes mis au concours dans le second degré de 5 000 en deux ans. Et là encore, on a menti. On a menti sur la réalité de la crise des vocations dans le second degré. Nous savons parfaitement que cette crise des vocations est réelle et qu'elle aboutit, dans certaines disciplines, à une situation telle que l'augmentation des postes aux concours a inévitablement pour effet d'organiser une véritable baisse de qualité. Par pudeur, je ne citerai pas les notes des derniers reçus à certains concours, mais vous savez très bien que, notamment en ce qui concerne les sciences de la vie et de la terre, ils sont vraiment alarmants. Là encore, l'augmentation purement quantitative risque d'organiser la baisse de qualité de notre système pour les trente-sept années et demie qui viennent. Par conséquent, il faut faire attention. Et c'est dans cette perspective, et pas du tout dans une visée polémique, que nous avons proposé d'organiser dès ce mois-ci un audit qui nous permettra d'avoir des données précises sur trois points, car ces chiffres, hélas, ne sont pas fiables. Précisément, combien y aura-t-il de départs - il s'agit en grande partie de départs en retraite, mais pas seulement - dans les dix années qui viennent, car il ne s'agit pas de faire de l'accordéon, comme on dit ? Deuxièmement, quelle est la réalité du vivier de recrutement dans les dix années qui viennent ? Troisièmement, quelle est la réalité de la baisse - ou, dans certains cas, de la hausse - démographique des effectifs d'élèves, toujours dans les dix années qui viennent ? Lorsque nous aurons des chiffres fiables nous pourrons poser de façon raisonnable la question de l'emploi.
J'en viens maintenant à la question délicate - et sur laquelle je ne voudrais en aucun cas polémiquer, car c'est une question réellement grave - des aides-éducateurs et des MI-SE, les maîtres d'internat et surveillants d'externat.
Je voudrais dire les choses très simplement, en toute franchise et en toute clarté.
Le premier élément à prendre en compte, c'est que nous assumons, Xavier Darcos et moi-même, la politique qui est celle de l'ensemble du Gouvernement, qui est une politique de réduction du déficit budgétaire.
Comme on dit dans les sports collectifs, nous n'allons pas " jouer perso ", ce n'est pas la démarche qui est la nôtre. Nous prendrons notre part de cet effort, et je crois qu'il faut le dire clairement et nettement. Il ne s'agit pas, encore une fois, d'essayer de s'en tirer en douce, il s'agit d'accepter cet objectif de réduction du déficit budgétaire, car c'est un objectif tout à fait louable - et il l'est y compris sur le plan moral. Et j'irai jusqu'à dire qu'il y va du sens même de la politique : quand, dans un budget, 99 % des dépenses sont intangibles et que la marge de manoeuvre réelle des ministres est d'à peine 1 % - ce que vous savez parfaitement, et il serait bon que l'opinion publique le sache aussi -, quelle place y a t'il encore pour la politique ? Croyez-vous que la solution soit dans la fuite en avant, dans l'aggravation du déficit budgétaire avec toutes les conséquences que cela aura pour les générations futures ? Eh bien non, ce n'est pas ainsi que nous concevons notre politique. Vous pouvez être en désaccord avec nous sur ce point - et vous l'avez d'ailleurs montré dans les faits - mais il est évident que ce n'est pas notre politique. Nous nous associerons, par conséquent, à cet effort de rigueur budgétaire.
En ce qui concerne les aides-éducateurs, je ne veux en aucun cas travestir la vérité. Nous savons tous, et je le dis en toute sincérité, que certaines des missions remplies aujourd'hui par les aides-éducateurs sont non seulement essentielles, mais indispensables. Cela fait partie de notre cahier des charges. Je pense en particulier aux missions remplies par les AVS, les auxiliaires de vie scolaire, qui accompagnent les enfants handicapés scolarisables et leur permettent d'être scolarisés dans des conditions satisfaisantes. Je crois même qu'il faudra, comme je le disais tout à l'heure, augmenter le nombre de ces assistants d'éducation, et ce dès la rentrée 2003. Nous y travaillons, dans un cadre, évidemment interministériel, avec nos collègues Marie-Thérèse Boisseau, François Fillon et Jean-François Mattei.
Néanmoins, si les personnes ne sont pas en cause, non plus que certaines de leurs missions, il est clair que le dispositif n'est pas bon. Tout le monde le reconnaît. D'ailleurs, si vous l'aviez trouvé si bon que cela, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, vous l'auriez pérennisé avant de partir, ce que vous n'avez pas fait.
Ce dispositif n'est pas très bon pour trois raisons évidentes.
Premièrement, lorsqu'il a été mis en place, on n'a pas du tout réfléchi aux véritables besoins des établissements et c'est la raison pour laquelle ceux-ci n'en voulaient pas, souvenez-vous.
Deuxièmement, on n'a pas non plus réfléchi, alors qu'on savait qu'il était transitoire, à la sortie du dispositif : rien n'a été prévu.
Troisièmement, vous n'avez pas non plus mis en place les indemnités de chômage, que nous mettons en place aujourd'hui.
Par ailleurs, je le dis très franchement, certaines missions remplies par les aides-éducateurs sont à la limite de l'inacceptable. Il n'est pas bon, par exemple, que des aides-éducateurs remplacent des professeurs à l'école primaire dans l'enseignement des langues. C'est inacceptable ! Toutes les missions ne sont pas équivalentes.
En ce qui concerne les MI-SE, je voudrais simplement vous citer la conclusion de l'excellent rapport remis à Claude Allègre en 1999, que je n'avais pu qu'évoquer, faute de temps, dans cette enceinte il y a quelques jours.
Ecoutez-bien, cela en vaut la peine, car cette conclusion est parfaitement claire : "Il apparaît qu'en raison de l'âge des dispositions en vigueur -1937, l'université a quand même un peu changé depuis - de la distinction dépassée entre MI et SE, et de l'inadaptation croissante de la réglementation avec la vie des établissements, une refonte d'ensemble s'impose incontestablement."
Et le rapport dit pourquoi, écoutez, c'est intéressant : " La qualité du service susceptible d'être assumé par de jeunes étudiants n'est plus compatible avec les exigences posées par l'encadrement des élèves. En outre, les intéressés ne peuvent pas suivre normalement des études en premier cycle universitaire. Les conditions d'exercice de leur mission par les MI-SE, de réussite et d'insertion professionnelle des intéressés, sont actuellement insatisfaisantes. Une refonte du cadre statutaire correspondant doit être envisagée d'urgence."
Ce rapport date de 1999. Eh bien, ce qu'il propose, c'est très exactement ce que nous allons faire. Et c'est très précisément la raison pour laquelle il eût été parfaitement absurde de renouveler 5 600 départs dans l'état actuel du dispositif.
Il est évident que nous remettrons ces surveillants à la rentrée 2003, mais sur un autre dispositif, celui des assistants d'éducation, que nous ferons monter en puissance, comme on dit dans l'administration, en tant que de besoin, sans supprimer, les 40 000 autres MI-SE qui sont en place. Si ce nouveau dispositif est meilleur, et je crois qu'il le sera, il montera en puissance au fur et à mesure que l'autre diminuera. Voilà qui est de bonne logique. Et voilà ce qui était demandé à Claude Allègre en 1999 et qui n'a pas été fait depuis.
Enfin, une provision de 14 millions d'euros a déjà été prévue pour mettre en place le dispositif au premier trimestre. Nous avons évidemment d'autres crédits - ce sont simplement ici les crédits de l'éducation nationale, qui permettront la montée en puissance de ce dispositif. Et je m'engage à ce qu'il y ait à la rentrée 2003 - puisque ce dispositif, nous l'annoncerons en février- plus d'auxiliaires de vie scolaire, plus d'aides aux handicapés dans les établissement scolaires, plus de surveillance et une meilleure surveillance.
Je vais vous indiquer le cahier des charges, car il faut être concret. Nous recevons en ce moment les partenaires sociaux pour discuter avec eux du nouveau dispositif. La semaine prochaine, une table ronde nous permettra de recueillir leurs bonnes idées et de réfléchir sur les missions qui pourront être confiées aux assistants d'éducation, mais je vous donne d'ores et déjà le cahier des charges que nous tiendrons.
Premièrement, priorité absolue sera donnée, contrairement à ce qui a été dit ici ou là, de façon malveillante dans la presse, aux étudiants et aux jeunes, c'est évident. Il ne s'agit pas de remplacer les MI-SE par des grands-mères!
Deuxièmement, le recrutement devra évidemment se faire sur des critères qui répondent à davantage de proximité. Dans des académies très étendues - on peut penser, par exemple, à celle de Toulouse - lorsque l'on a besoin de surveillants dans un collège rural très éloigné de l'université, les MI-SE n'y vont plus, tout simplement. Les recteurs comme les chefs d'établissement nous le disent. Une plus grande proximité est donc nécessaire du point de vue des modalités de recrutement.
Enfin, ce recrutement devra s'opérer sur une période plus courte, sur une durée de trois ans, et il faudra, c'est là l'essentiel, mettre en place une réelle validation des acquis de l'expérience professionnelle ou en tout cas de l'expérience. C'est la clef du dispositif, et c'est cela qui manque dans le dispositif actuel. Il y manque la formation et la validation des acquis de l'expérience.
Il faut aussi regarder ce qui se fait à l'étranger. Je pense par exemple au Canada, où le service civil, en quelque sens qu'on l'entende, c'est à dire le service d'utilité publique est non seulement validé comme un crédit dans les universités, mais est obligatoire pour tous les étudiants. Voilà une bonne idée dont nous pourrions, au moins en partie, nous inspirer.
Je voudrais maintenant évoquer quelques-uns des grands chantiers prioritaires qui sont les nôtres. J'en évoquerai trois avant de laisser la parole à Xavier Darcos.
Le premier chantier dont on a déjà beaucoup parlé, c'est celui de la prévention de l'illettrisme en classe de maternelle, au CP, au CE1 évidemment, et même après. C'est dans cette perspective que nous mettons en place des horaires renforcés dans les nouveaux programmes, applicables dès cette année.
De multiples dispositifs seront mis en place, que je n'énumérerai pas ici. Je voudrais simplement dire que depuis trente ans, la valorisation excessive de la créativité, de la spontanéité des élèves s'est faite non seulement au détriment des savoirs, mais au détriment de certaines acquisitions qui passent nécessairement par le respect des traditions. Il y a deux traditions dans l'éducation, que l'on doit respecter : celle de la langue - car nous n'inventons pas nous-même la langue, nous la recevons de l'extérieur - et celle de la civilité. Lorsque, par exemple, nous terminons une lettre par une formule de politesse, nous ne l'inventons pas, nous la recevons comme un héritage. Dans l'éducation, il y a des héritages, des traditions, des patrimoines et il est évident que la langue et la civilité en font partie.
Et l'une des raisons pour lesquelles ces deux éléments essentiels de la culture sont aujourd'hui en crise, c'est qu'on a valorisé, sur le plan pédagogique, les exercices qui insistaient sur la spontanéité et la créativité, ce qui est une très bonne chose en soi, mais ce n'est pas, en matière d'apprentissage de la langue, une chose excellente. Je suis désolé, mais la créativité en matière de règles de grammaire, ça n'a jamais rien donné d'excellent.
Parmi les nombreux dispositifs que nous mettons en place pour prévenir l'illettrisme, je citerai les horaires renforcés dans les nouveaux programmes, de nouvelles procédures d'évaluation, l'expérimentation sur des classes à effectifs réduits au CP, le fait que la priorité sera donnée aux contrats éducatifs qui travailleront à la prévention de l'illettrisme. Grâce au partenariat avec les services de la jeunesse, nous mettons également en place des actions qui associent le temps passé dans l'école et celui passé hors de l'école notamment dans les centres de loisirs et de vacances, avec les ateliers de lecture. J'ajoute qu'à partir du mois de janvier, nous allons distribuer, dans toutes les écoles, un livret du CP. Il existe aujourd'hui, il faut le savoir, 150 manuels différents d'apprentissage de la lecture.
Indépendamment de cette pluralité, il nous faut repérer toutes les difficultés rencontrées, mais aussi proposer toutes les solutions mises en place dans les écoles par les professeurs eux-mêmes. Il s'agit donc, en quelque sorte, de mutualiser les bonnes pratiques.
Le deuxième chantier que je voudrais évoquer très rapidement, c'est celui de l'enseignement professionnel. Il doit être abordé très tôt et il faut le conduire très loin, jusqu'au lycée des métiers, qui est une excellente idée, et aux licences professionnelles. Il faut montrer que la voie professionnelle peut-être une voie d'excellence. C'était l'idée dont le lycée des métiers était porteuse et nous la reprenons parce que c'était une idée très juste, je n'ai aucun mal à le dire.
C'est pourquoi, nous allons mettre en place, dès le collège, des classes en alternance, en maintenant le principe du collège pour tous et de l'enseignement général, mais en diversifiant réellement les parcours, par exemple en offrant aux élèves en difficulté les possibilités de suivre un enseignement général le matin et d'aller, l'après midi, dans des ateliers créés au sein du collège ou dans des lycées professionnels - lesquels sont aujourd'hui excellents - ou encore dans une entreprise, afin de découvrir des métiers, et ce, en accord avec les élèves et leur famille.
Le troisième chantier que j'évoquerai est celui des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM). Il faut le dire sans fard, ils sont aujourd'hui dans une situation assez critiquable, même s'il ne faut rien exagérer. Je pense que les directeurs d'IUFM eux-mêmes en sont conscients. D'une certaine façon, les IUFM ont perdu la vocation "professionnalisante" qui devrait être la leur. Les futurs professeurs n'y sont pas suffisamment préparés, ni aux publics qu'ils vont rencontrer, ni à la vie des établissements et au travail en équipe, ni aux programmes qu'ils vont avoir à traiter dans les écoles ou dans les collèges. Il faut réorienter les IUFM vers l'idée que la formation professionnelle des futurs enseignants doit rester leur mission principale, quelles que soient les tâches de recherche, par ailleurs légitimes, qui peuvent les occuper. C'est aussi un chantier prioritaire.
Mesdames, messieurs les députés, pour répondre à ces priorités, notre budget n'est pas bon, il est excellent.
Nous pouvons mener à bien ces priorités sans aucune difficulté : nous nous en sommes donné les moyens, et nous agissons déjà mais ce sera très décevant non seulement pour les impatients, mais aussi pour les journalistes, parce que nous éviterons les effets d'annonce, les effets médiatiques. Nos chantiers prioritaires resteront les mêmes pendant des années, si nous restons à ce poste. Il n'y aura pas un nouveau chantier tous les quinze jours. Cela pourra donc être la source d'une certaine déception sur le plan médiatique, d'autant que nous éviterons soigneusement d'entretenir le mythe stupide de la grande réforme, qui exaspère les parents autant que les enseignants.
Voilà la logique de l'action, la logique de la vraie réforme, celle que nous entendons mener à bien
(Source http://www.education.gouv.fr, le 28 octobre 2002)