Texte intégral
Nous venons de tenir la première réunion du Conseil de coopération sur les questions de sécurité franco-russes. Cet exercice, vous le savez, a été lancé à l'initiative du président Poutine et du président Chirac, il réunira tous les semestres les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de nos deux pays.
Ce Conseil de coopération s'inscrit dans un calendrier très dense de rencontres avec la Russie, rencontre de nos deux présidents récemment à Sotchi, dialogue entre la Russie et l'Union européenne avec les progrès que vous connaissez dans la recherche d'un règlement sur la difficile question de Kaliningrad. Un conseil OTAN-Russie dans les prochains jours à Prague, un séminaire intergouvernemental ce week-end à Toulouse et une visite du président Poutine à Paris en février prochain.
Le maître mot de la relation entre la France et la Russie, le président de la République l'a dit ce matin en recevant le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense, c'est la confiance. Nous voulons travailler en confiance, développer cette confiance si indispensable pour faire face à l'accumulation de difficultés et d'incertitudes sur la scène internationale. Nous sortons d'une négociation majeure sur l'Iraq, où la France et la Russie ont étroitement travaillé ensemble dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies et tout au long des négociations, nous avons préservé, développé cette confiance. Nous nous sommes concertés sur nos positions et je veux en tirer, d'ores et déjà, deux enseignements.
Premièrement, nous devons faire face à une exigence de sécurité collective, la France et la Russie ont un rôle particulier à cet égard.
La deuxième exigence est celle d'un partenariat renforcé entre nos deux pays. Ce partenariat est nécessaire pour défendre notre vision des relations internationales fondée sur le respect du droit et la poursuite d'un objectif de stabilité. Vous savez que c'est ce qui nous a guidé tout au long de l'analyse de cette question iraquienne par le Conseil de sécurité, jusqu'à l'adoption de la résolution 1441 dans le souci d'éviter toute automaticité dans le recours à la force et en même d'adresser un message clair et ferme à Saddam Hussein.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une menace globale qui se développe dans plusieurs directions, les crises régionales qui appellent à une solution politique de long terme. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un simple abaissement des tensions, il faut régler les questions, nous refusons la logique des "deux poids, deux mesures". On le voit aujourd'hui au Proche-Orient, il y a urgence à agir et à multiplier des initiatives. La seconde direction est la prolifération des armes de destruction massive dont le développement rapide présente aujourd'hui un risque majeur. Enfin, bien sûr, il y a le terrorisme.
Nous vivons tous avec la conscience de cette réalité, la dramatique prise d'otages de Moscou nous a rappelé, il y a peu, que les groupes terroristes étaient désormais susceptibles de frapper partout, jusqu'au coeur de nos pays, dans le cadre d'actes terroristes de masse qui n'épargnent rien ni personne.
Face à ce défi, nous devons à notre tour définir une réponse globale. C'est pourquoi nous voulons aborder toutes les questions d'intérêt commun dans le cadre du Conseil de coopération franco-russe. Nous avons abordé aujourd'hui les principales questions régionales, qu'il s'agisse du Moyen-Orient, de l'Iraq, de la Corée du nord, de la situation dans la région du Caucase et nous avons pris un certain nombre de décisions opérationnelles : l'intensification de nos liens en matière d'échanges de renseignements, des initiatives communes pour renforcer les instruments multilatéraux de non-prolifération, le développement d'une analyse commune de la menace.
Nous avons également décidé de renforcer notre coopération dans les différentes instances multilatérales, qu'il s'agisse des Nations unies ou dans le cadre des relations entre l'Union européenne et la Russie ou, évidemment, dans le cadre bilatéral.
Nous avons également procédé à une analyse commune dans le cadre des questions globales comme la drogue ou les problèmes mafieux. C'est pour cela que nous avons décidé de soutenir l'idée - vous savez que c'est une initiative française - d'une conférence sur les routes de la drogue dans la perspective de la Conférence du G8, qui se tiendra à Paris en 2003.
Q - (A propos des relations bilatérales France-Russie)
R - Mme Alliot-Marie - Je pense que la Russie et la France ont, en effet, tout à fait intérêt à avoir une concertation permanente et à tous niveaux. C'est ce que nous nous sommes dit et les ministres de la Défense le font en étroite liaison avec les décisions politiques prises par les chefs d'Etat et relayées par les ministres des Affaires étrangères.
R - M. de Villepin - Vous me permettrez d'ajouter à ce que vient de dire Michèle Alliot-Marie qui correspond tout à fait à l'ambition française et à la vérité de ces dernières semaines qu'il faut souligner le caractère tout à fait exemplaire de la coordination et de la concertation qui s'est développée entre la France et la Russie dans le cadre du Conseil de sécurité. Les échanges, vous le savez ont été très nombreux entre nos deux chefs d'Etats, entre le président Poutine et le président Chirac.
Igor Ivanov et moi-même avons multiplié les échanges tout au long de ces dernières semaines pour justement arriver à cet objectif, d'une résolution qui, non seulement marque clairement et fermement la volonté du Conseil de sécurité mais aussi qui fasse clairement apparaître que la force ne peut être qu'un dernier recours et qui, de surcroît, puisse être adoptée à l'unanimité. Je crois que nos deux diplomaties se sont mobilisées, en liaison avec l'ensemble de nos partenaires du Conseil de sécurité pour atteindre cet objectif, conscients que dans les incertitudes du monde - la crise iraquienne en est un bon exemple - nous sommes d'autant plus forts, d'autant plus efficaces - car c'est bien d'efficacité qu'il s'agit - que cette communauté internationale, ce Conseil de sécurité est uni. Cette exemplarité de la coopération entre nos deux diplomaties est évidemment une incitation très profonde à multiplier, sur beaucoup d'autres sujets, cette volonté pour accroître l'efficacité, pour accroître la légitimité de l'action internationale telle que nous la voyons.
Q - Pour prolonger ce qui vient d'être dit, la France et la Russie ont donc beaucoup parlé de l'Iraq ce matin, vous nous l'avez dit, les deux pays ont-ils la même conception du travail des inspecteurs des Nations unies, les détails de leur travail ont-ils été évoqués aujourd'hui ?
R - M. de Villepin - Concernant le régime d'inspection, la résolution 1441 fixe clairement les choses, à la fois un régime rigoureux et en même temps un régime réaliste et nous faisons clairement confiance aux inspecteurs, qu'il s'agisse des inspecteurs de la CCVINU, des inspecteurs appartenant à l'Agence internationale de l'énergie atomique, pour exercer leur vigilance, leur contrôle efficacement. J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer ici-même M. Blix, je le verrai demain, en fin de matinée, avant son départ pour Chypre et Bagdad. Je crois que nous avons aujourd'hui un très sérieux atout dans la qualité de ces inspecteurs. Il y a à la fois une garantie multinationale car ils représentent un grand nombre de pays et en même temps une garantie de professionnalisme, cela a été rappelé par les ministres russes ici présents. Cet atout-là doit nous permettre d'aborder cette phase délicate, difficile qui suppose effectivement la confiance ; la résolution 1441 prévoit qu'à chaque étape, les rapports seront transmis au Conseil de sécurité qui disposera là d'une base sérieuse, crédible, professionnelle d'évaluation de la réalité du travail fait sur place.
Q - (Relative à la Tchétchénie)
R - M. de Villepin - Je l'ai dit dans mon propos introductif, ce Conseil de coopération, comme l'ensemble des relations entre la France et la Russie, s'inscrit dans une volonté de confiance et, par définition, nous parlons entre nous de tous les sujets y compris de la Tchétchénie. Vous connaissez la position française sur cette question difficile, nous rappelons bien sûr la détermination de notre diplomatie, la détermination de la France à lutter en toute circonstance contre le terrorisme. Il n'y a pas, pour nous, de bon ou de mauvais terrorisme, il y a un terrorisme qu'il faut combattre partout et en toute circonstance.
Nous rappelons aussi les principes qui nous guident et en particulier celui de défense de l'intégrité territoriale, la défense des frontières établies, c'est un élément important comme d'ailleurs, le principe fondamental de respect des Droits de l'Homme et la conviction de la France qu'il est important, en toute situation de crise de rechercher une solution, par des moyens pacifiques, par le biais politique, parce que nous sommes convaincus qu'il ne peut y avoir de solution durable par le seul usage de la force.
R - Mme Alliot-Marie - Je crois que tous les pays aujourd'hui sont confrontés au problème du terrorisme de masse. Ce terrorisme de masse est, en soi, une différence qualitative importante avec le terrorisme plus individuel que nous avions connu dans le passé. De plus, il faut bien voir qu'il y a un autre risque potentiel qui existe, c'est celui que ce terrorisme de masse s'accompagne, à plus ou moins longue échéance, de l'utilisation d'armes de type bactériologique, chimique, ou nucléaire. C'est une raison supplémentaire de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme. Cette coopération internationale doit s'appuyer sur une vision globale de la lutte contre le terrorisme. C'est-à-dire une vision militaire, policière, mais également financière contre les réseaux d'argent qui alimentent les réseaux terroristes et qui sont, en partie, issus de trafics. Une coopération qui, également, s'appuie sur la diplomatie et sur la politique. C'est effectivement cet ensemble qui représente l'action que nous devons mener en commun, une action qui, pour être efficace, là aussi, a besoin de se fonder sur la confiance, la confiance quant aux informations données, car c'est souvent l'information qui peut permettre de prévenir, et la confiance également dans l'analyse des situations.
Q - Monsieur de Villepin, vous avez annoncé que le vote de la résolution 1441 au Conseil de sécurité est une victoire de l'ONU. Allez-vous continuer de travailler dans cette voie, en recherchant l'unanimité, pour obliger Israël à respecter les résolutions des Nations Unies ?
L'Iraq, en montrant sa bonne volonté, espère que vous lèverez les sanctions qui pèsent sur le peuple iraquien. Quelle est votre position ?
R - Dans les deux cas, évidemment, l'unanimité internationale constitue bien sûr l'objectif, face aux menaces d'aujourd'hui, face à l'ampleur de ces menaces globales. Ce n'est pas seulement pour le plaisir d'être ensemble, mais surtout parce que c'est la meilleure façon d'être efficace. Que l'on parle de la crise iraquienne, que l'on parle du conflit israélo-arabe que vous évoquiez, il est important de sortir de ce cycle d'incompréhension, de violence, qui frappe aujourd'hui toute la région. Qu'il s'agisse de répondre au sentiment d'insécurité que ressentent les Israéliens, le peuple israélien, qu'il s'agisse de répondre au sentiment d'injustice que ressent le peuple palestinien.
Il y a un objectif que vous connaissez, aujourd'hui, sur la scène internationale : je crois pouvoir dire qu'une quasi-unanimité est d'accord avec cet objectif de la création d'un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967.
C'est bien dans cet esprit qu'il faut travailler, avec le sentiment de l'urgence car ce sentiment d'injustice nourrit des frustrations, des humiliations, pousse un certain nombre d'individus au désespoir et il y a là un risque supplémentaire pour la communauté internationale. Il y a une urgence que nos diplomaties doivent prendre en compte et c'est bien évidemment le rôle et l'objectif que poursuit la France, dans le cadre de l'Union européenne, avec ses principaux partenaires du Conseil de sécurité. C'est là l'objectif qui nous mobilise.
Q - (A propos des échanges d'informations entre la France et la Russie)
R - M. de Villepin - Nous n'avons pas évoqué au début de cette conférence de presse cet aspect-là des choses, d'abord parce que les relations entre la France et la Russie sont excellentes et quand je dis excellentes, je veux dire qu'elles sont aussi vivantes. Toutes les relations vivantes, y compris les relations les plus amicales, connaissent parfois des éléments de difficultés. Nous avons effectivement un certain nombre de points de désaccord bilatéraux, des points de discussions bilatéraux, mais ces points sont faits pour être réglés. Et c'est dans cet esprit-là que nous les traitons.
Nous progressons face aux petits problèmes qui se posent à nous dans ces relations bilatérales et qui ne sont rien par rapport à l'immensité et à la qualité des relations entre la France et la Russie.
R - Mme Alliot-Marie - Comme l'a dit le ministre de la Défense, les relations militaires entre la France et la Russie sont excellentes depuis de longues années et ce que nous envisageons surtout, c'est de les renforcer, à la fois dans des échanges d'informations, et également dans des coopérations qui peuvent toucher différents domaines comme ceux de la formation ou de l'armement. Il est évident que ces relations bilatérales sont également un point de départ qui peut s'appliquer aux relations de la Russie et de l'Union européenne pour la sécurité et la défense dont nous avons parlé et également au cadre de l'OTAN. Je dirais que c'est presque un système de "poupées russes".
Q - (A propos des capacités militaires)
R - Mme Alliot-Marie - Je crois l'avoir évoqué, peut-être rapidement tout à l'heure, en disant qu'effectivement nous avons envisagé tous les angles de la coopération, y compris l'angle technique, sous la forme d'un certain nombre d'échanges et également l'angle des équipements. Il est vrai qu'aujourd'hui, y compris dans le cadre de l'OTAN et dans l'Union européenne, il y a un certain nombre d'études sur les capacités et sur les déficits capacitaires. Un exemple en matière aéronautique : en attendant la livraison du programme A400M, un certain nombre de nos pays risquent d'avoir une rupture capacitaire pour laquelle nous souhaiterions avoir recours à des Antonov et notamment à la location de tels appareils.
De la même façon, nous avons souhaité envisager que puissent être étudiés et lancés des recherches ensemble sur d'autres types de programmes, par exemple, des programmes d'hélicoptères lourds ou des programmes de futurs avions de chasse puisque nous arrivons à la fin d'une génération d'avions et qu'il faudra, d'ores et déjà, envisager les générations futures. Il y a d'autres types des programmes sur lesquels nous pouvons envisager des coopérations, que cela concernent les drônes ou d'autres matériels.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 novembre 2002)
Ce Conseil de coopération s'inscrit dans un calendrier très dense de rencontres avec la Russie, rencontre de nos deux présidents récemment à Sotchi, dialogue entre la Russie et l'Union européenne avec les progrès que vous connaissez dans la recherche d'un règlement sur la difficile question de Kaliningrad. Un conseil OTAN-Russie dans les prochains jours à Prague, un séminaire intergouvernemental ce week-end à Toulouse et une visite du président Poutine à Paris en février prochain.
Le maître mot de la relation entre la France et la Russie, le président de la République l'a dit ce matin en recevant le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense, c'est la confiance. Nous voulons travailler en confiance, développer cette confiance si indispensable pour faire face à l'accumulation de difficultés et d'incertitudes sur la scène internationale. Nous sortons d'une négociation majeure sur l'Iraq, où la France et la Russie ont étroitement travaillé ensemble dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies et tout au long des négociations, nous avons préservé, développé cette confiance. Nous nous sommes concertés sur nos positions et je veux en tirer, d'ores et déjà, deux enseignements.
Premièrement, nous devons faire face à une exigence de sécurité collective, la France et la Russie ont un rôle particulier à cet égard.
La deuxième exigence est celle d'un partenariat renforcé entre nos deux pays. Ce partenariat est nécessaire pour défendre notre vision des relations internationales fondée sur le respect du droit et la poursuite d'un objectif de stabilité. Vous savez que c'est ce qui nous a guidé tout au long de l'analyse de cette question iraquienne par le Conseil de sécurité, jusqu'à l'adoption de la résolution 1441 dans le souci d'éviter toute automaticité dans le recours à la force et en même d'adresser un message clair et ferme à Saddam Hussein.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une menace globale qui se développe dans plusieurs directions, les crises régionales qui appellent à une solution politique de long terme. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un simple abaissement des tensions, il faut régler les questions, nous refusons la logique des "deux poids, deux mesures". On le voit aujourd'hui au Proche-Orient, il y a urgence à agir et à multiplier des initiatives. La seconde direction est la prolifération des armes de destruction massive dont le développement rapide présente aujourd'hui un risque majeur. Enfin, bien sûr, il y a le terrorisme.
Nous vivons tous avec la conscience de cette réalité, la dramatique prise d'otages de Moscou nous a rappelé, il y a peu, que les groupes terroristes étaient désormais susceptibles de frapper partout, jusqu'au coeur de nos pays, dans le cadre d'actes terroristes de masse qui n'épargnent rien ni personne.
Face à ce défi, nous devons à notre tour définir une réponse globale. C'est pourquoi nous voulons aborder toutes les questions d'intérêt commun dans le cadre du Conseil de coopération franco-russe. Nous avons abordé aujourd'hui les principales questions régionales, qu'il s'agisse du Moyen-Orient, de l'Iraq, de la Corée du nord, de la situation dans la région du Caucase et nous avons pris un certain nombre de décisions opérationnelles : l'intensification de nos liens en matière d'échanges de renseignements, des initiatives communes pour renforcer les instruments multilatéraux de non-prolifération, le développement d'une analyse commune de la menace.
Nous avons également décidé de renforcer notre coopération dans les différentes instances multilatérales, qu'il s'agisse des Nations unies ou dans le cadre des relations entre l'Union européenne et la Russie ou, évidemment, dans le cadre bilatéral.
Nous avons également procédé à une analyse commune dans le cadre des questions globales comme la drogue ou les problèmes mafieux. C'est pour cela que nous avons décidé de soutenir l'idée - vous savez que c'est une initiative française - d'une conférence sur les routes de la drogue dans la perspective de la Conférence du G8, qui se tiendra à Paris en 2003.
Q - (A propos des relations bilatérales France-Russie)
R - Mme Alliot-Marie - Je pense que la Russie et la France ont, en effet, tout à fait intérêt à avoir une concertation permanente et à tous niveaux. C'est ce que nous nous sommes dit et les ministres de la Défense le font en étroite liaison avec les décisions politiques prises par les chefs d'Etat et relayées par les ministres des Affaires étrangères.
R - M. de Villepin - Vous me permettrez d'ajouter à ce que vient de dire Michèle Alliot-Marie qui correspond tout à fait à l'ambition française et à la vérité de ces dernières semaines qu'il faut souligner le caractère tout à fait exemplaire de la coordination et de la concertation qui s'est développée entre la France et la Russie dans le cadre du Conseil de sécurité. Les échanges, vous le savez ont été très nombreux entre nos deux chefs d'Etats, entre le président Poutine et le président Chirac.
Igor Ivanov et moi-même avons multiplié les échanges tout au long de ces dernières semaines pour justement arriver à cet objectif, d'une résolution qui, non seulement marque clairement et fermement la volonté du Conseil de sécurité mais aussi qui fasse clairement apparaître que la force ne peut être qu'un dernier recours et qui, de surcroît, puisse être adoptée à l'unanimité. Je crois que nos deux diplomaties se sont mobilisées, en liaison avec l'ensemble de nos partenaires du Conseil de sécurité pour atteindre cet objectif, conscients que dans les incertitudes du monde - la crise iraquienne en est un bon exemple - nous sommes d'autant plus forts, d'autant plus efficaces - car c'est bien d'efficacité qu'il s'agit - que cette communauté internationale, ce Conseil de sécurité est uni. Cette exemplarité de la coopération entre nos deux diplomaties est évidemment une incitation très profonde à multiplier, sur beaucoup d'autres sujets, cette volonté pour accroître l'efficacité, pour accroître la légitimité de l'action internationale telle que nous la voyons.
Q - Pour prolonger ce qui vient d'être dit, la France et la Russie ont donc beaucoup parlé de l'Iraq ce matin, vous nous l'avez dit, les deux pays ont-ils la même conception du travail des inspecteurs des Nations unies, les détails de leur travail ont-ils été évoqués aujourd'hui ?
R - M. de Villepin - Concernant le régime d'inspection, la résolution 1441 fixe clairement les choses, à la fois un régime rigoureux et en même temps un régime réaliste et nous faisons clairement confiance aux inspecteurs, qu'il s'agisse des inspecteurs de la CCVINU, des inspecteurs appartenant à l'Agence internationale de l'énergie atomique, pour exercer leur vigilance, leur contrôle efficacement. J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer ici-même M. Blix, je le verrai demain, en fin de matinée, avant son départ pour Chypre et Bagdad. Je crois que nous avons aujourd'hui un très sérieux atout dans la qualité de ces inspecteurs. Il y a à la fois une garantie multinationale car ils représentent un grand nombre de pays et en même temps une garantie de professionnalisme, cela a été rappelé par les ministres russes ici présents. Cet atout-là doit nous permettre d'aborder cette phase délicate, difficile qui suppose effectivement la confiance ; la résolution 1441 prévoit qu'à chaque étape, les rapports seront transmis au Conseil de sécurité qui disposera là d'une base sérieuse, crédible, professionnelle d'évaluation de la réalité du travail fait sur place.
Q - (Relative à la Tchétchénie)
R - M. de Villepin - Je l'ai dit dans mon propos introductif, ce Conseil de coopération, comme l'ensemble des relations entre la France et la Russie, s'inscrit dans une volonté de confiance et, par définition, nous parlons entre nous de tous les sujets y compris de la Tchétchénie. Vous connaissez la position française sur cette question difficile, nous rappelons bien sûr la détermination de notre diplomatie, la détermination de la France à lutter en toute circonstance contre le terrorisme. Il n'y a pas, pour nous, de bon ou de mauvais terrorisme, il y a un terrorisme qu'il faut combattre partout et en toute circonstance.
Nous rappelons aussi les principes qui nous guident et en particulier celui de défense de l'intégrité territoriale, la défense des frontières établies, c'est un élément important comme d'ailleurs, le principe fondamental de respect des Droits de l'Homme et la conviction de la France qu'il est important, en toute situation de crise de rechercher une solution, par des moyens pacifiques, par le biais politique, parce que nous sommes convaincus qu'il ne peut y avoir de solution durable par le seul usage de la force.
R - Mme Alliot-Marie - Je crois que tous les pays aujourd'hui sont confrontés au problème du terrorisme de masse. Ce terrorisme de masse est, en soi, une différence qualitative importante avec le terrorisme plus individuel que nous avions connu dans le passé. De plus, il faut bien voir qu'il y a un autre risque potentiel qui existe, c'est celui que ce terrorisme de masse s'accompagne, à plus ou moins longue échéance, de l'utilisation d'armes de type bactériologique, chimique, ou nucléaire. C'est une raison supplémentaire de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme. Cette coopération internationale doit s'appuyer sur une vision globale de la lutte contre le terrorisme. C'est-à-dire une vision militaire, policière, mais également financière contre les réseaux d'argent qui alimentent les réseaux terroristes et qui sont, en partie, issus de trafics. Une coopération qui, également, s'appuie sur la diplomatie et sur la politique. C'est effectivement cet ensemble qui représente l'action que nous devons mener en commun, une action qui, pour être efficace, là aussi, a besoin de se fonder sur la confiance, la confiance quant aux informations données, car c'est souvent l'information qui peut permettre de prévenir, et la confiance également dans l'analyse des situations.
Q - Monsieur de Villepin, vous avez annoncé que le vote de la résolution 1441 au Conseil de sécurité est une victoire de l'ONU. Allez-vous continuer de travailler dans cette voie, en recherchant l'unanimité, pour obliger Israël à respecter les résolutions des Nations Unies ?
L'Iraq, en montrant sa bonne volonté, espère que vous lèverez les sanctions qui pèsent sur le peuple iraquien. Quelle est votre position ?
R - Dans les deux cas, évidemment, l'unanimité internationale constitue bien sûr l'objectif, face aux menaces d'aujourd'hui, face à l'ampleur de ces menaces globales. Ce n'est pas seulement pour le plaisir d'être ensemble, mais surtout parce que c'est la meilleure façon d'être efficace. Que l'on parle de la crise iraquienne, que l'on parle du conflit israélo-arabe que vous évoquiez, il est important de sortir de ce cycle d'incompréhension, de violence, qui frappe aujourd'hui toute la région. Qu'il s'agisse de répondre au sentiment d'insécurité que ressentent les Israéliens, le peuple israélien, qu'il s'agisse de répondre au sentiment d'injustice que ressent le peuple palestinien.
Il y a un objectif que vous connaissez, aujourd'hui, sur la scène internationale : je crois pouvoir dire qu'une quasi-unanimité est d'accord avec cet objectif de la création d'un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967.
C'est bien dans cet esprit qu'il faut travailler, avec le sentiment de l'urgence car ce sentiment d'injustice nourrit des frustrations, des humiliations, pousse un certain nombre d'individus au désespoir et il y a là un risque supplémentaire pour la communauté internationale. Il y a une urgence que nos diplomaties doivent prendre en compte et c'est bien évidemment le rôle et l'objectif que poursuit la France, dans le cadre de l'Union européenne, avec ses principaux partenaires du Conseil de sécurité. C'est là l'objectif qui nous mobilise.
Q - (A propos des échanges d'informations entre la France et la Russie)
R - M. de Villepin - Nous n'avons pas évoqué au début de cette conférence de presse cet aspect-là des choses, d'abord parce que les relations entre la France et la Russie sont excellentes et quand je dis excellentes, je veux dire qu'elles sont aussi vivantes. Toutes les relations vivantes, y compris les relations les plus amicales, connaissent parfois des éléments de difficultés. Nous avons effectivement un certain nombre de points de désaccord bilatéraux, des points de discussions bilatéraux, mais ces points sont faits pour être réglés. Et c'est dans cet esprit-là que nous les traitons.
Nous progressons face aux petits problèmes qui se posent à nous dans ces relations bilatérales et qui ne sont rien par rapport à l'immensité et à la qualité des relations entre la France et la Russie.
R - Mme Alliot-Marie - Comme l'a dit le ministre de la Défense, les relations militaires entre la France et la Russie sont excellentes depuis de longues années et ce que nous envisageons surtout, c'est de les renforcer, à la fois dans des échanges d'informations, et également dans des coopérations qui peuvent toucher différents domaines comme ceux de la formation ou de l'armement. Il est évident que ces relations bilatérales sont également un point de départ qui peut s'appliquer aux relations de la Russie et de l'Union européenne pour la sécurité et la défense dont nous avons parlé et également au cadre de l'OTAN. Je dirais que c'est presque un système de "poupées russes".
Q - (A propos des capacités militaires)
R - Mme Alliot-Marie - Je crois l'avoir évoqué, peut-être rapidement tout à l'heure, en disant qu'effectivement nous avons envisagé tous les angles de la coopération, y compris l'angle technique, sous la forme d'un certain nombre d'échanges et également l'angle des équipements. Il est vrai qu'aujourd'hui, y compris dans le cadre de l'OTAN et dans l'Union européenne, il y a un certain nombre d'études sur les capacités et sur les déficits capacitaires. Un exemple en matière aéronautique : en attendant la livraison du programme A400M, un certain nombre de nos pays risquent d'avoir une rupture capacitaire pour laquelle nous souhaiterions avoir recours à des Antonov et notamment à la location de tels appareils.
De la même façon, nous avons souhaité envisager que puissent être étudiés et lancés des recherches ensemble sur d'autres types de programmes, par exemple, des programmes d'hélicoptères lourds ou des programmes de futurs avions de chasse puisque nous arrivons à la fin d'une génération d'avions et qu'il faudra, d'ores et déjà, envisager les générations futures. Il y a d'autres types des programmes sur lesquels nous pouvons envisager des coopérations, que cela concernent les drônes ou d'autres matériels.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 novembre 2002)