Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur le rôle de la presse pour l'information des Français, sur le bilan de son action en 2002 et son programme d'activité pour 2003, Paris le 17 janvier 2003.

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Circonstance : Voeux de M. Sarkozy à la presse, à Paris le 17 janvier 2003

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous rencontrer aujourd'hui. Sans vous, le Gouvernement courrait le risque d'être sourd et les Français seraient moins informés.
Sans vous, la démocratie serait un jeu de dupes où chacun s'essaierait à l'instrumentalisation de l'opinion publique. La presse est consubstantielle de la démocratie. Vos articles ne nous réjouissent pas tous les jours mais au quotidien, ils font vivre notre démocratie. Vous défendez cette conviction, et c'est votre honneur. Certains l'ont défendue jusqu'au sacrifice.
Et, avant de poursuivre, je souhaite rendre hommage à ceux qui nous ont quitté. Je pense à Gilles BRESSON. J'y pense souvent. Comme vous, je l'aimais beaucoup. Il nous manque. Je pense à Paul GUILBERT que je connaissais moins pour une raison de génération mais qui incarnait une des grandes figures de la presse écrite. Il aimait la vie. C'était un homme éminemment respectable. Je pense aussi à Patrick BOURRAT que je ne connaissais pas personnellement mais qui incarnait la passion au service du journalisme.
Cette évocation n'est pas un exercice de style. Elle est l'expression d'une émotion tout à la fois sincère et respectueuse pour votre métier et ceux qui l'exercent.
Je voudrais d'abord vous livrer quelques réflexions sur l'esprit de ma démarche au ministère de l'intérieur
1° - Faire d'abord une remarque sur le temps. C'est imprudent pour un Ministre de l'Intérieur. Et en même temps, c'est un acte de lucidité. J'ai la conviction que le temps est toujours compté. On en a toujours moins qu'on l'imagine. Raison de plus pour l'utiliser à bon escient, et, surtout ne pas le gâcher. On reste toujours moins longtemps ministre qu'on ne l'imagine. On doit donc se mettre au travail la première minute, de la première heure, du premier jour de la nouvelle année.
2° - L'action. Elle est la seule réponse utile et crédible aux leçons de la dernière élection présidentielle. Comment répondre, corriger ou diminuer l'abstention, le vote extrême, la défiance à l'endroit de la parole publique. Agir, avancer, réaliser, tenter, essayer. Voilà ma stratégie. Ce fût celle de 2002 cela sera celle de 2003. Le devoir d'action est incontournable pour les Républicains de tous bords. La popularité dont il est prudent de considérer qu'elle est momentanée doit être considérée comme une incitation à agir encore plus !
3° - Je crois à la capacité de nos compatriotes à comprendre, à accepter, et, même à revendiquer le changement. Nos compatriotes savent que ces dernières années la France a accumulé beaucoup de retard, d'immobilisme, d'archaïsme. L'immobilisme n'est pas une stratégie. C'est une faute. Une faute qui coûte cher, de plus en plus cher car il rend complexe l'action indispensable de réforme.
4° - Nous devons savoir faire preuve d'imagination. Inventer de nouveaux chemins constitue une marge de manuvre pour celui qui a la responsabilité de gouverner. Nous ne devons pas nous inscrire dans des schémas idéologiques pré-contraints, mais au contraire faire preuve de pragmatisme, ne pas hésiter à étudier des expériences étrangères, à faire preuve d'ouverture chaque fois que c'est nécessaire.
Ce petit énoncé vous montre que j'inscris mon action dans les orientations fixées par le Président de la République, et, mises en uvre par le Premier ministre.
- Puis-je me permettre un trait d'humour. On ne perds pas les élections à cause de la Presse. On ne les gagne pas non plus ! Pardon de vous contester ce pouvoir ou de vous éxonérer de cette responsabilité Je connais la règle, ce qui me permettra de rassurer tous ceux qui me trouvent trop disert à mon propos. Après les bons articles viennent toujours les moins bons ! Ce n'est pas un appel, tout juste le produit de l'expérience
- Un mot sur les priorités de 2003.
- Des résultats à la baisse, durables et incontestables sur les chiffres de la sécurité. Rien n'est acquis en la matière. Beaucoup reste à démontrer. J'en suis conscient. Rien ne m'est plus étranger qu'un "triomphalisme" qui serait parfaitement déplacé.
- Poser les bases d'une ambitieuse politique de prévention de l'insécurité et de la violence. Pour cela, il faut lui donner des objectifs précis afin de ne pas confondre politique sociale et politique de prévention, il faut l'évaluer. Beaucoup a été fait, il convient de voir ce qui est efficace et ce qui l'est moins. Et enfin, il faut se doter d'un calendrier d'actions.
- Parler de l'intégration de façon concrète. C'est l'action déterminée que je souhaite continuer à mener en faveur d'un Islam de France. Je voudrais en profiter pour faire trois mises au point :
- les tentatives de mes prédécesseurs ont aidé au succès provisoires des accords de Nainville.
- la laïcité c'est la garantie de l'exercice de toutes les religions, pas leur négation. Qui peut s'étonner que le ministre des cultes s'investisse pour garantir l'expression de la deuxième religion de France.
- Je ne suis qu'un facilitateur entre les différentes sensibilités de l'Islam de France afin que nul ne soit laissé de côté. Nous ne voulons pas créer une instance politique où une majorité s'oppose à une minorité, mais une structure cultuelle dans laquelle le rassemblement de tous est essentiel.
- L'immigration qui doit pouvoir faire l'objet d'un débat serein et juste. Je reste convaincu que c'est la seule façon d'éviter la montée de la xénophobie, du racisme, et, de l'intolérance.
Je confirme que la double peine sera réformée d'ici au printemps.
- La réforme de l'Etat. Chacun pour sa part et dans son ministère doit la mettre en uvre. Nous l'avons commencée avec le rapprochement police-gendarmerie. Nous l'avons poursuivie avec le redéploiement qui sera terminé à la fin février, ce qui n'est pas rien.
Nous continuerons en nous dotant d'un instrument statistique incontestable pour introduire "l'évaluation" comme un réflexe culturel dans notre administration.
Je souhaite aller plus loin en réussissant à introduire "la notion de mérite, et, de récompense" dans notre administration. Je veux affirmer que la performance n'est pas l'apanage du seul secteur privé. Elle est aussi celle du secteur public. Alors tirons-en les conséquences.
Je souhaite enfin conduire la réforme de l'Etat territorial en donnant plus de responsabilités aux préfets de régions, en mettant en place dans toutes les préfectures la globalisation des crédits, et, en demandant aux directeurs d'administration centrale et aux préfets de communiquer chaque fois que nécessaire. Pour être plus humain, l'Etat doit avoir un visage et une parole.
- La décentralisation. Instrument de la Réforme en France. Je défendrai avec Patrick DEVEDJIAN trois lois organiques avant l'été sur l'expérimentation, sur le référendum, sur les finances. Il s'agit d'une réforme majeure pour l'organisation de notre pays.
- La Réforme des deux modes de scrutin Régional et Européen où je ne ferai guère preuve d'originalité en reprenant très largement voire complètement les projets de nos prédécesseurs socialistes.
Ce qui montre à soi seul notre souci de l'équilibre et de l'ouverture !
Je concentrerai mes efforts en 2003, comme en 2002, sur la Corse. Je me rendrai pour la quatrième fois en Corse demain, avec toujours trois objectifs :
En premier lieu, restaurer la confiance de l'Etat et l'ensemble des composantes de la Corse. Il n'est pas question de séparer la Corse de la France, ni de lui imposer l'uniformisation mais de trouver un compromis historique.
En second lieu, nous devons faire taire la criminalité et la violence pour que ce compromis soit durable. Il ne peut y avoir de négociation, ni de développement, lorsque des hommes cagoulés entendent imposer par la force des principes mafieux. La Corse doit retrouver la tranquillité à laquelle ses habitants, comme tous les Français, ont droit.
Enfin, nous aiderons à valoriser son potentiel économique. Et, vous savez que la Commission européenne a, d'ores et déjà, consenti des avantages particuliers qui tiennent compte de la spécificité Corse.
Sachez que je n'ai aucune illusion sur l'étroitesse des chances de succès. Pour autant, quelles que soient les difficultés, les risques mêmes, je suis convaincu qu'il est de mon devoir absolu d'essayer.
L'année 2002 fut active. L'année 2003 sera intense. Ce sont en quelque sorte des vux de continuité que je forme.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 21 janvier 2003)