Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur la politique de la recherche en faveur des nanotechnologies, au Sénat le 23 janvier 2003.

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Circonstance : Colloque sur les nanotechnologies organisé sous l'égide de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST), au Sénat le 23 janvier 2003

Texte intégral

Monsieur le Sénateur,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
L'initiative qui nous réunit aujourd'hui est de celles qui traduisent une vision.
Le simple titre de ce colloque sonne comme un défi, puisqu'il fait de la microélectronique et des nanotechnologies "une chance à saisir".
C'est pourquoi je suis particulièrement heureuse d'adresser mes remerciements au sénateur Saunier, rapporteur de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, qui a conçu et organisé cet événement.
C'est en effet ma conviction, les micro et nanotechnologies sont une chance à saisir, et je tenais à venir vous en faire part ce matin en ouvrant votre colloque.
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Depuis 50 ans, les microtechnologies ont joué un rôle capital dans le développement des Technologies de l'Information et de la Communication.
Aujourd'hui une nouvelle ère s'ouvre avec le franchissement des 100 nanomètres qui symbolise l'entrée de l'industrie du semi-conducteur dans le domaine des nanotechnologies. Ce sera, à n'en pas douter, la source d'applications nouvelles dans les secteurs de la santé, du spatial, des matériaux, bien sûr, mais aussi de l'énergie, des transports ou encore de l'environnement.
On peut attendre une véritable révolution de l'introduction des nano-objets dont on n'imagine pas encore tout l'impact technique, économique et sociétal.
Il s'agit d'un véritable saut technologique, un saut quantique pourrait-on dire : les propriétés quantiques de la matière, connues depuis le début du siècle dernier, deviennent à présent objets de recherche appliquée et technologies naissantes.
Les Etats-Unis et le Japon ont déjà pris pleinement conscience de cet enjeu.
Les Etats-Unis financent depuis 1999 la National Nanotechnology Initiative avec 700 millions de dollars en 2003.
De son côté, L'Europe affiche les nanotechnologies comme une priorité dans le cadre du 6ème PCRD. Elle consacre ainsi à partir de 2003 un budget de 1,3 Milliards d'Euros au thème "Nanotechnologies et moyens de production nouveaux concernant les matériaux perfectionnés", tout en finançant le domaine de la micro et de la nanoélectronique au sein du thème "Technologies pour la Société de l'Information", doté pour sa part d'un budget de 3,6 Milliards d'Euros.
La France, quant à elle, est déjà très présente dans le domaine de la micro-électronique, aussi bien dans la recherche à travers le CEA-LETI, que dans l'industrie via ST Microelectronics ou les industriels de la carte à puce, sans oublier un certain nombre de PMI de haute technologie du secteur, par exemple Soitec à Grenoble.
La France se devait de renforcer ce pôle d'excellence, en s'appuyant sur ses points forts pour mettre en oeuvre un plan ambitieux qui lui permette d'occuper toute sa place en Europe et dans le monde.
En 2003, nous lançons un nouveau programme national "Nanosciences", avec un financement beaucoup plus significatif, de l'ordre de 12 Meuros, associant les mêmes partenaires auxquels doivent s'ajouter l'INSERM et la Délégation Générale à l'Armement.
Les thèmes retenus dans l'appel à projets de recherche amont concernent les objets individuels et composants élémentaires, l'information quantique, l'organisation et l'assemblage de nano-objets ainsi que les architectures de circuits, les nano-matériaux et les nano-bio-sciences. Outre l'aide apportée aux actions structurantes en nanosciences et à la formation, une part du financement servira à la constitution de réseaux d'excellence ou à la préparation de projets intégrés européens.
Rappelons par ailleurs, dans le cadre du partenariat entre la recherche publique et l'industrie, la création dès 1999 par les Ministères en charge de la recherche et de l'industrie du "Réseau Micro et Nano Technologies" qui soutient des projets coopératifs entre industriels et laboratoires de recherche publics. L'ensemble des activités du réseau, effort de R D et animation du secteur, associe étroitement chercheurs et industriels, qui participent au Comité de Coordination avec les représentants des ministères, de l'ANVAR et de la DGA. Depuis son lancement, 51 projets ont été labellisés, sur 120 déposés par 300 partenaires différents, dont de nombreuses PME. Cela représente un soutien total de 42 M financé sur 4 ans par les Ministères en charge de la Recherche et de l'Industrie et l'ANVAR. La moitié de ces projets environ concerne les nano-structures, les nano-matériaux et la nano-électronique. L'année 2002 a été consacrée à l'élaboration d'un livre blanc destiné à préciser la délimitation du domaine industriel, scientifique et technique, afin de définir le positionnement du RMNT, ses objectifs et sa stratégie pour les atteindre.
Comme l'Office le sait grâce à l'étude approfondie qu'il a réalisée, une mission de scientifiques américains a analysé en toute transparence début 2002 le potentiel des laboratoires européens dans les nanotechnologies et en a conclu que l'écart entre l'Europe et les USA se creusait au profit de ces derniers. Je tiens à souligner que c'est un élément que vous avez parfaitement intégré.
Dès mon arrivée au Ministère, j'ai donc demandé que l'effort soit porté sur la constitution de plates-formes technologiques au meilleur niveau pour concevoir les procédés technologiques élémentaires du futur et mettre au point les filières d'assemblage, autour d'un réseau de quatre grandes centrales technologiques compétitives au niveau mondial.
J'avais eu l'occasion d'annoncer la mise en place de ce réseau compétitif lors de l'inauguration du Salon International de l'Innovation et de la Prospective en octobre dernier.
Je suis très heureuse de pouvoir aujourd'hui revenir plus en détail sur la constitution de ce réseau ambitieux.
Il est organisé autour d'un nombre très limité de sites qui bénéficient de fortes capacités de recherche associant le CEA, le CNRS et les Universités. Ceci afin de concentrer les efforts et de faire bénéficier ces sites d'un équipement adéquat, tout en assurant des moyens convenables en fonctionnement et en personnel.
Les sites de Grenoble (CEA-LETI et la fédération d'unités mixtes de recherche, associant le CNRS, l'Institut National Polytechnique de Grenoble et l'Université Joseph Fourier), de Lille (IEMN), de Toulouse (LAAS) et de Paris-Sud (IEF et LPN) ont été choisis. L'ensemble de ces sites représente un effectif proche d'un millier de personnes, chercheurs, ingénieurs, techniciens et administratifs, qui, au delà des équipements lourds nécessaires à assurer la présence de la France sur la scène internationale, possèdent la compétence et l'expertise sans lesquelles aucune avancée scientifique et technologique ne serait possible.
L'effort nécessaire que nous porterons peut être estimé à 100 Meuros sur 3 ans, ce qui donne une lisibilité dans le temps, point qui figure en tête de vos recommandations.. Le Ministère délégué à la Recherche et aux Nouvelles Technologies a programmé un financement de 30 Meuros pour 2003 sur le Fonds de la Recherche Technologique (FRT), géré par la Direction de la Technologie.
L'objectif est d'accroître les moyens des laboratoires français les mieux armés dans ces domaines et de les encourager à travailler en réseau pour renforcer le positionnement de la France dans l'Espace Européen de la Recherche.
Ces grandes centrales sont ainsi appelées à devenir un point d'attractivité du territoire national en matière de micro et nanotechnologies, au service de l'avancée des technologies, de l'économie nationale et de la formation.
A côté du réseau de grandes Centrales Technologiques, huit centrales dites spécifiques, dotées d'équipements plus classiques ou d'outils particuliers, viennent compléter le dispositif. Localisées pour certaines sur deux sites, elles sont situées à Grenoble, Lyon, Marseille, Montpellier, Limoges-Bordeaux, Rennes, Nancy-Strasbourg et Besançon.
Elles bénéficieront, en plus des dotations en équipements, de moyens de fonctionnement et de personnels pour assurer leur activité propre et l'accueil de projets extérieurs. Ces centrales permettront également d'assurer une mission essentielle de formation en nanotechnologies, en liaison avec le Centre National de Formation en Microélectronique.
Si l'on récapitule ces diverses actions et les budgets consacrés sur 2003, on arrive à 50 millions d'euros pour notre Ministère aux diverses étapes de la chaîne des nanotechnologies, sans compter les fonds d'autres Ministères et les fonds des organismes :
Le programme national "Nanosciences" de la Direction de la Recherche, avec 12 millions d'euros.
Le réseau des quatre grandes centrales technologiques de la Direction de la Technologie, avec 30 millions d'euros, avec la diffusion vers les huit centrales spécifiques.
L'irrigation vers les PMI, avec le programme "Réseau Micro- Nano-Technologies", doté de 8 millions d'euros.
Sans oublier les budgets consacrés par le Ministère délégué à l'Industrie sur des programmes plus applicatifs comme Jessi et Medea.
Ce large dispositif doit donner à la France les moyens nécessaires pour faire face aux formidables enjeux qui s'offrent à elle, dans un contexte de grande concurrence mondiale. Pour faciliter l'accès à ce dispositif, un portail NanoMicro.Net sera prochainement mis en place sur le site du Ministère.
Mesdames et messieurs les Sénateurs,
Mesdames, Messieurs,
Voilà décrit à grand traits le dispositif complet des actions que nous mettons en place. Il me paraît donner suite à vos recommandations et à votre analyse, dont je souhaite souligner qu'elle a toujours été d'une parfaite acuité.
Je vous remercie de votre attention.
Sigles
LETI : Laboratoire d'Electronique et de Technologie de l'Information
IEMN : Institut d'Electronique, de Microélectronique et de Nanotechnologie
IEF : Institut d'Electronique Fondamentale
LPN : Institut de Photonique et de Nanotechnologie
LAAS : Laboratoire d'Analyse et d'Architecture des Systèmes
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 28 janvier 2003)