Lettre de M. René Monory, ministre de l'éducation nationale, parue dans "Cahiers de l'éducation nationale" d'octobre 1986, sur le rôle des instituteurs et les mesures gouvernementales à leur égard.

Prononcé le 1er octobre 1986

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Média : Cahiers de l'Education nationale

Texte intégral

Début septembre, le ministre a adressé personnellement à toutes les institutrices et à tous les instituteurs une lettre dont nous publions ici le texte :
" Les jeunes qui sont vos élèves aujourd'hui poursuivront encore leurs études, pour le plus grand nombre d'entre eux je l'espère, en l'an 2000. Ce que feront, ce que seront ces citoyens de la France du troisième millénaire, dépend en grande partie de vous.
Mes responsabilités d'élu local m'ont permis de bien connaître votre métier et de mesurer l'ampleur de votre dévouement. Je connais aussi les questions que vous vous posez et je voudrais tenter d'y répondre, tant il me semble évident que votre mission d'instituteur conditionne l'avenir de notre pays.
Dès à présent, nous percevons l'importance et la rapidité des transformations économiques, culturelles et sociales auxquelles la jeunesse française sera confrontée. Nous pouvons ainsi estimer les grandes capacités d'adaptation dont elle devra faire preuve.
II appartient à chacun d'entre vous d'être conscient de l'étendue de ses nouvelles responsabilités, comme il m'appartient de rappeler au Pays en toute occasion l'importance de votre rôle.
La réussite scolaire relève, certes, de multiples facteurs. Mais elle dépend, en grande partie, de l'action du maître. Sauver chaque année de l'échec, ne serait ce que quelques élèves, justifie par excellence le sens de votre mission et donne toute sa légitimité à la considération que la Nation lui accorde.
Votre métier vous confère ainsi des devoirs majeurs à l'égard des familles qui vous confient leurs enfants. En contrepartie, il vous donne des droits, et particulièrement celui d'être entourés du respect et de l'estime de vos concitoyens.
Cette reconnaissance doit incarner dans une politique de revalorisation matérielle et morale de votre profession.
Quatre initiatives, d'ores et déjà prises ou en préparation, vous concernent directement. Elles ont pour but de confirmer la dignité de votre fonction et de vous aider à mieux la remplir.
Tout d'abord, en dépit d'un contexte économique et budgétaire difficile, j'ai écarté l'éventualité de remettre à plus tard les mesures financières nécessaires à la revalorisation de vos traitements et de vos carrières. A cet effet, j'ai fait inscrire au budget 1987 un crédit de 860 millions de francs.
J'ai, par ailleurs, décidé de créer un véritable statut de directeur d'école, lié à une amélioration indiciaire sensible.150 millions de francs y seront au total consacrés. Il s'agit d'abord de doter l'école élémentaire, comme toute institution moderne, d'un responsable au statut clairement défini, qui pourra jouer pleinement son rôle face au nombre croissant de ses interlocuteurs : parents en tout premier, mais aussi élus et représentants des secteurs économique, scientifique, social ou culturel.
Il s'agit aussi d'offrir à celles et à ceux d'entre vous qui le souhaitent la possibilité de poursuivre leur carrière en élargissant leurs responsabilités.
Au cours des dernières années, un effort sensible a été accompli pour améliorer la formation des instituteurs et des institutrices. Il reste à redéfinir le statut et les missions des écoles normales. Je m'y attacherai, avec le souci d'offrir aux maîtres déjà recrutés au niveau des études supérieures une formation professionnelle de qualité, conforme aux exigences de leur tâche.
Enfin, il me semble que le moment est venu, pour cette grande entreprise qu'est l'Éducation nationale, d'entrer dans l'ère de la communication. Les enseignants sont les premiers dans le pays à devoir bénéficier d'un accès privilégié à l'information. Je prendrai des initiatives en ce sens au cours de cette année scolaire.
Il m'est apparu nécessaire d'évoquer ces préoccupations, afin que vous compreniez que mes réflexions sur votre métier et sur son avenir ne sont pas seulement théoriques : leur expression concrète figure parmi les priorités de mon action.
Mais la valeur et la noblesse d'une profession ne procèdent pas uniquement de sa situation matérielle, ni de son statut. Elles sont aussi assurées par le rayonnement de ceux qui l'exercent.
C'est donc à chacune et à chacun d'entre vous d'affirmer, par la qualité de votre travail, par votre compétence et votre disponibilité, la place éminente qui doit être celle de l'instituteur.
Il y a un siècle Jules Ferry, s'adressant à vos aînés, définissait de façon magistrale l'esprit et les missions de l'École publique. Il s'agissait alors, dans un monde rural et traditionnel, de diffuser à tous l'instruction et les valeurs morales de la République.
Aujourd'hui, il s'agit de créer les assises d'une nouvelle culture. Celle-ci doit lier harmonieusement le patrimoine historique, intellectuel, artistique de notre passé et les technologies avancées, les nouveaux rapports au savoir, les recherches les plus récentes. Elle seule permettra de maîtriser l'avenir : un avenir lourd d'incertitudes, mais riche de promesses à réaliser. "