Texte intégral
La CFDT organise un grand meeting le 15 octobre à Bercy en rassemblant 20 000 militants. Quelle portée souhaites-tu donner à cette manifestation ?
Cette initiative a été décidée en mai dernier au congrès de Nantes. Nous venions de faire l'analyse du premier tour de l'élection présidentielle. Près d'un électeur sur deux a privilégié le vote extrême, de droite ou de gauche ou l'abstention. Ce scrutin a exprimé une défiance des citoyens à l'égard de leurs responsables, le syndicalisme ne peut rester indifférent à une telle marque de désaffection. Le 15 octobre, nous voulons montrer que la CFDT est une grande force de proximité, que chaque jour, des dizaines de milliers de militants apportent des réponses concrètes aux préoccupations des salariés. Le deuxième objectif est d'avoir une expression forte sur nos thèmes revendicatifs de rentrée, l'emploi, les retraites et les salaires. Si cela permet de donner plus de visibilité à la CFDT avant les élections prud'homales du 11 décembre, nous aurons fait d'une pierre trois coups.
Le congrès de Nantes a affiché une grande ambition : 1 200 000 adhérents dans cinq ans. Quel est le sens de cet objectif ?
Depuis une vingtaine d'années, la CFDT a pris conscience du risque de décalage entre les citoyens et les politiques, mais aussi les syndicats. C'est pour cette raison que nous avons engagé une démarche de rapprochement avec les salariés autour de la resyndicalisation, et du syndicalisme d'adhérents. Ce travail de proximité a porté ses fruits: les effectifs de la CFDT sont en augmentation constante depuis treize ans, nous avons aujourd'hui 875000 adhérents et nous sommes tout proche de notre niveau historique. L'objectif de 1,2 million adhérents dans cinq ans, c'est de renforcer encore ce lien avec les salariés. Et la meilleure façon d'y parvenir, c'est qu'ils adhèrent. D'où le lancement le 15 octobre d'une démarche d'écoute à grande échelle des salariés.
En quoi consistera-t-elle ?
Nous demanderons aux 20000 militants d'aller à la rencontre des salariés pour les interroger, pour dialoguer avec eux avec un questionnaire qui sera dépouillé d'ici l'année prochaine. Les questions porteront sur leurs attentes vis-à-vis du syndicalisme. Cette enquête nous permettra de coller au plus près de leurs préoccupations et surtout d'y apporter des réponses concrètes.
Quelle appréciation portes-tu sur les premiers pas du gouvernement Raffarin ?
Un jugement contrasté. L'annonce du gouvernement d'entrer dans une démarche de dialogue avec les partenaires sociaux nous convient. Depuis quelques semaines, la concertation existe. Et même si nous n'approuvons pas toutes les décisions, nous avons pu faire modifier certaines choses. Pour autant certains arbitrages ont manqué de concertation. Trois exemples. Le contrat jeunes dans les entreprises privées. Sur l'objectif, on peut trouver cela intéressant, mais nous regrettons la méthode. Si nous avions été consultés, nous aurions insisté sur la nécessité d'accompagner le dispositif d'une réelle formation. Deuxième exemple: les annonces sur les effectifs de la Fonction publique. Le gouvernement aurait été mieux inspiré de poser les questions de fond : quelles missions pour les services publics. J'ai décerné un "zéro pointé" au ministre de l'Éducation nationale. Parler à deux jours de la rentrée, de réduction d'effectifs sans discussion préalable avec les syndicats, c'est prendre la question par le petit bout de la lorgnette. La loi Perben enfin. En suspendant les allocations familiales aux parents des mineurs en centres éducatifs fermés, le gouvernement affiche une posture de principe qui n'est pas adaptée à la réalité. Les associations qui travaillent dans ce domaine sont unanimes pour le dire. L'actuelle majorité ne doit pas s'imaginer qu'elle restaurera toute seule la confiance de la population. Elle doit tenir compte des associations, des syndicats, de la société civile en général, sinon il y a danger pour la démocratie de notre pays.
Depuis quelques mois, il est de bon ton de faire le procès des 35 heures, y compris dans les rangs de l'ancienne majorité. Comment réagis-tu à ces critiques ?
Il faut tout de même rappeler ce qui a toujours été l'objectif de la CFDT avec la réduction du temps de travail : il s'agissait d'abord de créer des emplois, dans un contexte de crise économique. La mise en place des 35 heures, certes couplée au retour de la croissance, a provoqué une dynamique très favorable à l'emploi. Ceux qui ont promu cette démarche avec nous devraient s'en souvenir et cesser leur mea culpa masochiste sur cette question. Par ailleurs, c'est vrai, il y a des salariés mécontents de la RTT, mais où sont-ils? Dans les entreprises où la RTT a été appliquée unilatéralement par l'employeur, donc pas forcément dans les meilleures conditions. Et dans les entreprises où la RTT n'est pas encore effective. Mais partout où les négociations ont été positives, les salariés ne souhaitent pas revenir en arrière. Il vaudrait donc mieux s'attacher à résoudre les problèmes où ils se posent plutôt que de remettre en cause l'ensemble du système.
Justement, le gouvernement propose un scénario d'assouplissement des 35 h. Quelle est la position de la CFDT, et dans quel cadre pouvons-nous accepter de négocier sans craindre un retour en arrière ?
Dans son premier projet d'assouplissement des 35 heures, le gouvernement était tenté par des dispositions périlleuses, modifiant les règles du travail de nuit, du statut des salariés itinérants, du compte-épargne temps. A notre demande, ces modifications, ont été retirées, et la CFDT s'en félicite. Cependant dans le dernier projet présenté, le gouvernement, sans remettre en cause la durée légale des 35 heures, a fait le choix d'augmenter provisoirement, par décret, le contingent d'heures supplémentaires en le portant à 180 heures. Il offre ainsi aux entreprises la possibilité d'accroître la durée du travail sans négocier dans les branches, sans laisser de choix aux salariés, ni leur donner de contrepartie. Cette augmentation générale non négociée répond plus à un besoin d'affichage qu'à une réelle nécessité pour les entreprises. C'est une réponse inadaptée qui incite les entreprises à renoncer à la mise en uvre des 35 heures, qui fige les inégalités et n'apporte rien aux salariés. Face à cette situation, la CFDT garde le cap: tout faire pour que la RTT bénéficie à tous les salariés.
La question des salaires fait un retour en force dans les attentes des salariés. Cette revendication fait-elle partie des priorités de la CFDT ?
D'abord sur le Smic. Nous avions, avec la loi sur les 35 heures jusqu'à six Smic différents avec des écarts qui atteignent l'équivalent d'un treizième mois. Une partie du patronat voulait remettre en cause le système lui-même en tentant d'imposer l'annualisation du Smic. Le gouvernement a choisi la solution -défendue par la CFDT- qui consiste à aligner le Smic au plus haut niveau. Pour les salariés à 35 heures payés 35, cette avancée est considérable: 11,4% plus l'inflation sur trois ans. Jamais dans une négociation d'entreprise ils n'auraient obtenu une telle augmentation c'est très important pour les jeunes, les précaires, les bas salaires, les temps partiels contraints Tous ceux que l'on appelle "les travailleurs pauvres". Il y a 12% des salariés au Smic en France. C'est beaucoup. C'est trop. D'une manière générale, le tassement des grilles est tel que les salariés qualifiés voient leurs revenus juste maintenus au-dessus du salaire minimum Nous souhaitons, par la négociation de branche, reconsidérer les déroulements de carrière comme cela s'est fait dans le BTP, les cliniques privées etc. Il est naturel que parallèlement à la priorité emploi, on puisse aussi parler de la revendication salariale. L'une ne s'oppose pas à l'autre.
Le gouvernement semble décidé à ouvrir le dossier de la réforme de l'Etat. Quel conseil de syndicaliste donnerais-tu pour que ce grand chantier débouche sur une vraie réforme ?
Sur ce sujet, il faut arrêter les affrontements de principe pour en venir au fond. D'un côté, le gouvernement annonce des suppressions d'emplois sans mesurer les effets qu'elles produiront. En face, on dit "touche pas à l'emploi public". Cessons ces effets d'affichage. Discutons d'abord concrètement sur les services que la Fonction publique doit rendre au citoyen et pourquoi? Et ensuite seulement, abordons la répartition des moyens. La CFDT a fait le reproche au gouvernement précédent de ne pas lier les 35 h, les nombreux départs en retraite avec la réforme de l'Etat. Ce reproche est valable pour ce gouvernement-là aussi. Pour la CFDT, la question de l'emploi public n'est pas un sujet tabou à condition que l'on sache quels sont les objectifs du service public.
Le débat public se focalise actuellement sur les baisses d'impôt et les allégements de charges. Comment se positionne la CFDT sur ces questions ?
Baisser les impôts sans réflexion préalable sur les ressources nécessaires de l'Etat relève d'une position dogmatique que ne partage pas la CFDT. L'impôt sur le revenu est non seulement nécessaire, mais aussi le plus juste, même s'il est encore perfectible. Nous plaidons plutôt pour une fiscalité plus simple et plus progressive. Par ailleurs, nous trouverions normal que le gouvernement tienne compte des pronostics à la baisse sur la croissance et qu'il revienne sur ces annonces de baisse d'impôt. Sur les charges sociales, la position de la CFDT est constante: pas de baisse sans demander des contreparties aux entreprises en terme d'emplois ou d'évolution du Smic. Quant aux allégements de charges, ils doivent être remboursés à la Sécu par le budget de l'Etat. La tendance qui se dégage, c'est pas de contreparties. C'est inquiétant pour deux raisons. Cela désengage les entreprises de leur responsabilité sociale sur l'emploi et les salaires, et insidieusement on remet en cause notre système de financement de la protection sociale.
Sur les 35 heures, le Medef en appelle au décret. Dans le même temps, il invite les syndicats à reprendre les discussions sur la refondation sociale. N'y-a-t-il pas un double langage ?
Le Medef tient un discours parfois très contradictoire. Sur la forme, il dit vouloir refonder le dialogue social, allant même jusqu'à poser le problème de la représentativité des acteurs. Parallèlement, au risque de se décrédibiliser, il affirme sèchement que "ce qu'a fait la loi, la loi peut le défaire". Le Medef joue ici un rôle de lobby qui défend ses intérêts particuliers. De son côté, le gouvernement s'est engagé à une refonte des conditions du dialogue social. C'est un sujet sur lequel la CFDT a des propositions à faire, comme par exemple, la mise en place de l'accord majoritaire, condition d'une plus grande démocratie sociale dans les entreprises.
Les élections prud'homales sont un "rendez-vous vérité" des syndicats avec les salariés. Qu'attends-tu des adhérents CFDT le 11 décembre prochain ?
Ces élections sont très importantes. Pour les salariés des petites entreprises, les prud'hommes sont souvent le seul lieu de recours pour faire respecter leurs droits. Pour l'institution, unique en Europe, où des juges élus par les salariés et les patrons disent le droit. La CFDT tient à défendre cette justice de proximité. Enfin, faute d'élections dans les branches, le scrutin prud'homal est le seul test de représentativité interprofessionnelle dans le privé. Ce que j'attends des adhérents CFDT? Qu'ils aillent voter CFDT, bien sûr. Mais aussi qu'ils fassent voter CFDT leurs collègues de travail, en leur expliquant les enjeux de ces élections. C'est une des conditions de notre progression.
C'est ta première rentrée en tant que secrétaire général de la CFDT. Comment la ressens-tu ?
Le congrès de Nantes l'a bien montré, les militants CFDT ont la volonté de faire. Je le ressens dans mes déplacements, et j'ai pu le constater aussi avec la réussite de notre campagne "Saisonniers". Même cet été, les équipes n'ont pas cessé le travail. Je me rends compte aussi de l'attention que nous portent les médias. Cela prouve que la CFDT suscite l'intérêt bien au-delà de la personnalité de son secrétaire général.
Propos recueillis par Didier Blain, Henri Israël et Isabelle Perrin.
(source http://www.cfdt.fr, le 24 septembre 2002)
Cette initiative a été décidée en mai dernier au congrès de Nantes. Nous venions de faire l'analyse du premier tour de l'élection présidentielle. Près d'un électeur sur deux a privilégié le vote extrême, de droite ou de gauche ou l'abstention. Ce scrutin a exprimé une défiance des citoyens à l'égard de leurs responsables, le syndicalisme ne peut rester indifférent à une telle marque de désaffection. Le 15 octobre, nous voulons montrer que la CFDT est une grande force de proximité, que chaque jour, des dizaines de milliers de militants apportent des réponses concrètes aux préoccupations des salariés. Le deuxième objectif est d'avoir une expression forte sur nos thèmes revendicatifs de rentrée, l'emploi, les retraites et les salaires. Si cela permet de donner plus de visibilité à la CFDT avant les élections prud'homales du 11 décembre, nous aurons fait d'une pierre trois coups.
Le congrès de Nantes a affiché une grande ambition : 1 200 000 adhérents dans cinq ans. Quel est le sens de cet objectif ?
Depuis une vingtaine d'années, la CFDT a pris conscience du risque de décalage entre les citoyens et les politiques, mais aussi les syndicats. C'est pour cette raison que nous avons engagé une démarche de rapprochement avec les salariés autour de la resyndicalisation, et du syndicalisme d'adhérents. Ce travail de proximité a porté ses fruits: les effectifs de la CFDT sont en augmentation constante depuis treize ans, nous avons aujourd'hui 875000 adhérents et nous sommes tout proche de notre niveau historique. L'objectif de 1,2 million adhérents dans cinq ans, c'est de renforcer encore ce lien avec les salariés. Et la meilleure façon d'y parvenir, c'est qu'ils adhèrent. D'où le lancement le 15 octobre d'une démarche d'écoute à grande échelle des salariés.
En quoi consistera-t-elle ?
Nous demanderons aux 20000 militants d'aller à la rencontre des salariés pour les interroger, pour dialoguer avec eux avec un questionnaire qui sera dépouillé d'ici l'année prochaine. Les questions porteront sur leurs attentes vis-à-vis du syndicalisme. Cette enquête nous permettra de coller au plus près de leurs préoccupations et surtout d'y apporter des réponses concrètes.
Quelle appréciation portes-tu sur les premiers pas du gouvernement Raffarin ?
Un jugement contrasté. L'annonce du gouvernement d'entrer dans une démarche de dialogue avec les partenaires sociaux nous convient. Depuis quelques semaines, la concertation existe. Et même si nous n'approuvons pas toutes les décisions, nous avons pu faire modifier certaines choses. Pour autant certains arbitrages ont manqué de concertation. Trois exemples. Le contrat jeunes dans les entreprises privées. Sur l'objectif, on peut trouver cela intéressant, mais nous regrettons la méthode. Si nous avions été consultés, nous aurions insisté sur la nécessité d'accompagner le dispositif d'une réelle formation. Deuxième exemple: les annonces sur les effectifs de la Fonction publique. Le gouvernement aurait été mieux inspiré de poser les questions de fond : quelles missions pour les services publics. J'ai décerné un "zéro pointé" au ministre de l'Éducation nationale. Parler à deux jours de la rentrée, de réduction d'effectifs sans discussion préalable avec les syndicats, c'est prendre la question par le petit bout de la lorgnette. La loi Perben enfin. En suspendant les allocations familiales aux parents des mineurs en centres éducatifs fermés, le gouvernement affiche une posture de principe qui n'est pas adaptée à la réalité. Les associations qui travaillent dans ce domaine sont unanimes pour le dire. L'actuelle majorité ne doit pas s'imaginer qu'elle restaurera toute seule la confiance de la population. Elle doit tenir compte des associations, des syndicats, de la société civile en général, sinon il y a danger pour la démocratie de notre pays.
Depuis quelques mois, il est de bon ton de faire le procès des 35 heures, y compris dans les rangs de l'ancienne majorité. Comment réagis-tu à ces critiques ?
Il faut tout de même rappeler ce qui a toujours été l'objectif de la CFDT avec la réduction du temps de travail : il s'agissait d'abord de créer des emplois, dans un contexte de crise économique. La mise en place des 35 heures, certes couplée au retour de la croissance, a provoqué une dynamique très favorable à l'emploi. Ceux qui ont promu cette démarche avec nous devraient s'en souvenir et cesser leur mea culpa masochiste sur cette question. Par ailleurs, c'est vrai, il y a des salariés mécontents de la RTT, mais où sont-ils? Dans les entreprises où la RTT a été appliquée unilatéralement par l'employeur, donc pas forcément dans les meilleures conditions. Et dans les entreprises où la RTT n'est pas encore effective. Mais partout où les négociations ont été positives, les salariés ne souhaitent pas revenir en arrière. Il vaudrait donc mieux s'attacher à résoudre les problèmes où ils se posent plutôt que de remettre en cause l'ensemble du système.
Justement, le gouvernement propose un scénario d'assouplissement des 35 h. Quelle est la position de la CFDT, et dans quel cadre pouvons-nous accepter de négocier sans craindre un retour en arrière ?
Dans son premier projet d'assouplissement des 35 heures, le gouvernement était tenté par des dispositions périlleuses, modifiant les règles du travail de nuit, du statut des salariés itinérants, du compte-épargne temps. A notre demande, ces modifications, ont été retirées, et la CFDT s'en félicite. Cependant dans le dernier projet présenté, le gouvernement, sans remettre en cause la durée légale des 35 heures, a fait le choix d'augmenter provisoirement, par décret, le contingent d'heures supplémentaires en le portant à 180 heures. Il offre ainsi aux entreprises la possibilité d'accroître la durée du travail sans négocier dans les branches, sans laisser de choix aux salariés, ni leur donner de contrepartie. Cette augmentation générale non négociée répond plus à un besoin d'affichage qu'à une réelle nécessité pour les entreprises. C'est une réponse inadaptée qui incite les entreprises à renoncer à la mise en uvre des 35 heures, qui fige les inégalités et n'apporte rien aux salariés. Face à cette situation, la CFDT garde le cap: tout faire pour que la RTT bénéficie à tous les salariés.
La question des salaires fait un retour en force dans les attentes des salariés. Cette revendication fait-elle partie des priorités de la CFDT ?
D'abord sur le Smic. Nous avions, avec la loi sur les 35 heures jusqu'à six Smic différents avec des écarts qui atteignent l'équivalent d'un treizième mois. Une partie du patronat voulait remettre en cause le système lui-même en tentant d'imposer l'annualisation du Smic. Le gouvernement a choisi la solution -défendue par la CFDT- qui consiste à aligner le Smic au plus haut niveau. Pour les salariés à 35 heures payés 35, cette avancée est considérable: 11,4% plus l'inflation sur trois ans. Jamais dans une négociation d'entreprise ils n'auraient obtenu une telle augmentation c'est très important pour les jeunes, les précaires, les bas salaires, les temps partiels contraints Tous ceux que l'on appelle "les travailleurs pauvres". Il y a 12% des salariés au Smic en France. C'est beaucoup. C'est trop. D'une manière générale, le tassement des grilles est tel que les salariés qualifiés voient leurs revenus juste maintenus au-dessus du salaire minimum Nous souhaitons, par la négociation de branche, reconsidérer les déroulements de carrière comme cela s'est fait dans le BTP, les cliniques privées etc. Il est naturel que parallèlement à la priorité emploi, on puisse aussi parler de la revendication salariale. L'une ne s'oppose pas à l'autre.
Le gouvernement semble décidé à ouvrir le dossier de la réforme de l'Etat. Quel conseil de syndicaliste donnerais-tu pour que ce grand chantier débouche sur une vraie réforme ?
Sur ce sujet, il faut arrêter les affrontements de principe pour en venir au fond. D'un côté, le gouvernement annonce des suppressions d'emplois sans mesurer les effets qu'elles produiront. En face, on dit "touche pas à l'emploi public". Cessons ces effets d'affichage. Discutons d'abord concrètement sur les services que la Fonction publique doit rendre au citoyen et pourquoi? Et ensuite seulement, abordons la répartition des moyens. La CFDT a fait le reproche au gouvernement précédent de ne pas lier les 35 h, les nombreux départs en retraite avec la réforme de l'Etat. Ce reproche est valable pour ce gouvernement-là aussi. Pour la CFDT, la question de l'emploi public n'est pas un sujet tabou à condition que l'on sache quels sont les objectifs du service public.
Le débat public se focalise actuellement sur les baisses d'impôt et les allégements de charges. Comment se positionne la CFDT sur ces questions ?
Baisser les impôts sans réflexion préalable sur les ressources nécessaires de l'Etat relève d'une position dogmatique que ne partage pas la CFDT. L'impôt sur le revenu est non seulement nécessaire, mais aussi le plus juste, même s'il est encore perfectible. Nous plaidons plutôt pour une fiscalité plus simple et plus progressive. Par ailleurs, nous trouverions normal que le gouvernement tienne compte des pronostics à la baisse sur la croissance et qu'il revienne sur ces annonces de baisse d'impôt. Sur les charges sociales, la position de la CFDT est constante: pas de baisse sans demander des contreparties aux entreprises en terme d'emplois ou d'évolution du Smic. Quant aux allégements de charges, ils doivent être remboursés à la Sécu par le budget de l'Etat. La tendance qui se dégage, c'est pas de contreparties. C'est inquiétant pour deux raisons. Cela désengage les entreprises de leur responsabilité sociale sur l'emploi et les salaires, et insidieusement on remet en cause notre système de financement de la protection sociale.
Sur les 35 heures, le Medef en appelle au décret. Dans le même temps, il invite les syndicats à reprendre les discussions sur la refondation sociale. N'y-a-t-il pas un double langage ?
Le Medef tient un discours parfois très contradictoire. Sur la forme, il dit vouloir refonder le dialogue social, allant même jusqu'à poser le problème de la représentativité des acteurs. Parallèlement, au risque de se décrédibiliser, il affirme sèchement que "ce qu'a fait la loi, la loi peut le défaire". Le Medef joue ici un rôle de lobby qui défend ses intérêts particuliers. De son côté, le gouvernement s'est engagé à une refonte des conditions du dialogue social. C'est un sujet sur lequel la CFDT a des propositions à faire, comme par exemple, la mise en place de l'accord majoritaire, condition d'une plus grande démocratie sociale dans les entreprises.
Les élections prud'homales sont un "rendez-vous vérité" des syndicats avec les salariés. Qu'attends-tu des adhérents CFDT le 11 décembre prochain ?
Ces élections sont très importantes. Pour les salariés des petites entreprises, les prud'hommes sont souvent le seul lieu de recours pour faire respecter leurs droits. Pour l'institution, unique en Europe, où des juges élus par les salariés et les patrons disent le droit. La CFDT tient à défendre cette justice de proximité. Enfin, faute d'élections dans les branches, le scrutin prud'homal est le seul test de représentativité interprofessionnelle dans le privé. Ce que j'attends des adhérents CFDT? Qu'ils aillent voter CFDT, bien sûr. Mais aussi qu'ils fassent voter CFDT leurs collègues de travail, en leur expliquant les enjeux de ces élections. C'est une des conditions de notre progression.
C'est ta première rentrée en tant que secrétaire général de la CFDT. Comment la ressens-tu ?
Le congrès de Nantes l'a bien montré, les militants CFDT ont la volonté de faire. Je le ressens dans mes déplacements, et j'ai pu le constater aussi avec la réussite de notre campagne "Saisonniers". Même cet été, les équipes n'ont pas cessé le travail. Je me rends compte aussi de l'attention que nous portent les médias. Cela prouve que la CFDT suscite l'intérêt bien au-delà de la personnalité de son secrétaire général.
Propos recueillis par Didier Blain, Henri Israël et Isabelle Perrin.
(source http://www.cfdt.fr, le 24 septembre 2002)