Déclaration de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur la mise en place du Conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites, Paris le 27 novembre 2002.

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Circonstance : Instalaltion du Conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites à Paris le 27 novembre 2002

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Députés,
Messieurs les Sénateurs,
Mesdames, Messieurs,

Le moment qui nous est donné de vivre ensemble est important. Nous rejoignons aujourd'hui la liste -déjà longue- des pays industrialisés ayant mis en place un Fonds de réserve pour contribuer au financement des retraites.
Dans un schéma " rigoriste " de la répartition, les cotisations des actifs d'une année servent à financer les pensions des retraités. C'est la situation du régime général de sécurité sociale. Pour autant, la constitution de réserves financières n'est pas totalement inconnue de notre système de retraites. Les régimes complémentaires de salariés et de non salariés, sans pour autant créer un fonds, recourent déjà à une forme de répartition provisionnée.
La répartition provisionnée me semble être la meilleure définition de l'objectif poursuivi par le Fonds de réserve pour les retraites. Parce que nous partagions cet objectif, nous avons souhaité le maintenir, même s'il avait été créé par le Gouvernement précédent. Comme dit le Premier ministre : " quand l'idée est bonne, je la garde ". J'observe d'ailleurs que cette idée semble être acceptée par la grande majorité de nos forces politiques. Je l'interpréterais volontiers, dans le cadre de la réforme à venir, comme un signe encourageant : oui, il est possible de bâtir des consensus dans le domaine des retraites.
Certes, compte tenu de sa création tardive, le Fonds de réserve pour les retraites ne pourra être qu'un " fonds de lissage ", permettant de contribuer de manière mineure au défi du financement des régimes de retraite. Mais nous savons tous qu'il n'y a pas " une " solution pour répondre à ce défi : le Fonds fait partie d'une " palette " de solutions.
Créée une première fois par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, sous la forme d'une section comptable du Fonds de solidarité vieillesse, la loi du 17 juillet 2001 en a fait un établissement autonome, de nature inédite. Le Fonds de réserve pour les retraites comprend deux organes, le Directoire et le Conseil de surveillance. Le législateur a initié un mécanisme que l'on pourrait résumer par la formule suivante : le directoire sera le pouvoir exécutif du Fonds de réserve ; vous en constituerez le Parlement.
Le Conseil sera riche des expériences diverses des 20 membres qui le composent : parlementaires, partenaires sociaux, hauts fonctionnaires de l'Etat et personnalités qualifiées.
Le Gouvernement a souhaité nommer à votre présidence M. Raoul BRIET. Le président BRIET est, de toute évidence, un " expert " : il a participé à la rédaction d'un certain nombre des rapports sur les retraites qui se sont succédés depuis vingt ans sur le sujet. Mais c'est aussi un " praticien ", puisqu'il a dirigé la Caisse nationale d'assurance vieillesse, puis la Direction de la sécurité sociale. A ce titre, il est habitué de longue date au dialogue avec les partenaires sociaux. Président du Comité européen de protection sociale depuis 2000, il dispose d'une connaissance approfondie des systèmes de retraite des pays de l'Union européenne, ce qui permettra de faire bénéficier le Conseil d'une approche comparative.
Le Gouvernement a également souhaité la présence d'un chef d'entreprise. M. Jean-Louis BEFFA a accepté d'être membre de ce Conseil, ce dont je le remercie.
L'architecture des pouvoirs entre le directoire et le conseil de surveillance sera présentée dans quelques instants par votre président. Je ne vais donc pas déflorer ce sujet.
Je me permettrais cependant une observation et un souhait.
Une observation : mon expérience déjà longue de parlementaire me fait penser que la pratique des textes législatifs et réglementaires est au moins aussi importante que les textes eux-mêmes. L'application de la loi -à travers votre mode de fonctionnement, la conception que vous aurez de vos relations avec le directoire, l'investissement personnel dont vous ferez preuve- sera essentielle. C'est à vous de faire vivre le " conseil de surveillance ". Le succès du Fonds de réserve repose ainsi en grande partie sur vos épaules : en fonction de la qualité de vos débats, des orientations que vous adopterez, du contrôle que vous effectuerez sur sa gestion, notamment à travers votre rapport public annuel, les Français seront plus ou moins attachés à cette institution et à sa crédibilité.
Un souhait : j'attire votre attention sur la nécessité d'être audacieux. Vous ne pourrez pas souhaiter à la fois une extrême prudence dans la politique de placement et un rendement optimal des actifs. Une grande partie de l'intérêt du Fonds repose sur les recettes à attendre des placements financiers. Il faudra ainsi faire fructifier ses recettes dans les meilleures conditions possibles.
Dans vos choix, il vous faudra prendre en compte également des " considérations sociales, environnementales et éthiques ", ainsi que vous y invite la loi. L'investissement socialement responsable est un thème nouveau et, dans ce domaine, beaucoup reste à faire. Le Fonds a certainement un rôle de premier plan pour favoriser prudemment et progressivement son développement.
J'en viens maintenant à une question essentielle, celle de l'abondement du Fonds de réserve.
Le Fonds devrait disposer à la fin de cette année d'environ 13 milliards d'euros, compte tenu de la décision du Gouvernement d'affecter 500 millions d'euros supplémentaires, grâce à la bonne réalisation -en début de semaine- de la vente des actions du Crédit Lyonnais. Selon les prévisions associées au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, ses encours atteindraient 17 milliards d'euros à la fin de l'année prochaine.
La seule ressource pérenne dont il dispose est l'affectation de 65 % du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, ce qui représente 1,3 milliard d'euros.
Aujourd'hui, le rythme d'abondement semble insuffisant pour " tenir " l'objectif de 1.000 milliards de francs -c'est-à-dire 152 milliards d'euros- annoncé en 2020 par le précédent Gouvernement.
Vous le savez déjà : le plan de financement annoncé en mars 2000, qui reposait essentiellement sur l'affectation des excédents du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), a été aussitôt mis " entre parenthèses ". Le FSV a perdu une grande partie de ses recettes : les droits sur les alcools, ainsi que la taxe sur les contributions de prévoyance, ont été affectés au financement des trente-cinq heures. Il a en outre perdu 0,1 point de CSG, au bénéfice du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. Le résultat de ces opérations est que le FSV, en lieu et place d'excédents, connaît un lourd déficit en 2002. Il est tout juste équilibré en 2003. Le retour d'excédents francs et massifs n'est pas attendu avant 2004 ou 2005.
Or, nous savons bien qu'un abondement régulier du fonds est essentiel, surtout en début de période.
C'est dans le cadre de la réforme des retraites, au premier semestre 2003, et en concertation avec les partenaires sociaux, que le Gouvernement définira la politique d'abondement du Fonds.
Tout est ouvert. Si le Conseil de surveillance décide de lui-même de formuler des propositions dans ce domaine, le Gouvernement y sera naturellement très attentif.
Mais nous devrons arrêter rapidement la stratégie d'abondement, afin -et c'est essentiel- de crédibiliser l'outil fonds de réserve.
Je le souhaitais le faire dès aujourd'hui, en procédant à l'installation de votre Conseil de surveillance.
Je vous remercie de votre attention.

(Source http://www.social.gouv.fr, le 16 décembre 2002)