Texte intégral
Cela me fait plaisir d'avoir l'occasion, devant vous, de faire le bilan de cette visite. Je veux d'abord remercier le président Ben Ali, ainsi que mon collègue et ami Habib Ben Yahia que je rencontre aujourd'hui pour la cinquième fois. C'est vous dire à quel point les relations entre la France et la Tunisie sont intenses et régulières. Je les remercie pour leur accueil chaleureux et pour la qualité de nos entretiens.
Le président Chirac a souhaité que je me rende rapidement en Tunisie, dans le cadre de la priorité que la France accorde à ses relations avec le Maghreb, pour relancer nos relations et leur imprimer un nouveau dynamisme. Nos relations sont fondées sur une profonde connaissance mutuelle et retrouvent toute leur confiance. Et le mot clef, c'est bien cela : la confiance. Ce que nous avons fait en quelques mois, cette confiance retrouvée, cette capacité à travailler ensemble pour relever les défis de la Tunisie, bien sûr ; pour relever les défis de la région - et vous savez qu'ils sont nombreux ; pour relever les défis du monde. Et à l'heure où nous sommes confrontés à la menace terroriste, à la menace de la prolifération, à des crises difficiles - la crise iraquienne, les crises régionales -, ce mot confiance prend un sens particulier.
Nos relations sont privilégiées, par l'histoire, par l'affection que les Français portent à la Tunisie. Plus d'un million de mes compatriotes se rendent chaque année ici, en Tunisie. Nos relations sont portées également par une communauté tunisienne de France, prospère et dynamique, de 500.000 personnes, qui joue un rôle de pont entre les deux pays et je voudrais aujourd'hui, ici, leur rendre hommage. Vous savez que cet échange, ce partage entre nos deux pays fait que nous nous connaissons mieux et que nos relations sont vivantes, dans un monde où tout bouge et où nous avons besoin de ce liant, de cette affection pour aller de l'avant et regarder ensemble vers un avenir que nous voulons meilleur.
Je souhaite souligner la qualité de la relation personnelle du président de la République avec le président Ben Ali, la confiance et le respect qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. Le président de la République, qui avait effectué en octobre 1995 l'une de ses premières visites d'Etat à l'étranger en Tunisie, visitera à nouveau votre pays dans le courant de l'année 2003, c'est-à-dire dans quelques mois. Il a exprimé la claire volonté que la France accompagne la Tunisie dans la politique de modernisation et d'ouverture dans laquelle votre pays est engagé.
Le Premier ministre se rendra également en Tunisie dans le cours de l'année 2004. C'est dire que nous avons un agenda politique chargé d'importantes visites ministérielles. Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur, était présent il y a quelques jours ici-même et nous aurons d'autres visites de ministres pour faire en sorte que cette année 2003 et cette année 2004 permettent d'obtenir le meilleur des volontés et des ambitions de la France et de la Tunisie.
L'audience que le président Ben Ali m'a accordée et la longue réunion de travail que j'ai eue avec le ministre Ben Yahia ont permis de resserrer dans tous les domaines le dialogue confiant et sans exclusive - nous abordons tous les sujets ensemble - qui est le nôtre. Soyons donc créatifs pour donner un nouvel élan à cette relation et préparer les échéances de l'avenir.
Dans le domaine économique, la France est déjà le premier partenaire commercial et financier de la Tunisie ainsi que le premier investisseur étranger. Nous souhaitons que cette tendance puisse encore se renforcer.
Dans le domaine de la coopération, notre dispositif est en voie de modernisation pour aboutir à un véritable partenariat, comme nous l'avons décidé lors de la commission mixte de janvier 2002, au début de cette année.
Nous continuerons à soutenir le développement économique et social de votre pays, grâce notamment aux projets de l'Agence française de développement et du Fonds de solidarité prioritaire. Inscrite dans la zone de solidarité prioritaire, la Tunisie est en effet le pays qui bénéficie de la plus forte aide par habitant. J'ai d'ailleurs procédé aujourd'hui à la signature, avec mon homologue tunisien, de trois conventions qui permettront le développement de projets dans des secteurs aussi distincts que la recherche aquacole, l'enseignement du français ou la valorisation touristique d'un site archéologique. Il y a là la diversité de nos intérêts, de nos préoccupations qui marque bien notre volonté de travailler ensemble.
C'est dire que la Tunisie bénéficie du plein soutien de la France, une Tunisie qui, sous l'impulsion du président Ben Ali, a relevé le pari de la modernisation en s'ancrant à l'Union européenne par un accord d'association, le premier en Méditerranée, en 1995 ; une Tunisie dynamique et ouverte qui assume pleinement ses traditions et ses valeurs de tolérance religieuse ; une Tunisie partenaire majeure de la France.
Quand un monde troublé et plein d'incertitudes exige de nous une concertation renforcée en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme international, je tiens à saluer la coopération exemplaire dans ce domaine entre nos deux pays, comme l'a démontré la récente visite dans votre pays de Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur.
Dans ce contexte confiant, nous avons évoqué la question du contentieux immobilier bilatéral. Vous savez que des progrès importants ont été établis au cours de l'été. D'autres progrès sont à venir, nous y travaillons. Notre volonté est de parvenir à une solution définitive, de tourner la page, de regarder ensemble vers l'avenir, avant la visite du président de la République, en 2003.
Enfin, nous avons évoqué les grandes questions d'actualité et nous avons ainsi pu constater la vision commune des enjeux et des défis de la région. Vous savez que les contacts entre nos chefs d'Etat sont réguliers. Le président de la République s'est longuement entretenu au téléphone de la situation régionale et internationale avec le président Ben Ali, le 11 novembre. Sur le message de fermeté et d'unité adressé par la communauté internationale à l'Iraq : nous partageons une vision commune. Je me félicite que la Tunisie ait pu relayer ce message car nous voulons que le droit prévale et que l'Iraq désarme. C'est tout le sens du message de fermeté, de clarté qui a été adressé par le Conseil de sécurité des Nations unies, il y a quelques jours.
La Tunisie joue également un rôle précieux concernant la situation au Proche-Orient que nous avons évoquée. Vous savez que notre désir est que la communauté internationale - les Nations unies, le Quartette qui doit se réunir à nouveau en décembre - puisse reprendre l'initiative. Nous avons conscience de l'importance d'avancer dans ce conflit, de répondre au sentiment d'injustice, à l'interrogation de nombre de populations sur les "deux poids et deux mesures" qui seraient ceux de la communauté internationale. Nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait deux vitesses ; nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait deux sensibilités. Nous sommes convaincus qu'il faut nous mobiliser pour essayer de multiplier nos efforts, ensemble, pour répondre à cette crise.
Sur les questions maghrébines, nous nous félicitons de l'engagement de la Tunisie en faveur de la relance de l'Union du Maghreb arabe, afin de faciliter la création d'un espace régional intégré, facteur de prospérité et de stabilité régionales. Partout où nous regardons, à travers le monde, nous voyons que là où il y a une volonté régionale, il y a un espoir de paix et il y a des avancées dans le règlement des problèmes. Nous le voyons partout. Nous le voyons en Afrique, nous le voyons en Europe, nous le voyons en Amérique. Il est donc essentiel que cette dynamique régionale de paix, de démocratie, de développement soit enclenchée parce que cet élan permet de régler les problèmes.
Sur les relations entre l'Europe et la rive sud de la Méditerranée, au renforcement desquelles la France et la Tunisie travaillent de concert, que ce soit dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen ou du dialogue 5+5, nous saluons l'active participation de la Tunisie au Processus d'Agadir.
J'ai confiance dans l'avenir de la Tunisie ; la France a confiance dans l'avenir de la Tunisie qui se donne les moyens de relever les défis de la mondialisation. Je puis vous assurer aujourd'hui que la France s'engagera à ses côtés, à vos côtés, dans cette démarche.
Je suis prêt maintenant à répondre à vos questions.
Q - Monsieur le Ministre, la Ligue arabe a souhaité que des inspecteurs arabes viennent s'ajouter au groupe des inspecteurs internationaux. Est-ce que vous avez été saisi de cette question et quel est votre avis ?
R - Nous avons été amenés à plusieurs reprises à évoquer cette perspective avec nos amis arabes. Nous sommes convaincus que le monde arabe joue un rôle clef dans le dénouement de cette crise. D'abord parce que, il faut le constater, depuis le début de l'année 2002, la mobilisation, l'unité du monde arabe ont marqué un renouveau de la volonté diplomatique, de la volonté politique, qu'il faut saluer. L'initiative saoudienne, le Sommet arabe de Beyrouth déterminant une position commune du monde arabe sur le conflit israélo-palestinien, les déclarations et le Sommet de Charm El-Cheikh, la récente réunion de la Ligue arabe, le Sommet francophone de Beyrouth ont bien montré qu'il y avait unité de volonté, volonté de prendre toute sa place dans le règlement des problèmes du monde.
On l'a vu sur le terrorisme ; on le voit sur la prolifération ; je l'ai constaté moi-même physiquement, lors de l'Assemblée générale des Nations unies au mois de septembre : l'ensemble des représentants du monde arabe que j'ai rencontrés, le Secrétaire général de la Ligue arabe, chacun est mobilisé pour essayer de répondre, pour adresser un message clair à Saddam Hussein et à l'Iraq.
Il y a donc là une mobilisation. Pourquoi ? Parce que nous sommes tous convaincus que la meilleure réponse aux crises de notre monde est politique. C'est pour adresser cette réponse politique, pour éviter le recours à la force, pour faire en sorte que le recours à la force ne soit véritablement - et c'est au cur de la position française - qu'un dernier recours. C'est parce que nous sommes convaincus que quand la communauté internationale a une idée claire, quand elle est unanime pour défendre une idée, eh bien elle est plus forte.
C'est ce que nous avons fait sur l'Iraq et nous nous félicitons du fait que même la Syrie se soit ralliée à cette unanimité. Cela rend la communauté internationale et le message que nous adressons à Saddam Hussein d'autant plus crédibles et d'autant plus forts. Nous sommes désireux de permettre de régler cette crise pacifiquement. Nous sommes convaincus que cette unanimité, cette unité vaut exemplarité.
Ce qui vaut dans le cas de l'Iraq doit valoir dans d'autres crises et quand nous disons que nous entrons dans une ère nouvelle des relations internationales, c'est parce que nous sommes convaincus que le monde, aujourd'hui, a vocation à chercher à ne plus s'accommoder des situations difficiles : les crises régionales, le terrorisme, la prolifération. Il ne s'agit pas de gérer ces situations. Il s'agit véritablement de trouver des moyens en vue d'une solution. Pour trouver les solutions, il faut travailler ensemble. Nous avons besoin du monde arabe ; nous avons besoin de chacun des pays arabes pour trouver les voies d'une solution.
Et quand il s'agit d'adresser un signal fort à Saddam Hussein, nous le voyons au lendemain de la résolution, eh bien tous les pays arabes ont adressé leur message. Le président Ben Ali a joué un rôle essentiel dans l'influence, dans la détermination à faire en sorte que cette unité s'exprime, de façon à ce que, de cette unité, puisse sortir une action, une raison commune, une capacité à agir.
C'est de cela que la communauté internationale a besoin ; c'est de cela qu'elle a besoin pour la crise iraquienne ; c'est de cela que nous avons besoin dans la crise du Proche-Orient. Il nous faut plus d'efficacité, plus d'unanimité, plus d'unité pour exprimer une volonté. Et vous savez que la vision de la France est fondée sur des principes que nous partageons tous : le respect du droit, le respect de la légalité internationale, le respect de la morale. C'est en trouvant les moyens d'agir ensemble, les moyens d'une sécurité collective, d'une volonté collective, d'une responsabilité collective que nous pouvons affirmer, justement, cette victoire du droit et de la morale. Et le Conseil de sécurité, les Nations unies sont aujourd'hui le bon endroit, le bon outil pour exprimer cette volonté.
Q - Monsieur le Ministre, la résolution 1441 délivre un message clair contre le régime de Saddam Hussein et les Etats-Unis continuent de se préparer à la guerre. En cas de complication ou bien en cas d'échec, comme prévu, de la mission des inspecteurs, est-ce que la France va participer aux opérations militaires, sachant que la résolution n'exige pas un nouveau vote aux Nations unies ?
Deuxième petite question, en ce qui concerne le terrorisme. Est-ce qu'il y a des éléments nouveaux après les arrestations qui ont eu lieu à Marseille et à Lyon ?
R - La chance que nous avons, Français et Tunisiens, c'est que nous sommes deux pays, deux terres, deux peuples, deux mémoires. Et la mémoire, qu'est-ce qu'elle nous dit ? La mémoire nous rappelle qu'il est important de savoir, quand nous voulons agir, faire face à un risque, qu'il faut justement s'appuyer sur l'expérience du passé. Or l'expérience du passé, dans le cas de la crise iraquienne, c'est la nécessité bien sûr de fixer un cap clair, de savoir où nous voulons aller.
Rappelons-nous : où étions-nous début septembre, avant que l'Assemblée générale des Nations unies ne voie le président Bush exprimer sa volonté de travailler avec l'ONU ? Où étions-nous ? Nous étions, pour l'essentiel des observateurs de la vie internationale, dans l'annonce programmée d'une intervention militaire. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Est-ce que cette intervention est aussi programmée ? Est-ce qu'elle est inéluctable ? Eh bien moi, aujourd'hui, je vous dis que non. Je vous dis qu'elle dépend de notre volonté commune. Elle dépend de la volonté de Saddam Hussein. Si Saddam Hussein adresse un message clair - il l'a fait en ce qui concerne l'acceptation du retour des inspecteurs -, s'il coopère pleinement, alors, bien sûr, le destin de l'Iraq, le destin de cette région peut être changé. Cela ne dépend que de sa volonté, que de la volonté de la communauté internationale, sur la base de son acceptation d'une coopération pleine, car nous ne pouvons pas accepter le risque de la prolifération.
Le risque de la prolifération, qu'est-ce que c'est ? Nous pouvons en parler savamment mais qu'est-ce que c'est réellement ? C'est un risque chimique, c'est un risque biologique et je ne parlerai pas du risque nucléaire. Nous ne pouvons pas prendre, les uns et les autres, responsables de la vie internationale, de la communauté internationale, ce risque là. Et nous disons à tous les Etats, nous disons à l'Iraq, nous disons à la Corée du Nord, nous le disons à tous les Etats qui seraient tentés d'enfreindre cette règle selon laquelle la vie internationale suppose des valeurs communes : la vie internationale suppose des règles communes. Nous sommes là pour les partager. Ceux qui seraient tentés de ne pas les respecter, évidemment, encourent le risque de se voir réprimandés et sanctionnés.
C'est cela, l'attitude de la communauté internationale : dire clairement à Saddam Hussein : nous attendons de vous que vous coopériez. Si vous coopérez, le risque de guerre perd sa raison d'être mais si vous refusez, évidemment alors, le risque du recours à la force existe et chacun sur la scène internationale sera amené à prendre ses responsabilités. Il ne peut pas y avoir dans la vie collective, nous le savons tous, d'impunité. Ce n'est pas pareil que d'accepter les valeurs et les règles ou de les refuser. Il est normal que cette règle s'applique à tous. C'est le message qui est adressé à l'Iraq et c'est un message unanime qui est celui du monde arabe, qui est celui de l'Europe, qui est celui de la communauté internationale. Et nous pensons, pour limiter l'incertitude, qu'il est important que nous prenions la responsabilité commune de ce message. Je crois qu'il y a là un élément très fort et nouveau de la vie internationale.
Le deuxième élément que vous évoquiez, c'est la coopération dans le domaine du terrorisme. Face à l'incertitude qui existe et que nous voyons tous - elle existe depuis le 11 septembre, elle existe à Bali, elle existe au Yémen, elle existe partout à travers le monde -, aucun Etat ne peut se considérer épargné. La qualité des coopérations, indispensables dans le domaine policier, dans le domaine judiciaire, dans le domaine du renseignement, seule, nous permet de réduire l'incertitude et c'est dans ce sens que nous travaillons, convaincus que seul l'esprit de responsabilité, la volonté commune, peut nous permettre de faire face au terrorisme.
Q - Monsieur le Ministre, nous assistons actuellement en Palestine à un processus de destruction systématique de l'Autorité palestinienne. L'échec des Etats-Unis est patent. Est-ce que l'Union européenne n'envisage pas une initiative de nature à trouver une nouvelle voie ?
R - Merci de poser cette question parce que nous touchons à l'un des curs, aujourd'hui, de la vie internationale. Le Proche-Orient est au centre de nos préoccupations. En tout cas, je peux vous dire qu'il est au centre des préoccupations de la diplomatie française. Nous avons bien conscience qu'il y a là une crise fondatrice, source de beaucoup d'injustice, de beaucoup d'instabilité, et que l'intérêt de la communauté internationale, de la justice même, c'est que nous soyons mobilisés pour essayer d'y répondre.
L'Union européenne, au cours des derniers mois, a beaucoup fait dans ce sens, pour essayer d'établir une feuille de route, pour travailler dans le cadre du Quartette qui mobilise les Nations unies, les Etats-Unis, la Russie et l'Union européenne. Notre conviction aujourd'hui, et je vous le dis comme ministre des Affaires étrangères de la France, c'est qu'il faut faire davantage. Nous voulons avoir l'initiative sur cette crise, parce que nous sommes convaincus que, pour réduire l'incertitude sur la planète, il est important de retrouver la voie de l'espoir au Proche-Orient.
Corriger l'injustice faite au peuple palestinien, répondre au sentiment d'insécurité du peuple israélien : il y a là, évidemment, une dynamique tragique qui ne peut trouver de solution que dans la sécurité et dans l'équité. Il faut donc travailler rapidement dans le sens de la création d'un Etat palestinien et vous savez qu'aujourd'hui, c'est l'objectif partagé par l'ensemble de la communauté internationale, sur la base des accords de 1967. C'est évidemment la clef. Il y a là un élément qui, je crois, est clair dans l'esprit de tous.
Nous devons maintenant formaliser les moyens d'y parvenir, tant du côté palestinien que du côté israélien. Je vous le dis tout de suite, on me répond souvent il faut attendre le bon moment : attendons qu'Israël sorte des élections. Il n'y a pas de bon moment pour faire la paix. La paix est un devoir, un impératif, qui s'impose à tous et il faut la faire tout de suite, parce que le prix, nous le voyons, c'est l'insécurité, c'est le terrorisme, c'est l'injustice et cela, nous ne pouvons pas nous en accommoder.
Q - Monsieur le Ministre, en tant que Méditerranéen, est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait ouvrir un débat au sein de l'ONU au sujet des armes nucléaires dont dispose Israël et qui sont une menace pour toute la région ?
Ma deuxième question concerne des Tunisiens qui se plaignent encore des refus de visa, surtout des visas d'études.
R - En ce qui concerne la Méditerranée, vous savez à quel point nous sommes attachés, l'Union européenne est attachée, l'ensemble de la communauté internationale est attachée à faire en sorte que la Méditerranée puisse être véritablement une zone de paix. Il est important de répondre à cette exigence. Je le dis souvent à nos amis américains, je le dis à nos amis israéliens, notre conviction française est qu'il ne peut y avoir de réponse à l'insécurité par la seule politique sécuritaire. Il est indispensable de comprendre que, sans vision politique, sans perspective politique, sans capacité de redonner un espoir à une région en crise, il ne peut y avoir véritablement plus de sécurité et de stabilité. Donc, je partage ce sentiment qui consiste à dire que par les armes, par la sécurité seule, il ne peut y avoir davantage de sécurité, ce qui veut dire qu'il faut redonner la priorité à la recherche politique. Et c'est là où chaque Etat de la région, Israël bien sûr, les Palestiniens, le monde arabe, les pays européens, l'ensemble de la communauté internationale doivent prendre leurs responsabilités.
Il faut aller plus loin, dans le cadre du Quartette, dans le cadre de la responsabilité de chacun des Etats. Cela fait partie du dialogue que nous avons engagé avec les Etats-Unis et nous voulons que cela soit un dialogue de confiance pour pouvoir multiplier les propositions dans ce domaine. C'est véritablement aujourd'hui l'une des grandes urgences, pour ne pas dire la grande urgence de la vie internationale.
Sur la question des visas, vous savez que beaucoup a été fait. Ce n'est pas une raison pour ne pas faire davantage. 80 000 visas sont délivrés par an entre la France et la Tunisie, c'est un élément important. Beaucoup est fait pour faciliter ce que j'appellerais le passage régulier et normal d'une rive à l'autre de la Méditerranée : étudiants, hommes d'affaires, diplomates. Nous avons des relations telles entre nos deux pays ; la confiance est telle que nous devons pouvoir simplifier encore. Nous le faisons bien évidemment en ce qui concerne la procédure du visa ; nous le faisons aussi dans le principe même de l'accueil et nous avons beaucoup travaillé pour faire en sorte qu'à Tunis et ailleurs, là où nous délivrons des visas, nous puissions le faire dans des conditions de qualité d'accueil et de réception, qui fassent que nous soyons à la mesure de ce que nous appelons l'hospitalité française. Comme dans l'hospitalité tunisienne, nous sommes là pour faire en sorte que les choses progressent aussi dans ce domaine.
Q - Monsieur le Ministre, les Américains parlent tantôt de désarmement de l'Iraq et tantôt de changement du régime iraquien. Les deux objectifs sont combinés. Est-ce que l'Iraq désarmé avec Saddam Hussein comme président est un scénario envisageable, acceptable ?
R - Ma réponse est oui. L'objectif, c'est le désarmement, ce n'est pas le changement de régime. Mais je crois que cette position est exprimée aujourd'hui par chacun d'entre nous, y compris par les Etats-Unis. Mon ami Colin Powell l'a dit clairement. Un Iraq qui désarmerait ne serait pas le même régime. A partir de là, je crois qu'il y a véritablement un objectif pour nous tous, un objectif qui est de recréer les conditions de la sécurité, de la stabilité, de la confiance dans cette région et c'est sur cette base que nous travaillons.
Q - () Quelle est l'approche de l'Etat français pour la gestion des flux migratoires ?
R - Ce dialogue 5+5, vous savez que nous y attachons beaucoup d'importance, d'autant plus que la conférence ministérielle 5+5 aura lieu cette année en France. Et nous saluons les initiatives qui sont prises par la Tunisie pour essayer d'encourager la tenue d'un sommet qui permettrait de réunir l'ensemble des volontés et d'ouvrir véritablement des perspectives d'action commune.
Dans le domaine de l'immigration, notre souci est d'accroître à la fois les garanties pour chacun de nos Etats et en même temps d'accroître la philosophie et l'esprit d'humanisme qui est le nôtre. La lutte contre l'immigration clandestine, vous le savez, est une préoccupation majeure, tant pour la France que pour la Tunisie. Nous travaillons donc à faire en sorte que nous puissions mieux appréhender l'évolution de ces flux migratoires. Nous poursuivons ensemble un travail dans ce sens, dans le cadre d'une responsabilité partagée entre les pays du Nord et du Sud.
Je rappelle par ailleurs que l'importance de l'immigration légale permet d'être d'autant plus exigeants, d'autant plus stricts vis-à-vis de cette immigration clandestine. Cette immigration légale fait que nous sommes mobilisés pour apporter un traitement attentif en matière de rapprochement familial. Vous savez que cela fait partie des axes forts de la politique française. Je veux donc rendre hommage aux nombreux Tunisiens de France dont l'intégration et l'apport à notre pays font honneur à la Tunisie.
Q - Pendant longtemps, la France a constitué une base arrière pour plusieurs mouvements intégristes. Les événements du 11 septembre ont-ils été le tournant dans l'action de la France à leur égard ?
R - Le 11 septembre a modifié la perception que nous avions tous, sur la scène internationale, de l'ampleur des défis. Mais, vous le savez, nous avions connu tristement des épisodes douloureux sur notre propre sol, de nombreuses années auparavant, et nous n'avons jamais cessé d'être mobilisés face à cette menace terroriste. Je peux vous dire que la France aborde depuis longtemps, sans concession aucune, la lutte contre ce fléau : mobilisation contre les réseaux, coopération internationale avec l'ensemble des pays concernés, de façon à mieux cerner cette menace.
Je crois pouvoir dire aujourd'hui, qu'en termes de coopération, la France fait partie des pays qui nourrissent sans doute la meilleure compréhension et la meilleure intelligence de ces réseaux et de ces risques. C'est pour cela que nous travaillons main dans la main avec un grand nombre d'Etats, dans le cadre de l'Union européenne, avec nos amis du Maghreb, avec l'ensemble de nos partenaires internationaux, pour essayer de réduire encore ce risque. Je peux vous dire que cette mobilisation est ancienne. Elle est évidemment renouvelée dans le contexte international.
Je l'ai dit, depuis le 11 septembre, nous avons vu la multiplication des risques. Nous avons vu à quel point personne n'était épargné. C'est donc la vigilance qui est pour nous le mot d'ordre, le mot clef, la vigilance et la volonté, pour faire face à cette menace, partout où elle peut s'exprimer.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 novembre 2002)
J'ai eu l'immense plaisir et l'immense honneur d'être reçu par le président Ben Ali. C'est, comme vous le savez, un moment important, pour moi, pour la France. Vous connaissez les liens d'amitié, les liens d'estime très anciens entre le président Ben Ali et le président Chirac qui m'a chargé de transmettre un message d'amitié et de confiance au président et à la Tunisie. Ce sont des relations très anciennes, des relations fortes et notre premier souci est, après plusieurs années, de restaurer totalement le climat de confiance que nous voulons avoir dans nos relations.
Beaucoup a déjà été fait avec le nouveau gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, au cours des six derniers mois. Relations de confiance, de dialogue approfondi : c'est la cinquième fois que je rencontre mon ami le ministre des Affaires étrangères M. Ben Yahia. C'est dire à quel point nous avons l'occasion d'échanger sur les problèmes du monde, sur les problèmes du Moyen-Orient, sur les problèmes du Maghreb, sur les relations bilatérales entre la France et la Tunisie.
J'ai donc pu faire un très large tour d'horizon avec le président Ben Ali sur la situation internationale. Nous avons longuement évoqué la situation de l'Iraq et vous savez à quel point il est important d'avoir l'avis du président Ben Ali qui connaît bien ces questions et qui est un ami très proche de la France. Nous comptons beaucoup sur ses avis, sur l'influence qui est la sienne. Le président Ben Ali a eu encore, récemment, un échange téléphonique avec le président Chirac, le 11 novembre dernier, qui a permis de faire le point.
Aujourd'hui, vous le savez, l'Iraq, par la bouche de son ambassadeur aux Nations unies, a accepté le retour des inspecteurs. Nous prenons acte de cette décision et nous souhaitons que la coopération avec les Nations unies puisse très rapidement se développer et conduire au retour des inspecteurs. Le président de la CCVINU, la commission de contrôle, va se rendre dans les tout prochains jours à Bagdad. Je le recevrai dès samedi matin pour faire un tour d'horizon et pour faire en sorte que, véritablement, toutes les conditions soient remplies pour permettre sur place un travail efficace.
Nous avons évoqué aussi, avec le président Ben Ali, la situation au Proche-Orient et notre inquiétude devant l'absence de mouvement et d'initiative. Notre souhait est que tous, dans la communauté internationale, prennent la mesure des difficultés, du besoin de répondre à l'injustice qui est faite au peuple palestinien dans cette région, du besoin aussi d'assurer la sécurité du côté israélien, face aux menaces terroristes. Il y a là, véritablement, un besoin essentiel et nous devons tous ensemble, avec l'ensemble de nos amis des pays arabes, faire en sorte qu'une nouvelle étape, de nouvelles initiatives soient prises pour répondre aux difficultés.
Nous avons bien sûr évoqué la situation régionale, notre souhait de voir rapidement réunis l'ensemble des pays de l'Union du Maghreb arabe. Nous savons tout le rôle que joue la Tunisie dans le cadre régional et nous avons besoin, véritablement, d'une région qui assume l'entièreté de ses responsabilités avec force, avec conviction, avec unité. Dans les difficultés du monde, dans les incertitudes du monde, l'espace régional est un espace essentiel. Vous savez à quel point la France compte sur la Tunisie dans cet ensemble régional, à quel point la France appuie les ambitions de la Tunisie dans ses relations avec l'Union européenne.
La Tunisie est le premier pays à avoir signé un accord d'association, en 1995, et nous comptons toujours développer davantage ces relations si importantes avec l'Union européenne. Importantes, sur le plan économique, vous le savez, avec le programme MEDA ; importantes aussi dans le domaine de la sécurité car nous sommes très soucieux de faire en sorte que la sécurité soit toujours davantage au cur de nos préoccupations, parce qu'il s'agit aujourd'hui de problèmes qui concernent l'ensemble de nos populations.
Nous avons bien sûr évoqué les relations bilatérales et vous savez qu'elles sont excellentes, entre la France et la Tunisie : relations de confiance, perspective de la visite du président Chirac dès l'année prochaine. Ce sera un moment fort et nous allons, dès les prochaines semaines, travailler activement ensemble pour préparer les dossiers dans tous les domaines, qu'il s'agisse des domaines économiques, sociaux, ou du partenariat culturel. Il y a là encore beaucoup à faire.
Nous voulons véritablement que ce partenariat global puisse se développer au service de la Tunisie, de sa place dans la région, de sa place dans l'ensemble méditerranéen. Nous voulons faire en sorte aussi que, dans le cadre méditerranéen, dans le cadre des relations entre les 5+5, dans le cadre du Forum méditerranéen, le dialogue entre tous puisse se développer et s'intensifier.
Nous avons aussi la perspective, au niveau gouvernemental, de la visite de Jean-Pierre Raffarin, le Premier ministre, dans l'année 2004. C'est dire que nous avons un agenda chargé. De nombreux ministres viendront aussi en Tunisie. Nicolas Sarkozy était là, il y a quelques jours. Je suis donc très heureux aujourd'hui de pouvoir faire le point et essayer de contribuer ainsi au développement des relations entre nos deux pays.
Là encore, notre meilleur atout est la qualité des relations entre nos deux présidents, entre le président Ben Ali et le président Chirac et l'unité, la très grande ferveur qui existe entre le peuple français et le peuple tunisien./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 novembre 2002)
Q - Monsieur le Ministre, quel bilan faites-vous de cette courte journée à Tunis ?
R - C'est un bilan très fructueux. J'ai eu un entretien très approfondi avec le président Ben Ali, permettant de marquer la volonté française et la volonté tunisienne d'ouvrir une nouvelle étape de nos relations, marquées par la confiance, par la volonté d'aborder ensemble les défis de la société et de l'économie tunisiennes, de bâtir un véritable partenariat entre nos deux pays et, en même temps, de continuer à unir nos efforts pour aborder les grandes questions : les questions régionales, les relations entre le Maghreb et l'Union européenne, les grandes questions politiques, qu'il s'agisse du Proche-Orient, ou bien sûr aujourd'hui de la crise iraquienne. Vous savez que la Tunisie a des relations particulières, une influence particulière, ce qui évidemment est important pour la France, dans le cadre de ces relations que nous entretenons avec le souhait d'accroître la stabilité de l'ensemble de cette région.
Q - Avez-vous évoqué la question des droits de l'homme lors de vos entretiens, et si oui, avez-vous évoqué des cas particuliers ?
R - Nous évoquons tout lors de nos entretiens, y compris bien sûr les droits de l'homme. Cela fait partie du dialogue approfondi que nous avons entre la France et la Tunisie, de la volonté d'aller de l'avant, de régler les problèmes, d'avancer. Il y a véritablement, je crois, un impératif de mouvement au cur de la relation franco-tunisienne qui n'est possible que parce qu'il y a une relation de profonde confiance : confiance entre le président Chirac et le président Ben Ali, confiance entre les autorités tunisiennes et les autorités françaises. Nous sommes là pour essayer de régler les difficultés, pour avancer ensemble. Vous comprendrez que je ne cite pas de nom, de cas particulier, car dans ce domaine, nous voulons être efficaces et l'efficacité commande parfois la discrétion.
Q - Monsieur le Ministre, sur l'Iraq, quelle va être la coopération attendue des inspecteurs avec l'Iraq ? Dans certains pays arabes, on se demande si certains inspecteurs ne vont pas pousser Saddam Hussein à la faute. La France va-t-elle être vigilante sur ce point ?
R - Depuis le début, la France a mis au cur de sa volonté, de sa stratégie sur le dossier iraquien, la recherche de l'efficacité. C'est pour cela que nous nous sommes battus pour avoir une démarche en deux temps, qui permette à chaque étape de donner voix et action au Conseil de sécurité. C'est pour cela que nous avons dit que le recours à la force ne pourrait être qu'un dernier recours. C'est pour cela que nous avons recherché l'unanimité de la communauté internationale, l'unanimité du Conseil de sécurité y compris avec la Syrie, c'est-à-dire avec le monde arabe soutenant la recherche d'une solution. Nous n'avons pas cessé de multiplier les contacts avec nos amis arabes. C'est important de faire en sorte qu'il ne s'agisse pas d'un combat d'un groupe de pays contre un autre, mais véritablement d'une unanimité de la communauté internationale pour faire face à un problème très clair et très simple, d'où la fermeté de l'ensemble de la communauté : la prolifération. La prolifération, qu'est-ce que c'est ? Ce sont des armes de destruction massive, des armes biologiques, chimiques, voire des armes nucléaires. Nous devons réduire considérablement ce risque, nous devons faire en sorte, partout sur la planète, que nous puissions répondre. Donc, en l'occurrence, nous devons faire en sorte que véritablement ces armes soient éliminées de l'Iraq. C'est pour cela que nous sommes mobilisés. Nous sommes convaincus que l'Iraq n'a pas d'autre choix aujourd'hui que d'accepter cette position de la communauté internationale. Saddam Hussein a accepté, il l'a dit par la bouche de son ambassadeur aux Nations unies, le retour des inspecteurs. Les inspecteurs vont donc revenir dans les tout prochains jours. Je vais recevoir samedi matin à Paris le président de la Commission de contrôle, la CCVINU, M. Hans Blix, qui se rend à Bagdad, et nous allons voir ensemble sur quelle base ces inspecteurs peuvent travailler le plus efficacement, c'est aujourd'hui notre souci : faire en sorte que ces inspecteurs puissent véritablement et rapidement mener à bien leur travail.
Q - La France a joué un rôle majeur en replaçant l'ONU au centre de la crise iraquienne, en faisant accepter la résolution. Est-ce que Paris peut être porteur d'un message ou jouer un rôle auprès des inspecteurs ?
R - Bien sûr, ce rôle, c'est l'exigence : exigence pour faire en sorte que ces inspections se déroulent dans de meilleures conditions, compréhension des difficultés qui peuvent se poser sur le terrain et faire en sorte que ces difficultés puissent être, au cas par cas, au cours des prochaines semaines, réglées. Nous avons déjà une résolution qui fixe un cadre clair. Nous nous sommes battus pour que le régime d'inspections soit à la fois rigoureux et réaliste. Et nous pensons que nous disposons aujourd'hui de ce cadre. Il faut faire en sorte, bien évidemment, au quotidien, que les autorités iraquiennes le comprennent, fassent en sorte que ces inspections se déroulent bien. C'est l'intérêt de tous. Il y a maintenant un calendrier, les Iraquiens ont trente jours pour faire rapport sur l'ensemble des installations qui sont en leur possession, et à partir de là, les inspecteurs auront leur feuille de route pour démanteler un à un l'ensemble des dispositifs que l'Iraq peut posséder aujourd'hui.
Q - Monsieur le Ministre, vous êtes venu en Tunisie pendant le Ramadan, vous participez à un "iftar" , quel est votre message aux musulmans qui vous écoutent ?
R - C'est un message de compréhension, un message de tolérance. Quelles que soient nos cultures, quelles que soient nos religions. Il y a une volonté commune. Il y a aujourd'hui l'ambition de rendre ce monde plus juste, de le rendre meilleur. Il y a un besoin de partage et de compréhension. C'est le message, vous le savez, que j'ai adressé à Rabat. J'ai voulu l'adresser à l'ensemble de la communauté musulmane, à l'ensemble des peuples de la planète, parce que ce message de tolérance, de compréhension, est aujourd'hui celui de la France, inspiré, bien sûr, par ce qui est notre propre tradition humaniste. Nous sommes convaincus que la vocation de trait d'union de la France entre les peuples de la Méditerranée, les peuples de l'Afrique et les peuples du continent européen, lui permet aujourd'hui d'avoir une voix peut-être plus forte, peut-être plus crédible, en tout cas, de bien montrer à l'ensemble des peuples et des pays que la France est au service d'un certain nombre de grands principes : le respect de la légalité, du droit, de la morale. Et c'est bien au service de ces principes, de cette ambition de paix, que la diplomatie française doit travailler.
Q - Prenez-vous au sérieux les dernières menaces de Ben Laden, et pensez-vous qu'elles sont plus importantes que celles de l'Iraq sur la France ?
R - La France est mobilisée depuis de longues années, depuis de longs mois, chaque jour davantage, pour faire face à ces menaces. Nous l'avons vu depuis le 11 septembre, mais nous étions mobilisés déjà depuis de nombreuses années. Nous l'avons vu le plus gravement depuis le 11 septembre avec la multiplication des attentats, qu'il s'agisse de Bali, du Yémen, de Djerba, il y a là des menaces qui se sont multipliées et qui disent clairement qu'aucune terre, aucun peuple, n'est aujourd'hui épargné par cette menace diffuse, qui mêle à la fois l'archaïsme et la haute technologie, cette menace opportuniste qu'est le terrorisme, qui cherche à s'attaquer à la vérité d'un certain nombre de peuples, à faire culte de l'intransigeance et de l'intolérance. Nous sommes là pour faire face et pour faire face ensemble. Aucun pays seul ne peut faire face à la menace terroriste.
C'est pour cela que nous voulons multiplier les coopérations. Nous le faisons évidemment dans le cadre européen. Nous le faisons dans le cadre des coopérations avec nos amis arabes, nous le faisons dans le cadre des coopérations avec les Nations unies - coopération judiciaire, policière et dans le domaine du renseignement -.Parfois, nous l'avons vu en Afghanistan, il faut recourir à l'outil militaire, le recours à la force mais nous sommes convaincus que le message principal de la communauté internationale et, en tout cas, celui de la France, c'est que pour réduire l'incertitude terroriste, il faut répondre, résoudre les crises, et en particulier celle du Proche-Orient, qui nourrit aujourd'hui le sentiment d'injustice, d'humiliation, de frustration que ressentent un certain nombre de peuples à travers la planète.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 novembre 2002)
Merci à tous et à toutes d'avoir répondu présent à l'appel. Ce n'est pas toujours facile, même si venir chez l'ambassadeur de France et chez Mme de La Messuzière est un plaisir. C'est un plaisir pour moi que d'être accueilli par vous. Vous avez la chance d'avoir un ambassadeur qui a, non seulement, une très bonne connaissance de la Tunisie, de cette région, mais qui a beaucoup rêvé de venir servir dans ce poste et comme il a beaucoup servi la République dans de nombreux postes antérieurs, c'est une joie particulière d'être accueilli par lui aujourd'hui.
Ma visite en Tunisie, vous le savez, a pour but de renforcer la relation entre la France et la Tunisie. Il y a une confiance mutuelle que nous voulons développer, qui existe depuis longtemps, mais au fil des années, un certain nombre d'incertitudes et d'incompréhensions ont fini par exister entre la France et la Tunisie. Il était important de venir marquer très rapidement la volonté, de part et d'autre, de relancer la relation entre nos deux pays. En effet, vous le savez, dans le monde dans lequel nous vivons, si l'on n'avance pas, si l'on n'a pas un modèle commun, une ambition commune, hé bien, souvent, on recule.
Les entretiens que j'ai eu le plaisir d'avoir ce matin avec M. le Président Ben Ali, avec mon collègue et ami M. Ben Yahia, sont encourageants pour l'avenir. Il y a, je crois, une communauté de vues sur l'évolution de la région. Sur l'évolution des dossiers du Proche et du Moyen-Orient - et vous savez à quel point ils sont difficiles, compliqués -, il y a un regard commun. Il y a une volonté d'aborder ensemble cette étape de l'histoire du monde où l'incertitude se situe au cur. Vous le savez mieux que beaucoup d'autres, à la suite de l'attentat de Djerba, nous faisons face à des incertitudes, des difficultés, des défis et la seule façon, le seul antidote que nous ayons, c'est d'être unis.
Unis pour partager une information, unis pour partager des coopérations dans tous les domaines. Nicolas Sarkozy était ici, il y a quelques semaines, pour bien marquer la volonté d'aborder ensemble les questions du terrorisme, de la sécurité, qui nous tiennent à cur. Il est important que, sur tous ces chapitres, la relation entre les dirigeants soit la plus forte et la plus étroite possible. Et je veux souhaiter que ces visites s'intensifient.
Vous savez que nous avons une grande visite : c'est celle du président de la République en 2003 et ce ne sera pas la seule. Il y a aussi la perspective de la préparation de la visite du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, qui se rendra en 2004 en Tunisie. Ceci constitue véritablement pour nous des échéances fortes qui vont nous permettre d'inscrire beaucoup de questions à l'agenda France-Tunisie.
Nous avons pu régler déjà de nombreux problèmes. Depuis six mois nous avons fait de grands pas en avant dans beaucoup de dossiers difficiles, je pense en particulier aux questions immobilières. Beaucoup a été fait, nous voulons aller jusqu'au bout de ce processus parce que, quand on fait écrire une nouvelle page dans les relations - et Dieu sait que c'est l'ambition commune de la France et de la Tunisie -, il est important de mettre les choses à jour et nous avons envie qu'aucune ambiguïté, aucune difficulté du passé ne viennent compliquer cet horizon nouveau.
Nous sommes proches de la Tunisie, bien évidemment, par la géographie ; nous sommes proches aussi par la culture et vous savez à quel point il y a une fascination mutuelle des deux côtés de la Méditerranée. Nous sommes ici au cur de l'ancienne Carthage, au cur de Salammbô de Flaubert, et aussi au cur d'une culture vivante. Beaucoup de nos compatriotes s'y sont penchés, s'y sont attachés. Il n'est que de rappeler la mémoire du baron d'Erlanger venu ici redécouvrir la musique arabe, lui donner toute sa richesse et tout son poids.
Notre dialogue politique, je vous l'ai dit, a vocation à s'intensifier et à se développer. La Tunisie, par sa proximité avec la France, joue un rôle moteur dans le dialogue avec l'ensemble de l'espace méditerranéen et aussi avec l'Europe. Il y a dans ce pays une vocation à être pionnier dans ce dialogue entre l'Europe et la Méditerranée. D'ailleurs, en 1995, le premier accord situé dans le cadre du dialogue euro-méditerranéen a été signé avec la Tunisie, premier accord d'association marquant clairement la volonté et l'ambition de la Tunisie de jouer son rôle dans le dialogue 5+5, dans le dialogue nourri au sein du Forum méditerranéen, et nous voulons véritablement appuyer cette ambition de la Tunisie de jouer tout son rôle.
Dans le domaine du terrorisme, je l'ai dit, il y a cette ambition de veiller ensemble, d'être vigilants, à la suite de l'attentat de Djerba qui a coûté la vie à deux de nos compatriotes. Nous voulons dégager des moyens supplémentaires pour assurer la sécurité de nos communautés. Vous savez que cela fait partie des premières préoccupations que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin aura mises à l'ordre du jour. Un budget spécifique est consacré à la sécurité de nos compatriotes, augmenté de 30 % dans le budget 2003 que j'ai discuté hier à l'Assemblée nationale.
Sur tous ces sujets, politique, sécurité, économie, je constate qu'il y a une très grande convergence d'analyse entre nos amis tunisiens et nous-mêmes. Nous sommes aujourd'hui confrontés à des défis communs, et plus que jamais, il existe une volonté de les régler ensemble.
Ce déplacement aujourd'hui à Tunis, très rapide - mais j'ai souvent l'occasion de revenir ici et de croiser les uns ou les autres - est aussi un moment privilégié pour échanger avec vous et vous savez que, dans la politique du gouvernement auquel j'appartiens, les communautés françaises sont véritablement des points forts sur lesquels nous voulons miser pour essayer de défendre davantage la place de la France dans le monde.
Vous êtes aujourd'hui la substance vive de notre relation bilatérale entre la France et la Tunisie. Que vous soyez représentants d'entreprises, chercheurs, agents du ministère ou enseignants, vous portez, chacun dans votre domaine, une part du rayonnement de la France, une part, je dirais même, de l'ambition française. Ainsi, j'ai une conviction, c'est que la France, aujourd'hui, a une mission ; qu'elle n'a pas toujours eu dans les dernières années la place qui lui revient ; qu'elle a vocation, de par son expérience, de par son exigence dans le domaine culturel, dans la défense du droit et de la morale sur le plan international, à compter davantage et à faire entendre davantage sa voix. Nous avons essayé de le faire dans la crise iraquienne et nous voulons continuer de le faire. L'entretien que j'ai eu avec le président Ben Ali, particulièrement attentif et connaissant bien cette région, montre bien qu'il y a du côté de nos amis arabes, du côté de nos amis du Maghreb, une très forte attente du côté de la France.
Notre rencontre est pour moi aussi l'occasion de prêter une attention particulière à vos préoccupations et à vos attentes, qui sont relayées au quotidien par vos délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger que j'ai eu l'occasion de rencontrer régulièrement, à Paris ou en poste. Je sais combien la communauté française en Tunisie est importante, diversifiée et bien intégrée. Traditionnellement nombreuse, elle s'enrichit de beaucoup de compatriotes qui ont la double nationalité et cela fait un ensemble qui permet de relayer considérablement les intérêts et la voix de la France. Je me félicite de cette évolution et la présence de 4.700 élèves dont près de la moitié sont français dans nos onze établissements scolaires montre que beaucoup d'entre vous ont fait le pari de s'inscrire dans la relation avec la Tunisie dans la durée, de faire véritablement le pari de l'avenir.
Je sais aussi le dynamisme qui est le vôtre, au service des relations entre nos deux pays. La France est le premier partenaire commercial et financier de la Tunisie et le premier investisseur étranger. Je salue l'action de la section locale des conseillers du commerce extérieur qui apporte un appui précieux à l'ambassade par ses analyses et par le suivi des affaires.
Mais je sais également que certains de nos concitoyens établis de longue date ou binationaux connaissent des difficultés, par la précarité, par la solitude, difficultés par les problèmes liés à la scolarisation des enfants ou à la vie professionnelle. Face à ces préoccupations, je veux vous dire l'esprit de solidarité qui anime le gouvernement vis-à-vis de l'ensemble des Français, qu'ils vivent sur le sol national ou à l'extérieur. Cet esprit a déjà conduit le ministère des Affaires étrangères à mettre en place un certain nombre de moyens supplémentaires, aides attribuées dans le cadre du comité consulaire pour la protection et l'action sociale, des comités emplois formation et, bien entendu, de la Caisse des Français de l'étranger dont je sais qu'elle suscite à la fois une forte adhésion auprès de nos compatriotes de Tunisie et beaucoup d'attentes. J'entends les renforcer, les améliorer dans les prochains mois, afin de donner un nouveau souffle à la solidarité et à l'entraide entre tous les Français. A cet égard, je voudrais rendre un hommage particulier à la Société d'entraide et de bienfaisance française qui célèbre cette année son 120ème anniversaire ainsi qu'au Foyer pour personnes âgées de Radès qui héberge ceux de nos compatriotes qui sont les plus isolés et les plus démunis.
Je crois qu'il s'agit là d'un exemple de l'esprit auquel nous devons tous adhérer, l'esprit de conviction, de fraternité, de persévérance. Et ce, au service d'une ambition commune, la place de la France, bien sûr, mais aussi une certaine idée de la France, car c'est à chacun de nous qu'il revient d'apporter sa pierre à l'édifice commun que nous devons construire dans le monde d'aujourd'hui.
L'effort réalisé en matière de scolarisation des élèves français souligne notre volonté de prendre en charge l'avenir et le destin des jeunes générations. Cet effort se traduit par un budget en augmentation consacré aux bourses destinées aux élèves scolarisés dans nos établissements ainsi qu'aux étudiants qui poursuivent un cursus universitaire en France.
Pour conclure, je voudrais vous faire part de la volonté qui est la mienne et celle de tout mon ministère, d'être à l'écoute de l'ensemble de nos compatriotes présents à l'étranger. Je fais partie de ces Français, qui ont grandi, qui ont étudié et qui ont vécu à l'étranger ; je connais les difficultés de cette expatriation et je sais aussi la chance que vous représentez pour la France. Chance du partage d'autres cultures, chance du partage d'autres expériences, chance aussi de la confrontation avec les risques auxquels est confronté aujourd'hui l'ensemble du monde. Vous êtes en quelque sorte précurseurs dans la connaissance d'un certain nombre de difficultés, dans l'exigence de l'adaptation, du partage, de l'échange qui sont des valeurs auxquelles, aujourd'hui, nous ne pouvons échapper. Nous sommes aujourd'hui sommés de faire cet effort sur nous-mêmes pour découvrir, pour comprendre, pour partager avec d'autres.
C'est pour cela que j'ai souhaité engager une grande réforme du ministère des Affaires étrangères, pour faire en sorte que la rationalisation de nos moyens nous permettre d'être davantage présents, davantage au contact des réalités, de la proximité des pays où vous vivez. Et je souhaite évidemment que dans les prochains mois, les prochaines années, il y ait encore davantage, un ministère, des hommes et des femmes - je sais que c'est l'exigence de l'ambassadeur et de Mme Aubin de La Messuzière - toujours à votre service, toujours présents, avec des ambassades, des consulats, des instituts, des résidences qui sont pour toutes et pour tous votre résidence.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 novembre 2002)
Le président Chirac a souhaité que je me rende rapidement en Tunisie, dans le cadre de la priorité que la France accorde à ses relations avec le Maghreb, pour relancer nos relations et leur imprimer un nouveau dynamisme. Nos relations sont fondées sur une profonde connaissance mutuelle et retrouvent toute leur confiance. Et le mot clef, c'est bien cela : la confiance. Ce que nous avons fait en quelques mois, cette confiance retrouvée, cette capacité à travailler ensemble pour relever les défis de la Tunisie, bien sûr ; pour relever les défis de la région - et vous savez qu'ils sont nombreux ; pour relever les défis du monde. Et à l'heure où nous sommes confrontés à la menace terroriste, à la menace de la prolifération, à des crises difficiles - la crise iraquienne, les crises régionales -, ce mot confiance prend un sens particulier.
Nos relations sont privilégiées, par l'histoire, par l'affection que les Français portent à la Tunisie. Plus d'un million de mes compatriotes se rendent chaque année ici, en Tunisie. Nos relations sont portées également par une communauté tunisienne de France, prospère et dynamique, de 500.000 personnes, qui joue un rôle de pont entre les deux pays et je voudrais aujourd'hui, ici, leur rendre hommage. Vous savez que cet échange, ce partage entre nos deux pays fait que nous nous connaissons mieux et que nos relations sont vivantes, dans un monde où tout bouge et où nous avons besoin de ce liant, de cette affection pour aller de l'avant et regarder ensemble vers un avenir que nous voulons meilleur.
Je souhaite souligner la qualité de la relation personnelle du président de la République avec le président Ben Ali, la confiance et le respect qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. Le président de la République, qui avait effectué en octobre 1995 l'une de ses premières visites d'Etat à l'étranger en Tunisie, visitera à nouveau votre pays dans le courant de l'année 2003, c'est-à-dire dans quelques mois. Il a exprimé la claire volonté que la France accompagne la Tunisie dans la politique de modernisation et d'ouverture dans laquelle votre pays est engagé.
Le Premier ministre se rendra également en Tunisie dans le cours de l'année 2004. C'est dire que nous avons un agenda politique chargé d'importantes visites ministérielles. Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur, était présent il y a quelques jours ici-même et nous aurons d'autres visites de ministres pour faire en sorte que cette année 2003 et cette année 2004 permettent d'obtenir le meilleur des volontés et des ambitions de la France et de la Tunisie.
L'audience que le président Ben Ali m'a accordée et la longue réunion de travail que j'ai eue avec le ministre Ben Yahia ont permis de resserrer dans tous les domaines le dialogue confiant et sans exclusive - nous abordons tous les sujets ensemble - qui est le nôtre. Soyons donc créatifs pour donner un nouvel élan à cette relation et préparer les échéances de l'avenir.
Dans le domaine économique, la France est déjà le premier partenaire commercial et financier de la Tunisie ainsi que le premier investisseur étranger. Nous souhaitons que cette tendance puisse encore se renforcer.
Dans le domaine de la coopération, notre dispositif est en voie de modernisation pour aboutir à un véritable partenariat, comme nous l'avons décidé lors de la commission mixte de janvier 2002, au début de cette année.
Nous continuerons à soutenir le développement économique et social de votre pays, grâce notamment aux projets de l'Agence française de développement et du Fonds de solidarité prioritaire. Inscrite dans la zone de solidarité prioritaire, la Tunisie est en effet le pays qui bénéficie de la plus forte aide par habitant. J'ai d'ailleurs procédé aujourd'hui à la signature, avec mon homologue tunisien, de trois conventions qui permettront le développement de projets dans des secteurs aussi distincts que la recherche aquacole, l'enseignement du français ou la valorisation touristique d'un site archéologique. Il y a là la diversité de nos intérêts, de nos préoccupations qui marque bien notre volonté de travailler ensemble.
C'est dire que la Tunisie bénéficie du plein soutien de la France, une Tunisie qui, sous l'impulsion du président Ben Ali, a relevé le pari de la modernisation en s'ancrant à l'Union européenne par un accord d'association, le premier en Méditerranée, en 1995 ; une Tunisie dynamique et ouverte qui assume pleinement ses traditions et ses valeurs de tolérance religieuse ; une Tunisie partenaire majeure de la France.
Quand un monde troublé et plein d'incertitudes exige de nous une concertation renforcée en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme international, je tiens à saluer la coopération exemplaire dans ce domaine entre nos deux pays, comme l'a démontré la récente visite dans votre pays de Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur.
Dans ce contexte confiant, nous avons évoqué la question du contentieux immobilier bilatéral. Vous savez que des progrès importants ont été établis au cours de l'été. D'autres progrès sont à venir, nous y travaillons. Notre volonté est de parvenir à une solution définitive, de tourner la page, de regarder ensemble vers l'avenir, avant la visite du président de la République, en 2003.
Enfin, nous avons évoqué les grandes questions d'actualité et nous avons ainsi pu constater la vision commune des enjeux et des défis de la région. Vous savez que les contacts entre nos chefs d'Etat sont réguliers. Le président de la République s'est longuement entretenu au téléphone de la situation régionale et internationale avec le président Ben Ali, le 11 novembre. Sur le message de fermeté et d'unité adressé par la communauté internationale à l'Iraq : nous partageons une vision commune. Je me félicite que la Tunisie ait pu relayer ce message car nous voulons que le droit prévale et que l'Iraq désarme. C'est tout le sens du message de fermeté, de clarté qui a été adressé par le Conseil de sécurité des Nations unies, il y a quelques jours.
La Tunisie joue également un rôle précieux concernant la situation au Proche-Orient que nous avons évoquée. Vous savez que notre désir est que la communauté internationale - les Nations unies, le Quartette qui doit se réunir à nouveau en décembre - puisse reprendre l'initiative. Nous avons conscience de l'importance d'avancer dans ce conflit, de répondre au sentiment d'injustice, à l'interrogation de nombre de populations sur les "deux poids et deux mesures" qui seraient ceux de la communauté internationale. Nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait deux vitesses ; nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait deux sensibilités. Nous sommes convaincus qu'il faut nous mobiliser pour essayer de multiplier nos efforts, ensemble, pour répondre à cette crise.
Sur les questions maghrébines, nous nous félicitons de l'engagement de la Tunisie en faveur de la relance de l'Union du Maghreb arabe, afin de faciliter la création d'un espace régional intégré, facteur de prospérité et de stabilité régionales. Partout où nous regardons, à travers le monde, nous voyons que là où il y a une volonté régionale, il y a un espoir de paix et il y a des avancées dans le règlement des problèmes. Nous le voyons partout. Nous le voyons en Afrique, nous le voyons en Europe, nous le voyons en Amérique. Il est donc essentiel que cette dynamique régionale de paix, de démocratie, de développement soit enclenchée parce que cet élan permet de régler les problèmes.
Sur les relations entre l'Europe et la rive sud de la Méditerranée, au renforcement desquelles la France et la Tunisie travaillent de concert, que ce soit dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen ou du dialogue 5+5, nous saluons l'active participation de la Tunisie au Processus d'Agadir.
J'ai confiance dans l'avenir de la Tunisie ; la France a confiance dans l'avenir de la Tunisie qui se donne les moyens de relever les défis de la mondialisation. Je puis vous assurer aujourd'hui que la France s'engagera à ses côtés, à vos côtés, dans cette démarche.
Je suis prêt maintenant à répondre à vos questions.
Q - Monsieur le Ministre, la Ligue arabe a souhaité que des inspecteurs arabes viennent s'ajouter au groupe des inspecteurs internationaux. Est-ce que vous avez été saisi de cette question et quel est votre avis ?
R - Nous avons été amenés à plusieurs reprises à évoquer cette perspective avec nos amis arabes. Nous sommes convaincus que le monde arabe joue un rôle clef dans le dénouement de cette crise. D'abord parce que, il faut le constater, depuis le début de l'année 2002, la mobilisation, l'unité du monde arabe ont marqué un renouveau de la volonté diplomatique, de la volonté politique, qu'il faut saluer. L'initiative saoudienne, le Sommet arabe de Beyrouth déterminant une position commune du monde arabe sur le conflit israélo-palestinien, les déclarations et le Sommet de Charm El-Cheikh, la récente réunion de la Ligue arabe, le Sommet francophone de Beyrouth ont bien montré qu'il y avait unité de volonté, volonté de prendre toute sa place dans le règlement des problèmes du monde.
On l'a vu sur le terrorisme ; on le voit sur la prolifération ; je l'ai constaté moi-même physiquement, lors de l'Assemblée générale des Nations unies au mois de septembre : l'ensemble des représentants du monde arabe que j'ai rencontrés, le Secrétaire général de la Ligue arabe, chacun est mobilisé pour essayer de répondre, pour adresser un message clair à Saddam Hussein et à l'Iraq.
Il y a donc là une mobilisation. Pourquoi ? Parce que nous sommes tous convaincus que la meilleure réponse aux crises de notre monde est politique. C'est pour adresser cette réponse politique, pour éviter le recours à la force, pour faire en sorte que le recours à la force ne soit véritablement - et c'est au cur de la position française - qu'un dernier recours. C'est parce que nous sommes convaincus que quand la communauté internationale a une idée claire, quand elle est unanime pour défendre une idée, eh bien elle est plus forte.
C'est ce que nous avons fait sur l'Iraq et nous nous félicitons du fait que même la Syrie se soit ralliée à cette unanimité. Cela rend la communauté internationale et le message que nous adressons à Saddam Hussein d'autant plus crédibles et d'autant plus forts. Nous sommes désireux de permettre de régler cette crise pacifiquement. Nous sommes convaincus que cette unanimité, cette unité vaut exemplarité.
Ce qui vaut dans le cas de l'Iraq doit valoir dans d'autres crises et quand nous disons que nous entrons dans une ère nouvelle des relations internationales, c'est parce que nous sommes convaincus que le monde, aujourd'hui, a vocation à chercher à ne plus s'accommoder des situations difficiles : les crises régionales, le terrorisme, la prolifération. Il ne s'agit pas de gérer ces situations. Il s'agit véritablement de trouver des moyens en vue d'une solution. Pour trouver les solutions, il faut travailler ensemble. Nous avons besoin du monde arabe ; nous avons besoin de chacun des pays arabes pour trouver les voies d'une solution.
Et quand il s'agit d'adresser un signal fort à Saddam Hussein, nous le voyons au lendemain de la résolution, eh bien tous les pays arabes ont adressé leur message. Le président Ben Ali a joué un rôle essentiel dans l'influence, dans la détermination à faire en sorte que cette unité s'exprime, de façon à ce que, de cette unité, puisse sortir une action, une raison commune, une capacité à agir.
C'est de cela que la communauté internationale a besoin ; c'est de cela qu'elle a besoin pour la crise iraquienne ; c'est de cela que nous avons besoin dans la crise du Proche-Orient. Il nous faut plus d'efficacité, plus d'unanimité, plus d'unité pour exprimer une volonté. Et vous savez que la vision de la France est fondée sur des principes que nous partageons tous : le respect du droit, le respect de la légalité internationale, le respect de la morale. C'est en trouvant les moyens d'agir ensemble, les moyens d'une sécurité collective, d'une volonté collective, d'une responsabilité collective que nous pouvons affirmer, justement, cette victoire du droit et de la morale. Et le Conseil de sécurité, les Nations unies sont aujourd'hui le bon endroit, le bon outil pour exprimer cette volonté.
Q - Monsieur le Ministre, la résolution 1441 délivre un message clair contre le régime de Saddam Hussein et les Etats-Unis continuent de se préparer à la guerre. En cas de complication ou bien en cas d'échec, comme prévu, de la mission des inspecteurs, est-ce que la France va participer aux opérations militaires, sachant que la résolution n'exige pas un nouveau vote aux Nations unies ?
Deuxième petite question, en ce qui concerne le terrorisme. Est-ce qu'il y a des éléments nouveaux après les arrestations qui ont eu lieu à Marseille et à Lyon ?
R - La chance que nous avons, Français et Tunisiens, c'est que nous sommes deux pays, deux terres, deux peuples, deux mémoires. Et la mémoire, qu'est-ce qu'elle nous dit ? La mémoire nous rappelle qu'il est important de savoir, quand nous voulons agir, faire face à un risque, qu'il faut justement s'appuyer sur l'expérience du passé. Or l'expérience du passé, dans le cas de la crise iraquienne, c'est la nécessité bien sûr de fixer un cap clair, de savoir où nous voulons aller.
Rappelons-nous : où étions-nous début septembre, avant que l'Assemblée générale des Nations unies ne voie le président Bush exprimer sa volonté de travailler avec l'ONU ? Où étions-nous ? Nous étions, pour l'essentiel des observateurs de la vie internationale, dans l'annonce programmée d'une intervention militaire. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Est-ce que cette intervention est aussi programmée ? Est-ce qu'elle est inéluctable ? Eh bien moi, aujourd'hui, je vous dis que non. Je vous dis qu'elle dépend de notre volonté commune. Elle dépend de la volonté de Saddam Hussein. Si Saddam Hussein adresse un message clair - il l'a fait en ce qui concerne l'acceptation du retour des inspecteurs -, s'il coopère pleinement, alors, bien sûr, le destin de l'Iraq, le destin de cette région peut être changé. Cela ne dépend que de sa volonté, que de la volonté de la communauté internationale, sur la base de son acceptation d'une coopération pleine, car nous ne pouvons pas accepter le risque de la prolifération.
Le risque de la prolifération, qu'est-ce que c'est ? Nous pouvons en parler savamment mais qu'est-ce que c'est réellement ? C'est un risque chimique, c'est un risque biologique et je ne parlerai pas du risque nucléaire. Nous ne pouvons pas prendre, les uns et les autres, responsables de la vie internationale, de la communauté internationale, ce risque là. Et nous disons à tous les Etats, nous disons à l'Iraq, nous disons à la Corée du Nord, nous le disons à tous les Etats qui seraient tentés d'enfreindre cette règle selon laquelle la vie internationale suppose des valeurs communes : la vie internationale suppose des règles communes. Nous sommes là pour les partager. Ceux qui seraient tentés de ne pas les respecter, évidemment, encourent le risque de se voir réprimandés et sanctionnés.
C'est cela, l'attitude de la communauté internationale : dire clairement à Saddam Hussein : nous attendons de vous que vous coopériez. Si vous coopérez, le risque de guerre perd sa raison d'être mais si vous refusez, évidemment alors, le risque du recours à la force existe et chacun sur la scène internationale sera amené à prendre ses responsabilités. Il ne peut pas y avoir dans la vie collective, nous le savons tous, d'impunité. Ce n'est pas pareil que d'accepter les valeurs et les règles ou de les refuser. Il est normal que cette règle s'applique à tous. C'est le message qui est adressé à l'Iraq et c'est un message unanime qui est celui du monde arabe, qui est celui de l'Europe, qui est celui de la communauté internationale. Et nous pensons, pour limiter l'incertitude, qu'il est important que nous prenions la responsabilité commune de ce message. Je crois qu'il y a là un élément très fort et nouveau de la vie internationale.
Le deuxième élément que vous évoquiez, c'est la coopération dans le domaine du terrorisme. Face à l'incertitude qui existe et que nous voyons tous - elle existe depuis le 11 septembre, elle existe à Bali, elle existe au Yémen, elle existe partout à travers le monde -, aucun Etat ne peut se considérer épargné. La qualité des coopérations, indispensables dans le domaine policier, dans le domaine judiciaire, dans le domaine du renseignement, seule, nous permet de réduire l'incertitude et c'est dans ce sens que nous travaillons, convaincus que seul l'esprit de responsabilité, la volonté commune, peut nous permettre de faire face au terrorisme.
Q - Monsieur le Ministre, nous assistons actuellement en Palestine à un processus de destruction systématique de l'Autorité palestinienne. L'échec des Etats-Unis est patent. Est-ce que l'Union européenne n'envisage pas une initiative de nature à trouver une nouvelle voie ?
R - Merci de poser cette question parce que nous touchons à l'un des curs, aujourd'hui, de la vie internationale. Le Proche-Orient est au centre de nos préoccupations. En tout cas, je peux vous dire qu'il est au centre des préoccupations de la diplomatie française. Nous avons bien conscience qu'il y a là une crise fondatrice, source de beaucoup d'injustice, de beaucoup d'instabilité, et que l'intérêt de la communauté internationale, de la justice même, c'est que nous soyons mobilisés pour essayer d'y répondre.
L'Union européenne, au cours des derniers mois, a beaucoup fait dans ce sens, pour essayer d'établir une feuille de route, pour travailler dans le cadre du Quartette qui mobilise les Nations unies, les Etats-Unis, la Russie et l'Union européenne. Notre conviction aujourd'hui, et je vous le dis comme ministre des Affaires étrangères de la France, c'est qu'il faut faire davantage. Nous voulons avoir l'initiative sur cette crise, parce que nous sommes convaincus que, pour réduire l'incertitude sur la planète, il est important de retrouver la voie de l'espoir au Proche-Orient.
Corriger l'injustice faite au peuple palestinien, répondre au sentiment d'insécurité du peuple israélien : il y a là, évidemment, une dynamique tragique qui ne peut trouver de solution que dans la sécurité et dans l'équité. Il faut donc travailler rapidement dans le sens de la création d'un Etat palestinien et vous savez qu'aujourd'hui, c'est l'objectif partagé par l'ensemble de la communauté internationale, sur la base des accords de 1967. C'est évidemment la clef. Il y a là un élément qui, je crois, est clair dans l'esprit de tous.
Nous devons maintenant formaliser les moyens d'y parvenir, tant du côté palestinien que du côté israélien. Je vous le dis tout de suite, on me répond souvent il faut attendre le bon moment : attendons qu'Israël sorte des élections. Il n'y a pas de bon moment pour faire la paix. La paix est un devoir, un impératif, qui s'impose à tous et il faut la faire tout de suite, parce que le prix, nous le voyons, c'est l'insécurité, c'est le terrorisme, c'est l'injustice et cela, nous ne pouvons pas nous en accommoder.
Q - Monsieur le Ministre, en tant que Méditerranéen, est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait ouvrir un débat au sein de l'ONU au sujet des armes nucléaires dont dispose Israël et qui sont une menace pour toute la région ?
Ma deuxième question concerne des Tunisiens qui se plaignent encore des refus de visa, surtout des visas d'études.
R - En ce qui concerne la Méditerranée, vous savez à quel point nous sommes attachés, l'Union européenne est attachée, l'ensemble de la communauté internationale est attachée à faire en sorte que la Méditerranée puisse être véritablement une zone de paix. Il est important de répondre à cette exigence. Je le dis souvent à nos amis américains, je le dis à nos amis israéliens, notre conviction française est qu'il ne peut y avoir de réponse à l'insécurité par la seule politique sécuritaire. Il est indispensable de comprendre que, sans vision politique, sans perspective politique, sans capacité de redonner un espoir à une région en crise, il ne peut y avoir véritablement plus de sécurité et de stabilité. Donc, je partage ce sentiment qui consiste à dire que par les armes, par la sécurité seule, il ne peut y avoir davantage de sécurité, ce qui veut dire qu'il faut redonner la priorité à la recherche politique. Et c'est là où chaque Etat de la région, Israël bien sûr, les Palestiniens, le monde arabe, les pays européens, l'ensemble de la communauté internationale doivent prendre leurs responsabilités.
Il faut aller plus loin, dans le cadre du Quartette, dans le cadre de la responsabilité de chacun des Etats. Cela fait partie du dialogue que nous avons engagé avec les Etats-Unis et nous voulons que cela soit un dialogue de confiance pour pouvoir multiplier les propositions dans ce domaine. C'est véritablement aujourd'hui l'une des grandes urgences, pour ne pas dire la grande urgence de la vie internationale.
Sur la question des visas, vous savez que beaucoup a été fait. Ce n'est pas une raison pour ne pas faire davantage. 80 000 visas sont délivrés par an entre la France et la Tunisie, c'est un élément important. Beaucoup est fait pour faciliter ce que j'appellerais le passage régulier et normal d'une rive à l'autre de la Méditerranée : étudiants, hommes d'affaires, diplomates. Nous avons des relations telles entre nos deux pays ; la confiance est telle que nous devons pouvoir simplifier encore. Nous le faisons bien évidemment en ce qui concerne la procédure du visa ; nous le faisons aussi dans le principe même de l'accueil et nous avons beaucoup travaillé pour faire en sorte qu'à Tunis et ailleurs, là où nous délivrons des visas, nous puissions le faire dans des conditions de qualité d'accueil et de réception, qui fassent que nous soyons à la mesure de ce que nous appelons l'hospitalité française. Comme dans l'hospitalité tunisienne, nous sommes là pour faire en sorte que les choses progressent aussi dans ce domaine.
Q - Monsieur le Ministre, les Américains parlent tantôt de désarmement de l'Iraq et tantôt de changement du régime iraquien. Les deux objectifs sont combinés. Est-ce que l'Iraq désarmé avec Saddam Hussein comme président est un scénario envisageable, acceptable ?
R - Ma réponse est oui. L'objectif, c'est le désarmement, ce n'est pas le changement de régime. Mais je crois que cette position est exprimée aujourd'hui par chacun d'entre nous, y compris par les Etats-Unis. Mon ami Colin Powell l'a dit clairement. Un Iraq qui désarmerait ne serait pas le même régime. A partir de là, je crois qu'il y a véritablement un objectif pour nous tous, un objectif qui est de recréer les conditions de la sécurité, de la stabilité, de la confiance dans cette région et c'est sur cette base que nous travaillons.
Q - () Quelle est l'approche de l'Etat français pour la gestion des flux migratoires ?
R - Ce dialogue 5+5, vous savez que nous y attachons beaucoup d'importance, d'autant plus que la conférence ministérielle 5+5 aura lieu cette année en France. Et nous saluons les initiatives qui sont prises par la Tunisie pour essayer d'encourager la tenue d'un sommet qui permettrait de réunir l'ensemble des volontés et d'ouvrir véritablement des perspectives d'action commune.
Dans le domaine de l'immigration, notre souci est d'accroître à la fois les garanties pour chacun de nos Etats et en même temps d'accroître la philosophie et l'esprit d'humanisme qui est le nôtre. La lutte contre l'immigration clandestine, vous le savez, est une préoccupation majeure, tant pour la France que pour la Tunisie. Nous travaillons donc à faire en sorte que nous puissions mieux appréhender l'évolution de ces flux migratoires. Nous poursuivons ensemble un travail dans ce sens, dans le cadre d'une responsabilité partagée entre les pays du Nord et du Sud.
Je rappelle par ailleurs que l'importance de l'immigration légale permet d'être d'autant plus exigeants, d'autant plus stricts vis-à-vis de cette immigration clandestine. Cette immigration légale fait que nous sommes mobilisés pour apporter un traitement attentif en matière de rapprochement familial. Vous savez que cela fait partie des axes forts de la politique française. Je veux donc rendre hommage aux nombreux Tunisiens de France dont l'intégration et l'apport à notre pays font honneur à la Tunisie.
Q - Pendant longtemps, la France a constitué une base arrière pour plusieurs mouvements intégristes. Les événements du 11 septembre ont-ils été le tournant dans l'action de la France à leur égard ?
R - Le 11 septembre a modifié la perception que nous avions tous, sur la scène internationale, de l'ampleur des défis. Mais, vous le savez, nous avions connu tristement des épisodes douloureux sur notre propre sol, de nombreuses années auparavant, et nous n'avons jamais cessé d'être mobilisés face à cette menace terroriste. Je peux vous dire que la France aborde depuis longtemps, sans concession aucune, la lutte contre ce fléau : mobilisation contre les réseaux, coopération internationale avec l'ensemble des pays concernés, de façon à mieux cerner cette menace.
Je crois pouvoir dire aujourd'hui, qu'en termes de coopération, la France fait partie des pays qui nourrissent sans doute la meilleure compréhension et la meilleure intelligence de ces réseaux et de ces risques. C'est pour cela que nous travaillons main dans la main avec un grand nombre d'Etats, dans le cadre de l'Union européenne, avec nos amis du Maghreb, avec l'ensemble de nos partenaires internationaux, pour essayer de réduire encore ce risque. Je peux vous dire que cette mobilisation est ancienne. Elle est évidemment renouvelée dans le contexte international.
Je l'ai dit, depuis le 11 septembre, nous avons vu la multiplication des risques. Nous avons vu à quel point personne n'était épargné. C'est donc la vigilance qui est pour nous le mot d'ordre, le mot clef, la vigilance et la volonté, pour faire face à cette menace, partout où elle peut s'exprimer.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 novembre 2002)
J'ai eu l'immense plaisir et l'immense honneur d'être reçu par le président Ben Ali. C'est, comme vous le savez, un moment important, pour moi, pour la France. Vous connaissez les liens d'amitié, les liens d'estime très anciens entre le président Ben Ali et le président Chirac qui m'a chargé de transmettre un message d'amitié et de confiance au président et à la Tunisie. Ce sont des relations très anciennes, des relations fortes et notre premier souci est, après plusieurs années, de restaurer totalement le climat de confiance que nous voulons avoir dans nos relations.
Beaucoup a déjà été fait avec le nouveau gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, au cours des six derniers mois. Relations de confiance, de dialogue approfondi : c'est la cinquième fois que je rencontre mon ami le ministre des Affaires étrangères M. Ben Yahia. C'est dire à quel point nous avons l'occasion d'échanger sur les problèmes du monde, sur les problèmes du Moyen-Orient, sur les problèmes du Maghreb, sur les relations bilatérales entre la France et la Tunisie.
J'ai donc pu faire un très large tour d'horizon avec le président Ben Ali sur la situation internationale. Nous avons longuement évoqué la situation de l'Iraq et vous savez à quel point il est important d'avoir l'avis du président Ben Ali qui connaît bien ces questions et qui est un ami très proche de la France. Nous comptons beaucoup sur ses avis, sur l'influence qui est la sienne. Le président Ben Ali a eu encore, récemment, un échange téléphonique avec le président Chirac, le 11 novembre dernier, qui a permis de faire le point.
Aujourd'hui, vous le savez, l'Iraq, par la bouche de son ambassadeur aux Nations unies, a accepté le retour des inspecteurs. Nous prenons acte de cette décision et nous souhaitons que la coopération avec les Nations unies puisse très rapidement se développer et conduire au retour des inspecteurs. Le président de la CCVINU, la commission de contrôle, va se rendre dans les tout prochains jours à Bagdad. Je le recevrai dès samedi matin pour faire un tour d'horizon et pour faire en sorte que, véritablement, toutes les conditions soient remplies pour permettre sur place un travail efficace.
Nous avons évoqué aussi, avec le président Ben Ali, la situation au Proche-Orient et notre inquiétude devant l'absence de mouvement et d'initiative. Notre souhait est que tous, dans la communauté internationale, prennent la mesure des difficultés, du besoin de répondre à l'injustice qui est faite au peuple palestinien dans cette région, du besoin aussi d'assurer la sécurité du côté israélien, face aux menaces terroristes. Il y a là, véritablement, un besoin essentiel et nous devons tous ensemble, avec l'ensemble de nos amis des pays arabes, faire en sorte qu'une nouvelle étape, de nouvelles initiatives soient prises pour répondre aux difficultés.
Nous avons bien sûr évoqué la situation régionale, notre souhait de voir rapidement réunis l'ensemble des pays de l'Union du Maghreb arabe. Nous savons tout le rôle que joue la Tunisie dans le cadre régional et nous avons besoin, véritablement, d'une région qui assume l'entièreté de ses responsabilités avec force, avec conviction, avec unité. Dans les difficultés du monde, dans les incertitudes du monde, l'espace régional est un espace essentiel. Vous savez à quel point la France compte sur la Tunisie dans cet ensemble régional, à quel point la France appuie les ambitions de la Tunisie dans ses relations avec l'Union européenne.
La Tunisie est le premier pays à avoir signé un accord d'association, en 1995, et nous comptons toujours développer davantage ces relations si importantes avec l'Union européenne. Importantes, sur le plan économique, vous le savez, avec le programme MEDA ; importantes aussi dans le domaine de la sécurité car nous sommes très soucieux de faire en sorte que la sécurité soit toujours davantage au cur de nos préoccupations, parce qu'il s'agit aujourd'hui de problèmes qui concernent l'ensemble de nos populations.
Nous avons bien sûr évoqué les relations bilatérales et vous savez qu'elles sont excellentes, entre la France et la Tunisie : relations de confiance, perspective de la visite du président Chirac dès l'année prochaine. Ce sera un moment fort et nous allons, dès les prochaines semaines, travailler activement ensemble pour préparer les dossiers dans tous les domaines, qu'il s'agisse des domaines économiques, sociaux, ou du partenariat culturel. Il y a là encore beaucoup à faire.
Nous voulons véritablement que ce partenariat global puisse se développer au service de la Tunisie, de sa place dans la région, de sa place dans l'ensemble méditerranéen. Nous voulons faire en sorte aussi que, dans le cadre méditerranéen, dans le cadre des relations entre les 5+5, dans le cadre du Forum méditerranéen, le dialogue entre tous puisse se développer et s'intensifier.
Nous avons aussi la perspective, au niveau gouvernemental, de la visite de Jean-Pierre Raffarin, le Premier ministre, dans l'année 2004. C'est dire que nous avons un agenda chargé. De nombreux ministres viendront aussi en Tunisie. Nicolas Sarkozy était là, il y a quelques jours. Je suis donc très heureux aujourd'hui de pouvoir faire le point et essayer de contribuer ainsi au développement des relations entre nos deux pays.
Là encore, notre meilleur atout est la qualité des relations entre nos deux présidents, entre le président Ben Ali et le président Chirac et l'unité, la très grande ferveur qui existe entre le peuple français et le peuple tunisien./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 novembre 2002)
Q - Monsieur le Ministre, quel bilan faites-vous de cette courte journée à Tunis ?
R - C'est un bilan très fructueux. J'ai eu un entretien très approfondi avec le président Ben Ali, permettant de marquer la volonté française et la volonté tunisienne d'ouvrir une nouvelle étape de nos relations, marquées par la confiance, par la volonté d'aborder ensemble les défis de la société et de l'économie tunisiennes, de bâtir un véritable partenariat entre nos deux pays et, en même temps, de continuer à unir nos efforts pour aborder les grandes questions : les questions régionales, les relations entre le Maghreb et l'Union européenne, les grandes questions politiques, qu'il s'agisse du Proche-Orient, ou bien sûr aujourd'hui de la crise iraquienne. Vous savez que la Tunisie a des relations particulières, une influence particulière, ce qui évidemment est important pour la France, dans le cadre de ces relations que nous entretenons avec le souhait d'accroître la stabilité de l'ensemble de cette région.
Q - Avez-vous évoqué la question des droits de l'homme lors de vos entretiens, et si oui, avez-vous évoqué des cas particuliers ?
R - Nous évoquons tout lors de nos entretiens, y compris bien sûr les droits de l'homme. Cela fait partie du dialogue approfondi que nous avons entre la France et la Tunisie, de la volonté d'aller de l'avant, de régler les problèmes, d'avancer. Il y a véritablement, je crois, un impératif de mouvement au cur de la relation franco-tunisienne qui n'est possible que parce qu'il y a une relation de profonde confiance : confiance entre le président Chirac et le président Ben Ali, confiance entre les autorités tunisiennes et les autorités françaises. Nous sommes là pour essayer de régler les difficultés, pour avancer ensemble. Vous comprendrez que je ne cite pas de nom, de cas particulier, car dans ce domaine, nous voulons être efficaces et l'efficacité commande parfois la discrétion.
Q - Monsieur le Ministre, sur l'Iraq, quelle va être la coopération attendue des inspecteurs avec l'Iraq ? Dans certains pays arabes, on se demande si certains inspecteurs ne vont pas pousser Saddam Hussein à la faute. La France va-t-elle être vigilante sur ce point ?
R - Depuis le début, la France a mis au cur de sa volonté, de sa stratégie sur le dossier iraquien, la recherche de l'efficacité. C'est pour cela que nous nous sommes battus pour avoir une démarche en deux temps, qui permette à chaque étape de donner voix et action au Conseil de sécurité. C'est pour cela que nous avons dit que le recours à la force ne pourrait être qu'un dernier recours. C'est pour cela que nous avons recherché l'unanimité de la communauté internationale, l'unanimité du Conseil de sécurité y compris avec la Syrie, c'est-à-dire avec le monde arabe soutenant la recherche d'une solution. Nous n'avons pas cessé de multiplier les contacts avec nos amis arabes. C'est important de faire en sorte qu'il ne s'agisse pas d'un combat d'un groupe de pays contre un autre, mais véritablement d'une unanimité de la communauté internationale pour faire face à un problème très clair et très simple, d'où la fermeté de l'ensemble de la communauté : la prolifération. La prolifération, qu'est-ce que c'est ? Ce sont des armes de destruction massive, des armes biologiques, chimiques, voire des armes nucléaires. Nous devons réduire considérablement ce risque, nous devons faire en sorte, partout sur la planète, que nous puissions répondre. Donc, en l'occurrence, nous devons faire en sorte que véritablement ces armes soient éliminées de l'Iraq. C'est pour cela que nous sommes mobilisés. Nous sommes convaincus que l'Iraq n'a pas d'autre choix aujourd'hui que d'accepter cette position de la communauté internationale. Saddam Hussein a accepté, il l'a dit par la bouche de son ambassadeur aux Nations unies, le retour des inspecteurs. Les inspecteurs vont donc revenir dans les tout prochains jours. Je vais recevoir samedi matin à Paris le président de la Commission de contrôle, la CCVINU, M. Hans Blix, qui se rend à Bagdad, et nous allons voir ensemble sur quelle base ces inspecteurs peuvent travailler le plus efficacement, c'est aujourd'hui notre souci : faire en sorte que ces inspecteurs puissent véritablement et rapidement mener à bien leur travail.
Q - La France a joué un rôle majeur en replaçant l'ONU au centre de la crise iraquienne, en faisant accepter la résolution. Est-ce que Paris peut être porteur d'un message ou jouer un rôle auprès des inspecteurs ?
R - Bien sûr, ce rôle, c'est l'exigence : exigence pour faire en sorte que ces inspections se déroulent dans de meilleures conditions, compréhension des difficultés qui peuvent se poser sur le terrain et faire en sorte que ces difficultés puissent être, au cas par cas, au cours des prochaines semaines, réglées. Nous avons déjà une résolution qui fixe un cadre clair. Nous nous sommes battus pour que le régime d'inspections soit à la fois rigoureux et réaliste. Et nous pensons que nous disposons aujourd'hui de ce cadre. Il faut faire en sorte, bien évidemment, au quotidien, que les autorités iraquiennes le comprennent, fassent en sorte que ces inspections se déroulent bien. C'est l'intérêt de tous. Il y a maintenant un calendrier, les Iraquiens ont trente jours pour faire rapport sur l'ensemble des installations qui sont en leur possession, et à partir de là, les inspecteurs auront leur feuille de route pour démanteler un à un l'ensemble des dispositifs que l'Iraq peut posséder aujourd'hui.
Q - Monsieur le Ministre, vous êtes venu en Tunisie pendant le Ramadan, vous participez à un "iftar" , quel est votre message aux musulmans qui vous écoutent ?
R - C'est un message de compréhension, un message de tolérance. Quelles que soient nos cultures, quelles que soient nos religions. Il y a une volonté commune. Il y a aujourd'hui l'ambition de rendre ce monde plus juste, de le rendre meilleur. Il y a un besoin de partage et de compréhension. C'est le message, vous le savez, que j'ai adressé à Rabat. J'ai voulu l'adresser à l'ensemble de la communauté musulmane, à l'ensemble des peuples de la planète, parce que ce message de tolérance, de compréhension, est aujourd'hui celui de la France, inspiré, bien sûr, par ce qui est notre propre tradition humaniste. Nous sommes convaincus que la vocation de trait d'union de la France entre les peuples de la Méditerranée, les peuples de l'Afrique et les peuples du continent européen, lui permet aujourd'hui d'avoir une voix peut-être plus forte, peut-être plus crédible, en tout cas, de bien montrer à l'ensemble des peuples et des pays que la France est au service d'un certain nombre de grands principes : le respect de la légalité, du droit, de la morale. Et c'est bien au service de ces principes, de cette ambition de paix, que la diplomatie française doit travailler.
Q - Prenez-vous au sérieux les dernières menaces de Ben Laden, et pensez-vous qu'elles sont plus importantes que celles de l'Iraq sur la France ?
R - La France est mobilisée depuis de longues années, depuis de longs mois, chaque jour davantage, pour faire face à ces menaces. Nous l'avons vu depuis le 11 septembre, mais nous étions mobilisés déjà depuis de nombreuses années. Nous l'avons vu le plus gravement depuis le 11 septembre avec la multiplication des attentats, qu'il s'agisse de Bali, du Yémen, de Djerba, il y a là des menaces qui se sont multipliées et qui disent clairement qu'aucune terre, aucun peuple, n'est aujourd'hui épargné par cette menace diffuse, qui mêle à la fois l'archaïsme et la haute technologie, cette menace opportuniste qu'est le terrorisme, qui cherche à s'attaquer à la vérité d'un certain nombre de peuples, à faire culte de l'intransigeance et de l'intolérance. Nous sommes là pour faire face et pour faire face ensemble. Aucun pays seul ne peut faire face à la menace terroriste.
C'est pour cela que nous voulons multiplier les coopérations. Nous le faisons évidemment dans le cadre européen. Nous le faisons dans le cadre des coopérations avec nos amis arabes, nous le faisons dans le cadre des coopérations avec les Nations unies - coopération judiciaire, policière et dans le domaine du renseignement -.Parfois, nous l'avons vu en Afghanistan, il faut recourir à l'outil militaire, le recours à la force mais nous sommes convaincus que le message principal de la communauté internationale et, en tout cas, celui de la France, c'est que pour réduire l'incertitude terroriste, il faut répondre, résoudre les crises, et en particulier celle du Proche-Orient, qui nourrit aujourd'hui le sentiment d'injustice, d'humiliation, de frustration que ressentent un certain nombre de peuples à travers la planète.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 novembre 2002)
Merci à tous et à toutes d'avoir répondu présent à l'appel. Ce n'est pas toujours facile, même si venir chez l'ambassadeur de France et chez Mme de La Messuzière est un plaisir. C'est un plaisir pour moi que d'être accueilli par vous. Vous avez la chance d'avoir un ambassadeur qui a, non seulement, une très bonne connaissance de la Tunisie, de cette région, mais qui a beaucoup rêvé de venir servir dans ce poste et comme il a beaucoup servi la République dans de nombreux postes antérieurs, c'est une joie particulière d'être accueilli par lui aujourd'hui.
Ma visite en Tunisie, vous le savez, a pour but de renforcer la relation entre la France et la Tunisie. Il y a une confiance mutuelle que nous voulons développer, qui existe depuis longtemps, mais au fil des années, un certain nombre d'incertitudes et d'incompréhensions ont fini par exister entre la France et la Tunisie. Il était important de venir marquer très rapidement la volonté, de part et d'autre, de relancer la relation entre nos deux pays. En effet, vous le savez, dans le monde dans lequel nous vivons, si l'on n'avance pas, si l'on n'a pas un modèle commun, une ambition commune, hé bien, souvent, on recule.
Les entretiens que j'ai eu le plaisir d'avoir ce matin avec M. le Président Ben Ali, avec mon collègue et ami M. Ben Yahia, sont encourageants pour l'avenir. Il y a, je crois, une communauté de vues sur l'évolution de la région. Sur l'évolution des dossiers du Proche et du Moyen-Orient - et vous savez à quel point ils sont difficiles, compliqués -, il y a un regard commun. Il y a une volonté d'aborder ensemble cette étape de l'histoire du monde où l'incertitude se situe au cur. Vous le savez mieux que beaucoup d'autres, à la suite de l'attentat de Djerba, nous faisons face à des incertitudes, des difficultés, des défis et la seule façon, le seul antidote que nous ayons, c'est d'être unis.
Unis pour partager une information, unis pour partager des coopérations dans tous les domaines. Nicolas Sarkozy était ici, il y a quelques semaines, pour bien marquer la volonté d'aborder ensemble les questions du terrorisme, de la sécurité, qui nous tiennent à cur. Il est important que, sur tous ces chapitres, la relation entre les dirigeants soit la plus forte et la plus étroite possible. Et je veux souhaiter que ces visites s'intensifient.
Vous savez que nous avons une grande visite : c'est celle du président de la République en 2003 et ce ne sera pas la seule. Il y a aussi la perspective de la préparation de la visite du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, qui se rendra en 2004 en Tunisie. Ceci constitue véritablement pour nous des échéances fortes qui vont nous permettre d'inscrire beaucoup de questions à l'agenda France-Tunisie.
Nous avons pu régler déjà de nombreux problèmes. Depuis six mois nous avons fait de grands pas en avant dans beaucoup de dossiers difficiles, je pense en particulier aux questions immobilières. Beaucoup a été fait, nous voulons aller jusqu'au bout de ce processus parce que, quand on fait écrire une nouvelle page dans les relations - et Dieu sait que c'est l'ambition commune de la France et de la Tunisie -, il est important de mettre les choses à jour et nous avons envie qu'aucune ambiguïté, aucune difficulté du passé ne viennent compliquer cet horizon nouveau.
Nous sommes proches de la Tunisie, bien évidemment, par la géographie ; nous sommes proches aussi par la culture et vous savez à quel point il y a une fascination mutuelle des deux côtés de la Méditerranée. Nous sommes ici au cur de l'ancienne Carthage, au cur de Salammbô de Flaubert, et aussi au cur d'une culture vivante. Beaucoup de nos compatriotes s'y sont penchés, s'y sont attachés. Il n'est que de rappeler la mémoire du baron d'Erlanger venu ici redécouvrir la musique arabe, lui donner toute sa richesse et tout son poids.
Notre dialogue politique, je vous l'ai dit, a vocation à s'intensifier et à se développer. La Tunisie, par sa proximité avec la France, joue un rôle moteur dans le dialogue avec l'ensemble de l'espace méditerranéen et aussi avec l'Europe. Il y a dans ce pays une vocation à être pionnier dans ce dialogue entre l'Europe et la Méditerranée. D'ailleurs, en 1995, le premier accord situé dans le cadre du dialogue euro-méditerranéen a été signé avec la Tunisie, premier accord d'association marquant clairement la volonté et l'ambition de la Tunisie de jouer son rôle dans le dialogue 5+5, dans le dialogue nourri au sein du Forum méditerranéen, et nous voulons véritablement appuyer cette ambition de la Tunisie de jouer tout son rôle.
Dans le domaine du terrorisme, je l'ai dit, il y a cette ambition de veiller ensemble, d'être vigilants, à la suite de l'attentat de Djerba qui a coûté la vie à deux de nos compatriotes. Nous voulons dégager des moyens supplémentaires pour assurer la sécurité de nos communautés. Vous savez que cela fait partie des premières préoccupations que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin aura mises à l'ordre du jour. Un budget spécifique est consacré à la sécurité de nos compatriotes, augmenté de 30 % dans le budget 2003 que j'ai discuté hier à l'Assemblée nationale.
Sur tous ces sujets, politique, sécurité, économie, je constate qu'il y a une très grande convergence d'analyse entre nos amis tunisiens et nous-mêmes. Nous sommes aujourd'hui confrontés à des défis communs, et plus que jamais, il existe une volonté de les régler ensemble.
Ce déplacement aujourd'hui à Tunis, très rapide - mais j'ai souvent l'occasion de revenir ici et de croiser les uns ou les autres - est aussi un moment privilégié pour échanger avec vous et vous savez que, dans la politique du gouvernement auquel j'appartiens, les communautés françaises sont véritablement des points forts sur lesquels nous voulons miser pour essayer de défendre davantage la place de la France dans le monde.
Vous êtes aujourd'hui la substance vive de notre relation bilatérale entre la France et la Tunisie. Que vous soyez représentants d'entreprises, chercheurs, agents du ministère ou enseignants, vous portez, chacun dans votre domaine, une part du rayonnement de la France, une part, je dirais même, de l'ambition française. Ainsi, j'ai une conviction, c'est que la France, aujourd'hui, a une mission ; qu'elle n'a pas toujours eu dans les dernières années la place qui lui revient ; qu'elle a vocation, de par son expérience, de par son exigence dans le domaine culturel, dans la défense du droit et de la morale sur le plan international, à compter davantage et à faire entendre davantage sa voix. Nous avons essayé de le faire dans la crise iraquienne et nous voulons continuer de le faire. L'entretien que j'ai eu avec le président Ben Ali, particulièrement attentif et connaissant bien cette région, montre bien qu'il y a du côté de nos amis arabes, du côté de nos amis du Maghreb, une très forte attente du côté de la France.
Notre rencontre est pour moi aussi l'occasion de prêter une attention particulière à vos préoccupations et à vos attentes, qui sont relayées au quotidien par vos délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger que j'ai eu l'occasion de rencontrer régulièrement, à Paris ou en poste. Je sais combien la communauté française en Tunisie est importante, diversifiée et bien intégrée. Traditionnellement nombreuse, elle s'enrichit de beaucoup de compatriotes qui ont la double nationalité et cela fait un ensemble qui permet de relayer considérablement les intérêts et la voix de la France. Je me félicite de cette évolution et la présence de 4.700 élèves dont près de la moitié sont français dans nos onze établissements scolaires montre que beaucoup d'entre vous ont fait le pari de s'inscrire dans la relation avec la Tunisie dans la durée, de faire véritablement le pari de l'avenir.
Je sais aussi le dynamisme qui est le vôtre, au service des relations entre nos deux pays. La France est le premier partenaire commercial et financier de la Tunisie et le premier investisseur étranger. Je salue l'action de la section locale des conseillers du commerce extérieur qui apporte un appui précieux à l'ambassade par ses analyses et par le suivi des affaires.
Mais je sais également que certains de nos concitoyens établis de longue date ou binationaux connaissent des difficultés, par la précarité, par la solitude, difficultés par les problèmes liés à la scolarisation des enfants ou à la vie professionnelle. Face à ces préoccupations, je veux vous dire l'esprit de solidarité qui anime le gouvernement vis-à-vis de l'ensemble des Français, qu'ils vivent sur le sol national ou à l'extérieur. Cet esprit a déjà conduit le ministère des Affaires étrangères à mettre en place un certain nombre de moyens supplémentaires, aides attribuées dans le cadre du comité consulaire pour la protection et l'action sociale, des comités emplois formation et, bien entendu, de la Caisse des Français de l'étranger dont je sais qu'elle suscite à la fois une forte adhésion auprès de nos compatriotes de Tunisie et beaucoup d'attentes. J'entends les renforcer, les améliorer dans les prochains mois, afin de donner un nouveau souffle à la solidarité et à l'entraide entre tous les Français. A cet égard, je voudrais rendre un hommage particulier à la Société d'entraide et de bienfaisance française qui célèbre cette année son 120ème anniversaire ainsi qu'au Foyer pour personnes âgées de Radès qui héberge ceux de nos compatriotes qui sont les plus isolés et les plus démunis.
Je crois qu'il s'agit là d'un exemple de l'esprit auquel nous devons tous adhérer, l'esprit de conviction, de fraternité, de persévérance. Et ce, au service d'une ambition commune, la place de la France, bien sûr, mais aussi une certaine idée de la France, car c'est à chacun de nous qu'il revient d'apporter sa pierre à l'édifice commun que nous devons construire dans le monde d'aujourd'hui.
L'effort réalisé en matière de scolarisation des élèves français souligne notre volonté de prendre en charge l'avenir et le destin des jeunes générations. Cet effort se traduit par un budget en augmentation consacré aux bourses destinées aux élèves scolarisés dans nos établissements ainsi qu'aux étudiants qui poursuivent un cursus universitaire en France.
Pour conclure, je voudrais vous faire part de la volonté qui est la mienne et celle de tout mon ministère, d'être à l'écoute de l'ensemble de nos compatriotes présents à l'étranger. Je fais partie de ces Français, qui ont grandi, qui ont étudié et qui ont vécu à l'étranger ; je connais les difficultés de cette expatriation et je sais aussi la chance que vous représentez pour la France. Chance du partage d'autres cultures, chance du partage d'autres expériences, chance aussi de la confrontation avec les risques auxquels est confronté aujourd'hui l'ensemble du monde. Vous êtes en quelque sorte précurseurs dans la connaissance d'un certain nombre de difficultés, dans l'exigence de l'adaptation, du partage, de l'échange qui sont des valeurs auxquelles, aujourd'hui, nous ne pouvons échapper. Nous sommes aujourd'hui sommés de faire cet effort sur nous-mêmes pour découvrir, pour comprendre, pour partager avec d'autres.
C'est pour cela que j'ai souhaité engager une grande réforme du ministère des Affaires étrangères, pour faire en sorte que la rationalisation de nos moyens nous permettre d'être davantage présents, davantage au contact des réalités, de la proximité des pays où vous vivez. Et je souhaite évidemment que dans les prochains mois, les prochaines années, il y ait encore davantage, un ministère, des hommes et des femmes - je sais que c'est l'exigence de l'ambassadeur et de Mme Aubin de La Messuzière - toujours à votre service, toujours présents, avec des ambassades, des consulats, des instituts, des résidences qui sont pour toutes et pour tous votre résidence.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 novembre 2002)