Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur l'importance du mécénat pour la conservation, en France, du patrimoine culturel, Paris le 11 février 2003.

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Circonstance : Présentation officielle de la première oeuvre acquise par l'Etat grâce aux nouvelles dispositions fiscales sur le mécénat au musée du Louvre le 11 février 2003

Texte intégral

Messieurs les ministres, de la Culture et des Budgets - deux fonctions qui vont ensemble ! -, je suis heureux de vous retrouver, Mesdames et Messieurs, pour cette manifestation originale, qui mérité toute notre attention. Nous sommes là sur une application d'une loi votée sous un gouvernement précédent. Une bonne loi votée par des prédécesseurs ! Eh bien, je m'en félicite - et je vous assure de bon coeur. Je voudrais donner en cette circonstance l'occasion de voir que l'on peut dépasser les clivages et que c'est souvent sur les sujets culturels que l'on les dépasse le mieux. Cette dynamique créée par cette loi, qui permet une intervention de mécénats pour les chefs-d'oeuvre nationaux et éviter ainsi que des éléments majeurs de notre patrimoine culturel ne quittent notre propre territoire national, nous voulons l'amplifier. Et nous voulons poursuivre cette initiative, pour permettre aux partenaires de la société civile de s'engager, non seulement ici pour protéger les chefs-d'oeuvre nationaux, mais aussi pour, d'une manière plus générale, valoriser la création et faire en sorte que les partenaires privés puissent s'engager pour défendre non seulement les créateurs, mais aussi l'ensemble des lieux d'accueil des oeuvres d'art.
Je voudrais saluer tout particulièrement l'initiative de Nicole et de Pierre Guénant. Ils ont l'un et l'autre la passion de l'art, ils ont l'art en commun, quelque fois avec des appréciations divergentes, ce qui crée le débat, mais ce qui fait en sorte que l'un et l'autre se mobilisent. Ce sont des collectionneurs à la fois engagés, mais aussi très attentifs à toutes les formes de création et de soutien aux créateurs. Je voudrais les remercier beaucoup pour participer à cette dynamique de protection de nos oeuvres nationales. Je veux dire combien il est utile et important que des entrepreneurs prennent des risques qui sont des risques difficiles de la vie économique et sociale, le font sur leurs moyens, avec leurs propres responsabilités, mais aussi les conséquences de l'exercice de ces responsabilités, c'est-à-dire quelque fois des bonheurs, mais souvent des difficultés. Je voudrais saluer le parcours professionnel de P. Guénant qui, après avoir fait une école exceptionnelle, sans doute la meilleure des écoles de France, l'Ecole supérieure de commerce de Paris - étant membre d'une promotion exceptionnelle également ! -, tout ceci le prédisposait à la réussite ; des racines en Poitou-Charentes, par ailleurs, faisaient qu'il avait des qualités fort sympathiques. Au-delà de cela, il a construit une entreprise qui, avec plus de 5.000 personnes, aujourd'hui, en Europe, joue un rôle très important, dans de multiples activités. L'engagement d'un chef d'entreprise, pris par le développement de ses affaires au niveau international, sur le terrain culturel, sur le terrain de l'intérêt général, est très important. Au fond, ce qu'il y a sans doute de plus important dans la dynamique que nous voulons, avec J.-J. Aillagon et A. Lambert, développer, c'est de faire en sorte que l'on montre bien qu'on peut être engagé dans la vie privée, dans la sphère privée, défendre des intérêts privés, mais garder une part de l'action pour l'intérêt général. Et très souvent, les entrepreneurs, les acteurs de la société civile, sont naturellement animés par des objectifs de nature privée, mais ils assument une responsabilité collective. Et que ce soit le médecin, que ce soit l'entrepreneur, que ce soit le responsable d'entreprise, quelle que soit sa dimension, il y a évidemment une dimension d'intérêt général dans l'action personnelle. Avec la dynamique du mécénat, telle que nous voulons la développer, mécénat personnel avec des allégements importants d'impôt sur le revenu, mécénat d'entreprise avec des allégements importants sur la fiscalité des sociétés, nous voulons ainsi montrer que, finalement, l'intérêt général et l'intérêt privé ne sont pas incompatibles, et qu'au fond, finalement, c'est sans doute une occasion, pour les unes et les autres, de pouvoir participer à une démarche collective et de faire en sorte que notre pays puisse rester, sur le terrain de la culture, un des pays créateurs.
Il est très important pour nous, non seulement de rassembler ici, dans les sites d'exception, des oeuvres d'importance, [...] mais aussi de faire en sorte qu'on entende bien cette voix en France, aujourd'hui, que la France est une terre qui veut accueillir des créateurs, que la création est un élément essentiel d'une stratégie nationale, que la création est un élément de dépassement pour une personne, mais aussi pour un pays, que nous avons besoin de la création matière économique, de la création matière sociale, de la création matière culturelle... La création est un tout, c'est un dépassement, c'est une énergie, c'est une mobilisation. Et la France doit porter cette valeur de la création. C'est très heureux que l'on puisse rassembler, dans une même dynamique, à la fois ce qui est aujourd'hui parmi le meilleur de la dimension entreprenariale, avec ce qui est le meilleur, ici, au Louvre, de la dimension culturelle.
C'est pour cela que je suis très reconnaissant à tous ceux qui ont participé à cette démarche, parce que cela a dû être difficile. Sur le plan administratif, il a sans doute fallu passer un certain nombre de procédures. Je voudrais donc remercier tous les différents services qui ont permis, aujourd'hui, que cette oeuvre importante, venu de l'Orne, du château de Voré, dans ce très beau département de la région de Basse-Normandie, puisse avoir ici cette présentation de ces neufs tableaux, avec ces couleurs, avec cette finesse d'expression qui font de cette oeuvre, une oeuvre à la fois originale et une oeuvre marquante.
Merci à Pierre et Nicole Guénant, merci aux uns et aux autres qui ont participé à cette initiative, merci à J.-J. Aillagon de porter, avec l'appui d'A. Lambert, davantage encore cette dynamique du mécénat, qui mobilise beaucoup de ceux qui veulent s'impliquer dans la démarche culturelle et faire en sorte qu'on puisse, dans notre pays, aujourd'hui, considérer que l'Etat n'a pas le monopole de l'action culturelle, que l'Etat n'est pas le seul des acteurs, même si l'Etat a un rôle majeur. Mais l'Etat peut aussi être celui qui sait accueillir la générosité des autres. Merci.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 13 février 2003)