Texte intégral
DECLARATION A SON ARRIVEE A Bujumbura le 20 octobre 1999
J'avais deux bonnes raisons de venir au Burundi :
La première, c'était de donner un signe au Burundi de la volonté de la France de l'accompagner dans les efforts qu'il poursuit dans le cadre du processus d'Arusha
La seconde raison, c'est que le Burundi est aussi l'un des pays concernés par la solution que nous recherchons autour des Grands lacs, et entre Lusaka et Arusha, il y a une articulation évidente. C'est aussi pour parler de cela que je voulais voir le président, les vice-présidents et mon collègue ministre des Relations extérieures et de la Coopération.
Les contacts ce matin, ont été, je crois, très très fructueux et j'espère que j'en tirerai des arguments pour convaincre, peut-être, ceux qui en Europe ou ailleurs considèrent qu'il faut aider le Burundi après qu'on aura achevé le processus d'Arusha. La France a fait le choix de l'aider pendant cette période pour lui permettre d'atteindre plus sûrement l'objectif.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 1999)
Point de presse à Bujumbura, 20 octobre 1999
J'espère rencontrer le président Museveni, avant de me rendre à Kinshasa pour rencontrer le président Kabila. C'est dire si ce voyage est fortement orienté vers la région des Grands lacs. Mais, mon passage à Bujumbura avait une signification de plus. C'était d'apporter le témoignage de la volonté de la France d'être en appui du Burundi, du peuple burundais dans les efforts qui sont entrepris pour satisfaire aux objectifs du processus d'Arusha. Vous savez que par rapport à d'autres, la France a fait le choix d'aider pendant le processus plutôt que d'attendre qu'il soit achevé, considérant que c'est, dès maintenant, que le Burundi a besoin qu'on l'aide à traverser une passe nécessairement difficile.
J'ai eu l'occasion, aujourd'hui, de m'entretenir avec plusieurs acteurs de la vie politique burundaise, le président Buyoya bien sûr, le ministre des Relations extérieures et de la Coopération, les deux vice-présidents de la République, mais j'en ai profité aussi pour visiter quelques lieux où la présence française est un peu plus forte. Je pense à l'Ecole française, je pense aussi à l'Institut universitaire francophone (AUF) où j'ai rencontré d'ailleurs les recteurs des Universités y compris le recteur de l'Université catholique de Bukavu, ce qui montre bien que ce centre a une vocation régionale.
Au cours de mes entretiens, une évidence me paraît s'imposer : le processus d'Arusha doit aller à son terme, le plus vite possible, mais il faut bien sûr aussi que les Accords de Lusaka se mettent en oeuvre et aboutissent à la paix. Il est clair qu'il n'y aura pas de paix au Congo si il n'y a pas de paix au Burundi, et réciproquement. C'est à dire qu'il faut bien une articulation entre Lusaka et Arusha. Est-ce que ce sera dans le cadre de cette Conférence "Grands lacs" dont la France a exprimé l'idée il y a plusieurs années, qui semble recueillir assez largement l'assentiment des Africains ? C'est à eux de décider. Une Conférence qui prendrait en compte l'ensemble des problèmes de développement, de démocratie, de sécurité et des frontières qui est un problème tout à fait essentiel, bref c'est de tout cela dont j'ai parlé avec mes interlocuteurs.
Il me reste maintenant, à mon retour à Paris, à rendre compte au président de la République, au Premier ministre, à examiner quelques demandes plus particulières qui m'ont été présentées par les autorités burundaises, à essayer aussi de convaincre mes collègues Européens, de porter peut-être, un regard un peu différent sur la situation du Burundi , les Européens et les autres, parce que, finalement, ce sont tous les pays du Nord qui doivent s'intéresser à cette situation qui interpelle la moitié d'un continent. C'est tout à fait considérable.
Voilà ce que je voulais vous dire. Mon regret, c'est d'être resté trop peu de temps, ce qui va m'obliger à revenir, mais je le ferai avec plaisir parce que ce que j'ai vu du Burundi me plaît beaucoup. C'est peut être un peu superficiel, mais j'ai bien envie d'en savoir d'avantage. J'espère, dans quelques mois, pouvoir revenir et, pourquoi pas, observer les progrès qui auront été accomplis d'ici là.
Q - Julius Nyèrère était médiateur dans le processus d'Arusha. Est-ce que vous avez évoqué le choix d'un nouveau médiateur, sur qui se porterait votre choix ?
R - Ce n'est pas à moi de choisir. C'est clair, il y a besoin d'une médiation. Comment doit-elle s'organiser ? Faut-il reprendre en l'état la médiation qu'avait engagée le président Nyerere ? Faut-il en modifier un peu le cadre, l'objectif ? Faut-il que les acteurs à cette médiation changent ? Est-ce que d'autres acteurs doivent être associés ? Ce sont des questions qui sont ouvertes. Ce qui m'intéresse, c'est que la médiation se remette en marche le plus vite possible, car il ne faut évidemment pas perdre de temps.
Q - La France prend aujourd'hui une position forte. Est-ce qu'elle pourrait envisager d'être médiateur ?
R - Non, je ne pense pas que la France soit candidate à cette médiation pour de nombreuses raisons qui tiennent à l'histoire, y compris l'histoire contemporaine, mais ce qui est sûr, c'est que nous serons en appui de cette médiation s'il y a besoin de soutenir une action particulière, comme nous le faisons d'ailleurs pour les Accords de Lusaka. Je rappelle - j'en ai fait l'annonce hier à Nairobi - que la France est pour l'instant le premier contributeur au fonctionnement du comité mixte militaire qui est un des éléments importants du processus des Accords de Lusaka. Nous serons au rendez-vous quand il s'agira d'appuyer cette médiation, mais je crois que d'autres peuvent mieux que nous la conduire.
Q - Vous dites qu'il y a une articulation entre Lusaka et Arusha, mais vous n'êtes pas allé au Rwanda ?
R - Pas encore, mais j'espère vraiment que les conditions politiques vont continuer de s'améliorer pour me permettre d'aller aussi au Rwanda. Je sais que c'est le voeu de beaucoup de Rwandais, c'est le voeu de pas mal de Français aussi. On finira par aller aussi au Rwanda.
Q - A quand cette conférence régionale sur la paix au Congo Kinshasa et où va-t-elle avoir lieu ?
R - J'ai dit tout à l'heure qu'il appartient aux Africains d'en décider. Je fais simplement observer que lors du Sommet Afrique France, au mois de décembre 1998, cette idée semblait recueillir un assez large consensus de la part des Africains. Quand ? Quand Lusaka aura commencé à être mis en oeuvre, très probablement. Pourquoi pas dans le courant de l'année 2000, je le souhaite. Où ? Là encore c'est aux Africains de le décider. Parmi les lieux possibles, Nairobi a été évoqué par exemple, pourquoi pas ; mais je le répète, ce n'est pas à la France à prendre cette décision, mais la relation forte que nous avons avec cette région, nous fait violemment désirer que la paix s'installe et que l'on puisse ensemble se consacrer au développement.
Q - Monsieur le Ministre, vous venez de dire que beaucoup de Français et beaucoup de Rwandais souhaitent que vous alliez au Rwanda. A quel niveau se situe le blocage ?
R - Non, il n'y a pas de blocage. Il y a des problèmes d'agenda. Vous avez vu, moi, j'avais prévu de passer quelques heures à Kampala et finalement, je dois aller à Dar es-Salam. Je ne pouvais tout faire dans ce laps de temps. Mais je suis convaincu que le moment venu, si nous exprimons l'envie d'aller à Kigali, les autorités rwandaises en seront d'accord.
Q - (inaudible)
R - Chacun à le droit à la sécurité de ses frontières. Le Congo démocratique a besoin de la sécurité de ses frontières, le Burundi aussi ; tous les autres ont besoin de cette sécurité. Il est clair que tant qu'il y aura en mouvement ces masses de réfugiés en situation très difficile, tant qu'il y aura autant d'armes en circulation, autant de soldats perdus de toutes les armées, de toutes les guerres, nous serons dans une situation d'insécurité, et c'est à la source de tous ces maux qu'il faut s'attaquer très probablement.
Q - Vous allez en Tanzanie, la sécurité du Burundi est perturbée à la frontière avec la Tanzanie. Est-ce que vous comptez faire quelque chose pour que, peut-être, cette situation change ?
R - Je ne sais pas si et avec qui j'aurais des contacts en Tanzanie, donc je ne peux pas préjuger. Ce que j'ai compris en tout cas, mais je m'en doutais déjà un peu, c'est que la relation Burundi-Tanzanie est un des points essentiels à la solution des problèmes du Burundi. Je pense qu'en Tanzanie, on peut comprendre cela aussi ; cela me paraît tout à fait essentiel. Tant qu'il y aura cette situation d'insécurité, d'instabilité, évidemment la paix continuera à reculer, et s'il n'y a pas de paix, il n'y a pas de développement.
Q - L'aide française au développement est passée de 200 millions de francs français en 1993 à 20 millions aujourd'hui. Est-ce que vous comptez remonter à 200 millions demain ou à plus de 200 millions ?
R - L'aide française globalement a atteint dans les années 90-94 des niveaux qu'elle n'a pas atteint depuis. Plusieurs raisons à cela. De l'assistance, comme on dit, de substitution ; en clair, nous envoyions des enseignants. Aujourd'hui, on essaye de former les enseignants dans les pays avec lesquels nous faisons de la coopération. Parce que il y a eu aussi, dans ces années là, des compensations - vous vous en souvenez, en tout cas en ce qui concerne l'Afrique de l'Ouest - à la dévaluation du franc CFA, je sais que ça concernait un peu moins votre région, mais là-bas ça comptait. Moi je crois que ce qu'il faut, c'est s'appuyer sur ce qui est positif. La coopération était pratiquement tombée à zéro. En dix huit mois, nous l'avons fait remonter. En dix huit mois, c'est 65 millions de francs qui ont été engagés par la France au Burundi, et si je devais exprimer un regret, c'est que nous soyons un peu seul et qu'il n'y ait pas assez d'autres pays avec nous à soutenir le Burundi. Nous allons bien essayer de convaincre d'autres d'être à nos côtés pour aider le Burundi.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 1999)
Déclaration devant la Communauté française à Bujumbura le 20 octobre
Messieurs les Premiers ministres,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Laissez-moi à mon tour vous remercier d'avoir répondu à l'invitation que Monsieur l'Ambassadeur et Mme Lajaunie vous ont adressée et dire à M. et Mme Lajaunie m'a gratitude pour l'occasion qu'ils m'ont donnée de vous rencontrer ce soir, au terme d'une journée bien remplie, commencée tôt à Nairobi, qui va se terminer un peu plus tard à Dar es-Salam et au cours de laquelle j'aurais pu rencontrer les principaux acteurs de la vie politique de ce pays, découvrir avec émerveillement les paysages de ce magnifique pays, le comprendre mieux, porter en tout cas témoignage de la volonté de la France d'être à ses côtés pour achever cette traversée difficile vers la paix.
A l'énoncé des étapes de ce voyage : Nairobi, Bujumbura, ce devait être Kampala pour y rencontrer le président Museveni, ce sera Dar es-Salam pour les funérailles du président Nyèrère, mais aussi pour rencontrer le président Museveni, puis Kinshasa pour y rencontrer le président Kabila. Vous aurez compris que les Grands lacs constituent un peu la trame de cette tournée africaine que nous avons voulu aussi comme témoignage de l'attention extrême que la France attache à la situation d'une région qui fait la taille d'un demi continent et dont malheureusement, les médias nous renvoient depuis trop longtemps, et de manière presque continue, un cortège d'images de violence, et l'actualité récente qui a vu la mort de plusieurs burundais et de deux fonctionnaires internationaux, vient nous rappeler que cette violence là est encore presque quotidienne.
La France a avec cette région du monde une longue histoire, parfois difficile, et l'histoire contemporaine a entraîné dans la relation de la France avec certains des pays de cette région un certain nombre de crispations dont j'espère que très vite, elles disparaîtront et permettront une reprise normale d'une coopération à laquelle la France était habituée et ces pays aussi.
Depuis dix huit mois, date du voyage du président Buyoya à Paris, qui avait été pour moi l'occasion de le rencontrer, et de promettre à sa demande de visiter ce pays, nous avons réenclencher notre coopération. En dix huit mois, c'est à peu près 65 millions de francs que la France aura engagés dans ce pays. Insuffisant pour répondre aux besoins considérables que ce pays exprime, mais je vous rappelle que cette appui est plutôt solitaire. D'autres pays ont fait le choix d'attendre. D'attendre la fin du processus d'Arusha pour apporter au Burundi l'aide dont il a besoin en urgence. Je ne crois pas qu'il faille attendre que ce pays voie ses difficultés s'aggraver pour lui permettre de survivre.
J'espère, à mon retour, informer au moins, convaincre peut-être, d'autres partenaires possibles, dans d'autres pays en Europe et ailleurs, qu'il est urgent d'aider le Burundi. Le processus d'Arusha est contraignant ; il appelle tous les Burundais à l'effort, le gouvernement bien sûr, tous les acteurs de la vie politique et puis ceux qui ont choisi d'autres voies et qui doivent comprendre que ce processus d'Arusha est la chance qu'il faut saisir pour sortir de ce cycle infernal.
J'ai dit au président Buyoya - comme à tout ceux que j'ai rencontrés aujourd'hui, les deux vice-présidents, les ministres nombreux, ceux que j'ai vus et ceux que je n'ai pas vus et que je remercie de leur présence d'ailleurs particulièrement ici ce soir, savent que je m'adresse collectivement aussi à eux - que l'effort de la France trouvait sa justification, notamment auprès de notre opinion, dans les efforts que fait le Burundi pour se sortir de cette situation, et que c'était pour l'encourager à continuer dans cette voie que nous faisions le choix d'intervenir à ses côtés.
A l'évidence, entre Arusha et Lusaka, il y a une relation forte. Vous le savez mieux que moi, vous qui vivez ici : il n'y aura pas de paix durable au Burundi s'il n'y a pas de paix en République démocratique du Congo. Je ne crois pas non plus qu'on puisse considérer que la paix sera rétablie au Congo tant que l'instabilité ou la violence continueront de régner au Burundi. Je souhaite que très vite, les responsables de ces pays, et ils sont nombreux, tous les acteurs de la vie politique des Grands lacs conviennent qu'il faudra bien trouver un cadre plus large pour prendre à bras le corps l'ensemble des dossiers que soulèvent les questions de sécurité, de démocratie, de développement pour l'ensemble de cette région.
La France a fait, il y a plusieurs années déjà, la proposition d'une Conférence des Grands lacs qui serait l'occasion de parler de tout cela. C'est évidemment aux Africains à décider quand, où, avec quel ordre du jour, une telle conférence pourrait se réunir, mais je reste convaincu qu'il faudra bien qu'elle se tienne pour trouver des solutions durables.
Je vais quitter Bujumbura avec, comment dire, une impression forte de paradoxe, entre un pays si beau, une population si riche, si formée - le peuple burundais recèle j'en suis sûr d'immenses possibilités - et puis cette image de violence que cette région nous renvoie. J'aimerais que les hommes et la nature soient un peu plus en harmonie dans cette région.
Je voudrais saisir l'occasion qui m'est donnée pour rendre hommage à M. Lajaunie pour le travail qu'il a accompli pendant ces cinq années dans ce pays, sa contribution à la recherche de la paix, les relations très étroites qu'il a nouées avec un certain nombre d'entre vous, lui dire que nos voeux l'accompagnent dans les nouvelles missions toutes aussi délicates qui vont lui être confiées dans quelques mois.
Je voudrais dire à la communauté française combien nous lui sommes reconnaissant du travail qu'elle fait ici, chacun à sa place, dans les écoles ou dans les associations ; mention particulière pour les ONG dont je sais le travail très important qui est fait ici, et nous le savons souvent avec des risques. Dire à chacun que finalement, c'est eux qui font la présence de la France dans ce pays.
Je voudrais dire aux autorités burundaises combien j'ai apprécié l'accueil qui m'a été réservé aujourd'hui. Dire mon intention, puisque mon séjour aura été vraiment trop bref, de revenir le plus vite possible, convaincu que nous pourrons alors mesurer les progrès accomplis depuis ce dernier voyage. En tout cas, je vais - je le répète - demain, après-demain, dire la volonté que j'ai ressentie de la part des dirigeants burundais, à commencer par le président Buyoya, de mener à bien cet engagement à réaliser la paix, le dialogue national. Je suis convaincu que le Burundi a, de par sa situation, un rôle important à jouer dans cette partie du monde. La France s'honore d'être son partenaire. Elle espère que ce partenariat nous permettra ensemble de consolider la paix et l'idée qu'on se fait de l'universalité en terme de Droits de l'Homme auxquels nous sommes très attentifs, et les dirigeants burundais savent aussi que la mondialisation, touche tous les domaines de la vie sociale, y compris la société civile, et que nos sociétés civiles sont très attentives aussi à cette question des Droits de l'Homme. Je sais la difficulté qu'ont certains pays des les faire vivre quand l'insécurité menace, mais les dirigeants burundais savent l'amitié que je porte à ce pays et ils comprendront que je souhaite que, de ce point de vue aussi, les choses continuent d'aller mieux.
Voilà ce que je voulais vous dire, Mesdames et Messieurs. Merci de m'avoir écouté. Je vous souhaite à tous plein de bonnes choses.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 1999)
J'avais deux bonnes raisons de venir au Burundi :
La première, c'était de donner un signe au Burundi de la volonté de la France de l'accompagner dans les efforts qu'il poursuit dans le cadre du processus d'Arusha
La seconde raison, c'est que le Burundi est aussi l'un des pays concernés par la solution que nous recherchons autour des Grands lacs, et entre Lusaka et Arusha, il y a une articulation évidente. C'est aussi pour parler de cela que je voulais voir le président, les vice-présidents et mon collègue ministre des Relations extérieures et de la Coopération.
Les contacts ce matin, ont été, je crois, très très fructueux et j'espère que j'en tirerai des arguments pour convaincre, peut-être, ceux qui en Europe ou ailleurs considèrent qu'il faut aider le Burundi après qu'on aura achevé le processus d'Arusha. La France a fait le choix de l'aider pendant cette période pour lui permettre d'atteindre plus sûrement l'objectif.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 1999)
Point de presse à Bujumbura, 20 octobre 1999
J'espère rencontrer le président Museveni, avant de me rendre à Kinshasa pour rencontrer le président Kabila. C'est dire si ce voyage est fortement orienté vers la région des Grands lacs. Mais, mon passage à Bujumbura avait une signification de plus. C'était d'apporter le témoignage de la volonté de la France d'être en appui du Burundi, du peuple burundais dans les efforts qui sont entrepris pour satisfaire aux objectifs du processus d'Arusha. Vous savez que par rapport à d'autres, la France a fait le choix d'aider pendant le processus plutôt que d'attendre qu'il soit achevé, considérant que c'est, dès maintenant, que le Burundi a besoin qu'on l'aide à traverser une passe nécessairement difficile.
J'ai eu l'occasion, aujourd'hui, de m'entretenir avec plusieurs acteurs de la vie politique burundaise, le président Buyoya bien sûr, le ministre des Relations extérieures et de la Coopération, les deux vice-présidents de la République, mais j'en ai profité aussi pour visiter quelques lieux où la présence française est un peu plus forte. Je pense à l'Ecole française, je pense aussi à l'Institut universitaire francophone (AUF) où j'ai rencontré d'ailleurs les recteurs des Universités y compris le recteur de l'Université catholique de Bukavu, ce qui montre bien que ce centre a une vocation régionale.
Au cours de mes entretiens, une évidence me paraît s'imposer : le processus d'Arusha doit aller à son terme, le plus vite possible, mais il faut bien sûr aussi que les Accords de Lusaka se mettent en oeuvre et aboutissent à la paix. Il est clair qu'il n'y aura pas de paix au Congo si il n'y a pas de paix au Burundi, et réciproquement. C'est à dire qu'il faut bien une articulation entre Lusaka et Arusha. Est-ce que ce sera dans le cadre de cette Conférence "Grands lacs" dont la France a exprimé l'idée il y a plusieurs années, qui semble recueillir assez largement l'assentiment des Africains ? C'est à eux de décider. Une Conférence qui prendrait en compte l'ensemble des problèmes de développement, de démocratie, de sécurité et des frontières qui est un problème tout à fait essentiel, bref c'est de tout cela dont j'ai parlé avec mes interlocuteurs.
Il me reste maintenant, à mon retour à Paris, à rendre compte au président de la République, au Premier ministre, à examiner quelques demandes plus particulières qui m'ont été présentées par les autorités burundaises, à essayer aussi de convaincre mes collègues Européens, de porter peut-être, un regard un peu différent sur la situation du Burundi , les Européens et les autres, parce que, finalement, ce sont tous les pays du Nord qui doivent s'intéresser à cette situation qui interpelle la moitié d'un continent. C'est tout à fait considérable.
Voilà ce que je voulais vous dire. Mon regret, c'est d'être resté trop peu de temps, ce qui va m'obliger à revenir, mais je le ferai avec plaisir parce que ce que j'ai vu du Burundi me plaît beaucoup. C'est peut être un peu superficiel, mais j'ai bien envie d'en savoir d'avantage. J'espère, dans quelques mois, pouvoir revenir et, pourquoi pas, observer les progrès qui auront été accomplis d'ici là.
Q - Julius Nyèrère était médiateur dans le processus d'Arusha. Est-ce que vous avez évoqué le choix d'un nouveau médiateur, sur qui se porterait votre choix ?
R - Ce n'est pas à moi de choisir. C'est clair, il y a besoin d'une médiation. Comment doit-elle s'organiser ? Faut-il reprendre en l'état la médiation qu'avait engagée le président Nyerere ? Faut-il en modifier un peu le cadre, l'objectif ? Faut-il que les acteurs à cette médiation changent ? Est-ce que d'autres acteurs doivent être associés ? Ce sont des questions qui sont ouvertes. Ce qui m'intéresse, c'est que la médiation se remette en marche le plus vite possible, car il ne faut évidemment pas perdre de temps.
Q - La France prend aujourd'hui une position forte. Est-ce qu'elle pourrait envisager d'être médiateur ?
R - Non, je ne pense pas que la France soit candidate à cette médiation pour de nombreuses raisons qui tiennent à l'histoire, y compris l'histoire contemporaine, mais ce qui est sûr, c'est que nous serons en appui de cette médiation s'il y a besoin de soutenir une action particulière, comme nous le faisons d'ailleurs pour les Accords de Lusaka. Je rappelle - j'en ai fait l'annonce hier à Nairobi - que la France est pour l'instant le premier contributeur au fonctionnement du comité mixte militaire qui est un des éléments importants du processus des Accords de Lusaka. Nous serons au rendez-vous quand il s'agira d'appuyer cette médiation, mais je crois que d'autres peuvent mieux que nous la conduire.
Q - Vous dites qu'il y a une articulation entre Lusaka et Arusha, mais vous n'êtes pas allé au Rwanda ?
R - Pas encore, mais j'espère vraiment que les conditions politiques vont continuer de s'améliorer pour me permettre d'aller aussi au Rwanda. Je sais que c'est le voeu de beaucoup de Rwandais, c'est le voeu de pas mal de Français aussi. On finira par aller aussi au Rwanda.
Q - A quand cette conférence régionale sur la paix au Congo Kinshasa et où va-t-elle avoir lieu ?
R - J'ai dit tout à l'heure qu'il appartient aux Africains d'en décider. Je fais simplement observer que lors du Sommet Afrique France, au mois de décembre 1998, cette idée semblait recueillir un assez large consensus de la part des Africains. Quand ? Quand Lusaka aura commencé à être mis en oeuvre, très probablement. Pourquoi pas dans le courant de l'année 2000, je le souhaite. Où ? Là encore c'est aux Africains de le décider. Parmi les lieux possibles, Nairobi a été évoqué par exemple, pourquoi pas ; mais je le répète, ce n'est pas à la France à prendre cette décision, mais la relation forte que nous avons avec cette région, nous fait violemment désirer que la paix s'installe et que l'on puisse ensemble se consacrer au développement.
Q - Monsieur le Ministre, vous venez de dire que beaucoup de Français et beaucoup de Rwandais souhaitent que vous alliez au Rwanda. A quel niveau se situe le blocage ?
R - Non, il n'y a pas de blocage. Il y a des problèmes d'agenda. Vous avez vu, moi, j'avais prévu de passer quelques heures à Kampala et finalement, je dois aller à Dar es-Salam. Je ne pouvais tout faire dans ce laps de temps. Mais je suis convaincu que le moment venu, si nous exprimons l'envie d'aller à Kigali, les autorités rwandaises en seront d'accord.
Q - (inaudible)
R - Chacun à le droit à la sécurité de ses frontières. Le Congo démocratique a besoin de la sécurité de ses frontières, le Burundi aussi ; tous les autres ont besoin de cette sécurité. Il est clair que tant qu'il y aura en mouvement ces masses de réfugiés en situation très difficile, tant qu'il y aura autant d'armes en circulation, autant de soldats perdus de toutes les armées, de toutes les guerres, nous serons dans une situation d'insécurité, et c'est à la source de tous ces maux qu'il faut s'attaquer très probablement.
Q - Vous allez en Tanzanie, la sécurité du Burundi est perturbée à la frontière avec la Tanzanie. Est-ce que vous comptez faire quelque chose pour que, peut-être, cette situation change ?
R - Je ne sais pas si et avec qui j'aurais des contacts en Tanzanie, donc je ne peux pas préjuger. Ce que j'ai compris en tout cas, mais je m'en doutais déjà un peu, c'est que la relation Burundi-Tanzanie est un des points essentiels à la solution des problèmes du Burundi. Je pense qu'en Tanzanie, on peut comprendre cela aussi ; cela me paraît tout à fait essentiel. Tant qu'il y aura cette situation d'insécurité, d'instabilité, évidemment la paix continuera à reculer, et s'il n'y a pas de paix, il n'y a pas de développement.
Q - L'aide française au développement est passée de 200 millions de francs français en 1993 à 20 millions aujourd'hui. Est-ce que vous comptez remonter à 200 millions demain ou à plus de 200 millions ?
R - L'aide française globalement a atteint dans les années 90-94 des niveaux qu'elle n'a pas atteint depuis. Plusieurs raisons à cela. De l'assistance, comme on dit, de substitution ; en clair, nous envoyions des enseignants. Aujourd'hui, on essaye de former les enseignants dans les pays avec lesquels nous faisons de la coopération. Parce que il y a eu aussi, dans ces années là, des compensations - vous vous en souvenez, en tout cas en ce qui concerne l'Afrique de l'Ouest - à la dévaluation du franc CFA, je sais que ça concernait un peu moins votre région, mais là-bas ça comptait. Moi je crois que ce qu'il faut, c'est s'appuyer sur ce qui est positif. La coopération était pratiquement tombée à zéro. En dix huit mois, nous l'avons fait remonter. En dix huit mois, c'est 65 millions de francs qui ont été engagés par la France au Burundi, et si je devais exprimer un regret, c'est que nous soyons un peu seul et qu'il n'y ait pas assez d'autres pays avec nous à soutenir le Burundi. Nous allons bien essayer de convaincre d'autres d'être à nos côtés pour aider le Burundi.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 1999)
Déclaration devant la Communauté française à Bujumbura le 20 octobre
Messieurs les Premiers ministres,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Laissez-moi à mon tour vous remercier d'avoir répondu à l'invitation que Monsieur l'Ambassadeur et Mme Lajaunie vous ont adressée et dire à M. et Mme Lajaunie m'a gratitude pour l'occasion qu'ils m'ont donnée de vous rencontrer ce soir, au terme d'une journée bien remplie, commencée tôt à Nairobi, qui va se terminer un peu plus tard à Dar es-Salam et au cours de laquelle j'aurais pu rencontrer les principaux acteurs de la vie politique de ce pays, découvrir avec émerveillement les paysages de ce magnifique pays, le comprendre mieux, porter en tout cas témoignage de la volonté de la France d'être à ses côtés pour achever cette traversée difficile vers la paix.
A l'énoncé des étapes de ce voyage : Nairobi, Bujumbura, ce devait être Kampala pour y rencontrer le président Museveni, ce sera Dar es-Salam pour les funérailles du président Nyèrère, mais aussi pour rencontrer le président Museveni, puis Kinshasa pour y rencontrer le président Kabila. Vous aurez compris que les Grands lacs constituent un peu la trame de cette tournée africaine que nous avons voulu aussi comme témoignage de l'attention extrême que la France attache à la situation d'une région qui fait la taille d'un demi continent et dont malheureusement, les médias nous renvoient depuis trop longtemps, et de manière presque continue, un cortège d'images de violence, et l'actualité récente qui a vu la mort de plusieurs burundais et de deux fonctionnaires internationaux, vient nous rappeler que cette violence là est encore presque quotidienne.
La France a avec cette région du monde une longue histoire, parfois difficile, et l'histoire contemporaine a entraîné dans la relation de la France avec certains des pays de cette région un certain nombre de crispations dont j'espère que très vite, elles disparaîtront et permettront une reprise normale d'une coopération à laquelle la France était habituée et ces pays aussi.
Depuis dix huit mois, date du voyage du président Buyoya à Paris, qui avait été pour moi l'occasion de le rencontrer, et de promettre à sa demande de visiter ce pays, nous avons réenclencher notre coopération. En dix huit mois, c'est à peu près 65 millions de francs que la France aura engagés dans ce pays. Insuffisant pour répondre aux besoins considérables que ce pays exprime, mais je vous rappelle que cette appui est plutôt solitaire. D'autres pays ont fait le choix d'attendre. D'attendre la fin du processus d'Arusha pour apporter au Burundi l'aide dont il a besoin en urgence. Je ne crois pas qu'il faille attendre que ce pays voie ses difficultés s'aggraver pour lui permettre de survivre.
J'espère, à mon retour, informer au moins, convaincre peut-être, d'autres partenaires possibles, dans d'autres pays en Europe et ailleurs, qu'il est urgent d'aider le Burundi. Le processus d'Arusha est contraignant ; il appelle tous les Burundais à l'effort, le gouvernement bien sûr, tous les acteurs de la vie politique et puis ceux qui ont choisi d'autres voies et qui doivent comprendre que ce processus d'Arusha est la chance qu'il faut saisir pour sortir de ce cycle infernal.
J'ai dit au président Buyoya - comme à tout ceux que j'ai rencontrés aujourd'hui, les deux vice-présidents, les ministres nombreux, ceux que j'ai vus et ceux que je n'ai pas vus et que je remercie de leur présence d'ailleurs particulièrement ici ce soir, savent que je m'adresse collectivement aussi à eux - que l'effort de la France trouvait sa justification, notamment auprès de notre opinion, dans les efforts que fait le Burundi pour se sortir de cette situation, et que c'était pour l'encourager à continuer dans cette voie que nous faisions le choix d'intervenir à ses côtés.
A l'évidence, entre Arusha et Lusaka, il y a une relation forte. Vous le savez mieux que moi, vous qui vivez ici : il n'y aura pas de paix durable au Burundi s'il n'y a pas de paix en République démocratique du Congo. Je ne crois pas non plus qu'on puisse considérer que la paix sera rétablie au Congo tant que l'instabilité ou la violence continueront de régner au Burundi. Je souhaite que très vite, les responsables de ces pays, et ils sont nombreux, tous les acteurs de la vie politique des Grands lacs conviennent qu'il faudra bien trouver un cadre plus large pour prendre à bras le corps l'ensemble des dossiers que soulèvent les questions de sécurité, de démocratie, de développement pour l'ensemble de cette région.
La France a fait, il y a plusieurs années déjà, la proposition d'une Conférence des Grands lacs qui serait l'occasion de parler de tout cela. C'est évidemment aux Africains à décider quand, où, avec quel ordre du jour, une telle conférence pourrait se réunir, mais je reste convaincu qu'il faudra bien qu'elle se tienne pour trouver des solutions durables.
Je vais quitter Bujumbura avec, comment dire, une impression forte de paradoxe, entre un pays si beau, une population si riche, si formée - le peuple burundais recèle j'en suis sûr d'immenses possibilités - et puis cette image de violence que cette région nous renvoie. J'aimerais que les hommes et la nature soient un peu plus en harmonie dans cette région.
Je voudrais saisir l'occasion qui m'est donnée pour rendre hommage à M. Lajaunie pour le travail qu'il a accompli pendant ces cinq années dans ce pays, sa contribution à la recherche de la paix, les relations très étroites qu'il a nouées avec un certain nombre d'entre vous, lui dire que nos voeux l'accompagnent dans les nouvelles missions toutes aussi délicates qui vont lui être confiées dans quelques mois.
Je voudrais dire à la communauté française combien nous lui sommes reconnaissant du travail qu'elle fait ici, chacun à sa place, dans les écoles ou dans les associations ; mention particulière pour les ONG dont je sais le travail très important qui est fait ici, et nous le savons souvent avec des risques. Dire à chacun que finalement, c'est eux qui font la présence de la France dans ce pays.
Je voudrais dire aux autorités burundaises combien j'ai apprécié l'accueil qui m'a été réservé aujourd'hui. Dire mon intention, puisque mon séjour aura été vraiment trop bref, de revenir le plus vite possible, convaincu que nous pourrons alors mesurer les progrès accomplis depuis ce dernier voyage. En tout cas, je vais - je le répète - demain, après-demain, dire la volonté que j'ai ressentie de la part des dirigeants burundais, à commencer par le président Buyoya, de mener à bien cet engagement à réaliser la paix, le dialogue national. Je suis convaincu que le Burundi a, de par sa situation, un rôle important à jouer dans cette partie du monde. La France s'honore d'être son partenaire. Elle espère que ce partenariat nous permettra ensemble de consolider la paix et l'idée qu'on se fait de l'universalité en terme de Droits de l'Homme auxquels nous sommes très attentifs, et les dirigeants burundais savent aussi que la mondialisation, touche tous les domaines de la vie sociale, y compris la société civile, et que nos sociétés civiles sont très attentives aussi à cette question des Droits de l'Homme. Je sais la difficulté qu'ont certains pays des les faire vivre quand l'insécurité menace, mais les dirigeants burundais savent l'amitié que je porte à ce pays et ils comprendront que je souhaite que, de ce point de vue aussi, les choses continuent d'aller mieux.
Voilà ce que je voulais vous dire, Mesdames et Messieurs. Merci de m'avoir écouté. Je vous souhaite à tous plein de bonnes choses.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 1999)